Modélisation du parc de bâtiments du secteur tertiaire et simulation énergétique

L’efficacité énergétique et la décarbonation des usages de l’énergie dans le secteur du bâtiment constituent un enjeu capital dans le cadre de la stratégie nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre, principal levier de lutte contre le changement climatique. En 2019, les bâtiments des secteurs résidentiel et tertiaire suscitent en effet à eux seuls 45% de la consommation finale d’énergie du territoire métropolitain français et 21% des émissions directes de CO2 [1].

La consommation d’énergie des bâtiments du secteur résidentiel et ses déterminants sont assez largement documentés [3]. Il en va tout autrement pour les bâtiments du secteur tertiaire, qui tout comme l’industrie diffuse restent méconnus. Ils engendrent pourtant désormais 17% de la consommation d’énergie finale d’énergie , à la suite d’une rapide croissance consécutive à la tertiarisation de l’économie française.

Comparée à celle des autres grands secteurs, la consommation d’énergie du secteur tertiaire est marquée par le poids de la consommation d’électricité, qui résulte principalement de l’importance des usages dits « spécifiques », c’est à dire ne pouvant être satisfaits dans la pratique qu’au moyen de l’électricité.

Une analyse en décomposition a été réalisée par EDF R&D selon la méthode LMDI (Logarithmic Mean Divisia). Cette analyse permet d’évaluer la contribution de différents types de déterminants à l’évolution de la demande d’énergie du tertiaire , sur la base de données INSEE (économie) et CEREN (surfaces de bâtiments et consommations d’énergie par type d’activité, source d’énergie et usage de l’énergie). Les déterminants mis en évidence sont au nombre de 5 :
• L’activité économique par type d’activité (ci-après « Activité »), approchée par la Valeur Ajoutée des secteurs (avec toutes les réserves d’usage concernant l’évaluation de cette grandeur s’agissant des services principalement non marchands),
• La productivité du travail par type d’activité (ci-après « Productivité »), approchée par le rapport de la valeur ajoutée et des emplois.
• La surface par emploi par type d’activité (ci-après « « SurfEmp »),
• Le pourcentage de la surface chauffée pour un type d’activité, satisfait au moyen d’un source d’énergie donné pour un usage donné (ci-après « SurfEnerg »). Cet indicateur cumule les contributions des évolutions des parts de marché pour les usages concurrentiels (chauffage, ECS) et du taux d’équipement pour la seule climatisation.
• L’intensité énergétique, à savoir la consommation d’énergie par unité de surface, par type d’activité, source d’énergie et usage de l’énergie (ci-après « Intensité »).

L’enjeu crucial de l’hétérogénéité 

La méconnaissance de la consommation d’énergie du tertiaire et de ses déterminants a deux explications principales. La première tient à la difficulté de cerner précisément les contours et la nature du secteur tertiaire lui-même : de quoi parle-t-on quand on parle de tertiaire ? La seconde, directement liée à la précédente, tient à l’extrême hétérogénéité du secteur. Ces deux pierres d’achoppement ont sans doute contribué à minorer l’attention historiquement portée au secteur, souvent jugé inextricable.

La première de ces difficultés, celle du contour et de la nature des activités rattachées au secteur tertiaire, trouve une solution acceptable à défaut d’être élégante via l’énumération des activités économiques et sociales dont on décide qu’elles composent le secteur tertiaire. La seconde, l’hétérogénéité, s’exprime précisément quant à elle au niveau des déterminants de la demande d’énergie :
• Hétérogénéité des activités, dont la nature et les rythmes (cycles d’activité) sont extrêmement variés et conditionnent la demande d’énergie : quoi de commun entre une école maternelle et un centre commercial ? Une résidence pour personnes âgées dépendantes et une salle omnisports ?
• Hétérogénéité des bâtiments et des équipements (dimensions, performances thermiques, rendements, consommation auxiliaires…), qui constituent les plus visibles des infrastructures supports des activités de service et déterminent directement la consommation de la majeure partie des usages de l’énergie du tertiaire (chauffage, climatisation, ventilation, éclairage notamment).
• Hétérogénéité de la répartition spatiale et temporelle des bâtiments (centres urbains, périphérie, zone rurale) et des conditions climatiques auxquels ils sont soumis.

Puisqu’elle concerne précisément les déterminants de la demande d’énergie, la prise en compte de cette hétérogénéité est un prérequis absolu à la conception et au déploiement des politiques d’efficacité énergétique, de même qu’à toute planification ou prospective énergétique. La définition des politiques d’efficacité énergétique suppose par exemple d’être en capacité d’identifier les gisements d’économie d’énergie, de les quantifier et de définir une stratégie d’exploitation de ces gisements En effet, les moyens de parvenir à une efficacité énergétique satisfaisante ne sont pas du tout les mêmes selon qu’à performance moyenne donnée on considère un parc homogène ou hétérogène : dans le premier cas, l’ensemble du parc doit être traité et peut l’être de façon indifférenciée. Dans le second cas, il est possible et nécessaire de moduler les politiques et d’identifier des cibles prioritaires, appelant des actions et des efforts spécifiques.

Or, il n’existe pas à l’heure actuelle de représentation du parc de bâtiments tertiaires français qui satisfasse l’impératif de prise en compte de son hétérogénéité. Les données disponibles permettent au mieux de représenter le parc de bâtiments sous la forme d’une estimation des surfaces chauffées, segmentées par types d’activités et énergie principale de chauffage, et d’évaluer sa consommation d’énergie à partir de ratios établis statistiquement à partir d’enquêtes. Le développement récent de l’open data et la multiplication de sources de données ont ouvert de nouvelles perspectives et permettent d’envisager de nouvelles façons de représenter le parc de bâtiments tertiaire et ses caractéristiques en tenant compte de son hétérogénéité.

Etat de l’art en matière de connaissance du parc tertiaire français

L’hétérogénéité du parc de bâtiments tertiaires

L’hétérogénéité du secteur tertiaire en général et son parc de bâtiments en particulier résulte de la diversité d’activités économiques que ce secteur englobe. D’où une première question : Comment pouvons-nous définir le secteur tertiaire ? Cette question ramène aux sciences économiques où existent plusieurs visions de la séparation en trois grands secteurs. La définition du secteur tertiaire commence à apparaître dans la littérature lors des travaux d’Allan Ficher [4] et de Colin Clark [5]. Les deux ont constaté un glissement de la population active vers les métiers de services. Ils proposent une division de la structure économique en trois secteurs d’activité : Primaire, Secondaire et Tertiaire. Secteurs primaire et secondaire font seuls l’objet d’une définition positive : au secteur primaire les activités de type agricole, au secondaire l’industrie. Le tertiaire regroupe l’ensemble des autres activités, quel qu’en soit l’objet. Par la suite, les travaux de Jean Fourastié sur la productivité [6] le conduiront à définir le secteur tertiaire comme l’ensemble des activités marquées par un progrès technique faible voire nul. La proposition de Fourastié constitue une première tentative de définition positive du tertiaire, bien fragile cependant.

De nombreux auteurs ont depuis tenté d’établir une définition positive du secteur tertiaire. Mais faute de succès flagrant, l’INSEE continue à définir le secteur tertiaire « par complémentarité avec les activités agricoles et industrielles (secteur primaire et secondaire) »[7]. Il en exclut donc les activités agricoles et industrielles dont la production et la distribution d’eau et d’énergie, la construction. Il y inclut le commerce (de gros et de détail), les services de réparation, l’hébergement, la restauration, les transports et la communication, les activités financières, immobilières, de location, les activités de services aux entreprises, l’administration publique, l’enseignement, la santé et l’action sociale, ainsi que les services collectifs, sociaux et personnels. Assimilé à celui des services, le secteur tertiaire persiste donc à se dérober à une définition générale. On notera d’ailleurs que les nombreux débats agitant la communauté des chercheurs concernant l’articulation entre biens et services invitent à se poser la question de l’universalité et de la pertinence de la tripartition de l’économie.

En absence de solution idéale, nous reprenons la définition du « secteur tertiaire » de l’INSEE qui permet de rester cohérent avec les travaux existants. La définition imprécise du secteur tertiaire introduit des difficultés certaines pour les études énergétiques. La raison principale est liée au fait que la définition « par complémentarité » introduit une grande hétérogénéité des activités économiques. La majorité des activités tertiaires se déroule au sein de bâtiments souvent conçus ou modifiés pour répondre à certains critères esthétiques et fonctionnels utiles à l’activité. Par exemple : les magasins sont souvent très vitrés pour satisfaire la demande de visibilité des clients. En conséquence, l’hétérogénéité des activités économiques du secteur tertiaire implique une grande diversité architecturale du parc, qui se traduit, en termes énergétiques, par différentes caractéristiques et performances thermiques. La description du parc de bâtiments se trouve encore complexifiée par l’existence des bâtiments multifonctionnels (galerie commerciale avec coiffeurs, boulangerie, cinémas, etc.) dans lesquels plusieurs activités cohabitent ; ceci s’étend au mélange tertiaire/résidentiel (cas des professions libérales en particulier).

Les particularités liées à l’activité donnent également forme aux profils d’usages énergétiques au sein d’un bâtiment. Concrètement, la consommation de chaque usage dépend de la manière dont les occupants sollicitent le(s) système(s). Par contre, le choix des systèmes n’est pas dépendant que de la nature de l’activité économique, mais aussi d’autres aspects comme les ressources disponibles (techniques et financières), la règlementation ou la pratique locale.

Les répartitions spatiales (mitoyenneté par exemple) et temporelles (constructions simultanées de type ZAC ou dispersées) sont aussi des paramètres importants à prendre en compte dans la description du parc. Car elles ont des impacts non négligeables sur les bâtiments et les systèmes :
• Implantation spatiale :
o Les bâtiments abritant la même activité peuvent être conçus différemment selon le lieu où ils se trouvent. Un supermarché au centre-ville n’a pas la même architecture qu’un supermarché sur une zone commerciale en périphérie. L’environnement de construction limite aussi certains choix comme les systèmes, par exemple : la connexion aux réseaux de chaleur est souvent inaccessible en dehors du centre-ville.
o Les conditions climatiques locales conditionnent le profil de la demande d’énergie.
• Répartition temporelle :
o Les modes constructifs diffèrent d’une époque à une autre. Ils sont liés non seulement au style d’architecture répandu à chaque époque, mais aussi à la règlementation de la construction. En termes énergétiques, les marques de changement au fil du temps sont directement liées à l’évolution de la règlementation thermique.
o L’évolution technologique introduit progressivement des systèmes de plus en plus efficaces pour un usage donné, et en même temps fait apparaître des nouveaux usages énergétiques. Etant donné que le rythme d’installation et de changement des systèmes dépend de beaucoup de facteurs (panne, dégradation, technologie dépassée, etc.) et parfois de nombreux acteurs, l’état des systèmes existants dans le parc est extrêmement disparate.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I. Introduction
1. Contexte
2. Objectifs de la thèse
II. Etat de l’art en matière de connaissance du parc tertiaire français
1. L’hétérogénéité du parc de bâtiments tertiaires
2. Les différentes méthodes de modélisation d’un parc de bâtiments
3. Synthèse de l’étude des modèles existants
III. Méthodologie – Reconstitution et enrichissement du parc
1. Etape 1 : Collecte de données
2. Etape 2 : Identification des bâtiments et estimation de surface
2.1. Identification des bâtiments abritant des activités tertiaires avec le SIG
2.2. Méthodes d’estimation des surfaces
2.3. Eléments de validation par sondage in situ
2.4. Traitement des problèmes spécifiques : sièges sociaux, sites multi-bâtiments et absence de données géométriques
3. Etape 3 : Caractérisation thermique de l’enveloppe des bâtiments
3.1. Distribution de la date de construction
3.2. Distribution de la date et la nature des derniers travaux
3.3. Distribution du taux de vitrage
3.4. Calcul de la surface mitoyenne et la surface déperditive
3.5. Estimation de la forme et de la surface de toiture
3.6. Calcul des masques solaires
3.7. Distribution des coefficients de transfert thermique U et du débit d’infiltration
4. Etape 4 : Enrichissement des données des systèmes énergétiques
4.1. Les usages importants à modéliser
4.2. Présence des usages au sein de chaque bâtiment
4.3. Distribution des sources d’énergie
4.4. Caractérisation des systèmes
5. Etape 5 : Caractérisation des profils d’occupation
IV. Résultats, comparaisons et analyse de sensibilité
1. Résultats concernant la description du parc
1.1. Quelques illustrations des résultats : description des surfaces
1.2. Comparaison de notre évaluation des surfaces avec les sources externes
2. Résultats concernant la consommation d’énergie
2.1. Comparaison des résultats de la simulation énergétique avec des sources externes
2.2. Quelques illustrations des résultats : courbes de charge
3. Analyse de sensibilité et discussion des hypothèses
3.1. Analyse de sensibilité des paramètres de la reconstitution du parc
3.2. Analyse des hypothèses de la simulation énergétique
3.3. Discussion des hypothèses
V. Applications de la méthode de reconstitution du parc
1. Evaluation des gisements d’économie d’énergie pour le chauffage en Île-de-France
2. Evaluation du potentiel d’autoconsommation photovoltaïque des bâtiments du secteur tertiaire dans l’Agglomération d’Orléans
VI. Conclusion et Perspectives
VII. Bibliographie
VIII. Annexes

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *