Le contrôle de l’énergie de fusion thermonucléaire est un des objectifs scientifiques majeurs de ce début de siècle. Le jeu en vaut la chandelle car une réaction de fusion thermonucléaire a une capacité énergétique telle qu’un seul gramme de combustible serait capable de fournir en électricité une ville de la taille de New-York durant 24h. L’aventure commence dans les années 1960 lorsque la communauté scientifique réalise qu’il est théoriquement possible de contrôler la réaction de fusion thermonucléaire, jusque là obtenue de manière incontrollée dans l’explosion de la bombe H (succédant à la bombe atomique). La réaction de fusion thermonucléaire est obtenue en faisant fusionner des noyaux d’éléments légers (les isotopes D et T de l’Hydrogène, d’où le nom « bombe H ») pour former des noyaux d’éléments plus lourds (de l’Hélium He). L’isotope D de l’Hydrogène se nomme Deutérium et l’isotope T se nomme Tritium.
Contrairement aux réactions qui fournissent l’énergie dans les centrales nucléaires, la réaction de fusion n’est pas spontanée, mais nécessite un apport d’énergie initial pour avoir lieu (comme l’énergie apportée par une allumette pour allumer la flamme d’une bougie). Cette énergie initiale est nécessaire pour maintenir les noyaux D+ et T + (qui ont tous deux une charge électrique positive et qui donc se repoussent mutuellement) suffisamment proches (c’est-à-dire à très haute température), pendant suffisamment longtemps (c’està-dire pour un temps de confinement suffisamment long) pour que la réaction ait lieu. Cela nécessite de chauffer les réactifs à des températures telles que dans ces conditions, la matière n’est plus sous la forme de molécules, mais sous une forme fortement ionisée, c’est-à-dire composée d’ions et d’électrons.
Description fluide du plasma
Magnétohydrodynamique à deux fluides
Un plasma magnétisé peut-être décrit par les équations de la MagnétoHydrodDynamique (MHD), c’est-à-dire une combinaison des équations de la mécanique des fluides et des équations de l’électromagnétisme (équations de Maxwell). Toutefois, contrairement à un fluide neutre, un plasma est composé de plusieurs espèces : les ions chargés positivement, et les électrons chargés négativement. Dans la suite, nous nous intéresseront au cas d’un plasma de deuterium, isotope lourd de l’hydrogène, utilisé dans les expériences de fusion par confinement magnétique. Un tel plasma est composé d’ions Deuterium D+ (indice i) de charge électrique +e et d’électrons (indice e) de charge électrique −e. La description d’un tel plasma nécessite donc un ensemble d’équations pour les ions D+ et un autre pour les électrons. On parle alors de MHD à deux fluides. Ces équations sont les équations de continuité (2.1) qui représentent la conservation de la matière, les équations de Navier-Stokes (2.2) qui représentent la conservation de la quantité de mouvement .
Instabilité de ballonnement résistif
Dans un plasma de tokamak, il existe différentes zones avec des valeurs différentes de la pression et densité. Il existe, dans un tokamak, un très fort gradient de pression, entre la zone dite « de coeur » caractérisée par une très haute pression et la zone dite « de bord » caractérisée par une basse pression. Puisque l’on peut négliger, en première approximation, l’interaction entre les particules du plasma, on peut considérer le plasma comme un gaz parfait pour lequel l’équation d’état reliant pression p, la densité n et la température T s’écrit : p = nkBT, où kB désigne la constante de Boltzmann. Il existe également dans un tokamak une forte courbure des lignes de champ dans la direction toroïdale, représentée par une gravité effective g. L’instabilité de ballonnement résistif, pour laquelle la courbure toroïdale joue un rôle crucial, met en jeu la courbure magnétique et le gradient de pression radial.
Instabilité d’interchange et instabilité de RayleighTaylor
Il existe une analogie entre
– l’instabilité de ballonnement résistif en magnétohydrodynamique.
– l’instabilité de Rayleigh-Taylor en hydrodynamique.
Instabilité de Rayleigh-Taylor
En hydrodynamique, l’instabilité de Rayleigh-Taylor [32] se développe lorsqu’un fluide dense est superposé à un fluide moins dense, par exemple, de l’eau sur de l’huile, ou bien qu’il existe un gradient de densité dans un fluide unique .
Propriétés et dynamique d’une barrière de transport
Génération d’une barrière de transport
La formation de barrières de transport dans les plasmas de fusion par confinement magnétique est fortement liée à une réduction du transport turbulent par des écoulements E × B cisaillés axisymétriques et stationnaires ainsi que par des écoulements E × B zonaux (axisymétriques et oscillant au cours du temps). Citons, par exemple, la transition d’un régime à faible confinement vers un régime à fort confinement (transition L-H) pour laquelle une barrière de transport apparaît dans la zone de bord du plasma, ou encore la formation d’une barrière de transport interne dans la zone de coeur du plasma [11, 9, 37]. Ses deux phénomènes jouent un rôle crucial pour les régimes d’opération des futures réacteurs à fusion. L’effet de la stabilisation par un écoulement cisaillé a été étudié, à la fois, analytiquement [35, 34, 25, 26] et numériquement [16, 13]. L’interprétation physique de l’effet d’un écoulement cisaillé sur la turbulence, donnant lieu à la formation de barrières de transport est la suivante : Un écoulement cisaillé déforme les tourbillons (ou vortex) de la turbulence, créant ainsi une cascade d’énergie de l’échelle macroscopique vers l’échelle microscopique jusqu’à atteindre l’échelle de Kolmogorov où la dissipation d’énergie est maximale. Nous étudions tout d’abord la formation et la dynamique des barrières de transport dans le modèle 3D. Ensuite, nous présentons un modèle 1D qui montre l’interaction entre les fluctuations de pression p˜ et le profil de pression p¯, puis à l’aide de ce modèle 1D tenant compte d’un écoulement E × B stationnaire.
Contrôle des relaxations d’une barrière par des perturbations magnétiques résonnantes (RMPs)
Au cours de la dernière décennie, la possibilité de contrôler les ELMs est devenue envisageable, suite à une série de résultats expérimentaux, sur le tokamak DIII-D [15, 5] en utilisant des bobines dédiées appelées ’I-coils’, sur le tokamak TEXTOR [19] en utilisant un divertor ergodique, ainsi que sur le tokamak JET [29] en utilisant les bobines de correction du champ d’erreur. L’interaction entre la turbulence et un divertor ergodique a été étudiée en premier sur le tokamak francais Tore-Supra [21, 31]. Les études expérimentales sur DIII-D, TEXTOR et JET ont obtenu un contrôle qualitatif sur les ELMs en imposant des perturbations magnétiques résonnantes dans la région de bord du plasma. Néanmoins, pour obtenir des résultats quantitatifs, il reste beaucoup de travail à faire dans la compréhension des mécanismes physiques à l’origine de la dynamique complexe des ELMs. Des études numériques de l’interaction de perturbations résonnantes avec une barrière de transport ont été effectuées avec le code 2D de transport TELM [4], et avec le code 3D de MHD réduite JOREK en géométrie toroïdale avec point X (géométrie similaire à celle d’ITER) [30]. Dans les simulations avec le code JOREK, des perturbations périodiques stationnaires de pression et de potentiel générées par les perturbations résonnantes sont observées, donnant naissance à un flux de chaleur et de particules. Nous retrouvons ce phénomène dans nos simulations, et nous donnons une description analytique de ce phénomène.
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Table des matières
1 Introduction
2 Modélisation magnétohydrodynamique d’un plasma magnétisé
2.1 Description fluide du plasma
2.1.1 Magnétohydrodynamique à deux fluides
2.1.2 Magnétohydrodynamique à un fluide
2.1.3 Coefficients de transport
2.1.4 Flux de chaleur diamagnétiques
2.2 Confinement magnétique
2.2.1 Principe d’un tokamak
2.2.2 Géométrie torique
2.2.3 Effets déconfinants
2.3 Approximation de dérive
2.3.1 Approximation adiabatique et séparation d’échelles
2.3.2 Ecoulements de dérive
2.4 Modèle électrostatique de la turbulence de ballonnement résistif
2.4.1 Dynamique parallèle et loi d’Ohm
2.4.2 Equation de vorticité
2.4.3 Equation de pression
2.4.4 Potentiel électrostatique
2.4.5 Modèle du ballonnement résistif électrostatique
2.4.6 Dynamique de l’écoulement moyen associé
2.4.7 Effets de perturbations magnétiques résonnantes
2.4.8 Normalisations et approximation « slab »
3 Instabilité de ballonnement résistif
3.1 Instabilité d’interchange et instabilité de Rayleigh-Taylor
3.1.1 Instabilité de Rayleigh-Taylor
3.1.2 Instabilité d’interchange
3.2 Champ magnétique cisaillé et diffusion inhomogène
3.2.1 Effet de stabilisation et de localisation des fluctuations
3.2.2 Prise en compte des termes dissipatifs et diffusion parallèle inhomogène
4 Propriétés et dynamique d’une barrière de transport
4.1 Génération d’une barrière de transport
4.1.1 Modèle 3D de ballonnement résistif avec écoulement forcé
4.1.2 Description du code RBM3D et paramètres des simulations
4.1.3 Formation et dynamique d’une barrière de transport
4.1.4 Modèle de gradient critique
4.1.5 Modèle 1D de transvection-diffusion d’un scalaire passif
4.2 Effet stabilisant d’un écoulement cisaillé avec profil linéaire sur la turbulence
4.3 Effet de l’épaisseur d de la couche cisaillée sur les fluctuations
4.3.1 Ecoulement avec profil non-linéaire
4.3.2 Ecoulement avec profil quadratique
5 Contrôle des relaxations d’une barrière par des perturbations magnétiques résonnantes (RMPs)
5.1 Perturbations magnétiques résonnantes (RMPs)
5.1.1 Structure des perturbations résonnantes du champ du vide
5.1.2 Structure des perturbations résonnantes en présence du plasma
5.2 Modélisation numérique des perturbations résonnantes
5.3 Effet des perturbations résonnantes sur les lignes de champ : Cartes de Poincaré du champ du vide
5.3.1 Topologie du champ magnétique d’équilibre
5.3.2 Perturbations de la topologie magnétique d’équilibre
5.4 Effets des perturbations résonnantes sur la dynamique du plasma, sans barrière de transport
5.4.1 Perturbation du profil de pression en absence de turbulence
5.4.2 Perturbation des profils de pression et de potentiel dans un écoulement turbulent
5.4.3 Effets des perturbations résonnantes sur l’écoulement complet
5.5 Effets des perturbations résonnantes sur la dynamique d’une barrière de transport
5.6 Effets des perturbations résonnantes sur la géométrie d’une barrière de transport
5.6.1 Géométrie de la barrière sans perturbations résonnantes
5.6.2 Effets de perturbations résonnantes sur la géométrie de la barrière
5.6.3 Rôle joué par les composantes du flux convectif d’équilibre dans la modification de celui-ci
5.7 Analyse du mécanisme de stabilisation des oscillations de relaxation
6 Conclusion