Dans le développement urbain actuel, les transports constituent une des clés de l’organisation de nos villes. Parmi les modes de transport existants, le transport ferroviaire permet de disposer de réseaux fiables et réguliers. Malheureusement ce mode de transport utilise des machines qui génèrent des vibrations significatives dans le sol. Celles-ci se transmettent aux parois des bâtiments proches qui à leur tour génèrent du bruit à l’intérieur des logements. Or la densification de nos villes oblige ces infrastructures à être de plus en plus proches de nos habitations. Bien que les niveaux vibratoires engendrés ne représentent généralement pas de danger pour la structure elle-même, ils peuvent être suffisamment élevés dans les bâtiments pour gêner les habitants. Ces gênes peuvent fortement impacter la vie des personnes qui y sont quotidiennement exposées. Actuellement il n’y a pas en France de législation en la matière. Ces niveaux de gênes sont néanmoins caractérisés par certaines normes dans d’autres pays [104, 103]. Un exemple de ces indicateurs est donné dans l’article [60], abordé plus en détails dans le dernier chapitre de ce document.
Il est donc souhaitable d’anticiper les niveaux vibratoires dans le bâtiment avant sa construction. Pour ce faire plusieurs étapes sont nécessaires : la caractérisation de la source (train+voies+sol), l’évaluation de la propagation dans le sol, l’évaluation de l’interaction sol-structure, celle de la propagation dans le bâtiment, et enfin la réémission par le bâtiment de ces vibrations dans la gamme de fréquences et modes de vibrations perceptibles par l’être humain. Dans cette dernière étape deux sources de gênes se distinguent, les vibrations des planchers et le rayonnement des parois dans les logements. Chacune de ces étapes représente à elle seule plusieurs phénomènes physiques dont la modélisation est complexe. Néanmoins, des études spécifiques à toutes ces étapes sont disponibles dans la littérature. Le problème global est généralement étudié point par point. Néanmoins certains auteurs proposent une étude complète où presque tous ces aspects sont traités. En voici trois exemples. L’étude Convurt a modélisé l’effet d’une voie de RER passant sous des logements universitaires. Décrite dans la thèse de Arnst [92] cette étude met en œuvre un modèle d’éléments finis et de frontières. Une autre approche est proposée par Hunt [24] qui a développé une modélisation quasi analytique des voies et d’un bâtiment. Plus simplement, Ljunggren propose un modèle de décroissance de niveaux entre les étages d’un bâtiment soumis aux vibrations provenant d’un tunnel ferroviaire [39]. Dans une approche analytique de l’ensemble du problème, un des points importants est la définition précise d’excitation constituée par les convois passant non loin des bâtiments.
La source
Dans une première approche, les principales caractéristiques de l’excitation sont définies par le type de voie, ainsi que par la vitesse et la masse du véhicule. De manière générale, plus le véhicule est lourd et rapide et plus les niveaux engendréssont élevés. Le type de voie joue un rôle moins immédiat car la transmission au sol de l’énergie dépend de sa conception et de sa qualité. Il faut tout d’abord considérer la structure, composée des deux rails, des traverses, de la présence éventuelle d’un ballast et d’une dalle rigide. S’ajoute à cela un éventuel système d’isolation placé entre les rails et les traverses constitué généralement de plots résilients. Le type de sol sur lequel cette structure repose modifie de façon significative la réponse de l’ensemble. Tous ces éléments doivent être pris en considération [22] pour notamment obtenir une bonne évaluation de l’atténuation/amplification que crée l’infrastructure. Parallèlement, les défauts sur les rails et les roues (plats, trous, …) gênèrent des vibrations spécifiques à leurs types et leurs tailles. Ce sont des sources importantes de bruits et de vibrations [65].Plusieurs ouvrages offrent une description complète des réseaux ferrés et des véhicules, c’est le cas de [81]. La gamme de fréquences dans laquelle ce type de source émet des vibrations y est justifiée. Un modèle en deux dimensions de l’ensemble des éléments d’une voie ferrée excitée par une masse non-suspendue est donné dans [17]. Plus spécifiquement, le tramway a fait récemment l’objet de recherches dans les travaux de thèse de Maldonado [98]. Les caractéristiques du véhicule sont également déterminantes pour l’émission des bruits aériens et solidiens. L’ensemble de l’infrastructure est excité par les roues du train se déplaçant sur les rails ; celles-ci constituent autant de masses “ponctuelles » qui déforment les rails. Elles supportent le train via des suspensions qu’il faut prendre en compte pour caractériser l’excitation. Les différentes sources de bruit solidiennes et aériennes du véhicule sont données dans [13]. L’effet du déplacement rectiligne d’une force appliquée en surface d’un demi-espace homogène est étudié, par exemple, dans [2, 91]. Pour des voies enterrées l’infrastructure peut isoler des vibrations. Cela est attribué à la différence d’impédances entre les matériaux de construction du tunnel (pierre,béton) et le sol [30]. Un tunnel peut également amplifier certaines fréquences et jouer le rôle de guide pour les ondes perçues. Les niveaux les plus forts sont atteints autour de la fréquence 63Hz [15]. De plus, le comportement d’un tunnel est fonction du type de voie [14]. L’ensemble des paramètres importants dans l’émission et la propagation des vibrations d’une voie ferrée enterrée est donné dans [44].
En général, il est possible de distinguer deux sortes de sources en surface : celles pour lesquelles la vitesse du train est inférieure à la célérité des ondes de Rayleigh dans le sol et celles pour lesquelles la vitesse est supérieure à cette célérité [42, 69]. Ce point ne concerne toutefois que les trafics à grande vitesse. Comme cette thèse est concernée en premier lieu par le trafic urbain, la vitesse de la source sera toujours largement inférieure à la célérité des ondes de Rayleigh.
Méthodologie adoptée
Parmi les différentes méthodologies adoptées dans la littérature pour la modélisation de la transmission au bâtiment des vibrations d’origine ferroviaire, on peut distinguer deux grandes classes : les méthodes directes consistant à modéliser l’ensemble (sol + fondation + structure) et les méthodes de sous-structuration. De manière simplifiée, on peut considérer que les méthodes directes ne peuvent être appliquées qu’au prix d’une représentation assez schématique de la structure du bâtiment étudié. Par ailleurs, si l’on se réfère au génie parasismique, les méthodes de sous structuration sont utilisées depuis des décennies, découplant l’étude de la propagation dans le sol et la modélisation de la structure. Leurs avantages sont nombreux :
– possibilité de sous-traiter les problèmes séparés à des prestataires distincts.
– possibilité d’utiliser des méthodes modales pour la structure.
– mise en œuvre de temps de calcul modérés
– possibilité de modéliser les incertitudes d’une sous-structure .
La difficulté majeure de l’utilisation de ces méthodes réside dans le stockage des variables permettant d’interfacer les deux sous-structures, qui nécessite un grand soin dans la mise en œuvre. Compte tenu de ce constat, la méthode adoptée dans ce mémoire, dite “méthode des mobilités », est une méthode par sous-structuration de principe similaire aux méthodes par sous-structuration utilisées dans le génie parasismique. Une première sous-structure est constituée par le sol et la fondation du bâtiment. La partie du bâtiment située au dessus de la fondation constitue la deuxième sous-structure. La modélisation de la première sous-structure sera effectuée en utilisant un code de calcul permettant la modélisation de l’excitation dans un espace de sol semi-infini et de la fondation reposant sur le sol. Le domaine contenant le sol est représenté par la méthode des équations intégrales et le domaine contenant la fondation est représenté par la méthode des éléments finis. Le code de calcul (dénommé Mefissto) permettant cette modélisation a été développé par Jean [25, 26] et offre une représentation soit en 2D (calcul plan) soit en 2.5D (calcul d’un ouvrage de grande longueur avec des sources ponctuelles ou situées parallèlement au bâtiment). En comparaison, la modélisation du domaine du sol par éléments finis aurait conduit à un nombre de degrés de liberté prohibitif car, si ce type de méthode reste viable aux basses fréquences du domaine du génie parasismique, elle ne l’est plus dans le domaine des vibrations atteignant plusieurs centaines de hertz.
Dans ce mémoire, l’interaction entre les deux sous-structures est modélisée par l’intermédiaire de la “mobilité » de chaque sous-structure, ce qui induit la dénomination de la méthode. La mobilité du domaine sol-fondation est en relation biunivoque avec “l’impédance » utilisée dans le domaine des basses fréquences en génie parasismique. Toutefois, les méthodes de représentation de l’impédance par des formules analytiques, souvent utilisées en génie parasismique [43, 101], ne sont plus applicables pour les vibrations de hautes fréquences.
La méthodologie adoptée suppose évidemment certaines simplifications et en particulier que les vibrations restent dans le domaine viscoélastique linéaire. Il suffira pour justifier cette hypothèse de noter que celle-ci est adoptée depuis fort longtemps dans le domaine du génie parasismique malgré l’existence d’amplitudes de vibrations largement plus importantes produisant des non-linéarités d’autant plus élevées. Une autre simplification réside dans la modélisation par des représentations bidimensionnelles de type 2D ou 2.5D, qui induit des calculs donnant des résultats dans des temps raisonnables. Il convient de noter que les nouvelles méthodes rapides d’éléments de frontière par la technique des multipôles (Fast Multipole BEM ou FMBEM) permettent déjà de traiter des problèmes tridimensionnels dans le domaine du génie parasismique [94]. Enfin une dernière simplification est apportée au niveau de l’interface entre le sol et la structure, l’adhésion à cette interface étant supposée parfaite et n’autorisant pas le glissement.
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Table des matières
Introduction
I Méthode des mobilités
Avant-propos
I.1 Principe physique
I.1.1 Force et Vitesse de contact
I.1.2 Puissance injectée
I.1.3 Interfaçage par la méthode des mobilités
I.1.4 Formulation Générale
I.1.5 Cas particuliers
I.2 Étude bibliographique sur la mobilité et ses applications
I.2.1 Définition de la mobilité
I.2.2 Fonction caractéristique de Source et Fonction de couplage
I.2.3 Mobilités effectives
I.2.4 La méthode des mobilités pour l’isolation
I.3 Simulations numériques
I.3.1 Cas d’un système simple : une poutre semi-infinie
I.3.2 Sol semi-infini et structure 2D
Conclusion du chapitre
II Système Source
Mobilités – Vitesses Libres – Calibration
Avant-propos
II.1 Interaction sol-structure et impédances de fondation
II.1.1 Définitions
II.1.2 Impédance de fondation
II.2 Calcul des mobilités
II.2.1 Formes des fondations adoptées
II.2.2 Procédure de calcul des mobilités
II.2.3 Vérifications
II.2.4 Mobilités 2D
II.2.5 Mobilités 2.5D
II.3 Calcul de la vitesse libre de la Source
II.3.1 Vitesses libres 2D
II.3.2 Vitesse libre 2.5D
II.4 Calibration sur des mesures accéléromètriques
II.4.1 Recalage de l’excitation sur une mesure accéléromètrique
II.4.2 Recalage des propriétés du sol
Conclusion du chapitre
Table des matières
III Système Récepteur
Mobilités & Propagation
Avant-propos
III.1 Modélisation par Éléments finis
III.1.1 Modèle utilisé
III.1.2 Interfaçage par la méthode des mobilités
III.2 Modèle ondulatoire bidimensionnel
III.2.1 Méthode utilisée
III.2.2 Calculs avec ou sans corrélation
III.3 Modèle Mixte S.E.A.-Ondulatoire
III.3.1 La S.E.A
III.3.2 Modèle de Hassan
III.4 Comparaison des modèles : un bâtiment de six étages
Conclusion du chapitre
IV Mobilités Stochastiques des fondations
Avant-propos
IV.1 Principe du calcul de la mobilité stochastique
IV.2 Principales définitions
IV.2.1 Forme des matrices du modèle à variables cachées
IV.2.2 Décomposition du problème d’identification
IV.3 Première étape et problème de minimisation
IV.3.1 Écriture du problème
IV.3.2 Résolution du problème de minimisation
IV.4 Deuxième étape : identification des sous-matrices
IV.5 Construction des impédances et mobilités stochastiques
IV.5.1 Ensemble des matrices aléatoires
IV.5.2 Modèle des matrices d’impédances non-paramétriques
IV.6 Résolution des instabilités
IV.6.1 Résolution à partir du théorème de Karitonov
IV.6.2 Résolution systématique
IV.6.3 Optimisation sur la fonction poids w
IV.7 Application
IV.7.1 Présentation du cas traité : étude d’une fondation 2D
IV.7.2 Vitesses stochastiques moyennes de dalles
Conclusion du chapitre
Conclusion