Madagascar est réputée pour sa grande forêt tropicale située le long de la côte est du pays . Cette forêt, qui abrite une grande biodiversité essentiellement constituées d’espèces endémiques, est l’une des grandes richesses de l’île.
La population malgache est principalement constituées d’agriculteurs, pourtant le problème d’auto-suffisance alimentaire est encore une grande préoccupation pour le pays. Ce paradoxe s’explique par le fait que les paysans malgaches utilisent toujours des techniques traditionnelles basées sur les systèmes d’abattis brûlis. Ces techniques sont souvent peu productives et ont un impact néfaste sur l’environnement et les ressources naturelles. En particulier, elles ont largement contribué au phénomène de déforestation qui ravage la forêt de l’est du Pays. De nombreux travaux suivent et tentent d’expliquer ce phénomène [20, 5].
Les politiques agricoles doivent donc prendre en compte deux objectifs antagonistes: tendre vers une production suffisante tout en préservant les ressources naturelles et notamment les forêts primaires et la biodiversité associée. Il est donc particulièrement important d’analyser et comprendre les dynamiques agraires notamment celles en bordure du corridor forestier Ranomafana-Andringitra.
Les études des dynamiques d’usages des sols peuvent se faire à grande échelle (province, région) ou à petite échelle (village, parcelle) [35, 48]. Notre étude se fait à l’échelle des parcelles : à partir des historiques des usages des parcelles dans le village d’Ambendrana , nous proposons des modèles d’usages des parcelles qui seront ensuite utilisés comme outils d’inférence des dynamiques existantes. Contrairement à Agarwal et al. [2], nous ne tenons compte que des dynamiques temporelles afin de comprendre l’échelle de temps sur la dynamique d’utilisations des parcelles.
Nous travaillons sur les modèles markoviens à temps discret et à espace d’états fini. Ces modèles ont rencontré un vif succès depuis les années 50, notamment en économie agraire ainsi qu’en dynamique écologique ou forestière. L’approche markovienne permet :
– de rendre compte de phénomènes aléatoires inhérents à l’écologie,
– de décrire des dynamiques admettant des équilibres stochastiques,
– d’améliorer la robustesse des modèles en encapsulant les erreurs des modèles dans des termes stochastiques.
Le fait que les chaînes de Markov peuvent converger vers un équilibre, la mesure invariante, tout en conservant un comportement aléatoire a rapidement séduit la communauté des écologues. Les modèles markoviens permettent en effet de rendre compte de la convergence d’un système écologique vers son climax.
Plusieurs applications on été étudiées notamment en écologie [57, 56], en dynamique agraire [8, 53], en dynamique forestière [24, 17] ainsi qu’en séquestration du carbone . Ces modèles peuvent aussi prendre en compte les dimensions socio-écologiques [45]. Ils sont actuellement aussi utilisés dans le contexte de l’exploitation des données satellitaires, notamment en conjonction avec les outils des systèmes d’informations géographiques [60]. Outre la modélisation, l’ingénierie markovienne se prête également à l’inférence statistique, au contrôle et à l’aide à la décision.
Il existe plusieurs extensions des modèles markoviens : les modèles de Markov cachés qui permettent de prendre en compte les dynamiques cachées d’un processus [54], les modèles semi-markoviens qui autorisent une plus grande souplesse concernant les temps de séjour dans un état donné et les champs spatio-temporels markoviens qui permettent de prendre en compte les dynamiques spatio temporelles [61]. Il existe enfin de nombreuses généralisations au temps continu.
Partant d’un premier jeu de données, nous proposons différents modèles de Markov classiques. Nous estimons la matrice de transition de la chaîne de Markov d’abord à l’aide de la méthode de maximum de vraisemblance [3] puis à l’aide de l’approche bayésienne en utilisant la loi a priori non informative de Jeffreys. Le calcul de la loi a posteriori associée à la loi de Jeffreys n’est pas explicite, nous faisons donc appel à une méthode de Monte Carlo par chaîne de Markov (MCMC).
A l’aide d’un deuxième jeu des données, nous inférons des modèles de types semi-markoviens. L’inférence se faît par une méthode empirique [7, 6], une méthode de maximum de vraisemblance et une méthode bayésienne. Pour la méthode bayésienne, nous utilisons à nouveau la loi de Jeffreys comme loi a priori et le calcul de la loi a posteriori se fait par une méthode MCMC. En général, les différentes méthodes d’inférences conduisent à des modèles différents, qui ont des propriétés asymptotiques différentes.
Nous nous appuyons sur le travail de Carrière et al. [11]. Le village d’Ambendrana se caractérise par un paysage hétérogène composé de parcelles dédiés à des usages des sols différents que nous appellerons les états de la parcelle :
– Forêt naturelle (Fn), ou forêt primaire,
– Culture annuelle (Ca) : cultures vivrières (manioc, haricot etc.),
– Jachère (Jc),
– Rizi`re (Rz),
– Culture pérenne (Cp) : canne à sucre, boisement ou plantation d’arbres (pins, eucalyptus, etc.),
– Herbe (He) : prairie ou savane herbeuse,
– Forêt secondaire (Fs) : formation secondaire de plus de 25 ans (jachère arborée de plus de 25 ans).
L’utilisation d’une parcelle évolue au cours du temps sous l’effet des pratiques paysannes mais aussi selon des phénomènes écologiques naturels. A l’aide de collectes de données et d’enquête auprès des paysans, les experts de l’IRD ont établi des règles de changement d’usage des parcelles .
Initialement, toutes les parcelles sont à l’état forêt naturelle. Les habitants défrichent et aménagent la forêt pour en faire soit une rizière lorsque la parcelle est dans les bas-fonds, soit des cultures vivrières (manioc, maïs, haricot). Après quelques années de culture, les parcelles sont laissées en jachère. L’état culture pérenne désigne les plantations pérennes comme la canne à sucre, le café, la banane ou des arbres (pins, eucalyptus, mimosa, bambous).
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Table des matières
INTRODUCTION
1.1 Forêt dense et humide à l’est de Madagascar
2.1 Zone d’étude : Village d’Ambendrana
2.2 Dynamique d’occupation des parcelles dans la village d’Ambendrana
2.3 Jeu de données no 2 : Usages des 131 parcelles observées pendant ans (1956-2006)
3.1 Graphe d’une chaîne de Markov non irréductible
3.2 Graphe d’une chaîne de Markov à 3 classes
4.1 Modèle markovien d’usage des sols à 3 états
4.2 Modèle régulier à 3 états
4.3 Estimateur bayésien et EMV des paramètres de la matrice de transition du modèle markovien
4.4 Modèle à 2 états
4.5 Lois empiriques des erreurs d’estimations
4.6 Modèle markovien absorbant
4.7 Lois du temps d’absorption
4.8 Estimateur bayésien de la matrice de transition du modèle de Markov
4.9 Proportions d’usages des parcelles pour tous les états
4.10 Proportions des parcelles occupées par les états Ca Jc
5.1 Densités empiriques des temps de séjour
5.2 Résultats du test d’adéquation des temps de séjour
5.3 Test d’homogénéité en espace selon l’année de mise en culture
5.4 Test d’homogénéité en espace selon l’exposition
5.5 Test d’homogénéité en temps
6.1 Trajectoire d’une chaîne semi-markovienne
6.2 Modèle semi-markovien à trois états
6.3 Loi de transition d’un modèle semi-markovien à 3 états
6.4 Convergence d’une loi de transition semi-markovienne vers son équilibre
7.1 Test d’adéquation des lois des temps de séjour à la loi géométrique
7.2 Test d’adéquation de la loi des temps de séjour en “jachère”
7.3 Modèle semi-markovien à 5 états
7.4 Chaîne de Markov incluse
7.5 Chaîne incluse des modèles semi-markoviens absorbants
7.6 Estimateur empirique et EMV des lois de temps de séjour
7.7 Proportions d’usages des parcelles calculées par l’EMV et l’estimateur empirique
CONCLUSION
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