Modélisation numérique du comportement hydromécanique des milieux poreux fracturés

Contrainte effective et équations constitutives de la poroélasticité

    Dans un milieu poreux avec la présence d’un fluide, la coexistence des phases fluide et solide rend complexe le comportement du matériau en raison des différences entre ces deux phases : (i) différence de la compressibilité, (ii) absence de rigidité en cisaillement de la phase fluide et son écoulement dans les pores, (iii) la résistance en cisaillement est contribué seulement par le squelette solide, (iv) la rigidité et la résistance du squelette dépendent cependant des forces appliquées (Santamarina et al., 2001). D’ailleurs, la présence d’un fluide peut affecter et/ou modifier le comportement du milieu à travers des interactions physiques et chimiques (en fonction de ses impuretés et composantes). La modification du comportement d’un milieu poreux vis-à-vis de la présence du fluide a été constatée et étudié par plusieurs auteurs depuis plus d’un siècle, celle qui fait apparaître le concept de la contrainte effective. La notion de contrainte effective est couramment utilisée en mécanique des sols et des roches sous la forme de la contrainte effective de Terzaghi (dans le cas de constituants solides incompressibles) ou de Biot (dans le cas de constituants solides compressibles). Cette contrainte effective contrôle les variations de volume total d’un matériau poreux. Pour autres propriétés physiques des matériaux poreux, cette notion de contrainte effective peut être généralisée.

Modèles d’échange de la masse de fluide entre la fracture et la matrice

     Dans le cadre des milieux poreux saturés perméables, la différence entre la pression de fluide dans la fracture (pression d’injection) et la pression interstitielle (pression dans les pores) de la formation géologique peut générer un écoulement. Cet écoulement se compose de deux processus consécutifs (Chang, 2004) : (i) la diffusion du fluide dans la fracture, et (ii) la pénétration de fluide dans le milieu entouré. D’après Adachi et al. (2007), dans les réservoirs très perméables, 90% du fluide injecté peut être infiltré dans la formation géologique pendant le processus d’injection. Le mécanisme de diffusion du fluide joue un rôle important car il est à l’origine de la chute de la pression du fluide le long de la fracture lorsque la fracture se propage. De plus, cette pénétration du fluide provoque l’expansion volumique du milieu entouré, celle qui tend à fermer la fracture (Kovalyshen, 2010). Le phénomène de diffusion du fluide vers la formation géologique est intéressant pour l’exploitation du pétrole par la méthode de réinjection d’eau de production (PWRI : Produced Water Re-Injection), tandis qu’il ne l’est pas pour la fracturation hydraulique. D’où l’effet de diffusion du fluide doit être soigneusement considéré dans la modélisation de la fracturation hydraulique. D’après Haimson et Fairhurst (1969), les premiers travaux sur la fracturation hydraulique n’ont pas pris en considération le mécanisme d’infiltration du fluide injecté vers la formation. Geertsma (1966) a montré que cette pénétration influence significativement la pression nécessaire pour fracturer la roche. Haimson et Fairhurst (1969) ont réalisé des essais sur des pâtes de ciment en injectant une pression de fluide dans les échantillons au niveau de leurs fractures. Les résultats ont confirmé l’influence non négligeable de la diffusion de fluide vers le milieu poreux. Pourtant, dans leurs travaux, aucune formulation explicite n’a été établie pour décrire le mécanisme de diffusion de fluide. Ci-dessous sont présentés quelques modèles d’échange de la masse de fluide entre la fracture et la matrice.

Méthodes numériques pour la fracturation hydraulique

     En général, l’approche analytique pour le problème d’une fracture hydraulique est complexe à cause du couplage ainsi que de la non-linéarité de plusieurs mécanismes physiques. Plusieurs études numériques ont été donc réalisées pour surmonter ces difficultés. La méthode la plus utilisée consiste en la méthode des éléments finis (méthode MEF) pour modéliser divers problèmes. Hagoort et al. (1980) ont travaillé sur la diffusion 3D en établissant l’équation de diffusion gouvernant l’évolution temporelle de la pression interstitielle. Gordeyev et Entov (1997) ont étudié les fractures de forme de disque et en déformations planes. Quelques auteurs ont cependant simulé la fracturation hydraulique dans les matériaux non-poreux tels qu’Adachi et al. (2007), parmi d’autres. En combinant la méthode MEF et la méthode des différences finies (méthode MDF), Mathias et Reeuwijk (2009) ont utilisé le schéma de résolution de type Euler implicite pour étudier le problème de diffusion 3D de fluide depuis la fracture vers la matrice en supposant une propagation très lente des fractures de manière que la pression de pores aux alentours des fractures est toujours en équilibre. Segura et Carol (2008), Sarris et Papanastasiou (2012a,b) et Carrier et Granet (2012) ont employé la méthode MEF avec des éléments cohésifs sans épaisseur pour la modélisation de la propagation des fractures dans un milieu poroélastique. Divers types d’éléments cohésifs ont été développés : éléments à 2 nœuds (Segura et Carol, 2008), à 3 nœuds (Guiducci et al., 2002), à 6 nœuds (Sarris et Papanastasiou, 2012a,b), à 8 nœuds (Carrier et Granet, 2012). Ces auteurs ont négligé les effets mécaniques liés au fait que les fractures sont souvent remplies d’autres matériaux et peuvent avoir une certaine rigidité. Adachi et al. (2001) combinent la méthode des discontinuités du déplacement (méthode DD) pour résoudre les équations élastiques et la méthode des différences finies explicite afin de résoudre les équations de l’écoulement en supposant que le fluide totalement remplit la fracture. En plus, aucun échange de fluide entre la fracture et la formation n’est prise en considération. En utilisant la même approche, Lecampion et Detournay (2007) ont étendu les travaux d’Adachi et al. (2001) pour le problème de propagation d’une fracture hydraulique en supposant l’existence d’une petite zone non remplie de fluide entre le fluide injecté et la pointe de la fracture. La combinaison de la méthode des éléments frontières et la méthode des différences finies peut être employée pour étudier le problème couplé de l’écoulement dans un milieu fracturé. La méthode des éléments frontières est utilisée pour résoudre le système d’équations dans le cadre de la mécanique linéaire de la rupture, tandis que la méthode des différences finies est employée pour résoudre les équations de l’écoulement (Philip et al., 2005). Boutt et al. (2009) ont étudié l’influence de la perméabilité du milieu et l’emmagasinement d’une fracture en couplant le modèle Lattice-Boltzemann pour l’écoulement du fluide et le modèle des éléments discrets pour le comportement mécanique du milieu. La méthode des éléments finis étendus a été récemment utilisée pour le problème de la fracturation hydraulique. Réthoré et al. (2008) ont utilisé cette méthode pour modéliser l’écoulement de fluide dans un milieu poreux fracturé et puis dans un milieu poreux nonsaturé contenant des fractures cohésives. Weber et al. (2013) ont simulé la propagation des fractures hydrauliques dans un milieu élastique en configuration de déformations planes en négligeant l’échange de fluide entre la fracture et la formation (milieu imperméable).

Conclusions générales

     Cette thèse, inscrite dans le cadre du projet ANR-SEED FISIC, a eu pour objectif d’étudier le comportement hydromécanique des zones de faille et de la sismicité induite lors de l’injection de CO2. Pour ce faire, trois volets principaux de recherches ont été réalisés. Le premier concerne la modélisation de l’écoulement hydraulique transitoire dans une matrice fracturée suite à une injection de fluide ainsi que ses effets mécaniques. Le deuxième volet a été consacré à développer un Modèle de Zone/Fracture Cohésive (MFC) afin d’étudier les phénomènes de propagations de fractures et leurs instabilités sous chargements en mode I et mode II. Le troisième volet a été dédié à analyser le risque de propagation de la faille et de la sismicité induite lors du stockage géologique de CO2 dans le Bassin de Paris. En ce qui concerne le premier volet, après des études de validation des modèles, le couplage hydromécanique entre l’écoulement et la déformation dans un milieu poreux fracturé a été étudié dans le cadre de la poroélasticité linéaire. L’écoulement de Darcy dans la matrice poreuse et celui de Poiseuille dans la fracture ont été supposés. Les résultats numériques obtenus permettent de tirer les conclusions suivantes :
– Lors de l’injection d’une pression constante et en l’absence de propagation de fracture, le facteur d’intensité de contraintes (FIC) à l’extrémité de la fracture augmente de manière monotone et atteint sa valeur maximale à l’état limite d’écoulement stationnaire. En plus, à cause de l’effet poromécanique, le FIC dans un milieu poreux est toujours inférieur au facteur qui résulte des mêmes conditions d’injection dans un solide non poreux. Pour le cas d’injection à débit constant, une tendance nonmonotone est obtenue qui est probablement due à deux phénomènes concurrents avec différentes cinématiques et effets opposés: (i) la diffusion relativement rapide du fluide dans la fracture qui tend à ouvrir la fracture et donc augmenter le FIC, et (ii) la diffusion lente du fluide dans la matrice poreuse environnante qui provoque un gonflement de la matrice et ainsi diminue le FIC.
– Des solutions semi-analytiques du FIC pour le cas d’une fracture dans un milieu poreux soumis à l’injection de fluide ont été obtenues sur la base d’études théoriques et numériques. A l’état d’écoulement stationnaire, le problème hydraulique devient indépendant du problème mécanique si on suppose une ouverture constante de la fracture. En plus, les champs de contrainte et de déplacement peuvent être décomposées en deux parties afin de calculer le FIC : (i) une partie due à l’application d’une pression sur les lèvres de la fracture dans un solide élastique sans effet de porosité de la matrice, (ii) une partie due à l’application d’une pression interstitielle dans la matrice poreuse en l’absence de toute force extérieure. Les expressions générales établies pour le FIC sont des expressions exactes obtenues sur la base d’une étude analytique à l’exception de deux fonctions adimensionnelles qui sont des solutions approchées obtenues par ajustement de résultats numériques. Ces expressions sont assez précises et utiles pour discuter des conditions de propagation de fracture dans différentes situations.
– Deux exemples d’application utilisant les solutions semi analytiques sont présentés. Un exemple de fracturation hydraulique autour d’un puits sous un débit d’injection constant montre que la propagation de fracture est stable et une longueur maximale de la fracture est obtenue. En revanche, pour le cas de l’injection de fluide à pression constante dans des formations réservoirs, la propagation de fracture n’est pas stable. En plus, si les couches de couverture sont percées par une fracture, la propagation continuera jusqu’à ce que cette fracture atteigne les couches avec des propriétés mécaniques (ténacités) différentes ou un état de contraintes différent. Pour le deuxième volet, le cadre théorique d’un Modèle de Zone/Fracture Cohésive (MFC) basé sur un critère de rupture de Mohr–Coulomb modifié, couvrant l’évolution des résistances normales et en cisaillement ainsi que des paramètres de rigidité élastiques avec endommagement a été développé. Les résultats des simulations numériques utilisant ce modèle ont permis de montrer les points suivants :
– Le MFC permet de simuler certains phénomènes spécifiques tels que les instabilités de propagation en mode I (traction) et mode II (cisaillement), qui sont semblables au phénomène de « snap-back » pour le mode I et le « stick-slip » pour le mode II, ainsi que le branchement de fracture en mode II. Les instabilités se produisent dans la phase de radoucissement dépendant du rapport entre la rigidité de la fracture cohésive et le module d’élasticité de la roche environnante. Ces résultats pourront contribuer à une meilleure compréhension du phénomène de micro-sismicité en raison de la propagation instable des fractures en mode cisaillement car la sismicité est en général considérée comme résultant des effets de cisaillement.
– Une relation d’équivalence est établie entre les paramètres du MFC et ceux du modèle de la Mécanique Linéaire de la Rupture (MLR) en termes de longueur de propagation de fracture sous des charges similaires. Cette relation permet l’extension de l’équivalence théorique entre MLR et MFC établie pour les matériaux fragiles et sur la base de critères énergétiques, à des matériaux quasi-fragiles et ductiles. Cette relation permet d’utiliser les ténacités des roches disponibles dans la littérature pour déterminer les paramètres de MFC pour des simulations numériques.
– Lors de l’injection de fluide dans un milieu fracturé, une instabilité de propagation peut être générée. En l’absence d’autres charges mécaniques induisant un cisaillement, l’injection de fluide induit une sollicitation et un endommagement principalement en mode I. Pour une fracture initialement sollicitée en chargement combiné de compression-cisaillement, l’injection de fluide peut induire un glissement et endommagement en mode II. Des phénomènes d’instabilité de propagation peuvent expliquer la sismicité induite rencontrée dans des projets de fracturation hydraulique ainsi que dans les projets de stockage géologique de CO2. Concernant le troisième volet, les résultats de simulations numériques montrent que la zone de faille joue à la fois deux rôles différents. Grâce à sa perméabilité très faible, le noyau de faille empêche l’écoulement du CO2 venant du point d’injection vers l’autre côté du réservoir. En revanche, comme la zone de faille possède une forte densité de fractures, le CO2 peut pénétrer à travers cette zone vers les couches géologiques supérieures et causer la pollution des nappes phréatiques. L’injection de fluide dans le réservoir induit un endommagement dans le noyau de la faille. L’endommagement évolue très sensiblement aux alentours d’une gamme de pression. Les sauts brusques de la longueur endommagée observés montrent le risque de sismicité induite liée à la rupture par glissement dans la zone de faille. La courbe de l’évolution de la longueur endommagée du noyau de faille donne des indications permettant de déterminer une pression d’injection critique à ne pas dépasser sous peine de risque de provoquer des glissements de faille et des phénomènes sismiques.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
CHAPITRE 1. COMPORTEMENT DES FRACTURES (DISCONTINUITES) 
1.1 Modèles de comportement mécanique des discontinuités
1.1.1 Modèles de comportement sous chargement normal
1.1.2 Modèles de comportement sous chargement de cisaillement
1.2 Ecoulement de fluide dans les milieux poreux fracturés
1.2.1 Equations générales
1.2.2 Solutions théoriques
1.3 Couplages hydromécaniques
1.3.1 Contrainte effective et équations constitutives de la poroélasticité
1.3.2 Modèles d’échange de la masse de fluide entre la fracture et la matrice
1.4 Fracturation hydraulique et problèmes liées
1.4.1 Méthodes numériques pour la fracturation hydraulique
1.4.2 Paramètres influençant la fracturation hydraulique
1.5 Conclusions
CHAPITRE 2. MODELES DE PROPAGATION DES FRACTURES
2.1 Introduction
2.2 Mécanique de la rupture
2.2.1 Généralités
2.2.2 Champs de contraintes et déplacements autour d’une fracture
2.2.3 Taux de restitution d’énergie & méthodes de détermination
2.2.4 Facteurs d’intensité de contraintes et méthodes de détermination
2.2.5 Intégrale de Rice (J-integral) & méthodes de détermination
2.2.6 Critères de propagation des fractures
2.2.7 Analyse élastoplastique – Modèle de Dugdale-Barenblatt
2.3 Modèle de Fracture Cohésive (MFC)
2.3.1 Généralités
2.3.2 Modèle de Fracture Cohésive pour la fracturation hydraulique
2.4 Conclusions
CHAPITRE 3. COMPORTEMENT POROMECANIQUE D’UN MILIEU POREUX FRACTURE 
3.1 Introduction
3.2 Comportement mécanique
3.2.1 Modèles aux éléments finis
3.2.2 Charges appliquées et conditions aux limites
3.2.3 Résultats numériques
3.3 Modélisation du comportement hydromécanique d’un milieu poreux fracturé
3.3.1 Modèle constitutif poromécanique
3.3.2 Equations constitutives hydrauliques du problème
3.3.3 Problème d’injection de fluide dans une fracture
3.3.4 Simulations numériques
3.3.5 Solutions semi-analytiques pour le calcul des facteurs d’intensité de contraintes en régime stationnaire
3.4 Conclusion
CHAPITRE 4. MODELE DE FRACTURE COHESIVE ET PROPAGATION HYDRO-MECANIQUE DES FRACTURES 
4.1 Introduction
4.2 Description du modèle
4.2.1 Définition de la variable d’endommagement
4.2.2 Modèle de fracture cohésive avec élasticité non linéaire
4.2.3 Critère d’endommagement
4.2.4 Evolution de la variable d’endommagement
4.2.5 Comportement en présence d’une pression interstitielle
4.3 Simulations numériques avec chargements mécaniques purs
4.3.1 Propagation et instabilité en mode I (mode de traction)
4.3.2 Propagation et instabilité en mode II (mode de cisaillement)
4.3.3 Problème de branchement de fracture
4.3.4 Equivalence de propagation entre la MLR et le MFC en mode I
4.4 Simulations numériques avec chargements hydromécaniques
4.4.1 Injection dans une fracture sous contrainte normale
4.4.2 Injection dans des fractures inclinées sous contraintes de cisaillement
4.5 Conclusion
CHAPITRE 5. APPLICATION AU CONTEXTE DE STOCKAGE GEOLOGIQUE DE CO2 
5.1 Introduction
5.2 Modèle géologique du bassin de Paris et scénario d’injection
5.2.1 Description géologique du bassin et de la faille
5.2.2 Modèle aux éléments finis et conditions aux limites
5.2.3 Définition d’un scénario d’injection
5.3 Comportement de la zone de faille
5.3.1 Etat initial avant injection
5.3.2 Au cours de la procédure d’injection
5.4 Conclusions
CONSLUSIONS GENERALES ET PERSPECTIVES
ANNEXES
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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