En recherche, les disciplines biologiques s’appuient souvent sur l’expérimentation animale. En effet, les phénomènes naturels sont complexes et rarement strictement identiques d’une espèce à l’autre. La démarche expérimentale permet le recueil des données concernant chaque espèce et dans des conditions variées, ces données peuvent être ensuite analysées, traitées et comparées permettant la compréhension de mécanismes d’intérêt. Pourtant les interrogations de la société concernant l’utilisation des animaux à des fins de recherche ont nécessité la mis en œuvre d’alternatives à l’expérimentation animales. Ainsi, Russel et Burch [2], ont proposé la règle des “3R“ de l’utilisation des animaux dans les recherches biologique : remplacer, raffiner et réduire.
Les modèles mathématiques sont souvent cités comme une alternative à l’expérimentation animale et sont utilisés notamment quand la complexité du phénomène observé ne permet pas à l’intuition ou à des approches analytiques de comprendre son fonctionnement et son évolution (J. VanMilgen et P. Lescoat [3]). La modélisation mathématique consiste à tenter de comprendre les lois régissant les phénomènes naturels du vivant à travers leur représentation par des équations mathématiques. Mais, une condition sine qua non est que la complexité des phénomènes biologiques implique l’adoption d’une approche réductionniste par le modélisateur. En d’autres termes en fonction de l’objectif, le modélisateur choisit de négliger dans le modèle les variables d’état qui n’interviennent que très peu dans l’évolution du système biologique tout du moins au regard de la question traitée (J. Clairambault. [4])
Pourquoi un modèle mathématique ?
La contribution de la modélisation aux ”3R” de l’expérimentation animale révèle son intérêt dans les recherches biologiques. Ainsi, les modèles mathématiques, par leur rôle dans l’orientation des recherches biologiques (raffinement) ont pu contribuer à la réduction de l’expérimentation animale. De plus, les différents logiciels informatiques permettent des simulations numériques du modèle construisant des expérimentations virtuelles (in-silico), ce qui pourrait remplacer (ou au moins limiter) des redondances expérimentales.
D’autre part, la complexité des phénomènes naturels peut rendre l’interprétation des expérimentations “in-vivo” difficile et même impossible. Or, après la construction du modèle, son analyse mathématique, permet de vérifier l’existence et l’unicité des solutions, l’analyse de leur stabilité ainsi qu’une analyse qualitative sur le comportement du système [4]. Mais cela ne doit pas faire oublier que les résultats ainsi obtenus par modélisation ne sont valides que dans le cadre des hypothèses posées initialement. En outre, la mise en œuvre de théorèmes mathématiques rend valide les résultats, ceci soulignant l’importance en modélisation appliquée à la biologie de l’utilisation des connaissances mathématiques.
Par exemple, les systèmes du vivant ont souvent plusieurs échelles emboîtées, de la molécule à la cellule, de la cellule à l’organe ou tissu, de l’organe à l’individu, etc. Les propriétés macroscopiques de l’individu sont souvent liées au fonctionnement à l’échelle inférieure (ex. influence de la quantité des cellules matures des villosités intestinales sur l’absorption) et inversement, l’évolution à l’échelle microscopique du système dépend de son état à l’échelle supérieure (ex. influence de la composition du bol alimentaire dans la lumière intestinale sur l’utilisation des transporteurs pour l’absorption active). Un modèle mathématique peut décrire l’évolution du système dans l’un de ces niveaux, mais il peut aussi intégrer plusieurs échelles simultanément (ex. modèle d’évolution de la digestion en fonction de la composition du bol alimentaire ainsi que la maturité des cellules sur les villosités). Cette approche par modélisation permet aussi d’étudier l’influence respective de modification des propriétés à chaque échelle sur l’évolution du système.
Suite à la phase de modélisation mathématique, la simulation numérique du modèle à l’aide de logiciels appropriés est indispensable pour permettre à l’utilisateur d’effectuer ses propres expériences “in-silico“. Cela permet d’étudier différentes hypothèses simultanément et de s’affranchir de certaines limites existant dans les approches expérimentales, notamment en termes de nombre de combinaisons et de domaines explorés par le modèle.
Limites d’utilisation d’un modèle mathématique
Un modèle mathématique contient très souvent de nombreux paramètres dont les valeurs sont fixées grâce aux données expérimentales ou à dire d’expert par absence de mesures existantes ou disponibles. Ce grand nombre et la difficulté de les obtenir sont des questions clés quant à la possibilité d’utiliser les modèles et quant à leur portée. D’autre part, une étape importante qui suit la modélisation est la confrontation des sorties du modèle à des données issues de l’expérimentation afin de valider le modèle, ou pour tout le moins son comportement. En conclusion, de la même façon que l’expérimentation est nécessaire pour valider la modélisation, un modèle devrait permettre de mieux définir des plans d’expérimentation. Il est toutefois illusoire de croire que les phénomènes du vivant, d’une complexité hors de notre portée, peuvent se réduire à des équations mathématiques, aussi complexes soientelles. C’est un débat depuis les origines de la connaissance scientifique [3].
Modélisation pour comprendre la digestion
L’intestin grêle est la partie la plus longue du tube digestif. Elle a des conditions favorables pour la dégradation des macromolécules (motricité, activité enzymatique, conditions physico-chimiques, etc). La connaissance de la dynamique de la digestion dans l’intestin grêle des différentes espèces permettrait de mieux valoriser les aliments fournis et donc d’optimiser les intrants et de limiter les rejets dans l’environnement. Or, les méthodes expérimentales et les mesures in-vivo provoquent des perturbations dans le fonctionnement de l’intestin grêle et ne permettent pas d’étudier la digestion en prenant simultanément en compte les différentes échelles présentes dans l’intestin grêle. La modélisation permet de surmonter certaines des difficultés qui existent dans des approches expérimentales sous réserve d’une prise en compte argumentée des phénomènes biologiques connus et pertinents pour l’objet étudié. . L’objectif de ce travail est de construire un modèle générique de la digestion dans l’intestin grêle c’est-à-dire le transport des aliments le long de l’intestin grêle, la dégradation des macromolécules au sein du bol alimentaire et l’absorption des nutriments à travers de la paroi intestinale chez les monogastriques.
Intestin grêle et digestion des aliments
L’intestin grêle est un organe multifonctionnel, il est d’une part responsable du transit des aliments dans la lumière intestinale et de leur mélange avec des enzymes et, d’autre part, il est un lieu idéal pour la dégradation par l’hydrolyse enzymatique et l’absorption des nutriments.
La digestion est le processus par lequel les molécules organiques sont réduites pour être rendues absorbables à travers la paroi du tube digestif. L’intestin grêle est l’organe majeur de la dégradation des aliments et de l’absorption des nutriments. Dans le cadre de ce travail, la digestion est représentée par trois phénomènes principaux : le transport des aliments le long de l’intestin grêle par les ondes péristaltiques, la dégradation des macromolécules par l’hydrolyse enzymatique et l’absorption des nutriments par absorption active et passive [5].
L’étude de la digestion nécessite la connaissance des divers caractéristiques anatomiques de l’intestin grêle qui se représentent selon quatre échelles (Figure 2) :
• Échelle macroscopique ( 17 m) qui correspond à la longueur de l’intestin grêle.
• Échelle mésoscopique ( 1 cm) qui correspond à la longueur des villosités intestinales (leur rôle étant d’augmenter la surface d’absorption) et la muqueuse intestinale.
• Échelle sous mésoscopique ( 1 mm) qui correspond aux micro-villosités et aux cryptes.
• Échelle microscopique ( 10 µm) qui correspond aux cellules épithéliales.
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Table des matières
Introduction générale
1 Intestin grêle et digestion des aliments
2 Méthodes mathématiques
2.1 Équations de transport-dégradation-absorption
2.2 Système d’équations différentielles ordinaires couplées
I Mathematical Modeling of Transport and Degradation of Feedstuffs in the Small Intestine
1 Introduction
2 General Hypothesis and Synthetic Presentation of the Different Models
3 Transport
4 Digestion
4.1 Model 1
4.2 Model 2
4.3 Model 3
4.4 Model 4
5 Results
5.1 Digestion
5.2 Velocity
5.3 Model evaluation
5.4 Sensitivity analysis
6 Conclusion and Perspectives
7 Acknowledgement
II Mathematical Homogenization in the Modelling of Digestion in the Small Intestine
1 Introduction
2 Transport Equation
2.1 Position of the problem
2.2 The asymptotic behavior
3 On the Effects of Intestinal Villi
3.1 Position of problem
3.2 Formal asymptotic
3.3 The rigorous result and proof
III Digestion Modelling in the Small Intestine : Impact of Dietary Fibre 83
1 Introduction
2 Biological Background on Water and Dietary Fibre
3 Key Model Assumptions
4 Physiological Aspects and Bolus Composition
5 Model Equations
5.1 Transport of bolus
5.2 Volumic transformation
5.3 Surfacic transformation
5.4 The equilibrium between As and Ans
5.5 Pancreatic and biliary secretions
5.6 Absorption through intestinal wall
5.7 Water equilibrium
6 Numerical Simulations
6.1 Influence of dietary fibre on intestinal absorption .
6.2 Water associated to dry matter
6.3 The variation of the water ratio inside the bolus
7 Discussion
8 Appendix
8.1 The Model equations
Conclusion et perspectives
Bibliographie
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