L’invention de la superplasticité remonte aux années 1920-1930 lorsque Bingham, Jenkins puis Pearson réussirent à atteindre des déformations de plusieurs centaines de pourcent (PEARSON 1934). Les alliages concernés étaient des alliages ternaires zinc-aluminium-cuivre, ou binaires plombétain ou bismuth-étain, ce qui explique qu’à l’époque, cette curiosité métallurgique ne se soit traduit par aucune application industrielle. C’est seulement en 1962 qu’Underwood (UNDERW000 1962) fit connaître en Occident les résultats des recherches menées par des équipes russes entre-temps (BOCHVAR et SVIDERSKAYA 1945, VOROBEV 1958, PRESNYAKOV et CHERVYAKUVN 1958).
Avant de présenter les applications industrielles actuelles de la superplasticité, il convient de donner un aperçu de la nature du phénomène. Il concerne certains matériaux métalliques à grains fins (de l’ordre du micromètre), sollicités mécaniquement à une température élevée (supérieure à 0,5 fois la température absolue de fusion), sous des contraintes relativement faibles (environ 10 MPa) et à des vitesses également faibles (typiquement 10-2 mn-1). Cette propriété est associée à des déformations à la rupture élevées, généralement supérieures à 500% en traction uniaxiale.
Quels sont les alliages présentant un comportement superplastique?
Outre les alliages des systèmes plomb-étain, bismuth-étain ou zincaluminium-cuivre, déjà évoqués, il s’agit principalement dans le domaine des alliages structuraux des bases titane et aluminium. La superplasticité des bases titane a permis d’aboutir aux premières applications industrielles. Le plus fréquemment utilisé est sans conteste le TA6V (6%Al – 4%V).
Nous citerons également les alliages Ti – 4 GAl – 4%Mo – 2%Sn 8%Al – 1%Mo – 1%V et Ti – 15%V – 3%Cr – 3%Al – 3%Sn. Quant aux alliages d’aluminium, le « SUPRAL » (Al – 6%Cu – 0,4%Zr) et le 7475 (Al – 5,6%Zn – 2,2%Mg – 1,5%Cu – 0,2%Cr) restent les plus utilisés actuellement malgré d’importants travaux de développement concernant les alliages aluminiumlithium plus légers et à contrainte à rupture plus élevée (GRIMES 1985).
En ce qui concerne l’utilisation du titane et de l’aluminium, il nous faut rappeler que les bases titane présentent, par comparaison avec les alliages d’aluminium, des contraintes à la rupture plus élevées et surtout de meilleurs rapports contrainte à la rupture sur densité permettant, in fine, une réduction du poids des structures. Cependant, du fait du prix de la matière première et d’un coût de transformation élevés (le titane s’usine 1U fois moins vite que l’aluminium), les bases titane sont très peu utilisées en aéronautique civile (de l’ordre de 2% en poids sur un AIRBUS). En aéronautique militaire, le seul gain de poids a longtemps justifié leur présence (environ 30% du poids de la structure des avions du milieu des années 1970). Néanmoins, la très rapide augmentation du prix du titane de 1977 à 1982 avait renversé cette tendance : les bases titane étaient alors réservées à la fabrication des pièces les plus sollicitées thermiquement et mécaniquement, au profit des alliages d’aluminium mais aussi des composites. Aujourd’hui, cette évolution est remise en cause par la relative stabilisation du prix du titane mais aussi et surtout par l’application du formage superplastique aux bases titane et aluminium avec, pour les premières, une combinaison de cette technique avec celle du soudagediffusion qui, nous allons le voir, révolutionne la conception des structures d’avion.
Les différents procédés de formage superplastique
Nous n’évoquerons ici que le formage superplastique de tôles, utilisé dans la construction d’éléments de structures aéronautiques. Il nous faut cependant mentionner que la superplasticité est également mise à profit pour la fabrication de pièces massives, telles les aubes de turbine en superalliages par exemple. Ainsi, dans le cas de bases nickel, on utilise la technique du « forgeage isotherme » : ce forgeage à vitesse faible et à température contrôlée (typiquement 1100 ± 50° C) permet une réduction des gammes par une meilleure approche des cotes finales.
Dans le cas des tôles, le procédé de base (figure 1) consiste en l’application d’une pression sur une tôle d’un matériau superplastique fixée sur les bords d’un moule femelle qui impose la forme. Afin d’éviter la corrosion du titane par l’oxygène, le gaz moteur utilisé est l’argon. Un couvercle vient fermer l’appareillage en assurant son étanchéité, et le tout est maintenu à la température de formage dans une presse à plateaux chauffants. Du fait du frottement contre l’outil, la déformation la plus importante est concentrée dans les régions libres de la tôle et il en résulte un amincissement maximum dans les coins de la pièce formée.
Afin de pallier cet inconvénient, d’autres procédés ont été développés, tels le « gonflage arrière » (figure 2A) qui consiste à gonfler le matériau avant application sur le moule femelle, ou bien encore l’utilisation simultanée d’un outil mobile (figure 2B) qui permet, par un choix judicieux (mais complexe) de la pression et de la vitesse de l’outil, d’obtenir une bonne répartition des épaisseurs. Une autre solution consiste à partir d’une tôle d’épaisseur non-uniforme, des paliers d’épaisseur constante (plus élevée dans les zones critiques) étant obtenus par usinage chimique.
La technique du soudage-diffusion
Les alliages de titane ont la propriété remarquable de se souder à haute température et sous une pression de contact assez faible. La soudure résulte du phénomène de diffusion à l’état solide, obtenu sans phase liquide intermédiaire, et réclame simplement un bon état de surface. Le temps de maintien et la pression sont variables, le premier étant inversement proportionnel à la seconde (en pratique de l’ordre de 1 h à 2 MPa). La résistance au cisaillement de tels joints est très proche de celle du matériau initial et très supérieure à celle obtenue par rivetage ou collage. Un pourra consulter à ce sujet et pour de plus amples renseignements la synthèse récente de Stephen (STEPHEN, 1986). Le soudage-diffusion des alliages d’aluminium est plus problématique. Dans ce cas, l’oxyde A1203 n’est pas soluble dans A1 et constitue en surface une barrière anti-diffusion qui rend le soudage impossible. La solution consiste à revêtir préalablement les tôles d’une couche mince d’un élément soluble dans A1 (Cu, Ag,…). Cette couche empêche la formation d’oxyde et est absorbée par la tôle au cours du soudage. Malgré de nombreux développements en cours (HARVEY 1984), cette technique reste expérimentale et le soudagediffusion n’est utilisé industriellement que pour les alliages de titane.
Le procédé « SPF/DB » (de l’anglais Super-Plastic Forming/Diffusion Bonding)
L’illustration en est donnée par la figure 3. Partant d’un sandwich de deux, trois ou quatre tôles, ce procédé permet de former des structures creuses, alvéolaires de forme complexe. En général, le soudage-diffusion est effectué avant gonflage sur la périphérie de la pièce ainsi qu’en des zones situées à l’emplacement des cloisons internes de la pièce finale. Plus précisément, on empêche le soudage-diffusion de s’effectuer entre les tôles par application préalable d’un produit formant une barrière de diffusion (ce produit appelé stop-off est le plus souvent du nitrure de bore BN). Les tôles sont alors mises sous pression pour former la pièce finale. Pour les structures à quatre tôles, les phases successives sont :
– le gonflage des deux tôles externes et, simultanément, la réalisa tion du soudage diffusion à la périphérie et entre les deux tôles internes.
– le gonflage des deux tôles internes : le compartimentage est alors obtenu par soudage-diffusion des tôles internes au cours et à la fin du formage. Pour ce faire, la pièce est maintenue sous pression et sous atmosphère contrôlée après la fin du formage de façon à assurer un soudage correct.
En résumé, une opération de SPF/DB se déroule schématiquement selon les étapes suivantes :
1. découpe des tôles
2. usinage chimique éventuel
3. nettoyage
4. application par sérigraphie du stop-off
5. préparation du sandwich de tôles (insertion entre les tôles de tubes servant à insuffler le gaz moteur)
6. Mise en place dans la presse et chauffage
7. formage (soudage-diffusion, formage proprement dit, soudage diffusion)
8. Retrait du moule, refroidissement et nettoyage : attaque acide pour enlever la surface contaminée par le lubrifiant (nitrure de bore, oxyde d’yttrium ou graphite)
9. usinage éventuel, ébavurage
10. traitement thermique éventuel .
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I : Le Comportement des Matériaux Superplastiques
I.A Phénoménologie : l’essai de traction uniaxiale d’un matériau superplastique
I.B Interprétation de la stabilité plastique – Loi de comportement
I.B.1 La sensibilité à la vitesse de déformation des matériaux superplastiques. Le coefficient m
I.B.2 Loi de comportement des matériaux superplastiques
I.B.3 Identification expérimentale
I.C Les mécanismes microstructuraux à l’origine de la superplasticité
I.C.1 Modèle d’accomodation par diffusion
I.C.2 Modèle d’accomodation par déformation plastique des grains voisins
I.D Les conditions nécessaires à la superplasticité. Influence des paramètres essentiels
I.D.1 Structure des alliages superplastiques
I.D.2 Température et vitesse de déformation
I.D.3 Stabilité de la structure
I.E Conclusion sur les caractéristiques générales de la superplasticité
CHAPITRE II : Modélisation d’une Tôle Mince Viscoplastique
II.A Bibliographie
II.A.1 Les différentes approches mécaniques
II.A.2 Les modèles de comportement
II.B Le modèle proposé : une mécanique de membrane
II.B.1 Coordonnées curvilignes
II.B.2 Déformations
II.B.3 Contraintes
II.B.4 Application à un modèle de membrane
II.B.5 Equilibre mécanique d’une membrane
II.C Comportement
II.C.1 Elasto-viscoplasticité
II.C.2 Viscoplasticité pure
II.D Frottement
CHAPITRE III : Résolution du Problème Numérique
III.A Discrétisation temporelle
III.A.1 Formulation incrémentale semi-implicite avec résolution en déplacements
III.A.2 Méthode incrémentale semi-implicite avec résolution en vitesses
III.A.3 Calcul de la variation d’épaisseur
III.B Discrétisation spatiale. Méthode des éléments finis
III.B.1 Equation d’équilibre discrétisée
III.B.2 Algorithme de résolution
III.C Tests numériques
III.C.1 Influence de l’élasticité
III.C.2 Comparaison entre formulation en déplacements et formulation en vitesses
III.C.3 Comparaison avec le programme de calcul de l’Université de Swansea
III.D La gestion du contact avec la matrice
III.D.1 L’analyse de la position des noeuds par rapport à l’outil
III.D.2 La condition de contact
III.D.3 Le calcul des cissions de frottement
III.D.4 Vers un algorithme de contact plus satisfaisant
CHAPITRE IV : Simulation du Formage Superplastique
IV.A Le matériau de simulation
IV.B Dispositif expérimental
IV.C Préparation du flan initial
IV.D Formage expérimental
IV.E Simulation numérique et comparaison des résultats
CHAPITRE V : Application au Formage Superplastique de Tôles
V.A Les modèles actuel
V.B Le code de calcul SUPFORM3
V.B.1 La détermination du cyle de pression
V.C Etude d’un cas de déformation plane
V.D Etude de cas axisymétriques
V.D.1 Gonflage de diaphragme circulaire. Comparaison avec le modèle de Cornfield et Johnson
V.D.2 Gonflage de diaphragme circulaire. Comparaison avec l’expérience
V.D.3 Application au formage d’hémisphères en TA6V
V.E Etude d’un cas tridimensionnel
V.F Application au procédé SPF/DB
V.F.1 La nécessaire restriction à un problème bidimensionnel
V.F.2 Le modèle bidimensionnel SUPFORM2
V.F.3 Optimisation de l’épaisseur d’un composant
V.F.4 Application à la technique SPF/DB (déformation plane)
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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