Origine de la diffusion des ultrasons
La complexité de la microstructure d’un matériau polycristallin est donc caractérisée par une répartition spatiale particulière des constituants de la pièce. Dans un repère fixe par rapport à la structure, les orientations cristallines correspondant à chacun des grains sont différentes d’un grain à l’autre. En conséquence, les constantes élastiques ne sont pas les mêmes en tout point de la structure. Dans le cas d’un matériau à plusieurs phases, les différences de densité et de propriétés élastiques entre les phases sont également à l’origine d’inhomogénéité.
L’ensemble de ces variations se traduit par la présence d’un contraste d’impédance à la frontière entre les grains. Une onde ultrasonore incidente qui se propage d’un grain à un autre est alors sensible à ce contraste et subit une diffusion : une partie de son énergie est déviée dans toutes les directions.
De plus, la structure cristalline réelle du matériau n’est pas parfaite. Des impuretés et des défauts cristallins sont généralement présents aux interfaces entre les cristaux. Ces défauts dépendent des conditions de productions des aciers comme la température, la pression, la nature des phases ou le mode de fabrication (moulage, forgeage, …). Cependant, les contributions de ces imperfections à la diffusion sont habituellement considérées comme négligeables devant l’effet des variations de constantes élastiques entre les grains (Thompson et al., 2008).
Des phénomènes de diffusion similaires existent également pour des matériaux inhomogènes non polycristallins, comme par exemple les bétons ou certains matériaux composites. Les applications possibles de ce travail de thèse ne sont donc pas limitées aux polycristallins.
Distinction entre diffusion simple et multiple
Lors d’une interaction entre une onde élastique et la microstructure d’un matériau diffuseur, une fraction d’énergie est redirigée dans toutes les directions. Après avoir été rétro-propagée hors du milieu, cette énergie diffusée peut être enregistrée par un capteur et produit alors un signal appelé bruit de structure du milieu.
Dans le cas où l’onde n’a été diffusée qu’une unique fois par la microstructure avant d’être enregistrée, les contributions au bruit sont dites de diffusion simple. Cependant, l’onde résultant d’un évènement de diffusion peut interagir de nouveau avec la microstructure en un autre point du milieu et être diffusée une nouvelle fois. Il est à noter qu’il n’existe pas de matériau diffuseur purement simple ou multiple. Le bruit de structure résultant est toujours constitué de contributions de chacun des deux phénomènes. Cependant, suivant la longueur d’onde de l’onde incidente ou encore l’échelle temporelle d’intérêt, il est parfois possible de négliger certaines contributions devant les autres.
Influence de la diffusion en Contrôle Non-Destructif
Bruit de structure et atténuation des échos de défauts
L’objectif d’une inspection en Contrôle Non-Destructif (CND) est de détecter les échos de potentiels défauts présents dans la structure d’une pièce après émission d’une onde ultrasonore en son sein. Dans le cas d’un milieu polycristallin comme présenté précédemment, les phénomènes de diffusion peuvent fortement limiter les performances d’un tel contrôle. En effet, l’amplitude du bruit de structure ainsi généré peut atteindre un niveau proche de celui des échos des défauts, rendant difficile l’interprétation des résultats. De plus, l’énergie diffusée étant prélevée à l’onde incidente, l’amplitude de cette dernière subit une atténuation par diffusion, qui s’ajoute à celle provenant de l’absorption visco-élastique du milieu. Ainsi, le Rapport Signal sur Bruit (RSB) mesuré est diminué, ce qui mène à une baisse de l’efficacité de détection des défauts présents dans la pièce.
Dans la situation où les contributions de diffusion multiple ne sont pas négligeables, la correspondance temps-espace, fondamentale pour positionner correctement un défaut, est perdue. En effet, il est habituellement considéré en imagerie qu’un écho enregistré à un temps correspond à un évènement s’étant produit à une distance du capteur, étant la vitesse de propagation de l’onde.
Exemple d’inspection bruitée de l’acier moulé
Pour illustrer l’influence du bruit de structure sur les capacités de détection, nous présentons le cas du contrôle d’une pièce d’acier moulé inoxydable utilisé dans certains composants de la tuyauterie primaire des réacteurs à eau pressurisée des centrales nucléaires. Lors du contrôle ultrasonore de cet acier, un bruit de structure important apparaît pour des fréquences de l’ordre du mégahertz et supérieures. Les inhomogénéités y sont présentes à plusieurs échelles, sous la forme de grains macro et microscopiques. Les plus grands font une taille de l’ordre du millimètre. Dans ces pièces, les défauts recherchés sont des entailles situées sur la face interne du tuyau et qui se forment suite aux fortes contraintes exercées par l’eau pressurisée qui y transite. Pour les détecter, nous allons prendre l’exemple d’un contrôle par ondes longitudinales émises à 30° dans le milieu (L30). Dans cette configuration, la réponse typiquement attendue d’une en taille se décompose en deux échos. Le premier correspond à la diffraction de l’onde à l’extrémité du défaut et le second à l’écho dit « de coin » après rebond sur le fond de la pièce. En étudiant ces deux échos, il est alors possible de dimensionner l’entaille et ainsi d’évaluer l’état de santé du matériau.
Simulation du bruit de structure dans l’approximation de diffusion simple
La détermination des coefficients de diffusion est à la base de certaines méthodes de modélisation des propriétés statistiques de bruit de structure. Celle de Thompson et Margetan (Thompson & Margetan, 2002) vise à calculer des probabilités de détection de défauts en utilisant la FOM du matériau et l’expression du champ ultrasonore. L’énergie du champ y est multipliée par le carré de la FOM. Cette expression est alors intégrée sur le volume du milieu diffuseur pour donner la moyenne d’ensemble de l’énergie moyenne renvoyée par la pièce.
La méthode de Gustaffson et Stepinski (Gustafsson & Stepinski, 1997), également basée sur l’approximation de la diffusion simple, consiste à sommer les réponses d’un ensemble de diffuseurs ponctuels. Pour chacun d’eux, une position et un coefficient de diffusion sont tirés aléatoirement. Les réponses sont proportionnelles à ces coefficients, avec une dépendance en comme dans le régime de Rayleigh (diffuseurs petits devant la longueur d’onde). Cette méthode rapide génère un bruit réaliste, mais n’est pas reliée directement aux propriétés du métal par un modèle de diffusion. Une méthode similaire à cette dernière, mais prenant en compte les propriétés de diffusion du matériau a été développée par Dorval et al. (Dorval et al., 2010). Dans cette approche dite des diffuseurs équivalents, les positions des événements de diffusion et les coefficients de diffusion associés sont toujours tirés aléatoirement, mais ces derniers sont ajustés grâce à un modèle de diffusion. Cette méthode utilise les coefficients tels que ceux donnés par Margetan et al. afin de déterminer l’énergie que doit diffuser en moyenne un volume du matériau.
L’atténuation entre l’émetteur, les diffuseurs, et le récepteur est prise en compte. D’autres méthodes de simulation de bruit de structure dans l’hypothèse de diffusion simple existent, comme la méthode de Yalda et al. (Yalda et al., 1996) qui réalise un calcul de type Monte-Carlo dans lequel les positions et les orientations des grains sont là aussi tirées aléatoirement. Il est également possible d’utiliser les diagrammes de Voronoï pour déterminer aléatoirement la position des frontières entre les grains (Dorval, 2009). Cependant, ces méthodes sont très coûteuses en temps de calcul car la prise en compte de l’intégralité de la microstructure peut mettre en jeu plusieurs milliers de grains par millimètre cube. En effet, l’hypothèse de diffusion simple est adaptée au cas où les grains sont de petite taille par rapport à la longueur d’onde, ce qui implique qu’ils soient nombreux.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 :État de l’art de la propagation des ondes ultrasonores dans les milieux polycristallins
Introduction
1.1 Présentation du phénomène de diffusion
1.1.1 Description de la microstructure d’un milieu polycristallin
1.1.2 Origine de la diffusion des ultrasons
1.1.3 Distinction entre diffusion simple et multiple
1.1.4 Influence de la diffusion en Contrôle Non-Destructif
1.1.4.1 Bruit de structure et atténuation des échos de défauts
1.1.4.2 Exemple d’inspection bruitée de l’acier moulé
1.1.5 Conclusion sur la diffusion par une structure diffusante
1.2 Étude du champ cohérent
1.2.1 Approche statistique et moyenne d’ensemble
1.2.2 Champ cohérent et champ diffusé
1.2.3 Notion de milieu effectif
1.2.3.1 Cas de l’onde scalaire
1.2.3.2 Cas de l’onde élastique
1.2.3.3 Équation de Dyson et nombre d’onde effectif
1.2.4 Atténuation du champ cohérent
1.2.4.1 Les différents régimes d’atténuation
1.2.4.2 Modèles d’atténuation dans les différents régimes
1.2.4.3 Libre parcours moyen élastique
1.2.5 Vitesses de propagation
1.2.6 Conclusion sur l’étude du champ cohérent
1.3 Modélisation du champ incohérent
1.3.1 Développement de Born
1.3.2 Hypothèse de diffusion simple
1.3.2.1 Diffusion simple et approximation de Born
1.3.2.2 Coefficients de diffusion
1.3.2.3 Simulation du bruit de structure dans l’approximation de diffusion simple
1.3.3 Prise en compte de la diffusion multiple
1.3.3.1 Équation de Bethe-Salpeter
1.3.3.2 Équation du Transfert Radiatif
1.3.3.3 Approximation de la diffusion
1.3.4 Conclusion sur l’étude du champ incohérent
Conclusion du premier chapitre
CHAPITRE 2 :Caractérisation expérimentale d’un milieu diffuseur grâce à la mesure de la
matrice de réponse
Introduction
2.1 Présentation de la matrice de réponse
2.1.1 Protocole expérimental
2.1.2 Application d’algorithmes de formation de voies
2.2 Matériel utilisé lors des mesures
2.2.1 Description des plaques d’acier étudiées
2.2.1.1 Propriétés structurelles
2.2.1.2 Propriétés élastiques
2.2.2 Propriétés des capteurs linéaires multiéléments
2.2.3 Moyenne d’ensemble expérimentale
2.3 Mesure du libre parcours moyen élastique
2.3.1 Rappels sur l’atténuation de l’onde cohérente
2.3.2 Étude des échos de fonds successifs
2.3.2.1 Formation d’onde plane en émission
2.3.2.2 Prise en compte de la divergence géométrique du faisceau émis
2.3.2.3 Obtention du signal cohérent
2.3.2.4 Traitement des échos de fond
2.3.2.5 Incertitude de la mesure
2.3.3 Résultats de mesure de dans les échantillons d’acier
2.3.3.1 Première campagne expérimentale
2.3.3.2 Seconde campagne expérimentale
2.3.4 Conclusion sur la mesure de
2.4 Mesure de la distance de corrélation
2.4.1 Variations spatiales du bruit de structure, le speckle acoustique
2.4.2 Principe de la détermination de grâce à la matrice
2.4.2.1 Traitement du signal cohérent
2.4.2.2 Calcul de la fonction de corrélation spatiale
2.4.2.3 Régression exponentielle
2.4.3 Étude des variations temporelles de dc
2.4.3.1 Découpage des signaux en fenêtres temporelles
2.4.3.2 Résultats de l’étude dynamique dans les échantillons d’acier
2.4.4 Le théorème de Van Cittert – Zernike
2.4.4.1 Présentation du théorème
2.4.4.2 Application au cas des milieux multiplement diffuseurs
2.4.5 Conclusion sur la mesure de D
2.5 Mesure de la constante de diffusion
2.5.1 Rappels sur le régime diffusif
2.5.2 La rétrodiffusion cohérente
2.5.2.1 Intensité moyenne rétrodiffusée
2.5.2.2 Chemins réciproques
2.5.2.3 Différence de marche des couples réciproques
2.5.2.4 Propriétés dynamiques du cône de rétrodiffusion cohérente
2.5.3 Méthode n°1 : Mise en évidence directe du cône
2.5.3.1 Mesure de l’intensité moyenne rétrodiffusée
2.5.3.2 Applicabilité de l’approximation de la diffusion
2.5.3.3 Principe de calcul de la constante de diffusion
2.5.3.4 Limites de la méthode
2.5.4 Méthode n°2 : Obtention du cône par formation de voies
2.5.4.1 Principe général de la méthode
2.5.4.2 Présentation du post-traitement
2.5.4.3 Résolution angulaire et temps de calcul
2.5.4.4 Méthode de calcul de D
2.5.4.5 Incertitude de la régression linéaire
2.5.5 Résultats de mesure de la constante de diffusion
2.5.6 Étude du facteur d’amplification
2.5.7 Conclusion sur la mesure de D
Conclusion du deuxième chapitre
CHAPITRE 3 :Modélisation du bruit de structure ultrasonore en régime de diffusion multiple
Introduction
3.1 Hypothèses et approximations
3.1.1 Configuration simulée
3.1.2 Hypothèse de régime diffusif établi
3.1.3 Solution de l’équation de la diffusion
3.1.3.1 Choix de la solution
3.1.3.2 Influence de la valeur de
3.2 Détail des étapes de la méthode de simulation
3.2.1 Simulation du champ émis par le capteur
3.2.2 Résolution de l’équation de la diffusion
3.2.3 Passage de l’énergie moyenne au champ ultrasonore diffusé
3.2.3.1 Amplitude du champ diffusé
3.2.3.2 Génération aléatoire des fluctuations
3.2.4 Calcul du signal enregistré par le capteur
3.3 Avantages de la méthode de simulation
3.3.1 Calcul du niveau de bruit moyen
3.3.2 Adaptation à une configuration en transmission
3.4 Problème de calibration de la méthode
3.5 Schéma récapitulatif
3.6 Proposition de calibration de la méthode de simulation
3.6.1 Adaptation du formalisme de Auld
3.6.2 Calcul du champ en l’absence de diffusion
3.6.3 Calcul du champ en présence de diffusion
3.6.4 Rappel sur l’approche de la première méthode
3.6.5 Approche alternative des calculs du champ et du signal
3.6.5.1 Statistiques des champs après diffusion
3.6.5.2 Lien avec la densité d’énergie moyenne
3.6.5.3 Moyenne du signal
3.6.5.4 Moyenne du carré du signal
3.6.6 Conclusion sur la méthode calibrée
Conclusion du troisième chapitre
CHAPITRE 4 :Comparaisons des niveaux de bruit simulés avec des résultats expérimentaux
Introduction
4.1 Paramètres d’entrée de la simulation
4.1.1 Détermination du libre parcours moyen de transport
4.1.1.1 Utilisation du libre parcours moyen élastique
4.1.1.2 Utilisation de la constante de diffusion
4.1.2 Récapitulatif des paramètres d’entrée
4.2 Description des configurations expérimentales
4.2.1 Mesure en immersion
4.2.2 Mesure au contact
4.2.3 Obtention du niveau de bruit moyen
4.2.3.1 Traitement des échos cohérents
4.2.3.2 Calcul du niveau de bruit
4.3 Résultats des comparaisons de niveaux de bruit
4.3.1 Rappel à propos de la calibration de la simulation
4.3.2 Comparaison en immersion
4.3.2.1 Échantillon en acier forgé à gros grains
4.3.2.2 Échantillon en acier moulé
4.3.3 Comparaison au contact
4.3.4 Comparaison avec l’approximation de diffusion simple
Conclusion du quatrième chapitre
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
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