Modélisation numérique de la mise en forme et de la tenue mécanique des assemblages par déformation plastique

Dans le domaine du transport (automobile, aéronautique, ferroviaire, …), l’une des priorités lors de la phase de conception d’un nouveau véhicule est la minimisation de sa masse, que cela soit pour une diminution du coût de fabrication ou une augmentation de l’efficacité (baisse de la consommation de carburant, réduction du rejet des gaz polluants). Pour atteindre ces objectifs, il est de plus en plus courant de combiner l’utilisation de nouvelles nuances d’aciers à haute limite élastique (HLE), d’alliages d’aluminium, de composites ou de matières plastiques. Ces nouveaux matériaux ont amené l’industrie à repenser ses techniques d’assemblage. En effet, les avancées technologiques notamment dans le domaine des matériaux métalliques rendent souvent impossible l’utilisation de procédés à chaud, comme la soudure par points, soit parce que :
➤ les métaux à assembler ont des températures de fusion très éloignées,
➤ la conductibilité électrique rend le procédé impossible,
➤ les revêtements de surfaces seraient détruits portant ainsi préjudice à l’aspect visuel et à la durée de vie du produit.

L’industriel doit alors déterminer une méthode d’assemblage spécifique pour chaque configuration. Ce choix se fait parmi un nombre conséquent de procédés et va alors faire l’objet d’une réflexion basée sur un ensemble de contraintes (Fig. 1). En effet, un grand nombre d’aspects doivent être pris en compte comme le coût (Varis, 2006), l’utilisation de consommables, l’usure des outils, la résistance à la rupture en statique et en dynamique du point d’assemblage, la durée du procédé d’assemblage (Barnes, et al., 2000), la facilité de mise en œuvre, la résistance à la corrosion, l’apparence du point d’assemblage, la possibilité de maintenance, … Pour lier des produits minces de natures différentes, les assemblages par déformation plastique représentent une excellente solution. Dans le secteur automobile, cette famille d’assemblage est de plus en plus utilisée, car elle permet notamment de lier des tôles en alliage d’aluminium et en acier.

Les assemblages par déformation plastique

Définition
Les assemblages par déformation plastique sont des méthodes d’assemblage de produits minces réalisés à froid et agissant par interpénétration des matières entre elles, à l’aide d’un poinçon et d’une matrice, ou par déformation d’un composant. L’assemblage peut être réalisé sans apport de matière comme lors du clinchage, ou alors avec l’adjonction d’un rivet comme lors du rivetage autopoinçonneur ou lors du rivetage clinché.

Les différentes technologies

Les assemblages par déformation plastique regroupent un grand nombre de technologies. La plus populaire étant le rivetage mais nous retrouvons aussi :
➤ Le clinchage : il s’agit d’une technique d’assemblage sans apport de matière. La tenue mécanique est réalisée uniquement par déformation des tôles (Fig. 1.1a). La forme du poinçon ainsi que la mobilité de la matrice dépend de la technologie de clinchage retenue (Hamel, 1998).
➤ Le rivetage auto-poinçonneur : dans cette technologie, c’est l’insertion d’un rivet cylindrique semi-creux dans les tôles à assembler qui permet de créer le point d’assemblage (Fig. 1.1b).
➤ Le rivetage à rivet plein : cette technique d’assemblage se déroule en deux étapes. La première consiste à faire déboucher un rivet au travers des tôles à assembler. La seconde passe permet de réaliser la tenue mécanique en venant presser les tôles autour du rivet (Fig. 1.1c).
➤ Le rivet clinché : comme son nom l’indique, cette récente technologie d’assemblage est simplement un clinchage dans lequel un rivet cylindrique est utilisé afin d’augmenter la tenue mécanique de l’assemblage.

Dans ce manuscrit, nous allons nous intéresser au rivetage auto-poinçonneur. En effet, parmi les différentes technologies présentées, le rivetage auto-poinçonneur est une de celles, avec le clinchage, qui est de plus en plus utilisée dans l’industrie du transport ces dernières années. De plus, la modélisation du rivetage auto-poinçonneur demande de prendre en compte un nombre important de phénomènes physiques comme la modélisation de la rupture des tôles qui n’apparaît pas, par exemple, dans le procédé de clinchage. A terme, la capacité à modéliser le rivetage autopoinçonneur doit nous permettre de pouvoir modéliser l’ensemble des technologies d’assemblages par déformation plastique.

Etude du rivetage auto-poinçonneur

Principe de la pose du rivet auto-poinçonneur

Le procédé d’assemblage par rivetage auto-poinçonneur consiste à faire pénétrer un rivet semi-creux par poinçonnage dans la ou les premières épaisseurs de matière, puis à le faire s’évaser dans la dernière épaisseur sans la perforer grâce à la reprise de l’effort par la matrice appelée bouterolle (Fig. 1.2). L’opération est effectuée de façon ininterrompue. Dans cette étude, nous avons travaillé sur la technologie RIVSET® de la société Böllhoff.

La pose d’un rivet auto-poinçonneur est effectuée en quatre étapes (Fig. 1.3) :
• Les pièces à assembler sont mises en contact avec la matrice.
• Les tôles sont maintenues en pression par le serre-flanc.
• La descente du poinçon assemble les pièces à l’endroit choisi. Pendant le poinçonnage, le rivet pénètre dans la ou les pièces supérieures, et forme un bourrelet en s’évasant dans la pièce située du côté matrice. La forme du bourrelet est déterminée entre autres par la forme de la matrice.
• Une fois l’effort (ou selon le cas la course) prédéterminé atteint, le poinçon remonte. A la fin du procédé, un assemblage étanche et très résistant est alors obtenu.

Le point de rivetage se présente alors sous la forme d’un plat du côté de la tête de rivet et d’une protubérance du côté de la bouterolle (Fig. 1.4). Un contrôle visuel de l’état de l’assemblage permet dans un premier temps de caractériser la conformité du point (TWI knowledge summary, 2000), notamment la présence de crique au niveau de la protubérance, un affleurement de la tête de rivet trop important ou un point dissymétrique, signe d’un problème dans l’assemblage.

La presse à riveter
Dans notre étude, nous avons utilisé une presse à riveter instrumentée de l’entreprise Böllhoff (Fig. 1.5). La machine de pose est du type ADF, i.e. elle est équipée d’un module de puissance électrique. Cette technologie est dédiée à la production de grande série et présente l’avantage de pouvoir définir des paramètres de pose différents pour chaque point d’assemblage. Le système d’alimentation des rivets est un système en vrac. Les rivets sont disposés dans deux bols, ce qui permet d’avoir deux tailles différentes de rivets sur la même presse, et sont envoyés à la tête de pose par air comprimé. Le module de puissance est équipé d’un capteur de déplacement et de mesure d’effort qui permet d’obtenir la courbe « force de pose – déplacement du poinçon » tout au long du processus de pose du rivet. La charge maximale supportée par le col de cygne, dans notre cas, est de 70 kN. L’effort du serre-flan est fourni par un système hydraulique dont la valeur est ajustable. Dans notre cas, l’effort imposé est de 594 N.

Le moniteur de contrôle affiche l’évolution de l’effort de mise en forme en fonction du déplacement du poinçon (Fig. 1.6). Des essais préalables permettent de définir une bande de tolérance sur l’effort mesuré. Si la courbe obtenue lors de la pose du rivet n’est pas contenue dans cette bande, alors l’assemblage a de grandes chances de ne pas être conforme. Sur cette courbe, nous retrouvons les quatre étapes qui constituent la pose d’un rivet. La première montée en charge qui correspond au poinçonnement de la première tôle. Puis le plateau qui correspond à la rupture de la tôle supérieure et au début du poinçonnement de la tôle inférieure. La montée en effort correspond à la phase d’évasement du rivet où la matière de la tôle inférieure est comprimée dans la bouterolle. Enfin pour finir, la remontée du poinçon qui se caractérise par un déchargement élastique du col de cygne.

Préconisations 

Dans le cas d’épaisseurs ou de matériaux différents pour les tôles, le sens de rivetage a une influence sur la tenue mécanique de l’assemblage. Par conséquent pour obtenir les meilleures tenues, il est conseillé de respecter les règles suivantes :
• Dans le cas où les matières sont différentes, il faut privilégier un rivetage avec la bouterolle du côté de la tôle la plus résistante.
• Dans le cas où la matière des tôles est identique mais que leurs épaisseurs sont différentes, il est préconisé de mettre la bouterolle du côté de la tôle la plus épaisse.

Pour une épaisseur totale de tôles à assembler comprise entre 1,8 et 2,4 mm, le diamètre du rivet est de 3 mm. Pour des épaisseurs plus importantes, le diamètre retenu est de 5 mm.

Qualité et géométrie du point d’assemblage

La qualité d’un assemblage réalisé par rivetage auto-poinçonneur est évaluée dans un premier temps par un contrôle visuel du point d’assemblage :
• Au niveau de la tôle supérieure, un assemblage de bonne qualité sera caractérisé par le fait que la tête du rivet est en contact avec la tôle supérieure (absence de jeu). De plus, il n’y aura pas de fissuration de la tête du rivet ou de la matière qui l’entoure.
• Au niveau de la tôle inférieure, la protubérance doit présenter un aspect axisymétrique. Le rivet ne doit pas avoir transpercé la tôle afin d’assurer l’étanchéité de l’assemblage. Pour finir, la présence de fissures au niveau de la protubérance signifie que l’assemblage n’est pas conforme.

Une méthode plus précise pour évaluer la qualité de l’assemblage consiste à effectuer une coupe axiale du rivetage, de venir mesurer un certain nombre de côtes (Fig. 1.7), et de vérifier la présence de jeu ou de fissures.

Trois cotes ont une importance primordiale quant à la validation de l’assemblage :
• La cote C : appelée enclenchement, sa valeur est en relation directe avec la tenue mécanique de l’assemblage. En effet, une valeur faible d’enclenchement, C < 0,1 mm, engendre une mauvaise tenue mécanique surtout en traction (sollicitation dans le sens de la longueur du rivet).
• La cote r : si elle est nulle ou trop faible, le risque de perte d’étanchéité de l’assemblage est non négligeable.
• L’affleurement a : c’est la distance entre la tête du rivet et la tôle supérieure. L’affleurement doit être le plus proche possible de 0 mm et doit être compris entre ±0,15 mm.

S’il apparaît que le point d’assemblage ne respecte pas les règles précédentes, un des paramètres de l’assemblage doit être modifié comme l’inversion des tôles à riveter, la longueur du rivet, le diamètre ou la forme de la bouterolle.

Avantages et inconvénients

Le principal avantage du rivetage auto-poinçonneur, comme des autres assemblages par déformation plastique, est de permettre la liaison mécanique entre des matériaux de natures différentes avec ou sans revêtement, des états de surface différents ainsi que des épaisseurs variées. Cette technologie s’applique essentiellement pour des matériaux qui ont une bonne propension à se déformer plastiquement (bien qu’il existe des applications avec du bois par exemple). La tenue mécanique est excellente et supérieure à celle d’un point de soudure, que cela soit en sollicitation statique (Cai, et al., 2005), en dynamique ou en fatigue (Sun, et al., 2007). De plus ce procédé ne s’accompagne pas de dégradation thermique des matériaux assemblés, ainsi les revêtements et les peintures ne sont pas détériorés. Il n’y a pas non plus d’émission d’étincelle ou de fumée. L’assemblage obtenu est étanche car la tôle inférieure n’est pas perforée. Pour finir, il est possible d’effectuer un contrôle continu du procédé d’assemblage et la qualité du point peut être déterminée de manière non destructive.

Au-delà du fait que l’utilisation du rivetage auto-poinçonneur se limite à l’assemblage de produits minces, il existe certaines restrictions à son utilisation. En effet, l’effort de rivetage pour mettre en forme le point d’assemblage est très important. Il peut atteindre plus de 50 kN. Cet effort de pose a une conséquence directe sur la taille des outils de pose qui ne peuvent pas forcément accéder à toutes les parties d’un véhicule. Lors de la pose du rivet, les tôles à assembler sont bloquées contre la bouterolle grâce à un serre-flan. Cela a pour conséquence que la zone de travail doit être forcément plane et d’une surface suffisante. D’un point de vue purement esthétique, la formation de la protubérance peut être un inconvénient. Pour finir, contrairement au clinchage qui crée la liaison uniquement grâce à la déformation des tôles, le rivetage auto-poinçonneur fait appel à un rivet. Son coût est de l’ordre de 0,02€ pour un rivet de diamètre 5 mm et de longueur 5 mm.

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Table des matières

Introduction
Contexte général
Position du problème
Objectifs de la thèse
Plan du manuscrit
Chapitre 1 : L’assemblage par déformation plastique
1.1 Les assemblages par déformation plastique
1.1.1 Définition
1.1.2 Les différentes technologies
1.2 Etude du rivetage auto-poinçonneur
1.2.1 Principe de la pose du rivet auto-poinçonneur
1.2.2 La presse à riveter
1.2.3 Préconisations
1.2.4 Qualité et géométrie du point d’assemblage
1.2.5 Tenue mécanique d’un assemblage
1.2.6 Avantages et inconvénients
1.2.7 Applications industrielles
1.3 Etat de l’art de la simulation des assemblages par rivetage auto-poinçonneur
1.3.1 Simulation de la pose du rivet auto-poinçonneur
1.3.2 Etude de la tenue mécanique du point d’assemblage
1.3.3 Elément équivalent
1.4 Problématique et objectifs de la thèse
1.5 Références bibliographiques
Chapitre 2 : Formulation du modèle élasto-plastique endommageable
2.1 Introduction
2.2 Modèle élasto-plastique
2.2.1 Elasticité : loi de Hooke
2.2.2 Formulation en parties sphériques et déviatoriques
2.2.3 Formalisme de base en élasto-plasticité
2.2.4 Critères tridimensionnels de plasticité
2.2.5 Lois d’écrouissage
2.2.5.1 Lois d’écrouissage isotrope
2.2.5.2 Lois d’écrouissage cinématique
2.2.5.3 Conclusions sur l’écrouissage
2.2.6 Choix et conclusions sur le modèle élasto-plastique
2.3 L’endommagement ductile des métaux
2.3.1 Définition de la variable interne d’endommagement
2.3.2 Mesure de l’endommagement
2.3.2.1 Evolution du module d’élasticité d’une éprouvette en traction
2.3.2.2 Tests de micro- et nano-indentation
2.3.3 Conclusions sur l’endommagement ductile
2.4 Modèle élasto-plastique endommageable
2.4.1 Potentiel thermodynamique
2.4.2 Potentiel des dissipations et lois d’évolution des variables internes
2.4.3 Le multiplicateur plastique
2.4.4 Le module tangent continu
2.4.5 Enrichissement du modèle d’endommagement
2.4.5.1 Influence de la triaxialité
2.4.5.2 Prise en compte de l’effet de fermeture des fissures
2.4.5.3 Décomposition du tenseur des contraintes en parties traction/compression
2.4.5.4 Limite de triaxialité en compression
2.4.5.5 Conclusions sur l’enrichissement du modèle d’endommagement
2.4.6 Choix et conclusions sur le modèle élasto-plastique endommageable
2.5 Conclusions
2.6 Références bibliographiques
Chapitre 3 : Modélisation numérique du modèle élasto-plastique endommageable
3.1 Introduction
3.2 Résolution numérique du problème mécanique
3.2.1 Définition du problème mécanique
3.2.1.1 Description du mouvement
3.2.1.2 Les équations de conservation
Les conditions aux limites
3.2.2 Formulation faible du problème mécanique
3.2.3 Discrétisation spatiale par éléments finis
3.2.3.1 Formulation P1+/P1
3.2.3.2 Formulation mini-élément
3.2.4 Discrétisation temporelle et résolution du problème
3.2.5 Intégration locale des équations comportementales
3.2.5.1 Prédiction élastique
3.2.5.2 Correction plastique
3.2.5.3 Module tangent discret cohérent
3.2.5.4 Dérivée objective de la contrainte
3.2.5.5 Conclusion sur l’intégration locale des équations comportementales
3.2.6 Gestion incrémentale du contact par la méthode de pénalisation
3.2.7 Remaillage et transport de champs
3.2.8 Eléments endommagés et rupture
3.2.9 Application du modèle et validation
3.2.9.1 Essai de traction uniaxiale sur éprouvette axisymétrique entaillée
3.2.9.2 Essai d’écrasement d’une éprouvette en tonneau
3.2.9.3 Couplage fort et couplage faible
3.2.10 Conclusions sur la résolution numérique du problème mécanique
3.3 Modèles d’endommagement non locaux
3.3.1 Le phénomène de localisation
3.3.2 Les méthodes de régularisation
3.3.3 Méthodes non locales
3.3.3.1 Formulation intégrale
3.3.3.2 Formulation à gradient explicite
3.3.3.3 Formulation à gradient implicite
3.3.4 Elasto-plasticité avec endommagement non local
3.3.5 Implémentation des méthodes non locales
3.3.5.1 Formulation intégrale
3.3.5.2 Formulation à gradient implicite
3.3.5.3 Modification du calcul d’intégration locale des équations comportementales
3.3.6 La longueur caractéristique
3.3.7 Apports des modèles non locaux
3.3.7.1 Modèle local
3.3.7.2 Comparaison des modèles
3.3.7.3 Influence de la longueur caractéristique
3.3.7.4 Dépendance à la taille de maille
3.3.8 Synthèse sur les modèles non locaux
3.4 Conclusions et perspectives
3.5 Références bibliographiques
Conclusion

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