Modélisation d’un écoulement diphasique évaporatif le long d’une paroi chauffée

La brumisation de fines gouttelettes d’eau en amont d’un condenseur est une technologie intéressante car elle améliore les performances des systèmes frigorifiques. Cette technique consiste à produire et disperser de fines gouttelettes d’eau dans l’air à l’aide de buses (également appelées atomiseurs).

L’échangeur de chaleur est positionné dans un écoulement d’air qui a une certaine vitesse, ua, et une certaine température, Ta. La buse positionnée en amont de l’échangeur injecte les gouttelettes d’eau dans l’écoulement. Ces gouttelettes d’eau s’évaporent en emmagasinant de l’énergie de l’air et en générant un refroidissement adiabatique de l’air (Ta’ < Ta) en amont de l’échangeur [1]. Le gradient thermique est ainsi augmenté entre les parois de l’échangeur, Tp, et l’air chargé de gouttelettes, Ta’. De plus, lorsque les gouttelettes impactent les parois de l’échangeur, un film d’eau se forme à sa surface pouvant également intensifier les transferts thermiques. La brumisation permet d’utiliser de très faibles quantités d’eau tout en améliorant l’efficacité des échangeurs à air. Elle permet également d’éviter la stagnation d’eau et donc de prévenir d’une maintenance régulière propre aux condenseurs évaporatifs. La brumisation et l’utilisation de spray a déjà été utilisée avec succès dans de nombreux domaines. Dans le domaine agroalimentaire les sprays sont utilisés par exemple pour laver les fruits et les légumes, conserver la teneur en eau de certaines denrées alimentaires (asperges, carcasses de viande,…). Ces sprays peuvent également être utilisés pour déshydrater un liquide vaporisé dans un écoulement d’air chaud (soupes en poudre, lait en poudre). Dans l’industrie manufacturière, les sprays d’eau à haute température sont utilisés pour nettoyer, dégraisser des pièces industrielles et refroidir les pièces de fonderie. Dans la protection contre la poussière, et contre les incendies, les sprays sont utilisés sous forme de rideaux d’eau empêchant les fines particules de poussière ou les effets radiatifs du feu de progresser. Enfin, depuis quelques années les sprays sont appliqués aux échangeurs à air. Mais avant d’étudier l’impact de la brumisation sur un échangeur de chaleur, les recherches se sont avant tout consacrées à déterminer le refroidissement de l’air dû à un mélange d’air et de liquide [1]. Puis, à la fin des années 60, l’intérêt s’est plus particulièrement porté sur l’étude des transferts de chaleur entre une paroi chaude et un spray de gouttelettes d’eau. Wachters et al. [2, 3] ont étudié les transferts de chaleur provenant d’une paroi de métal chaude heurtée par un brouillard de gouttelettes par une méthode non stationnaire. Leurs résultats montrent que les gouttelettes d’eau impactant une paroi à haute température (400 °C) s’évaporent lentement à cause du phénomène de Leidenfrost. En effet, lorsqu’une fine goutte d’eau (de l’ordre du µm) impacte une paroi très chaude, celle ci va rebondir sur la paroi et un film de vapeur se crée. Le transfert de chaleur dans le film vapeur se faisant principalement par conduction, le débit d’évaporation est très faible. D’autres études ont été réalisées sur les effets de l’angle et de la vitesse des gouttelettes lors de leur impact sur une paroi chauffée [4, 5].

Les premières études de brumisation sur des échangeurs de chaleur ont été réalisées au début des années 70 dans le but d’améliorer l’efficacité des condenseurs en particulier dans le domaine automobile. Il a été montré que l’utilisation de gouttes de liquide dans un écoulement de gaz servant à refroidir une surface chauffée permettait d’augmenter les transferts thermiques en formant une fine couche de liquide à la surface. L’amélioration de ces échanges de chaleur est donc liée à la surface mouillée par les gouttes. Ainsi, les études sur la géométrie à adopter pour augmenter la surface mouillée et par conséquent les transferts de chaleur se sont développées [6, 7]. Une des premières études effectuées sur des géométries de condenseur a été réalisée par WenJei et al. [8]. Ils ont étudié trois géométries d’ailettes de condenseur différentes : les ailettes rectangulaires pleines, les ailettes rectangulaires perforées et les ailettes de forme trapézoïdale (« louvered» en anglais). Leurs résultats montrent que pour de petits nombres de Reynolds (entre 500 et 1000) les coefficients de transfert de chaleur en présence d’un écoulement diphasique augmentent entre 40 et 45 % par rapport à un écoulement monophasique pour les trois géométries d’ailettes. Tandis que pour des nombres de Reynolds assez élevés (écoulement turbulent), le coefficient de transfert thermique n’augmente avec brumisation que de 12 % pour les ailettes rectangulaires pleines et rectangulaires perforées, et de 6 % pour les ailettes trapézoïdales. La plus faible augmentation des échanges de chaleur pour des Reynolds élevés est due à la rupture du film d’eau formé à la surface des ailettes. Selon les auteurs, la contribution de l’évaporation pour l’augmentation des coefficients de transfert thermique est négligeable par rapport à la contribution du film liquide.

Cette augmentation des échanges thermiques lors de la brumisation de gouttes d’eau sur les parois d’un échangeur a mené d’autres auteurs à se pencher sur la conception d’échangeurs adaptés à des écoulements diphasiques. Webb [9] présente une méthode unifiée de résolution des équations utilisées dans la conception de systèmes ayant recours à des mélanges air/eau tels que : les condenseurs, les tours aéroréfrigérantes, et les condenseurs évaporatifs. Sa méthode repose principalement sur l’introduction du coefficient appelé NUT (Nombre d’Unité de Transfert) qui correspond à une mesure de la surface de l’interface air/eau qui affecte le transfert de chaleur. Ce coefficient est calculé à partir de corrélations dans la littérature ou bien expérimentalement. Par exemple, Wataru et al. [10] ont déterminé à partir de mesures expérimentales de transfert de chaleur sur différents types de tubes (tubes lisses, tubes micro-ailetés, et tubes ailetés) des formules empiriques qui relient la surface mouillée effective du tube à plusieurs paramètres tels que la vitesse d’écoulement d’air, ou le débit de brumisation. Et à partir de ces corrélations, ils ont proposé une méthode de conception d’échangeur. Ces modèles proposés reposent sur des corrélations empiriques. La méthode de conception ne peut donc pas s’appliquer à tout type d’échangeur. En effet, la complexité des écoulements diphasiques est principalement due aux nombreux paramètres physiques qui les décrivent tels que la température, la vitesse et l’humidité relative de la phase continue, mais aussi de la taille des particules, de leur vitesse, de leur température de la phase dispersée, ou encore des interactions entre les deux phases. Ces difficultés de compréhension rendent difficile la conception d’un échangeur de chaleur.

Caractérisation des phénomènes physiques mis en jeu lors dans la brumisation sur une paroi chauffée

Propriétés thermo-physiques de l’air humide

Cette partie a pour objectif d’introduire les grandeurs et les lois de comportement de l’air humide très utilisées dans la suite du manuscrit. Lors de la brumisation dans l’air, ce dernier subit des modifications. L’air ambiant contient toujours une certaine quantité d’eau. Cette quantité d’eau est généralement sous forme de vapeur, mais elle peut se retrouver sous la forme liquide (brouillard) ou même solide (neige). L’air humide est défini comme étant uniquement le mélange binaire entre de la vapeur d’eau et de l’air sec lui-même mélange de plusieurs gaz : azote, oxygène, dioxyde de carbone, hélium, argon. La quantité de vapeur d’eau est variable et peut être caractérisée par l’humidité absolue (exprimée en kg d’eau par kg d’air sec), la teneur en vapeur d’eau (exprimée en kg d’eau par kg d’air humide), l’humidité relative (exprimée en %) ou la pression partielle de la vapeur. L’air est dit saturé lorsqu’il ne peut plus contenir plus de vapeur. Il y a donc présence d’eau sous forme liquide (gouttelettes d’eau en suspension dans l’air). Cette quantité est une fonction de la pression et de la température, et elle s’exprime souvent à l’aide de la pression de vapeur saturante.

Températures de l’air humide

Différentes températures sont définies pour caractériser l’air humide : la température sèche (ou température de bulbe sec), la température de bulbe humide (ou température de saturation adiabatique), et la température de rosée.
➤ La température sèche, notée Ts en rouge, correspond à la température mesurée par un thermomètre ordinaire (thermomètre à mercure ou à alcool) à l’abri du rayonnement solaire.
➤ La température de bulbe humide, notée Twb, en vert, est la température mesurée par un thermomètre dont le bulbe est entouré d’une compresse mouillée, balayé par de l’air et protégé du rayonnement solaire. L’évaporation de l’eau imbibant la compresse provoque un refroidissement du bulbe du thermomètre. Elle correspond à la température de l’air ramenée adiabatiquement à la saturation. Elle est par conséquent toujours inférieure à la température sèche.
➤ La température de rosée, notée Tr, en bleu, correspond à la température de l’air sec amené à saturation à une humidité absolue constante. Elle est la température à partir de laquelle la vapeur d’eau contenue dans l’air commence à se condenser.

Humidités 

Différentes humidités sont définies : l’humidité absolue, l’humidité spécifique et l’humidité relative (ou degré hygrométrique) :
➤ L’humidité absolue, notée yv, est définie comme la masse de vapeur d’eau contenue dans un kilogramme d’air sec. Elle s’exprime en kg.kgairsec -1 .
➤ L’humidité spécifique (souvent utilisée en météorologie), notée qv, est définie comme la masse de vapeur d’eau contenue dans un kilogramme d’air humide. Elle s’exprime en kg.kgmélange-1 .
➤ L’humidité relative correspond au rapport de la pression partielle de vapeur d’eau dans l’air sur la pression de vapeur saturante. Elle s’exprime généralement en pourcentage et se note HR%. Elle peut également s’exprimer comme un nombre compris en entre 0 et 1. Dans ce cas elle se note HR.

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Table des matières

Introduction générale
Contexte
Problématique
Objectifs
Démarche
Chapitre I. État de l’art
I.1. Introduction
I.2. Caractérisation des phénomènes physiques mis en jeu lors dans la brumisation sur une paroi chauffée.
I.2.1. Propriétés thermo-physiques de l’air humide.
I.2.1.1. Températures de l’air humide
I.2.1.2. Humidités
I.2.1.3. Pressions
I.2.1.4. Enthalpie spécifique
I.2.1.5. Volume spécifique
I.2.1.6. Variables thermodynamiques du modèle de spray
I.2.1.7. Conclusion sur les propriétés thermo-physiques de l’air humide
I.2.2. Caractérisation du spray
I.2.2.1. Distribution de Rosin-Rammler
I.2.2.2. Distribution lognormale
I.2.2.3. Comparaison des lois lognormale et de Rosin-Rammler
I.2.3. Échanges thermiques et massiques air-eau/paroi
I.2.3.1. Introduction
I.2.3.2. Transferts de chaleur sans spray
I.2.3.3. Transferts de chaleur avec spray
I.2.3.4. Conclusion
I.3. Modélisation des phénomènes physiques mis en jeu dans la brumisation sur une paroi chauffée
I.3.1. Introduction
I.3.2. Modélisation de la phase continue
I.3.2.1. Approche DNS
I.3.2.2. Approche LES
I.3.2.3. Approche RANS
I.3.3. Modélisation de la phase dispersée
I.3.3.1. Approche lagrangienne
I.3.3.2. Approche eulérienne
I.3.4. Modélisation des échanges thermiques lors de la brumisation d’une paroi chauffée (régime à une phase)
I.3.4.1. Flux surfacique impactant ou taux de collection
I.3.4.2. Débit d’évaporation
I.3.4.3. Coefficient d’échange convectif ha
I.3.4.4. Températures : Tp, Tfilm, Tg, Ta
I.3.4.5. Modèles de dépôt
I.3.5. Conclusion
I.4. Conclusion du chapitre I
Chapitre II. Modèle de spray
II.1. Introduction
II.2. Modèle 0D de formation du spray
II.2.1. Balistique d’une goutte d’eau
II.2.2. Modèle d’évaporation
II.3. Modèle CFD 3D de dispersion du spray
II.3.1. Équations de conservation de l’énergie et de la masse d’eau
II.3.2. Équation de la concentration en nombre de gouttes
II.3.2.1.Le terme source pour l’évaporation
II.3.2.2.Le terme source de la sédimentation
II.3.3. Conditions limites
II.3.3.1.Conditions limites standard
II.3.3.2.Conditions limites liées au spray
II.3.3.3.Détermination de la température de plaque
II.4. Conclusion du chapitre II
Chapitre III. Évaporation et dispersion des gouttelettes en amont d’un échangeur de chaleur
III.1. Introduction
III.2. Comparaison du modèle d’évaporation
III.2.1. État d’équilibre
III.2.2. Cinétique
III.3. Étude de la dispersion et de l’évaporation d’un spray
III.3.1. Dispositif expérimental de la veine fermée
III.3.2. Simulation numérique des expériences
III.3.2.1. Domaine de calcul
III.3.2.2. Maillage
III.3.2.3. Conditions initiales
III.3.2.4. Conditions limites
III.3.2.5. Autres paramètres d’entrée
III.3.3. Résultats
III.3.3.1. Champs de vitesse et de température
III.3.3.2. Validation du modèle
III.3.3.3. Analyse de sensibilité
III.3.3.4. Conclusion de l’analyse de sensibilité
III.4. Conclusion du chapitre III
Chapitre IV. Étude des échanges pariétaux
IV.1. Introduction
IV.2. Dispositif expérimental de la veine ouverte
IV.2.1. Matériel
IV.2.1.1. Veine
IV.2.1.2. Système de pulvérisation
IV.2.1.3. Plaque
IV.2.2. Instrumentation
IV.2.3. Protocole expérimental
IV.2.4. Détermination des coefficients d’échange
IV.3. Résultats expérimentaux
IV.3.1. Flux massiques d’eau
IV.3.2. Refroidissement de la plaque
IV.3.3. Coefficients d’échange thermique
IV.4. Simulation numérique de la veine ouverte
IV.4.1. Domaine de calcul
IV.4.2. Maillage
IV.4.3. Conditions initiales
IV.4.4. Conditions limites
IV.5. Résultats numériques
IV.5.1. Champs CFD
IV.5.1.1. Champ de vitesse
IV.5.1.2. Champs des variables transportées : θL, qw, Nc
IV.5.1.3. Champs des variables diagnostiques : qL, Ta
IV.5.2. Comparaison des températures impactant la plaque
IV.5.3. Comparaison des températures de plaque sèches et humides
IV.6. Conclusion du chapitre IV
Conclusion générale

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