Cette thèse porte sur la modélisation du processus pluvieux local et l’étude de son impact sur la dynamique des fluctuations de la nappe phréatique. Elle s’inscrit dans le cadre du projet ”Sol Virtuel” du département ”Environnement et Agronomie” de l’I.N.R.A. (Institut National de la Recherche Agronomique) qui porte sur le développement d’une plateforme de modélisation numérique des processus physiques, chimiques et biologiques se déroulant dans le sol et de leurs interactions. Une des finalités de ce travail concerne les recherches menées sur la qualité des ressources en eau, l’étude du processus de transfert de masse de la surface du sol vers la nappe phréatique constitue un élément primordial pour la compréhension de la pollution de cette dernière. En effet, les éléments polluants à la surface notamment ceux qui sont solubles (tels que les produits liés aux activités humaines comme les engrais, les pesticides, etc…) peuvent transiter vers la nappe à travers le milieu poreux que représente la couche de sol. Ce scénario de transfert de pollution repose sur deux phénomènes à savoir la pluie qui génère la masse d’eau à la surface et la dispersion de celle-ci à travers le milieu poreux. La dispersion de masse dans un milieu poreux naturel comme le sol forme un sujet de recherche vaste et difficile aussi bien sur le plan expérimental que théorique. Sa modélisation constitue une préoccupation importante du laboratoire EMMAH, en particulier dans le cadre du projet Sol Virtuel dans lequel un modèle de transfert PASTIS (Predicting.Agricultural.Solute.Transport in Soils) a été développé. Ce modèle permet de simuler le transport de masse d’eau à travers la couche du sol avec comme entrées principales la composition du sol, la couverture végétale, les caractéristiques du phénomène pluvieux et le taux d’évapo-transpiration au niveau du sol.
L’étude menée ci-après aborde le traitement de données de précipitations pluvieuses relevées au quotidien en un lieu pour lesquelles on veut construire un modèle mathématique représentatif. Afin de réaliser cet objectif, des analyses et des traitements visant à établir les caractéristiques de ces données seront nécessaires pour obtenir des résultats qui seront à la base de notre approche de modélisation. Comme on pourra le voir, les premières observations des données montrent les caractères aléatoires et très érratiques des variations de la quantité de pluie. De telles caractéristiques sont généralement observées et admises depuis longtemps. Elles ont donné lieu dans la littérature à de nombreux travaux d’analyse et de modélisation adoptant l’approche stochastique [19][42][89][90][83]. Au-delà des constatations que l’on retrouve largement dans de nombreuses publications, l’étude plus approfondie de la structure probabiliste associée à ces données et les caractérisations du type de dynamique de variations observées doivent permettre d’améliorer la réflexion sur la modélisation de ces précipitations. En particulier, nous nous sommes intéréssés à l’existence de propriétés de mémoire ou de caractère fractal dans les données. En effet, ces caractéristiques peuvent être les signes d’existence de distribution de probabilités associée à des lois dites à ailes épaisses [58]. On se focalisera ici sur les deux aspects principaux de la chronique de pluie à savoir la variation de l’intensité de la pluie et la distribution des occurences. Avant d’aller plus loin dans cette étude, une première analyse des données avec des outils statistiques simples est effectuée afin de décrire rapidement les premières propriétés de la série temporelle. On s’intéressera ensuite à une analyse plus quantitative des données en étudiant les liens statistiques à différentes échelles de temps à l’intérieur.
Analyse des données d’observation
Comme il vient d’être dit, l’analyse des données s’attachera à les représenter sous diverses formes puis à rechercher sous ces formes les caractéristiques sous-jacentes de la dynamique des variations. Si ce signal recèle des ”effets mémoire”, ils peuvent être inscrits dans la fonction d’auto-corrélation et d’auto-information [17] et mesurés par l’exposant de Hurst [27], lequel peut conduire à un lien avec les phénomènes non-linéaires. La dynamique de la série qui caractérise son évolution dans le temps peut se révéler au travers de ”portraits de phases”, sa transcription dans l’espace de Fourier et la technique du surrogate [84] permettent de souligner les relations de phase existant dans la série temporelle.
Contexte de l’étude des données
Notre approche de l’analyse de ces données de pluie consiste à le considérer comme la réalisation d’un processus stochastique [4]. Le concept de processus stochastique constitue un cadre général, assez puissant permettant d’une part de mettre en oeuvre des outils plus efficaces que les outils statistiques habituels. D’autre part, tenter de définir un processus stochastique lorsque l’on ne dispose que d’une seule réalisation est à priori une tâche très difficile voire même impossible. En effet, théoriquement nous ne pouvons pas assurer que notre problème ait une solution bien définie. Néanmoins une telle situation est assez classique dès lors qu’on souhaite décrire par un modèle probabiliste un résultat d’expérience. Dans ce cadre, il est nécessaire de prendre certaines précautions portant sur des hypothèses d’ergodicité du signal, de stationnarité (au moins au second ordre) et d’homogénéité.
Hypothèses d’érgodicité et de stationnarité
Historiquement, l’hypothèse ergodique fut formulée initialement par Boltzmann. De manière simple, on peut dire qu’elle suppose [9], que la valeur moyenne d’une grandeur calculée de manière statistique rejoint la moyenne d’un très grand nombre de mesures prises dans le temps. Dans ce sens, l’hypothèse d’ergodicité est fondamentale pour un bon rapprochement entre la théorie et l’expérience. Elle est souvent jugée vraisemblable a posteriori quand elle permet de faire des estimations correctes [4]. Une autre hypothèse toute aussi importante concerne la stationnarité qui suppose que les moments statistiques du processus concerné sont indépendants de l’origine des temps [4].
La série temporelle et sa représentation
La représentation graphique des données constituées des relevés de quantités de pluie recueillies quotidiennement pendant 40 ans (chronique de pluie entre 1968 et 2008) . Les précipitations sont exprimées en millimètres et l’unité de temps est en jours. Les variations observées sont très erratiques et suggèrent naturellement une évolution aléatoire. Après un examen rapide, on peut remarquer une densité de points bien moindre sur le dernier quart de la représentation. Cette constatation nous a amené à nous poser des questions sur la fiabilité des données et donc sur la fiabilité à long terme du système de mesure. En particulier, nous nous sommes demandés si un incident dans le système de mesure (remplacement de capteurs, de système d’acquisition,…) aurait pu être à l’origine de ce phénomène. Notons que nos recherches sur l’historique de l’activité de mesures n’ont pas permis d’établir des indications dans ce sens. Cet aspect de l’évolution des données sera repris et analysé ultérieurement dans ce chapitre. On peut noter que ces données renferment deux grandeurs fondamentales. D’une part les hauteurs de pluie (non nulles) qui caractérisent l’intensité des précipitations, d’autre part les jours de sècheresse ou ”temps d’attente” de la pluie. Compte tenu du caractère aléatoire de la chronique des pluies, l’intensité des précipitations (figure 1.2) ainsi que l’occurrence des évènements de pluie (figure 1.3) semblent aussi évoluer de manière aléatoire. Si l’on cumule les précipitations en fonction des temps d’attente entre deux événements de pluie (figure 1.4), on obtient alors un phénomène à deux dimensions, l’une spatiale, la hauteur atteinte par les valeurs cumulées et l’autre temporelle qui mesure la durée pour atteindre une hauteur donnée.
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Table des matières
Introduction
1 Analyse et traitement de données de phénomène pluvieux local. Choix de l’approche de modélisation
1.1 Analyse des données d’observation
1.2 Caractérisation de la dynamique des données de pluie
1.3 Distributions de probabilités
1.4 Conclusion du 1er chapitre
2 Choix et mise en oeuvre de la modélisation de la dynamique du phénomène pluvieux
2.1 Première approche du processus pluvieux local
2.2 Seconde approche du processus pluvieux local
2.3 Conclusion du 2nd chapitre
3 Mise en oeuvre du modèle régi par l’équation FFPE. Application à une simulation du fléchissement de la dynamique des pluies.
3.1 Approche stochastique de la mise en oeuvre du modèle
3.2 Apparait- il un aspect d’un changement climatique en 1997 ?
3.3 Résolution numérique du modèle macroscopique
3.4 Conclusion du 3ème chapitre
4 Estimation de l’impact des précipitations pluvieuses sur les fluctuations de la nappe phréatique.
4.1 Estimation des fluctuations de nappe corrélées avec les événements de pluie
4.2 Caractéristiques du signal de fluctuations de nappe ψ(t)
4.3 Modélisation du transport de la pluie dans le sol par le logiciel P.A.S.T.I.S
4.4 Analyse des corrélations entre λ(t), ϕ(t) et ψ(t)
4.5 Conclusion du 4ème chapitre
Conclusion
A Dimension fractale et corrélation entre accroissements passés et futurs d’une série
B Pluies et sècheresses suivent-elles un processus markovien ?
C Méthodes d’estimation de l’exposant de stabilité α
D Processus stochastique
E Données et mesures expérimentales
F Code de calcul PASTIS
G Transformation en ondelette
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