Ce chapitre présente le formalisme des systèmes hamiltoniens à ports (SHP) que nous exploitons dans le reste du document pour la modélisation, la simulation et le contrôle de systèmes audios et acoustiques. Ces systèmes sont des systèmes physiques, qui incluent des phénomènes de stockage/restitution d’énergie, des phénomènes de dissipation/échauffement, et sont généralement décrits par des modèles ouverts pour lesquels certaines variables sont laissées libres à la commande. La variation temporelle de l’énergie de ces systèmes correspond à la puissance apportée par les sources (commandes) à laquelle est retranchée la puissance dissipée. En particulier, si les sources sont éteintes, l’énergie ne peut pas croître. Ceci définit un système passif : la passivité est une propriété intrinsèque des systèmes physiques, qui garantit qu’il n’y a pas de création spontanée d’énergie. Transposée au temps discret, cette propriété permet de garantir la stabilité des simulations. Exploitée dans la conception de lois de contrôle, elle permet de garantir la stabilité du bouclage
La notion d’interconnexion conservative, au coeur de la structure des SHP, est définie géométriquement (au sens d’un produit scalaire), ce qui permet d’étendre cette représentation au systèmes de dimension infinie pour lesquels on peut écrire des lois de conservation (voir [?, chap.4], [A6, §II] pour une écriture du vecteur de Poynting en electromagnétisme, [?, ?] pour des applications en dynamique des fluides et [?] pour une application en thermo-magnéto-hydrodynamique pour le contrôle du Tokamak). Cette formulation dans les termes de la géométrie différentielle [?] permet de faire émerger des propriétés génériques, indépendantes du système de coordonnées. En particulier, cette structure est stable par interconnexion (i.e. la connexion de deux SHP est encore un SHP), contrairement à d’autres formalismes pour lesquels la structure doit être repensée entièrement, et la stabilité n’est pas garantie a priori. Dans cette première partie de la thèse, la classe de systèmes traités inclut tous les systèmes passifs de dimension finie qui peuvent se mettre sous la forme standard d’un SHP explicite [?, (2.53)], pour une paramétrisation choisie.
Rappels sur les systèmes dynamiques
On ici rappelle des théorèmes standard pour les systèmes dynamiques (notamment d’existence-unicité), et on introduit les définitions utilisées dans le reste du document (sauf mention contraire). Ces rappels s’appuient sur les ouvrages classiques [?, §3] et [?], régulièrement mentionnés. Un modèle physique de dimension finie (par exemple un ensemble de composants discrets interconnectés, ou la discrétisation d’un système de dimension infinie) est classiquement donné sous la forme d’un système dynamique, représenté par un système d’équations différentielles d’ordre un. Un tel système s’obtient par (i) la sélection de nx quantités physiques décrivant l’état du système à chaque instant x : t 7→ x(t) ∈ Rnx (paramétrisation), puis (ii) par le développement d’un modèle mathématique qui décrit l’évolution des quantités physiques choisies, à partir de lois physiques (modélisation). Lorsque le système n’est pas idéalisé, le modèle obtenu met souvent en jeu des termes non linéaires (par opposition aux systèmes linéaires, pour lesquels le principe de superposition s’applique).
Problème de Cauchy
Pour formuler les lois physiques décrivant l’évolution d’un système, il est d’usage de choisir un ensemble de quantités physiques variables (positions, vitesses, courants, tensions, flux magnétiques, température, etc.) et un ensemble de lois associées à des paramètres (masse, élasticité, capacité et résistance électrique, etc.). Chaque variable i traduit un état xi: t 7→ xi(t) ∈ R du système, et on définit le vecteur d’état x= (x1, · · · , xnx ) ⊺ ∈ Rnx . L’ensemble des états forme un espace muni d’une structure d’espace vectoriel, et un vecteur de cet espace est appelé un point de l’espace d’état.
Invariance de LaSalle
L’approche de Lyapunov garantit la stabilité d’un système au prix d’hypothèses très fortes sur (i) la forme de la fonction V(x) (radialement non-bornée) et (ii) sa variation W < 0. De plus, seul un point de l’espace d’état (l’origine) est caractérisé, ce qui n’est pas toujours le résultat recherché (un exemple courant en audio est le cas des systèmes auto-oscillants, nécessairement non linéaires [?], pour lesquels on va chercher à caractériser la stabilité d’un cycle fermé, ou orbite, dans l’espace d’état). L’approche de Lyapunov peut être étendue, toujours en étudiant le signe d’une fonction scalaire et de sa dérivée, mais pour décrire la convergence du flot vers un sous-ensemble plus grand que l’origine : l’ensemble invariant pour le système dynamique.
Les systèmes hamiltoniens à port
On a vu section précédente que la stabilité d’un système peut être induite par une propriété globale : la passivité. Hors, tout système physique est passif par nature, au sens où aucun système ne créé spontanément de l’énergie et inclut des phénomènes dissipatifs. Alors, plutôt que d’évaluer la stabilité d’un système a posteriori, il est préférable de garantir a priori que la passivité inhérente au système physique original est préservée au cours de la modélisation. C’est l’objet du formalisme des systèmes hamiltoniens à ports, introduit dans les années 90 [?, ?, ?] comme une approche systématique pour la modélisation et le contrôle de systèmes physiques. Ce formalisme repose sur (i) la formulation de lois constitutives élémentaires associées aux phénomènes de stockage/restitution d’énergie, de dissipation et de source, et (ii) une structure d’interconnexion garantissant des échanges de puissance équilibrés entre les composants connectés via des ports d’interaction. Cette formulation donne une description intrinsèque permettant de garantir des propriétés génériques (telle que la conservation de l’énergie) indépendamment du système de coordonnées choisi (théorie géométrique du contrôle non linéaire [?, ?, ?, ?, ?]). Une autre particularité de cette structure est sa stabilité par interconnexion : la connexion de deux systèmes hamiltoniens à ports est encore un système hamiltonien à ports .
Notre présentation des SHP est articulée de la manière suivante. Premièrement, on discute la formalisation des lois constitutives pour les composants stockants, dissipatifs et sources. Deuxièmement, on définit les systèmes hamiltoniens à ports comme l’interconnexion conservative de composants stockants, dissipatifs et sources. Troisièmement, on discute de la réalisation des systèmes hamiltoniens à ports sous la forme d’un système affine en la commande .
Interconnexion de systèmes
L’approche par les SHP permet le traitement naturel des systèmes multiphysiques. Un exemple classique en audio est le haut-parleur électrodynamique, qui inclut des phénomènes d’origine électromagnétique, mécanique, acoustique et thermique. On présente ici un modèle simplifié de la partie électromécanique, basé sur le modèle standard (linéaire invariant) de Thiele et Small [?, ?, ?, ?]. Ce modèle est construit comme l’interconnexion conservative de (i) un circuit RL associé au bobinage de fil conducteur et (ii) un système oscillateur harmonique amorti associé à la masse du diaphragme maintenue par la suspension et à la charge acoustique. L’interconnexion conservative est réalisée par la connexion des flux et efforts électriques (courant, tension) aux flux et efforts mécaniques (vitesse, force) par un gyrateur qui encode le couplage électromagnétique (force de Laplace fL et tension contre-électromotrice υL dues à l’aimant permanent).
Après un rappel sur les systèmes dynamiques, et en particulier sur les systèmes passifs, nous avons introduit les systèmes hamiltonien à ports. Ces systèmes sont décrits comme l’interconnexion conservative de composants stockants, dissipatifs et sources, ce qui garantit la passivité du modèle. Une classe particulière de SHP (entrée-état-sortie explicite) à la base dés développements subséquents a été rappelée.
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Table des matières
Introduction
I Développements théoriques
1 Modélisation des systèmes dynamiques passifs
1.1 Introduction et organisation du chapitre
1.2 Rappels sur les systèmes dynamiques
1.3 Les systèmes hamiltoniens à Ports
1.4 Exemples
1.5 Conclusions du chapitre
2 méthodes numériques préservant la passivité
2.1 Introduction et organisation du chapitre
2.2 Rappels sur les méthodes numériques
2.3 Méthode à une étape préservant la passivité
2.4 Méthode à deux étapes préservant la passivité
2.5 Illustration
2.6 Conclusions du chapitre
3 mise en équation automatique pour la simulation et deuxième application : les circuits audios
3.1 Motivation
3.2 Introduction
3.3 Port-Hamiltonian Systems
3.4 Generation of Equations
3.5 Guaranteed-Passive Simulation
3.6 Applications
3.7 Conclusions
3.8 Acknowledgments
3.9 Authors contributions
3.10 Appendix – Reduction
3.11 Appendix – Dictionary of Elementary Components
3.12 Appendix – Discrete Gradient for Multi-Variate Hamiltonian
4 systèmes hamiltoniens à ports et platitude
4.1 Introduction et organisation du chapitre
4.2 Rappels de linéarisation par bouclage des systèmes dynamiques
4.3 Analyse de platitude pour les SHP
4.4 Application à la linéarisation tension-déplacement du haut-parleur électrodynamique
4.5 Conclusions du chapitre et perspectives
II applications
5 pyphs : une bibliothèque pour la génération de code temps réel
5.1 Introduction
5.2 Description
5.3 Exemple
5.4 Perspectives
6 première application : le piano fender rhodes
Motivation et guide de lecture
Introduction
6.1 Problem statement
6.2 Port-Hamiltonian Systems
6.3 Models of components
6.4 Complete system
6.5 Guaranteed passive numerical method
6.6 Results
Conclusion
6.7 Appendix – Modal decomposition
Conclusion du chapitre et perspectives
7 modélisation et simulation d’un haut-parleur électrodynamique non idéalisé
7.1 Motivation et guide de lecture
7.2 Introduction
7.3 Problem statement
7.4 Port-Hamiltonian systems
7.5 The Thiele/Small model and first refinement (model 0)
7.6 Refined mechanics (model 1)
7.7 Refined electromagnetic (model 2)
7.8 Refined thermodynamics (model 3)
7.9 Discussion
7.10 Conclusion
7.11 Acknowledgments
7.12 Appendix – Numerical method
7.13 Appendix – Recalls on magnetic
7.14 Appendix – State saturating storage function
7.15 Appendix – Fractional order dynamics
7.16 Appendix – Physical and technological parameters
7.17 Appendix – Additional simulation results
Conclusion générale
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