Modélisation du comportement des dallages industriels

Ce travail de recherche s’inscrit dans un cadre théorique et numérique. Il vise à proposer et à valider une modélisation fine des dallages pour le calcul des déplacements et des contraintes créés par des chargements de courte et de longue durée. On ne s’intéressera qu’au cas particulier des dallages industriels rigides en béton non armé. Cette recherche se situe dans un contexte global, visant à améliorer les règles de dimensionnement des dallages existants actuellement utilisées en France. Le dallage apparaît comme une structure simple, qu’il s’agisse de bâtiments industriels ou de grandes surfaces commerciales. En apparence, c’est une couche mince de béton étalée sur le sol. Actuellement, les pathologies des dallages sont la première cause de sinistres en France. Un nouveau texte de normalisation a été établi depuis mars 2005 (le DTU 13-3, AFNOR, 2006) et comprend des calculs justificatifs de la résistance et du comportement des dallages. La méthode de cette norme parait extrêmement complexe ; elle est basée sur les théories de Boussinesq et de Westergaard, ainsi que sur des extrapolations arbitraires, sans validation théorique ni expérimentale. Le modèle de calcul souhaité doit être complet : par exemple, il doit permettre d’associer aux chargements surfaciques et au chargement volumique du poids propre, le chargement qui résulte des champs de température intense et de l’effet du retrait propre du béton. Il est en effet connu que les effets du retrait et de la température influencent fortement le comportement des dallages et contribuent aux sollicitations et aux déformations supportées par le dallage. On trouve bien, selon le modèle de Westergaard, une solution analytique au problème de la plaque mince reposant sur un massif caractérisé par son coefficient de réaction, et sollicitée par une charge au centre, en coin et au bord. Mais il est difficile d’accepter le concept du coefficient de réaction du sol, appliqué à la structure de fondation d’un dallage en béton. De plus, la détermination du module de réaction pose problème. D’autres travaux théoriques ont visé la détermination des sollicitations internes dans un massif, sous l’effet de charges verticales appliquées à la surface, tels les travaux de Boussinesq. Pour le cas des dallages, il a fallu introduire d’autres extensions du modèle de Boussinesq, tels que la prise en compte des conditions d’interface entre le dallage et le massif sous-jacent. Si ces méthodes se justifient bien pour le dimensionnement des dallages, l’hypothèse de continuité de la structure est loin de refléter la réalité, car un dallage est discontinu par nature, en raison des joints ou des fissures transversales qu’il présente. Ces limitations des modèles analytiques ont conduit à adopter ici la méthode de calcul aux éléments finis. Dans les modélisations effectuées, les matériaux constitutifs seront considérés comme élastiques, linéaires et isotropes. Malgré la simplicité de la mise en œuvre du modèle, qui résulte de ce choix, le problème à résoudre est en réalité beaucoup plus complexe. Cette complexité provient de la discontinuité du dallage, mais également des déformations (souvent inconnues) dues à la de température non uniforme sur l’épaisseur du dallage. Les déformations du dallage proviennent également du retrait du béton en interaction avec le sol support, et dépendent du positionnement des charges. Le problème mécanique à résoudre devient alors un problème non linéaire de contact tridimensionnel, où la surface d’appui finale du dallage sur sa fondation est a priori partielle et inconnue.

Généralités sur les dallages 

Un dallage est un ouvrage plan, de grande surface et de faible épaisseur, reposant sur un sol auquel il transmet les actions qui lui sont directement appliquées. Il est important de définir exactement le dallage à mettre en œuvre tant au niveau du support que du corps du dallage sans négliger aucun paramètre tels que les joints divers, le choix du type de finition ou de revêtement. Les bureaux d’études, lors de la réalisation des bâtiments, examinent avec attention tous les problèmes liés aux mauvaises conceptions des éléments porteurs et négligent ceux que posent les dallages. Cette attitude se justifie par le fait qu’un effondrement de la structure peut entraîner des dangers mortels. Le nombre de sinistres de dallages industriels est important. Les désordres peuvent perturber sinon arrêter complètement l’exploitation de l’ouvrage. Il faut savoir que si la réparation d’un dallage n’est pas impossible, elle entraîne un coût important ; de plus, les remèdes expéditifs de type injection de résine en cas de fissuration ne permettent de résoudre que des cas limités.

Il s’est avéré que les dallages sont actuellement les ouvrages qui sont la première cause de sinistres ou malentendus entre maîtres d’ouvrage, entreprises et ses bureaux d’étude. Dans ce qui suit les principales règles de conception et quelques désordres pouvant affecter les dallages sont décrits.

On classe souvent les dallages suivant leur domaine d’application. On distingue les dallages à usage industriel, commercial, à usage d’habitation et à usages spéciaux (patinoires…). Dans ce document on ne s’intéresse qu’au dallage à usage industriel vu qu’il est de grande surface et qu’il est soumis à des charges importantes. Ce type de dallage est sujet à plusieurs types de pathologie, ce qui constitue un enjeu économique majeur puisque les coûts de réparation des sinistres associés sont souvent disproportionnés par rapport au coût de réalisation de l’ouvrage.

Le béton du dallage peut être armé, dans ce cas il comporte des armatures ayant une fonction structurelle et son dimensionnement obéit aux règles classiques de dimensionnement des ouvrages en béton armé (fondations superficielles). On réalise aussi des dallages dits « non armés » ou autorésistants ; dans ce cas ils sont dimensionnés en fonction des propriétés du béton. Ils peuvent alors contenir un pourcentage d’acier (treillis etc…) qui n’entre pas dans le dimensionnement. D’autres solutions existent : les dallages en béton renforcé de fibres métalliques constituent une alternative mais aucun texte normatif n’existe pour leur dimensionnement. Ces dallages sont calculés a priori comme les dallages non armés.

Types de pathologies et leur origine

L’observation Sycodés (une base de données alimentées respectivement par les rapports d’experts et les avis de contrôleurs techniques permettant de quantifier et qualifier les pathologies en aval et les présomptions de dysfonctionnement et de dommages en amont) a recensé entre 1986 et 1993 en France plus de 75000 désordres dans les bâtiments neufs (85%) et réhabilités (15%). Les dallages des bâtiments industriels neufs représentent à eux seuls 11,4% des désordres rencontrés (19,5% du coût de réparations). Guilloux et al. (2002) classent les désordres qui peuvent affecter un dallage en deux catégories :

Les désordres de première catégorie

Ils sont de fréquence élevée (80 à 90% des sinistres) mais de coûts relativement faibles par rapport à ceux de la deuxième catégorie. Cette catégorie est liée plus au corps du dallage et comprend les pathologies suivantes :
➤ Pathologies liées aux joints :

Les efforts parasites, liés à l’évolution physicochimique du béton, font que les joints de retrait se prolongent sur toute l’épaisseur du dallage. Il en résulte des désaffleurements favorisant l’apparition d’épaufrures sur les angles et les arrêts des joints. Ces désordres causent de sérieuses gênes d’exploitation surtout dans le cas d’une charge roulante. Ce désordre est lié essentiellement au comportement intrinsèque du béton au moment de la prise. Le retrait hydraulique produit une différence de comportement entre la surface et la sous face du dallage. Il s’agit de l’effet de tuilage qui se manifeste par la déformation du dallage par courbure intérieure à concavité vers le haut. Plus précisément, deux types de fissuration peuvent se produire. On distingue les fissurations au jeune âge et les fissurations à mi terme et long terme. Au jeune âge des fissures peuvent se produire sous l’effet d’évaporation rapide de l’eau du béton pendant qu’il est en phase plastique. Un faiençage de la surface peut se produire. Ceci n’est gênant qu’au niveau esthétique et non au niveau structurel ; il est compensé par talochage énergique. Ce phénomène est dû au retrait plastique qui est la conséquence d’une dessiccation de la surface du béton. Généralement elle n’affecte le béton que sur une épaisseur de 25 mm à 75 mm depuis sa surface (ACI-committee-302, 2004). Les fissures de retrait plastique peuvent atteindre des longueurs de 100 mm à 1 m. Cette fissuration de retrait plastique peut, par contre avoir une incidence sur la structure puisqu’elle constitue un point de faiblesse au niveau duquel les efforts vont rapidement se concentrer. Pour éviter ce phénomène il est fortement recommandé d’utiliser des produits de cure pour la protection de la surface du béton. On note, que dans les applications courantes de dallages en béton classique, la finition est souvent réalisée par talochage mécanique: cette action permet de refermer la fissuration plastique à condition qu’elle ne soit pas importante. Mariotti (1994) considère que la fissuration peut être produite à plus long terme car le béton une fois durci continue à subir des variations dimensionnelles notamment sous l’effet du séchage ou des variations de température. Ces déformations ne se font pas librement dans les conditions de structure (appuis et frottement…) et des contraintes de traction se développent dans la structure pouvant générer des fissurations.

Dans un premier lieu, on peut citer la contrainte due au fait que le corps du dallage repose sur le sol. Le retrait se trouve alors gêné ; le dallage se met en traction. Une fissuration peut s’initier, généralement à mi-longueur des dallages, dans la zone la plus sollicitée. La solution la plus adaptée à ce problème est le découpage en joints de retrait. Malheureusement cette solution présente des inconvénients. La présence de discontinuités dans un ouvrage constitue une faiblesse pour celui-ci. D’une part les joints sont des zones sensibles qui se dégradent au cours du temps. Lorsque le dallage est fissuré sur toute son épaisseur au niveau du joint, la continuité entre les panneaux n’est assurée que par les armatures éventuelles. Des désaffleurements peuvent se produire entre les panneaux sous l’effet de l’irrégularité de distribution des charges verticales ou au passage des charges roulantes. Les passages répétés peuvent contribuer à la fatigue du béton constituant le bord du joint. On observe aussi des endommagements locaux du sol de fondation au niveau des joints sous l’effet des glissements au passage des charges roulantes (phénomène de pianotage). Cette usure est la cause d’une remontée de particules fines (phénomène de pompage). L’évolution du phénomène s’accélère au fur et à mesure de la dégradation. Ce phénomène de battement ou de pianotage peut être limité par l’utilisation d’un treillis structurel ou par goujonnage des joints.

➤ Les affaissements de surface réduite
Il s’agit souvent d’affaissements localisés dus à des efforts d’exécution. Les cuvettes ainsi formées finissent par être le siège du développement d’un réseau de fissures laissant libre cours aux infiltrations en sous-face du dallage. On peut associer ce désordre aux insuffisances de l’épaisseur du dallage, à la mauvaise qualité du béton ou à l’absence de désolidarisation avec les éléments porteurs de la structure.

➤ Les désordres en périphérie de reprise des dallages existants
Lorsque des saignées sont pratiquées dans le dallage, par exemple pour la création des réseaux enterrés, ces travaux s’accompagnent inévitablement de désordres par fissuration périphérique aux zones traitées. La cause essentielle réside dans la difficulté de reconstitution à l’identique de la couche de forme.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre I
1 Etude bibliographique
1.1 Introduction
1.2 Généralités sur les dallages
1.2.1 Introduction
1.2.2 Définition et pathologies
1.2.2.1 Définition d’un dallage
1.2.2.2 Types de pathologies et leur origine
1.2.2.2.1 Les désordres de première catégorie
1.2.2.2.2 Les désordres de deuxième catégorie
1.2.2.3 Autres Causes possibles pour les pathologies des dallages
1.3 Historique de dimensionnement des dallages en France
1.3.1 Principe du dimensionnement
1.3.2 La Norme DTU 13.3 « Dallages » (AFNOR, 2006)
1.3.2.1 Contenu
1.3.2.2 Calcul des déformations
1.3.2.2.1 Calcul du tassement complémentaire en angle de panneau
1.3.2.2.2 Calcul du tassement complémentaire au bord du panneau
1.3.2.3 Calcul des sollicitations
1.3.2.4 Retrait linéaire et différentiel
1.3.2.5 Critiques des sols dans la norme DTU 13.3 (AFNOR, 2006)
1.3.3 Lacunes de la Norme DTU 13.3
1.3.3.1 Critiques se rapportant à l’aspect géotechnique
1.3.3.2 Critiques se rapportant à la conception
1.4 Dimensionnement des dallages à l’étranger
1.4.1 Méthode italienne de dimensionnement des dallages
1.4.2 Méthode de dimensionnement des dallages en Grande Bretagne (TR 34)
1.4.2.1 Transfert de charge
1.4.2.2 Calcul aux états limites de service
1.4.2.3 Déflexions au sein du corps du béton
1.4.3 Conclusion sur les méthodes de dimensionnement à l’étranger
1.5 Synthèse sur le comportement du béton dans la structure
1.5.1 Retrait
1.5.1.1 Le retrait plastique
1.5.1.2 Le retrait chimique
1.5.1.3 Le retrait endogène ou d’auto-dessiccation
1.5.1.4 Le retrait de dessiccation
1.5.1.5 Le retrait thermique
1.5.1.6 Conclusion sur le retrait
1.5.2 Fluage
1.5.2.1 Fluage propre
1.5.2.2 Fluage de dessiccation
1.5.3 Conclusion sur le comportement du béton
1.6 Méthodes analytiques existantes
1.6.1 Modèle de Westergaard (1926)
1.6.2 Modèle de Pasternak
1.6.3 Modèle de Hogg
1.6.4 Modèle de Burmister
1.6.5 Modèle de Leonards et Haar (1959)
1.6.6 Modèle d’Eisenmann (1970)
1.6.7 Limites des modèles précédents
1.6.8 La méthode des éléments finis
1.7 Conclusion
Chapitre II
2 Modélisation du retrait dans un dallage: couplage et étude paramétrique
2.1 Introduction
2.2 Différents retraits et couplage
2.2.1 Retrait endogène
2.2.1.1. Retrait chimique
2.2.1.2. Le retrait endogène d’auto dessiccation
2.2.1.3. Détermination du coefficient d’hydratation β
2.2.2. Retrait thermique
2.2.1 Retrait de séchage
2.2.3.1. Résolution de l’équation de diffusion
2.2.3.2. Calcul de la déformation de séchage au cours du temps
2.2.4. Couplage
2.3. Etude paramétrique
2.3.1. Etude expérimentale sur les dallages faite en Bourgogne
2.3.1.1. Témoin 1
2.3.1.2. Témoin 4
2.3.2. Etude paramétrique : effet de la température, du séchage et de la cure
2.3.2.1. Effet de la température
2.3.2.2. Effet du séchage
2.3.2.3. Effet de la cure
2.4. Conclusion
Chapitre III
3. Modélisation tridimensionnelle par CESAR-LCPC
3.1. Introduction
3.2 Etude d’un dallage isolé
3.2.1. Caractéristiques géométriques de la structure du dallage
3.2.2. Caractéristiques mécaniques des matériaux de la structure du dallage
3.2.3. Module de calcul utilisé
3.2.4. Conditions aux limites
3.2.5. Déformée initiale
3.2.6. Organisation des calculs
3.2.7. Description du maillage
3.2.8. Description de l’interface
3.2.9. Effet d’une charge statique instantanée
3.2.10. Influence des paramètres géométriques et mécaniques
3.2.11. Modélisation du retrait
3.2.12. Notion du module différé : modélisation de l’effet du fluage
3.2.13. Etude de l’effet du retrait et du fluage
3.2.14. Effet d’une charge statique combinée au retrait et au fluage
3.2.14.1. Cas d’une charge variable en coin
3.2.14.2. Cas d’une charge combinée à une dilatation thermique
3.3 Modélisation d’un dallage avec des joints conjugués
3.3.1 Modélisations possibles des goujons avec CESAR-LCPC
3.3.2 Eléments de rigidité pour les goujons
3.3.3 Présentation du problème étudié
3.3.3.1 Caractéristiques mécaniques et géométriques de la structure
3.3.3.2 Chargement appliqué
3.3.3.3 Hypothèses de calcul
3.3.3.4 Déformée initiale des dallages
3.3.3.5 Organisation des calculs
3.3.4 Etude de transfert de charge
3.3.4.1 Transfert de charge W selon la norme DTU 13-3 (AFNOR, 2006)
3.3.4.2 Résultats de la modélisation avec CESAR-LCPC
3.4. Conclusion
Conclusion générale

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