Le soudage par friction-maxalage (FSW) est un procédé récent de soudage breveté en 1991 par « The Welding Institute (TWI) » (institut de soudure anglais). Ce procédé se distingue des autres procédés de soudage par sa capacité de souder la matière à l’état visqueux, sans passer par le point de fusion. L’industrie aéronautique s’est tout de suite intéressée à ce procédé car il rend possible le soudage des alliages d’aluminium de la famille des 2XXX et des 7XXX, alliages d’aluminium réputés insoudables par d’autres procédés. Sur les avions, ces alliages sont assemblés par rivetage.
Le remplacement du rivetage par le soudage permet surtout une diminution du coût d’obtention de la structure, un gain de masse et l’élimination des phénomènes de corrosion et de frettingfatigue autour des rivets. Le soudage par friction-malaxage étant un procédé récent, il demeure encore un sujet de recherches actif, pour mieux appréhender certains points comme l’écoulement de la matière, l’influence de la forme de l’outil, la simulation de la microstructure. Ce dernier point est particulièrement important pour les alliages 2XXX et 7XXX. En effet, ce sont des alliages d’aluminium à durcissement structural, c’-est-à-dire que leurs propriétés mécaniques dépendent étroitement de leur état de précipitation.
Par ailleurs, le FSW se distingue des autres procédés de soudage par la présence d’une zone affectée thermiquement et mécaniquement. L’étude du couplage entre la précipitation et les grandes déformations à chaud a motivé le lancement de cette thèse, dont l’objectif final est de prévoir l’état de la précipitation le long du joint soudé. Nos efforts se sont particulièrement portés sur le 2024 T3, car avant cette thèse, il n’existait pas de simulation de la précipitation le long d’un joint soudé par FSW sur cet alliage.
Matériaux et techniques expérimentales
L’alliage d’aluminium 2024
L’alliage d’aluminium 2024 présente un bon compromis entre la résistance mécanique et la tenue à la fatigue, le rendant intéressant pour les applications aéronautiques. Au cours de cette thèse, nous avons employé cet alliage sous deux formes différentes : l’une sous forme de tôles laminées de 5 mm d’épaisseur (cité par la suite comme étant notre alliage), et une autre sous forme de tôles laminées de 3, 2 mm d’épaisseur qui a servi à faire les joints soudés par FSW (cité par la suite comme étant l’alliage de deepweld).
Composition chimique
Cet alliage appartient à la série 2000 dont les principaux éléments d’alliages sont le cuivre et le magnésium. Ces éléments forment des précipités de taille nanométrique et qui confèrent la plus grande partie de la résistance mécanique de ces alliages.
Séquence de précipitation
Encore de nos jours, la décomposition d’une solution solide sur-saturée dans le AA2024 est controversée et fait l’objet de recherches actives. Celle mentionnée dans les travaux les plus récents [Wang et Starink, 2005] est :
SSSS → Cu :Mg co-clusters/zones GPB → GPB2/S” → S’/S (1.1)
avec zones GPB pour zones de Guiner-Preston-Bagaryatsky. Ce nom fut donné en hommage à Guiner, Preston et Bagaryatsky pour les différencier des zones de GuinerPreston observées dans les alliages AlCu. La phase d’équilibre S a pour composition Al2CuMg et a une maille orthorombique de groupe d’espace Cmcm avec comme paramètres a=0.40 nm, b=0.923 nm, et c=0.714 nm [Wolverton, 2001]. La phase S’ est une version un peu distordue de la phase S [Bagaryatsky, 1952] et n’est généralement pas considérée comme une phase distincte de la phase S. Une phase intermédiaire cohérente avec la matrice est notée dans la littérature soit GPB2 ou S” [Wang et Starink, 2004].
Traitements thermiques
L’état T351 correspond à une mise en solution à 495 ◦C ± 5 ◦C, suivie d’un détensionnement (déformation permanente de 1% à 3%), et finalement d’une maturation à l’ambiante. Un état T6 est obtenu à partir d’un état T3 en le chauffant à 190 ◦C ± 5◦C pendant 8h à 12h.
Séquence de précipitation
Dans la plupart des alliages commmerciaux de la série des 7XXX, la séquence de décomposition de la solution solide serait :
SSSS → zones GP → η′ → η (1.2)
La composition des phases η et η′ serait dépendante du traitement thermique et de la composition de l’alliage. La phase η a une structure semblable à celle de la phase d’équilibre MgZn2, qui a une structure hexagonale. Sa composition probable est de type Mg(Zn,Al,Cu)2 [Dubost et Sainfort, 1991]. La phase η′ a une structure hexagonale et se transformerait en η au delà d’un rayon critique [Park et Ardell, 1984, Gjønnes et Simensen, 1970]. η′ est présente sous forme de petites plaquettes parallèles aux plans {111}, et cohérente avec la matrice.
Traitements thermiques
Avec les alliages de la série 7000 la maturation est très lente et n’est en fait jamais terminée ; on admet néanmoins qu’un niveau satisfaisant de maturation est atteint après 2 à 3 mois de séjour à la température ambiante (c’est pourquoi l’état trempé de ces alliages est symbolisé par W). L’état dit T79 correspond à une mise en solution entre 467 ◦C et 477 ◦C entre 25 minutes et 12 heures, suivie d’une trempe à l’eau plus redressage et détensionnement par traction de 1,5 à 3%, et finalement d’un revenu bipalier : un premier à 120 ◦C ± 4 ◦C entre 4 et 28 h, et un second à 150 ◦C ± 3 ◦C entre 15 et 19 h. Les traitements à double revenus ont l’avantage par rapport aux revenus monopaliers d’améliorer la résistance à la corrosion sous tension.
Caractéristiques mécaniques
Les alliages de la série 6XXX
Bien que ce type d’alliages ne soit pas étudiée pour lui-même dans ce manuscrit, ils seront succinctement décrits, car les modèles de précipitation étudiés dans la suite de ce manuscrit sont souvent appliqués à cette famille d’alliages. Les principaux éléments d’alliages de la série 6XXX sont le magnésium et le silicium. Dans ces alliages, le durcissement est dû aux phases métastables précurseurs de la phase stable β. Cette phase a pour composition chimique Mg2Si et une structure cubique à faces centrées de paramètre de maille égale à 0, 639 nm [Dubost et Sainfort, 1991]. Cette phase existe soit sous forme de plaquettes formées par sur-revenu ou de lattes formées par précipitation hétérogène par trempe lente. La séquence de précipitation couramment admise est :
SSSS → zones GP → β′′ → β′ → β (1.3)
Les précipités β ′′ ont des formes en aiguilles alignées selon la direction <100> et une structure monoclinique [Andersen et al., 1998, Edwards et al., 1998]. La phase β′ de structure hexagonale précipite sous forme de bâtonnets alignés selon la direction <100>.
Techniques expérimentales
Mesures de dureté
Les mesures de dureté donnent une première évaluation des propriétés mécaniques des métaux. Comme pour les alliages d’aluminium à durcissement structural les propriétés mécaniques dépendent étroitement de l’état de précipitation, les mesures de dureté donnent une première indication sur l’état de la précipitation. Les mesures de dureté Vickers effectuées lors du projet deepweld et par nous sont réalisées à l’aide d’un pénétrateur en diamant en forme de pyramide droite à base carrée sous une charge F.
Seuls les essais de dureté pour mesurer le profil de dureté des joints soudés par FSW sont réalisés dans l’épaisseur de la tôle, les autres mesures sont effectuées à sa surface, soit la face DL-DT. Les charges utilisées par deepweld et par nous sont respectivement de 1 kg et de 5 kg appliquées pendant environ une trentaine de secondes. Généralement, cinq mesures de dureté sont effectuées pour calculer ensuite la moyenne. Pour mesurer les variations de dureté lors de traitements isothermes dont la température est comprise entre 200 ◦C et 500 ◦C, les échantillons sont plongés dans un bain de sel et trempés immédiatemment après à l’eau à température ambiante. Dans le cas des essais de deepweld, la surface des échantillons est immédiatemment après polie, et ensuite les mesures de dureté sont réalisées. Par contre, pour nos essais en bain de sel, la surface est préalablement polie et les mesures de dureté sont réalisées quelques minutes après (le temps de se rendre à la machine de dureté).
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Table des matières
Introduction
1 Matériaux et techniques expérimentales
1.1 Matériaux
1.1.1 L’alliage d’aluminium 2024
1.1.2 L’alliage d’aluminium 7449
1.1.3 Séquence de précipitation
1.1.4 Les alliages de la série 6XXX
1.2 Techniques expérimentales
1.2.1 Mesures de dureté
1.2.2 Calorimétrie différentielle à balayage
1.2.3 Traitements anisothermes contrôlés
1.2.4 Récapitulatif de la provenance des différentes données
2 Précipitation
2.1 Loi de Johnson-Mehl-Avrami-Kolmogorov
2.2 Nucléation
2.3 Croissance
2.4 Dissolution
2.5 Coalescence
2.6 Précipitation dynamique
3 Modèles isocinétiques
3.1 Présentation générale des modèles isocinétiques
3.2 Modélisation isocinétique de la dissolution des précipités
3.2.1 Revue bibliographie
3.2.2 Traitement isocinétique de la dissolution
3.2.3 Utilisation en pratique dans le cas du AA7449-T79 étudié dans le projet DeepWeld
3.3 Modélisation isocinétique d’un alliage d’aluminium dans un état sousrevenu
3.3.1 Revue bibliographique
3.3.2 Traitement isocinétique de la croissance des précipités
3.3.3 Traitement isocinétique d’un AA2024-T3
3.4 Conclusion
4 Modèles décrivant l’ensemble du processus de précipitation
4.1 Modèle à rayon unique
4.1.1 Description du modèle
4.1.2 Applications du modèle
4.2 Modèle de Myhr & Grong (2000)
4.2.1 Description du modèle
4.2.2 Formulation en différences finies
4.2.3 Temps et condition aux limites
4.2.4 Comparaison avec le modèle à rayon unique
4.2.5 Aménagements possibles
4.3 Application au 2024
4.3.1 Modélisation métallurgique
4.3.2 Modèle de durcissement structural
4.3.3 Test sur des rampes anisothermes
4.4 Conclusion
Conclusion
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