Modélisation et modèle DAIVIE
Les modèles de programmation linéaire
Au cours des dernières décennies s’est développée une nouvelle méthodologie, la modélisation, pour faciliter la compréhension et le traitement de phénomènes complexes. La modélisation est un outil informatique qui consiste à identifier les composantes d’un système donné et à traduire les dépendances logiques qui les relient sous forme d’équations mathématiques. En particulier, la programmation linéaire est une méthode permettant d’optimiser une grandeur dont l’évolution est proportionnelle à celle d’un ensemble de paramètres, c’est-à-dire d’en déterminer la meilleure valeur possible (la plus grande ou la plus petite, selon le cas) dans le cadre des contraintes auxquelles ces paramètres sont soumis. La modélisation permet une représentation abstraite d’un phénomène : on ne tient pas compte de la signification intrinsèque des données, l’important étant la structure selon laquelle elles s’articulent. Un modèle est une formalisation supposée reproduire, de manière approchée, la réalité d’un phénomène dans le but d’en imiter le fonctionnement pour permettre de le comprendre et de l’étudier plus commodément. Il permet de mesurer les effets des variations de tel ou tel de ses éléments sur ce système, et donc de prédire des évolutions possibles et mieux agir. Le modèle est donc une simplification d’une partie d’une réalité et offre ainsi à l’utilisateur une description compréhensible d’un système complexe (Herrou, 2004). Il existe différents types de modèle en fonction des objectifs : soit prédictifs dans le but de simuler, d’optimiser ou encore d’aider à la prise de décision ; soit descriptifs dans le but d’améliorer la compréhension d’un mécanisme.
L’utilisation de modèles se retrouve dans des domaines très variés tels que la neurologie (Kuzmanovski et al., 2009), l’écologie (Goodall, 1972 ; Rykiel, 1996), la gestion des ressources (Starfield et Bleloch, 1986), l’élevage (Vayssieres et al., 2007), mais aussi dans les sciences physiques, chimiques, ainsi que dans les sciences humaines comme en économie et en sociologie. Ils sont maintenant une aide non négligeable à la recherche et peuvent aussi avoir des applications concrètes (Walker, 2002 ; Gurung et al., 2006 ; Janssen et van Ittersum, 2007). Ils permettent en effet de se concentrer sur un problème particulier, de compresser le temps et l’espace et d’offrir un environnement expérimental sans danger. La modélisation utilise souvent une approche pluridisciplinaire ce qui permet une synthèse et une analyse pertinente d’un système dans son intégralité. Un modèle peut ainsi prendre en compte des aspects aussi bien techniques que socio-économiques.
Présentation de DAIVIE
Le modèle nommé DAIVIE (Salgado, 2008) a été créé par M. Paulo SALGADO suite aux recherches menées par son équipe du CIRAD et celle de M. LE HOA Binh de l’Institut National d’Elevage du Vietnam, entre 2003 et 2008 dans les fermes laitières de Moc Chau au Vietnam. DAIVIE est un modèle de programmation linéaire utilisant le langage informatique GAMS (General Algebraic Modeling System). Il s’agit d’un modèle descriptif qui a pour but l’optimisation de la rentabilité et de la productivité des élevages laitiers de Moc Chau. DAIVIE est focalisé sur l’introduction dans les exploitations laitières d’une nouvelle technique fourragère : l’utilisation de l’avoine fourragère Avena strigosa (Salgado, 2008). En effet, l’avoine est une espèce fourragère des zones tempérées qui peut pallier les problèmes de pénurie d’aliments fibreux en hiver dans les régions du Nord Vietnam. Ce modèle se place au niveau de la ferme et doit rendre possible l’évaluation de l’impact, des comportements d’adoption et des perspectives d’utilisation de l’avoine durant l’hiver, à travers le profit, le temps de travail et, plus généralement, la durabilité des exploitations laitières du district de Moc Chau (Salgado et Lubbers, 2008).
Il donne les évolutions possibles sur une durée de 8 ans de certains paramètres de production tels que le nombre d’animaux, la quantité de fourrage et d’aliments concentrés distribués, la quantité de lait produite, etc. Il a été créé pour les exploitations laitières de Moc Chau, à partir de données récoltées uniquement dans cette région. Il est donc spécifique au contexte particulier de ce district et de ce système de production laitier. Ce modèle prend en compte les interactions entre les différentes composantes du système fermier (alimentation et fourrage, élevage, marché) ainsi que l’hétérogénéité et l’évolution des exploitations (allocation des terres, évolution du troupeau, etc.) durant la période de fonctionnement du modèle (Annexe 3). Concernant les objectifs d’utilisation, ce modèle est initialement destiné à effectuer des analyses individuelles pour les fermes du district de Moc Chau. Une fois validé, il pourra également être utilisé comme un outil de support lors des discussion entre les éleveurs, le bureau agricole de la mairie, la Compagnie laitière et les autres acteurs prenant des décisions locales sur le développement de l’élevage laitier.
La place de Moc Chau dans la production laitière
Le district de Moc Chau se situe au sud de la Province de Son La à environ 200 km à l’ouest d’Hanoi et à 30 km de la frontière avec le Laos. Il se situe dans une région montagneuse et s’étend sur environ 200 000 ha et comptait environ 140 000 habitants en 2006. Sa population pluriethnique est composée principalement de Thais (34 %), de Kinh (30 %, ethnie majoritaire sur le territoire national), de Muong (16 %) et de Hmong (14 %). Le district de Moc Chau se caractérise par un climat à la limite du tropical et du tempéré avec une saison pluvieuse et chaude d’avril à octobre, et une saison sèche et froide de septembre à mars (voir Figure 1). Les précipitations annuelles sont de 1 600 mm en moyenne, pour une température annuelle moyenne de 18,6°C (15,9 à 23,3°C). Dans la période la plus froide, les températures peuvent même être inférieures à 15°C. Moc Chau est le site de production laitière le plus ancien au Vietnam. En 1960, des essais d’introduction de vaches laitières noires et blanches Beijing y ont été réalisés. Plus tard, le gouvernement cubain aida le Vietnam en installant 1 000 bovins Holstein-Friesian purs à Moc Chau. En 1975, le gouvernement créa la ferme d’État de Moc Chau pour produire du thé et du lait, ainsi que de nombreuses petites entreprises liées à cette ferme dont la Compagnie laitière de Moc Chau. Plus de 1 000 ha de prairie ont été plantés. Pendant 40 ans, la Compagnie a eu pour tâches principales de multiplier les vaches croisées, améliorer la qualité des vaches Holstein pures et produire du lait. Depuis les années 1990, la ferme d’Etat a été démantelée et les 3 000 vaches présentes à ce moment distribuées aux employés selon la taille de leur famille et leur habilité de gestion.
Les élevages de Moc Chau sont des exploitations de petites tailles (en moyenne, 6 vaches par ferme), avec un fonctionnement de type hors sol pratiquant l’affouragement à l’auge (Annexe 4). La reproduction se fait par insémination artificielle, sans synchronisation, ce qui induit une répartition des naissances relativement homogène au cours de l’année. Depuis la réorganisation de 1990, la Compagnie laitière organise toute la filière de production, fixant par exemple les rendements à atteindre (si un foyer élève 6 vaches laitières, il a pour objectif de livrer chaque année 20 tonnes de lait et de fournir deux vaches de reproduction à la Compagnie). Les fermiers sont liés à la Compagnie à tous les niveaux : ils lui vendent leur production de lait (la Compagnie fixant les prix) et peuvent suivre les formations qu’elle organise. C’est également la Compagnie qui est le principal producteur d’aliments concentrés et fournisseur de services vétérinaires et techniques, qui loue les terres et les constructions, qui sert de garant pour les prêts d’achat de bovins, etc. La Compagnie laitière est considérée comme le principal interlocuteur technique officiel par les autorités (les autres interlocuteurs techniques reconnus également par les autorités étant tenus de rester dans la lignée de la stratégie de la Compagnie).
Actuellement, la Compagnie laitière représente 8 % de la production nationale et elle est la quatrième compagnie vietnamienne. Les conditions climatiques décrites précédemment sont favorables à l’élevage des vaches laitières de haut rendement élevées dans les zones tempérées. Par contre, les conditions optimales pour le développement des graminées tropicales se situant entre 30 et 35°C, leur croissance est fortement ralentie, voire stoppée en hiver. Les éleveurs doivent alors subir 3 à 5 mois de déficit fourrager, qu’ils essaient de combler avec les stocks de fourrages conservés, des sous-produits et des quantités supérieures d’aliments concentrés. Malgré ces ressources supplémentaires, ils arrivent souvent en fin d’hiver, avant que la pousse de l’herbe n’ait vraiment reprise, avec d’importantes difficultés pour assurer l’alimentation de leurs vaches et par conséquent leur production de lait.
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Table des matières
Remerciements
Résumé et mots-clés
Avant propos
Introduction
Modélisation et modèle DAIVIE
Présentation de la zone d’étude
Objectif du stage
I.Matériel et méthode
1. Sélection des élevages et des critères d’évaluation
2. Elaboration du questionnaire
3. Lancement du modèle
4. Identification des modifications à apporter
5. Modification du modèle
II.Résultats
1. Fiabilité des données d’enquête
2. Comparaison modèle / réalité
3. Changements à apporter au modèle
4. Analyse critique
III. Discussion
III. 1. Pertinence du modèle
III. 2. Utilisation de DAIVIE
III. 3. Une zone en plein changement
Conclusion et perspectives
Bibliographie
Annexes
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