L’insuffisance respiratoire, qui se définit comme une incapacité de l’appareil respiratoire à assurer l’hématose, c’est-à-dire à assurer une oxygénation normale du sang, est l’une des principales causes de maladies et de décès en France. Cela est particulièrement vrai lorsque nous regardons les chiffres liés aux bronchopneumopathies chroniques obstructives qui touchent 3,5 millions de personnes en France et en tuent près de 17 000 par an. Selon les estimations, cette pathologie ignorée par deux malades sur trois, sera la troisième cause de mortalité d’ici 2020. Le plus souvent, l’origine de ces pathologies provient de facteurs environnementaux comme la pollution ou le tabagisme chronique. En plus des pathologies obstructives, comme les bronchopneumopathies chroniques obstructives que nous venons d’évoquer ou l’asthme et la mucoviscidose qui sont toutes caractérisées par une augmentation de la résistance au passage de l’air au niveau des voies aériennes, nous trouvons des pathologies dites restrictives caractérisées par une diminution de la compliance pulmonaire – c’est-à-dire une diminution de la capacité des poumons à se distendre – et regroupant le plus souvent des anomalies de la cage thoraciques ou des effecteurs, comme les muscles respiratoires ou les voies de conduction. Le traitement de ces pathologies passe régulièrement par l’utilisation d’une assistance respiratoire – par le biais d’un ventilateur, aussi appelé improprement respirateur – dont l’objectif est de réduire le travail inspiratoire du patient pour le soulager et retarder la dégradation musculaire.
Cette assistance respiratoire se traduit par l’application d’une ventilation généralement non invasive puisqu’elle ne nécessite pas d’intubation oro trachéale. Cette technique est relativement ancienne puisque les premiers traitements par ventilation non invasive se sont popularisés dans les années 1950 après une épidémie de poliomyélite en Europe et en Amérique du nord et qui provoquait parfois une paralysie des muscles respiratoires. Ces premiers ventilateurs étaient dits à pression négative et consistaient en un caisson hermétique d’où seule la tête du patient ressortait : la diminution de la pression dans le caisson à l’aide d’une pompe électrique permettait alors de provoquer une insufflation du patient. Les machines modernes sont dites à pression positive puisqu’elles consistent en un compresseur envoyant de l’air dans les poumons via le nez ou la bouche par l’intermédiaire d’un masque nasal ou facial : c’est, dans cette situation, l’augmentation de la pression au niveau des voies aériennes supérieures qui provoque l’insufflation. Bien qu’il existe des modes de ventilations divers, un en particulier nous intéresse ici : la ventilation spontanée avec aide inspiratoire. Ce mode de ventilation consiste en une détection des demandes inspiratoires du patient afin de provoquer une augmentation de la pression qui lui est délivrée et conduisant à une insufflation – qui est donc déclenchée par le patient. L’objectif de ce mode est de permettre au patient de conserver une autonomie dans sa respiration qu’il pilote tout en réduisant le travail inspiratoire nécessaire. Bien évidement, pour que cela fonctionne, il faut que les cycles de pressurisation du ventilateur soient synchrones avec les cycles respiratoires du patient : dans le cas contraire, cela peu provoquer de l’inconfort ou avoir des effets néfastes pour le patient.
Physiopathologie et évaluation clinique non invasive en pathologie cardio-circulatoire
L’appareil circulatoire est composé de trois parties : le cœur, les vaisseaux sanguins et le sang. Ce dernier est un liquide qui permet à différents éléments dissous ou en suspension (O2, CO2, nutriments, déchets, etc.) ainsi qu’à certaines cellules d’être transportés sur de grandes distances. Les vaisseaux sanguins permettent au sang de circuler du cœur vers les tissus pour ensuite revenir vers ce premier. Le cœur, quant à lui, pompe le sang afin de lui donner l’énergie nécessaire à son écoulement vers les tissus .
Les premières descriptions connues du système circulatoire remontent aux Égyptiens. Le papyrus Ebers est ainsi le plus vieux document (xvie siècle avant J.C.) découvert à ce jour : les Égyptiens pensaient que l’air passait de la bouche aux poumons, puis était distribué par le cœur au travers des artères. Les premières dissections connues pratiquées par des médecins Grecs sur des animaux montrent que les artères sont vides tandis que le foie et la rate sont gorgés de sang : leur interprétation va dans le sens de celle des Égyptiens puisqu’ils pensaient que les artères transportent de l’air. Galien (131–201) fut le premier à faire une description précise du réseau de veines et d’artères à partir de la dissection de porcs, mais son interprétation fut erronée : selon lui, le sang est créé par le foie à partir des aliments, circule ensuite dans les veines pour aller se mélanger avec l’air dans les poumons. Il se dirige ensuite dans le ventricule droit où le sang passe la parois inter-ventriculaire – qu’il pense poreuse –, puis est distribué au reste du corps par le ventricule gauche. Une fois le sang arrivé aux extrémités, il est consommé et ressort sous forme de transpiration : la notion de circuit fermé n’est pas encore en place. Les écrits Égyptiens et Grecs – dont le traité de Galien – sont récupérés et traduits par les médecins musulmans lors de l’invasion de l’Égypte au viie siècle. En 1242, Ibn Al-Nafis fut le premier à décrire la circulation pulmonaire, les artères coronaires et la circulation capillaire. Andreas Vesalius écrit en 1543 un traité d’anatomie humaine [2] où il corrigea un certain nombre d’erreurs dues à Galien. La théorie de Galien fut ensuite infirmée par Amato Lusitano [3] en 1551 qui fut en effet le premier a constater que les veines ont des valves obligeant le sang à revenir vers le cœur, contrairement à l’idée de Galien qui suppose que le sang ne revient pas. La description de la circulation pulmonaire fut réalisée pour la première fois dans le monde occidental par Michel Servet au xvie siècle, puis par Realdo Colombo [4] en1559. C’est à Andrea Cesalpino (1519–1603) que l’on doit la première utilisation du terme « circulation » ; il fut le premier à en attribuer l’origine au cœur alors que l’on pensait alors que le mouvement du sang était une conséquence de la pulsation des artères. Il fallut finalement attendre 1628 pour que William Harvey [5] fasse la première description du système circulatoire, en décrivant notamment le sens de circulation du sang et le rôle des valves veineuses. Il montra également que le débit cardiaque est de plusieurs litres par minute, alors qu’on le pensait de l’ordre d’un goutte à-goutte. Pour Harvey, le système circulatoire forme un unique circuit composé de deux pompes et décomposé en deux parties : la circulation pulmonaire – ou petite circulation – forme une première moitié du circuit entre le cœur et les poumons, tandis que la circulation systémique – ou grande circulation – forme l’autre moitié du circuit entre le cœur et le reste des organes. Le sang sort du cœur par des vaisseaux appelés artères et y revient par des vaisseaux appelés veines.
Le cœur gauche, la circuit systémique, le cœur droit et le circuit pulmonaire sont en série . Le sang de la partie gauche du cœur est éjecté vers les organes – à l’exception des poumons – pour y apporter l’oxygène nécessaire à leur fonctionnement. Le sang revient alors des tissus pulmonaires appauvri en O2 et enrichi en CO2 produit par les tissus. Le sang arrive dans la partie droite du cœur, qui l’éjecte ensuite vers les poumons où le sang libère son CO2 et s’enrichit de l’O2 contenu dans ceux-ci. Le sang revient alors dans la partie gauche du cœur et le cycle recommence. Ainsi, le cœur droit reçoit le sang venant de la circulation systémique et l’éjecte vers la circulation pulmonaire, tandis que le cœur gauche reçoit le sang venant de la circulation pulmonaire et l’éjecte vers la circulation systémique. Bien que le cœur puisse être décomposé en deux pompes, il s’agit bien d’un seul et unique organe. Nous commencerons donc par une description anatomique du cœur avant d’aborder son fonctionnement. Enfin, nous étudierons les mécanismes permettant la régulation du débit cardiaque.
Anatomie du cœur
Le cœur est un organe musculaire creux – dont le muscle est appelé myocarde – ayant approximativement la taille d’un point fermé et pesant environs 250 grammes chez un humain adulte normal [6]. Situé dans le thorax entre le sternum – à l’avant – et la colonne vertébrale dorsale – à l’arrière –, le cœur est limité latéralement par les poumons, verticalement par la trachée, et les gros vaisseaux au dessus et en-dessous par le diaphragme. Son diamètre diminue de la base – en haut – vers la pointe nommée apex – en bas. Le grand axe – allant de la base à l’apex – est orienté de sorte que la base soit plutôt à droite du sternum et l’apex plutôt à gauche . Le cœur constitue donc un seul organe composé de deux parties – une gauche et une droite – fonctionnellement et anatomiquement distinctes travaillant de manière synchrone [6]. Chacun des deux côtés possède deux cavités : le sang arrive ainsi dans l’oreillette avant d’être éjecté par le ventricule . Le mélange entre le sang oxygéné circulant dans le cœur gauche et le sang pauvre en oxygène qui revient au cœur droit est empêché par une cloison musculaire continue appelée septum. L’épaisseur des parois des différentes cavités du cœur est proportionnelle à la puissance mécanique qu’elle délivre : ainsi les oreillettes ont des parois plus minces que les ventricules. De plus, la paroi du ventricule gauche est plus épaisse que celle du ventricule droit, puisque la différence de pression développée pour lutter contre la résistance de la circulation systémique est plus importante que celle de la circulation pulmonaire. Afin d’empêcher la rétrocirculation du sang, le cœur comporte plusieurs valves . Le reflux du sang dans les oreillettes, alors qu’il doit aller vers les ventricules, est limité par la valve tricuspide s’ouvrant vers la cavité ventriculaire droite et par la valve mitrale du côté gauche . Ces valves sont rattachées aux muscles papillaires – qui forment des piliers musculaires – par des fibres tendineuses qui maintiennent les lames valvulaires vers l’intérieur du ventricule [7]. Ainsi le retournement des valves lors de la contraction du ventricule est impossible en temps normal. Il peut arriver que les fibres se rompent : cela créé un reflux sanguin dans l’oreillette rendant le cœur moins efficace lors de la contraction. Le reflux du sang venant de l’aorte vers le ventricule gauche est limité par la valve aortique, tandis que le reflux du sang venant de l’artère pulmonaire vers le ventricule droit est limité par la valve sigmoïde.
Les parois cardiaques sont composées de trois couches, l’épicarde, le myocarde et l’endocarde. L’épicarde – ou péricarde viscéral – est une couche externe séreuse. Le péricarde fibreux, composé de fibres de collagène et de fibres élastiques enferme le cœur dans un sac. Cette couche sert à limiter les frottements lors des mouvements cardiaques, la petite quantité de liquide séreux qu’elle contient servant à lubrifier les surfaces [8]. Au centre, se situe le myocarde, élément contractile composé de fibres musculaires spécialisées, appelées cellules myocardiques. Il constitue la partie la plus importante des tissus cardiaques : l’épaisseur du myocarde entre les différentes cavités et le diamètre des fibres musculaires sont fonction du travail effectué par celles-ci [8]. Ainsi, comme vu précédemment, les oreillettes ont des parois plus fines que les parois des ventricules et le ventricules gauche à des parois plus épaisses que le ventricule droit.
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Table des matières
Introduction générale
1 Physiopathologie et évaluation clinique
1.1 Introduction
1.1.1 Anatomie du cœur
1.1.2 Fonctionnement de la pompe cardiaque
1.1.3 Mécanismes de régulation du débit cardiaque
1.2 Visualisation du cœur
1.2.1 Imagerie par résonance magnétique
1.2.2 Échographie
1.3 Hypertension artérielle pulmonaire
1.4 Évaluation de la fonction cardiaque droite
1.4.1 Mesure de l’excursion systolique de l’anneau tricuspide
1.4.2 Volume et fraction d’éjection du ventricule droit
1.4.3 Étude de la variation fractionnaire de surface
1.4.4 Vitesse du flux transtricuspide
1.4.5 Étude de la déformation et de la désynchronisation segmentaire
1.5 Conclusion
Bibliographie
2 Outils d’analyse échocardiographique
2.1 Introduction
2.2 Étude de la déformation segmentaire
2.2.1 Estimation de l’évolution de la surface ventriculaire
2.2.2 Estimation du débit
2.2.3 Discussion
2.3 Marqueur de la dégradation de la fonction cardiaque
2.3.1 Recherche des seuils optimaux
2.3.2 Score contenant tous les indicateurs
2.3.3 Score final
2.3.4 Discussion
2.4 Conclusion
Bibliographie
3 Modélisation dynamique du système cardio-vasculaire
3.1 Introduction
3.2 Modèle statique simple
3.2.1 Situation normale
3.2.2 Situation d’exercice
3.2.3 Hypertension artérielle pulmonaire
3.3 Modèle dynamique
3.3.1 Régulation et évolution de la fréquence cardiaque
3.3.2 Évolution des volumes télé-diastoliques droit et gauche
3.3.3 Régulation du volume externe
3.3.4 Estimation des volumes d’éjection systolique droit et gauche
3.3.5 Estimation des pressions des veines pulmonaire et cave
3.3.6 Régulation et évolution des résistances internes droite et gauche
3.3.7 Synthèse
3.3.8 Modélisation de l’hypertension artérielle pulmonaire
3.3.9 Discussion
3.3.10 Limitations du modèle
3.4 Conclusion
Bibliographie
Conclusion générale