Les vertèbres constituent l’ossature du rachis. La partie antérieure des vertèbres, appelée corps vertébral, est composée de deux types d’os : l’os cortical et l’os spongieux. L’os spongieux est constitué d’un réseau de travées dont l’orientation permet au corps vertébral de résister aux forces et déformations auxquelles il est soumis. Il est entouré d’une épaisseur d’os cortical qui maintient la moelle osseuse et les autres fluides au centre de la vertèbre et apporte de la raideur au corps vertébral. Cette organisation particulière permet aux vertèbres de supporter des charges importantes. Avec l’âge, la masse osseuse diminue. Les travées deviennent plus fines et leur nombre diminue, tandis que les espaces inter-trabéculaires augmentent. Les os deviennent plus poreux et plus légers. L’os est moins résistant et le risque de fracture des vertèbres augmente.
Afin d’analyser le comportement biomécanique des vertèbres et d’évaluer le risque de fracture, de nombreuses études expérimentales ont été réalisées. La plupart de ces études se sont focalisées sur l’évaluation de l’effort à la rupture du corps vertébral en compression et ont permis de souligner l’importance de l’âge [1]. L’imagerie médicale est aussi souvent utilisée comme outil complémentaire aux essais expérimentaux. En évaluant la densité minérale osseuse, l’imagerie permet de prédire en partie le risque de fracture de manière non-invasive [2, 3]. Cependant la plupart de ces études expérimentales ont été réalisées en chargement quasi statique, excluant l’étude des fractures causées par des impacts. Or ces fractures, même si elles ne sont pas fréquentes, peuvent avoir des conséquences neurologiques graves. Les études présentant des essais en dynamique ont montré l’influence de la vitesse sur le comportement du corps vertébral, mais elles restent rares [4, 5].
En complément aux expérimentations, des modèles par éléments finis ont été développés pour caractériser le comportement des vertèbres. Afin de rendre compte de l’âge dans ces modèles, plusieurs solutions ont été investiguées. Dans certains cas, les propriétés mécaniques des modèles sont modifiées en fonction de la littérature [6, 7]. Une autre solution consiste à réaliser des modèles personnalisés : en représentant les vertèbres d’un sujet, ces modèles tiennent compte intrinsèquement de l’âge [8, 9]. Ces études sont de plus en plus nombreuses, mais elles sont en général réalisées dans des cas de chargements quasi-statiques.
L’os
Organisation
L’organisation de l’os peut se voir à différents niveaux :
◦ Macrostructure : os spongieux (extrémités os longs) / os cortical (diaphyse os long)
◦ Microstructure : système haversien, travées individuelles
◦ Nanostructure : lamelles
◦ Sous-nanostructures : fibrilles de collagène (molécules de collagène et cristaux d’apatite) .
Au niveau macroscopique, on peut distinguer deux types de tissus osseux : l’os cortical et l’os spongieux. Ils diffèrent par leur degré de porosité et de densité, mais on les distingue surtout par l’organisation de la microstructure du tissu.
L’os cortical
L’os cortical (également appelé os compact), dur et dense, constitue la diaphyse et la surface externe des os. Sa porosité est de 5-10% et sa densité est de l’ordre de 1.8 g.cm-3. Son épaisseur varie selon les os et au sein d’un même os pour s’adapter aux contraintes mécaniques. Au niveau microscopique, on distingue (voir Figure 1.1):
– Les ostéons ou systèmes haversiens. Ils ont un diamètre d’environ 200 μm. Chaque système est constitué de 5 à 20 lamelles osseuses, ordonnées de manière concentrique autour d’un canal de Havers. Chaque lamelle, d’une épaisseur comprise entre 3 et 7 μm, est composée de fibrilles de collagène condensé. Au sein d’une lamelle, les fibres sont parallèles entre elles mais forment des angles variables proches de 90° avec les fibres des lamelles adjacentes.
– Les canaux de Havers sont en général parallèles à la surface des os et sont orientés dans leur axe. Ils contiennent les capillaires et les nerfs, et leur diamètre est de 50 μm.
– les canaux de Volkmann sont des canaux orientés transversalement aux canaux haversiens, qu’ils connectent entre eux. Leurs vaisseaux sont en communication avec les vaisseaux de la cavité médullaire et de la surface des os, et ils contiennent probablement des nerfs.
– entre les ostéons se trouvent les lamelles interstitielles, vestiges d’ostéons anciens partiellement résorbés et constituant les systèmes interstitiels.
– les cavités de résorption sont les espaces temporaires créés par les ostéoclastes au stade initial du remodelage. Ils ont un diamètre de 200 μm.
– L’os compact est par ailleurs recouvert sur ses surfaces externes et internes par les lamelles fondamentales.
L’os spongieux
On trouve l’os spongieux (autrement appelé os poreux ou trabéculaire) dans les os cuboïdes (type vertèbre), les os plats et à l’extrémité des os longs. Sa porosité est de 75-95 % et sa densité est de l’ordre de 0.1-0.9 g/cm3 .
La matrice des os se présente sous forme de travées, d’une épaisseur de 200 μm environ et dont l’arrangement est variable. Elle est friable et constituée d’Unités Structurales Élémentaires (USE) figurant des arches ou des plaques, sortes d’ostéons déroulés à texture lamellaire qui s’accolent les uns aux autres au niveau des lignes cémentantes pour former une travée [11]. Les parois de celles-ci sont continues sur le sujet jeune mais se dégradent avec l’âge, se perforant et se réduisant à une structure filaire au stade ultime. Ces travées correspondent aux lignes de force de traction ou de compression qui s’exercent sur l’os. Les sollicitations s’effectuant dans des directions multiples, la structure du réseau est donc complexe et asymétrique.
Composition
L’os cortical et l’os spongieux ont approximativement la même composition :
● La phase organique représente 35 % de la matrice osseuse. Les constituants organiques sont les cellules osseuses et le matériau ostéïde. Ce matériau est composé à 90 % de collagène de type I. Il s’agit d’une protéine structurelle aussi appelée collagène fibrillaire formée par l’assemblage de trois chaînes de polypeptidique alpha [10]. Ce sont les fibres de collagène qui apportent à l’os sa flexibilité.
● L’hydroxyapatite [Ca10(PO4)6(OH)2] se présente sous la forme de petits cristaux et se situe entre les fibres de collagène et/ou à l’intérieur de celles-ci et donnent au tissu osseux sa raideur. La minéralisation commence au niveau du collagène où les cristaux d’apatite sont d’abord déposés à intervalles réguliers. Les facteurs qui contrôlent la minéralisation in vivo ne sont pas bien connus à ce jour, mais les protéines comme l’ostéocalcine, l’ostéonectine et l’ostéopontine jouent probablement un rôle. L’os représente pour l’organisme un réservoir de calcium, car il contient 98% du calcium de l’organisme [12].
● Les protéoglycanes servent à moduler l’assemblage des fibrilles de collagène et à contrôler la localisation et le taux de minéralisation [13].
● De l’eau et une faible quantité de protéines osseuses.
Évolution du tissu osseux avec l’âge
Les parties précédentes nous ont permis de voir quelles sont les caractéristiques principales de l’os. Lorsqu’on compare les résultats de la littérature concernant les propriétés des os, on constate qu’il existe une grande dispersion dans les données disponibles. Ceci s’explique par la variabilité biologique et expérimentale . Parmi les facteurs biologiques ayant une influence sur les propriétés des os, l’âge a été particulièrement étudié. Dans cette partie, nous verrons quels sont les mécanismes de dégénérescence osseuse et comment les propriétés de l’os évoluent en fonction de l’âge.
Perte osseuse
Tout au long de l’existence, l’os est renouvelé en permanence. Ce processus, appelé remodelage osseux, permet une régénération de l’architecture osseuse par résorption et apposition locale de l’os. Ce processus permet au squelette de s’adapter afin d’offrir une résistance maximale aux contraintes mécaniques en évitant une trop grande augmentation de la masse osseuse [25]. Il permet aussi de réparer les micro-fractures du tissu osseux et maintient donc l’intégrité du squelette. Ce processus, s’il est trop déficitaire, conduit à une perte osseuse trop importante et à l’ostéoporose. La définition de cette pathologie est la suivante [26] : « L’ostéoporose est une maladie systémique du squelette caractérisée par une masse osseuse basse et une détérioration de l’architecture osseuse ayant pour conséquence une fragilité osseuse accrue pouvant conduire à des fractures ». La composition de la matrice reste normale mais les travées deviennent plus fines et leur nombre diminue, tandis que les espaces inter-trabéculaires augmentent. La masse osseuse se trouve réduite et les os deviennent plus poreux et plus légers. L’os est moins résistant et les risques de fracture augmentent. Cette perte osseuse est en partie due à une moins bonne absorption du calcium et de la vitamine D. La perte osseuse survient “silencieusement” et progressivement : la première fracture n’est en général précédée d’aucun symptôme. Certaines fractures sont caractéristiques de l’ostéoporose : poignet, fémur, vertèbre. Les risques sont aussi plus élevés pour les femmes ménopausées (en raison d’une baisse du taux d’hormones sexuelles). En effet ces hormones limitent l’activité des ostéoclastes (l’oestrogène inhibe la production par les ostéoblastes d’un facteur qui active les ostéoclastes) et favorise le dépôt de nouvelle matière osseuse [25]. Les femmes perdent 40% de leur masse osseuse entre 20 et 80 ans, contre 27% pour les hommes [11]. L’ostéoporose est aussi plus fréquente après un alitement prolongé.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 L’os
1.1.1 Organisation
1.1.2 Composition
1.1.3 Caractéristiques mécaniques
1.1.4 Évolution du tissu osseux avec l’âge
1.2 Le rachis
1.2.1 Généralités
1.2.2 Les fractures vertébrales
1.2.3 Caractérisation expérimentale
1.3 Les modèles par éléments finis du rachis
1.3.1 Les modèles de vertèbres
1.3.2 Les modèles de segments
1.3.3 Prise en compte de l’âge dans les MEF
1.4 Contexte de l’étude
CHAPITRE 2 RATIONNELLE DU PROJET ET CADRE MÉTHODOLOGIQUE
CHAPITRE 3 CARACTÉRISATION EXPÉRIMENTALE DU COMPORTEMENT DES CORPS VERTÉBRAUX EN CHARGEMENT DYNAMIQUE
3.1 Protocole expérimental
3.1.1 Étapes préliminaires
3.1.2 Les essais
3.1.3 Traitement des données
3.2 Résultats
3.2.1 Mesure de la densité minérale osseuse
3.2.2 Analyse des courbes
3.2.3 Analyse des vidéos
3.2.4 Analyse des données numériques
3.2.5 Analyse des vertèbres après examen tomodensitométrique et coupe
3.3 Discussion
3.4 Conclusion de la partie expérimentale et perspectives
CHAPITRE 4 CALIBRATION DES PROPRIÉTÉS MÉCANIQUES DANS UN MEF DE VERTÈBRE SOLLICITÉE EN COMPRESSION
4.1 Méthodes
4.1.1 Description du modèle par éléments finis
4.1.2 Plan d’expérience composite centré
4.2 Résultats
4.2.1 Évaluation des paramètres les plus influents
4.2.2 Réponses ajustées
4.2.3 Les fonctions de désirabilité
4.3 Discussion
4.4 Conclusion
CHAPITRE 5 PRISE EN COMPTE DE L’ÂGE DANS UN MEF DE VERTEBRE
5.1 Méthodes
5.1.1 Propriétés mécaniques pour la compression axiale à 10 mm/s
5.1.2 Propriétés mécaniques pour la compression axiale à 2500 mm/s
5.2 Résultats
5.2.1 A 10 mm/s
5.2.2 A 2500 mm/s
5.3 Discussion
5.4 Conclusion et perspectives
CHAPITRE 6 PERSONNALISATION DES MODÈLES
6.1 Méthodes
6.2 Résultats
6.2.1 Validation géométrique
6.2.2 Résultats Numériques
6.2.3 Localisation de l’initiation de la fracture
6.3 Discussion
6.4 Conclusion
CHAPITRE 7 DISCUSSION GÉNÉRALE
CONCLUSION
ANNEXES