Refroidissement en boucle ouverte
Le refroidissement en boucle ouverte a pour principe de prélever l’eau de rivière ou de mer et de l’amener directement au condenseur. Le débit d’eau nécessaire est directement proportionnel à la puissance à évacuer dans le condenseur. Pour une centrale nucléaire de 900 MWe. Le débit d’eau de refroidissement est de 40 m3 /s en moyenne. L’eau après le passage dans le condenseur s’élève en température et est restituée intégralement à la source d’eau. Il n‘y a donc pas de consommation d’eau liée au refroidissement. Par contre, en respect de l’environnement, la température de l’eau réchauffée et rejetée dans la rivière ou dans la mer est réglementée. En effet, la température maximale de rejet et la valeur limite d’élévation de température de l’eau de refroidissement sont définies au cas pas cas pour les rivières, les fleuves et pour la mer.
Expérience EDF: le cycle bi-étagé Cybiam
Afin de diminuer la dépendance en eau des cycles de production et de réduire la taille des turbines à basse pression, EDF a expérimenté une nouvelle architecture de cycle constituée de deux cycles de Rankine fonctionnant respectivement avec de la vapeur d’eau et de la vapeur d’ammoniac. Le CYcle BInaire à l’AMmoniac (CYBIAM) est le nom du projet démonstrateur conçu par EDF. Le prototype a fonctionné des années 1970 aux années 1990. Notons que l’utilisation du mot « Binaire » est un abus de langage. Il ne s’agit pas d’un cycle de Kalina fonctionnant avec un mélange eau-ammoniac, mais bien de deux cycles de Rankine en cascade. Le Cycle bi-étagé à l’ammoniac est dérivé du cycle classique de production à vapeur d’eau. Il est constitué de deux cycles de Rankine au lieu d’un. Les derniers étages de la turbine basse pression sont supprimés. La vapeur d’eau, en sortie de la turbine à une pression plus élevée qu’on définit par le terme « pression de coupure » ou « STEP (Steam Turbine Exhaust Pressure) », est ensuite amenée dans un condenseur-bouilleur afin d’évacuer la puissance restante vers l’ammoniac. Notons que la pression de coupure est un paramètre ajustable. Puis la vapeur d’ammoniac est envoyée dans une deuxième turbine pour y subir une détente. On récupère alors cette puissance dans un deuxième alternateur. A la fin de la détente, le fluide passe dans un aérocondenseur afin d’évacuer la chaleur restante. La Figure 1.8 décrit le cycle. Le ratio de la puissance produite par le prototype Cybiam est répartie à hauteur d’environ 80 % dans le cycle à vapeur et 20 % dans le cycle à ammoniac. Le choix de l’ammoniac avait été justifié par les raisons suivantes :
· Une masse volumique de vapeur élevée et une chaleur latente importante : moins de débit nécessaire pour échanger la même puissance et une vapeur dense en sortie de turbine, donc une taille de turbine réduite.
· La performance élevée de l’ammoniac dans les applications à basse température
· Une température de fusion faible
· Une pression de condensation dans l’aérocondenseur supérieure à la pression d’air atmosphérique : pas de risque d’entrée d’air
· La température critique du fluide est assez élevée. Le cycle à ammoniac est un cycle sous critique. Cela permet un échange thermique entre deux paliers de changement d’état et donc des irréversibilités limitées dans le condenseurbouilleur.
A première vue, le cycle bi-étagé à l’ammoniac présente deux avantages principaux :
· la réduction de la taille machine / composant
· l’amélioration de la performance à très basse température de source froide.
La vapeur ammoniac est environ 250 fois plus dense que la vapeur d’eau. Sa chaleur latente est deux fois plus faible que celle de l’eau. Le débit volumique nécessaire pour la turbine est diminué d’un facteur 125. La Figure 1.9 représente la turbine à ammoniac conçue par Alstom pour le projet Cybiam. A grande échelle, cette solution pourrait conduire à une réduction de coût d’investissement non négligeable. Simultanément, le problème posé par la limite de la résistance des matériaux constituant la turbine BP serait résolu. De plus, lorsque la température de la source froide diminue, les analyses ont postulé une surpuissance produite par une centrale à cycle bi-étagé à l’ammoniac par rapport à une centrale classique. En effet, si la température de la source froide diminue, la pression de la vapeur à la sortie de la turbine diminue. Il devient alors théoriquement possible de récupérer plus de travail (W) lors de la détente. Ceci implique en contrepartie une augmentation de vitesse d’échappement du fluide. De plus, la masse volumique de la vapeur du fluide augmente aussi lors de la diminution de la température de la source froide. Donc les pertes cinétiques par vitesse restante (PVR) à la sortie de la turbine BP deviennent plus importantes. Dans le cas de l’eau, pour une centrale vapeur classique, le surplus de puissance récupéré est plus que compensé par l’augmentation des pertes cinétiques en dessous de 5 °C de température extérieure (Figure 1.11), ce qui amène à bloquer la basse pression en dessous de ce seuil. Les pertes sont moindres dans le cas du Cybiam étant donnée la plus faible vitesse de l’ammoniac. Pour l’ammoniac, on observe une amélioration de puissance globale lorsque la température de l’air extérieur (et donc la température de condensation du cycle) diminue avec une pente de – 0.46 % / K. Sur le plan économique, les études préliminaires d’EDF sur un cycle du type Cybiam produisant 1300MWe ont montré le résultat suivant : l’économie réalisée sur la réduction de taille turbine et de la salle machine suffit à compenser le surcoût de construction des aérocondenseurs (Fleury et Bellot 1989). A priori, il n’y a donc pas de surcoût par rapport à une centrale à vapeur standard. De plus, il faut remarquer que la température de la source froide doit diminuer sensiblement afin de pouvoir profiter de la surpuissance susceptible d’être produite par le cycle bi-étagé. Le refroidissement à l’air sec correspond donc bien à ce critère (en comparaison par exemple à une centrale à condensation à eau de mer). Ainsi l’architecture du cycle bi-étagé et le refroidissement par air sec peuvent être qualifiés de complémentaires. Par conséquent, tout en résolvant les problèmes posés par la taille de la turbine BP d’un cycle classique, le projet Cybiam a montré la possibilité de rendre la production d’électricité moins dépendante de l’eau en déployant le cycle bi-étagé. La performance de ce dernier durant les périodes froides est particulièrement intéressante. De plus, cette innovation n’engendre pas de surcoût d’investissement. Cependant la toxicité de l’ammoniac et des problèmes de corrosion ont remis en cause l’intérêt du Cybiam pour des applications industrielles à grande échelle. On souhaite donc étudier la possibilité d’utiliser un autre fluide de travail plus adapté et éventuellement plus performant afin de remplacer l’ammoniac.
Echangeur à tubes et calandre
Un échangeur à tubes et calandre est composé d’un faisceau de tubes montés dans une boite cylindrique (calandre). Des plaques métalliques perforées (chicanes) sont installées à l’intérieur de la calandre afin de maintenir les tubes en place et de diriger le débit de fluide passant entre les tubes. Les échangeurs à tubes et calandre sont utilisés pour chauffer ou refroidir un liquide. Les avantages de ce type d’échangeur sont :
· Puissance échangée très importante : de l’ordre du kW à l’ordre du GW
· Intervalles de pression et température supportées très large : 20 – 500 bar et jusqu’à 500 °C pour les installations industrielles courantes, 1000 bar et 1100 °C pour des installations spécifiques (Shah et Sekulic 1998).
· Systèmes bien étudiés expérimentalement : de nombreuses données et corrélations sont disponibles : « TEMA (Tubular Exchanger Manufacturers Association) standard » et « ASME (American Society of Mechanical Engineers) boiler and pressure vessel code ».
Les tubes sont souvent fabriqués en cuivre ou aluminium. Les calandres et la boîte sont en acier. L’étanchéité est assurée par brasage ou soudure. Afin d’améliorer l’échange de chaleur, certains échangeurs à tubes et calandre sont composés de tubes rainurés au lieu de tubes lisses.
Petit historique des familles de fluides frigorigènes
L’eau est le premier réfrigérant utilisé par l’homme. A partir du 19 ième siècle, l’ammoniac est devenu un des premiers fluides frigorigènes utilisés dans l’industrie du froid. Par la suite, des hydrocarbures et l’utilisation du CO2 se sont développés dans l’industrie du froid à partir du début du 20ième siècle. Cependant, les hydrocarbures sont très souvent inflammables et peuvent être toxiques. Afin de trouver des solutions de remplacement, les Chloro-FluoroCarbone (CFC), puis les Hydro-Chloro-Fluoro-Carbone (HCFC) ont été synthétisés et utilisés. Ces derniers ont permis un large développement de l’industrie du froid. Ils ne sont ni toxiques ni inflammables. En revanche, leurs émissions dans l’atmosphère (par exemple lors de fuites des systèmes, ou de l’usage de bombes aérosols) ont contribué à l’appauvrissement de la couche d’ozone. Cela a contraint l’industrie chimique à développer de nouveaux fluides de synthèse sans effet sur la couche d’ozone, les Hydro-Fluoro-Carbone (HFC). Ils ont permis de remplacer dans les années 2000 la plupart les CFC et les HCFC existant. Cependant leurs potentiels de réchauffement global (effet de serre, voir 2.1.3.2), comme celui des CFC et HCFC, restent élevés : pour les HFC, typiquement plus de 1000 fois plus élevé que celui du CO2. Afin de réduire encore l’impact environnemental des fluides frigorigènes, les fluides de 4 ième génération sont en cours de développement et certains sont déjà disponibles commercialement comme les Hydro-Fluoro-Oléfines (HFO) le R1234yf ou le R1234ze visant à remplacer le R134a, avec comme premier secteur d’application la climatisation automobile. Dans les paragraphes qui suivent, nous allons décrire les différentes familles de fluides frigorigènes.
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Table des matières
Introduction
1 Chapitre 1 Elaboration de l’architecture du cycle bi-étagé
1.1 Source froide : un enjeu du futur
1.1.1 Refroidissement en boucle ouverte
1.1.2 Refroidissement à boucle fermée par voie humide
1.1.3 Refroidissement à air sec
1.1.4 Conclusion
1.2 Cycle de Rankine et Cycle Bi-étagé pour la production d’électricité
1.2.1 Cycle de Rankine classique
1.2.2 Expérience EDF: le cycle bi-étagé Cybiam
1.2.3 Cycle de Rankine Organique
1.2.4 Conclusion
1.3 Architecture et caractéristiques du cycle bi-étagé SPX
1.4 Choix des composants du cycle bi-étagé : échangeurs de chaleur
1.4.1 Echangeur Liquide (diphasique) – Gaz
1.4.2 Echangeur Liquide (diphasique) –Liquide (diphasique)
1.4.3 Choix technologique des échangeurs pour l’application cycle de production d’électricité bi-étagé
1.4.4 Conclusion
1.5 Choix des composants du cycle bi-étagé : les turbines ORC
1.6 Conclusion
2 Chapitre 2 Sélection des fluides de travail et modélisation de leurs propriétés physiques
2.1 Fluides de travail : généralités sur les familles de fluides et règlementations
2.1.1 Classification des fluides
2.1.2 Règle de nomenclatures
2.1.3 Réglementation en vigueur et standard environnemental et de sécurité
2.2 Critères de choix des fluides pour le cycle bi-étagé
2.2.1 Critères de performance
2.2.2 Critères technico-économiques
2.2.3 Critères de limite de fonctionnement
2.2.4 Critères d’environnement et de sécurité
2.2.5 Conclusion
2.3 Fluides candidats potentiels
2.4 Modélisation des propriétés des Corps Purs
2.4.1 Equilibre liquide – vapeur
2.4.2 Equations d’état
2.4.3 Fonctions α (T)
2.4.4 Fonctions d’état
2.4.5 Propriétés de transport
2.5 Modélisation des propriétés des Mélanges
2.5.1 Equilibre liquide vapeur des mélanges
2.5.2 Calcul de point de bulle / rosée
2.5.3 Calcul Flash
2.5.4 Equations d’état et règles de mélange
2.5.5 Propriétés de transport des mélanges
2.6 Algorithmes de calcul
2.6.1 Algorithme de calcul de l’équilibre liquide-vapeur du corps pur
2.6.2 Algorithme de calculs de point de bulle et de point de rosée
2.6.3 Algorithme de calcul du flash isotherme
2.6.4 Correction de propriétés de transport pour fluide connu
2.7 Construction d’un serveur de propriétés thermophysiques de fluides
2.8 Validation des résultats de modèles implémentés dans CTPlib et évaluation des déviations
2.8.1 Validations des calculs de propriétés thermophysiques
2.8.2 Validations des calculs de propriétés de transport
2.9 Conclusion
3 Chapitre 3 Modélisation du cycle bi-étagé
3.1 Modèles de cycle bi-étagé au point de fonctionnement nominal
3.1.1 Transformation dans un système ouvert
3.1.2 Détente dans une turbine
3.1.3 Compression liquide dans une pompe
3.1.4 Echanges de chaleur
3.1.5 Rendement du cycle
3.2 Dimensionnement des composants additionnels
3.2.1 Dimensionnement de l’aérocondenseur
3.2.2 Dimensionnement du condenseur-bouilleur
3.2.3 Dimensionnement des turbines
3.3 Modèle de cycle en régime non nominal
3.3.1 Calcul de turbine en régime non nominal
3.3.2 Calcul des échangeurs en régime non nominal
3.3.3 Implémentation des modèles et contrôle du cycle en régime non nominal
3.4 Résultats des calculs et discussions
3.4.1 Calcul de performance au point de fonctionnement nominal
3.4.2 Fluides de travail retenus
3.4.3 Sensibilité des paramètres des composants
3.4.4 Dimensionnement des échangeurs
3.4.5 Résultats du dimensionnement de la turbine
3.4.6 Performance du cycle en régime non nominal
3.5 Conclusion
4 Chapitre 4 Etude économique du cycle de production d’électricité bi-étagé
4.1 Coût d’investissement et coût de la production du cycle bi-étagé
4.1.1 Calculs des coûts de composants
4.1.2 Coût de la production d’électricité du cycle bi-étagé
4.2 Estimation du chiffre d’affaire lié à la vente d’électricité 2012-2013 pour un site représentatif du climat français
4.2.1 Données météorologiques
4.2.2 Données de la bourse d’électricité Européenne
4.2.3 Evaluation du revenu de la vente d’électricité
4.3 Estimation du bénéfice lié à la vente d’électricité 2011-2012 pour les différents sites de production en France
4.4 Estimation du gain de cycle bi-étagé en Europe
Conclusion
Conclusion Générale
5 Bibliographie
6 Liste des publications
7 Annexes
7.1 ASHRAE Standard 34, désignation et classification de sureté des réfrigérants
7.1.1 Classification de toxicité :
7.1.2 Classification d’inflammabilité:
7.2 Procédure de l’ajustement des paramètres de la fonction ࢻሺࢀሻ de Mathias-Copeman
7.3 Tableaux de résultats de calculs pour la validation des modèles de fluides
7.3.1 Butane
7.3.2 R134a
7.3.3 R245fa
7.3.4 R1216
7.3.5 Toluene
7.3.6 La viscosité et la conductivité thermique de l’isopentane
7.3.7 La viscosité et la conductivité du R245fa
7.3.8 La viscosité et la conductivité du mélange R245fa+iC5
7.4 Equations utilisées dans le modèle non nominal (le cas du R245fa)
7.5 Résultats de calcul de revenu de la vente d’électricité 2012-2013
7.5.1 Résultats sur la période 12/02/2012-17/04/2012
7.5.2 Résultats sur la période 19/04/2012-22/04/2012
7.5.3 Résultats sur la période 25/04/2012-18/05/2012
7.6 Manuel d’utilisation du CTPlib
7.6.1 Utilisation du serveur dans le cas où le fluide est répertorié
7.6.2 Ajout d’un corps
7.6.3 Structure des classes et fonctions des différentes méthodes
7.7 Résumé long
7.7.1 Introduction
7.7.2 Définition de l’architecture du cycle bi-étagé étudié
7.7.3 Choix d’un fluide de travail
7.7.4 Modélisation des propriétés des fluides de travail
7.7.5 Modélisation des performances du cycle bi-étagé et dimensionnement des composants
7.7.6 Evaluation économique des choix de conception
7.7.7 Conclusion
8 Nomenclatures
9 Liste des figures
10 Liste des tableaux
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