Concepts de base
Les joints jouent un rôle déterminant dans le comportement mécanique des massifs rocheux. Une description précise de la fracturation est donc un préalable nécessaire, et critique, à toute analyse en mécanique des roches. Les types d’information exigés pour la description complète de la fracturation peuvent être divisés en deux classes :
– Les caractéristiques géométriques : la forme, la taille, la localisation, l’orientation, l’espacement et la planéité des joints,
– Les paramètres de distributions de ces caractéristiques : distributions de formes, d’orientations, de localisation et de planéité. Ce chapitre traite en particulier du développement et de la caractérisation des modèles existants pour diverses caractéristiques géométriques des systèmes de joints dans les massifs rocheux. Après avoir étudié les modèles existants, les modèles développés spécifiquement dans le cadre de notre travail sont présentés. Dans les chapitres suivants, ils seront employés pour étudier le comportement mécanique des massifs. Les modèles de systèmes de joints sont construits à partir de spécifications de combinaisons particulières des caractéristiques géométriques de joints (forme, taille, position, orientation de joint).
Des joints rocheux peuvent être conceptuellement considérés comme des entités bidimensionnelles dans une région tridimensionnelle. Un des moyens d’obtention de la modélisation des systèmes de joints est de décrire les caractéristiques géométriques bidimensionnelles de ces entités, telles que la taille et la forme, et leurs caractéristiques tridimensionnelles de position et d’orientation. Dans cette section, les caractéristiques géométriques bidimensionnelles et tridimensionnelles seront brièvement discutées. En outre, des caractéristiques « secondaires » des joints et de l’auto-corrélation de joints, qui fournissent une description plus concise de certaines des caractéristiques primaires ci-dessus, seront discutées. Bien que les joints soient des entités bidimensionnelles, dans la pratique, on évalue fréquemment leur trace unidimensionnelle dans un plan bidimensionnel. Toutes les caractéristiques géométriques de joints peuvent être définies de manière déterministe ou stochastique. Les caractéristiques stochastiques doivent être décrites par une information suffisante sur les distributions considérées.
Nature des joints
Afin de bien connaître la répartition et la géométrie des joints traversant le massif rocheux, il est nécessaire de procéder à un grand nombre de relevés dans toute la zone à étudier, afin d’avoir une bonne représentativité de leur répartition. Il est généralement important de déterminer la nature de ces joints.
On recense quatre grandes familles de nature de joints :
– Les joints stratigraphiques : ils sont le résultat d’une discontinuité dans le processus de formation sédimentaire. Ils possèdent une grande extension et une faible ondulation. Ils sont remplis par de minces dépôts argileux ou schisteux les rendant dangereux pour la stabilité.
– Les diaclases : elles sont souvent perpendiculaires ou obliques aux joints de stratification ou à la schistosité. Elles ne présentent pas de trace de mouvement et elles ont une extension limitée.
– les fractures d’extension : elles sont formées sous l’effet d’une traction qu’a subi le massif lors de mouvements tectoniques. Elles sont souvent remplies de calcite ou de quartz.
– Les failles : elles sont le résultat de la rupture d’une zone du massif qui a subi un grand effort de cisaillement (déplacement tangentiel important). Elles représentent ainsi des discontinuités séparant deux grandes entités du massif et sont caractérisées par une grande extension et souvent un remplissage de matériau broyé et altéré, parfois de recristallisation.
Il faut rappeler que sous le terme de joint sont regroupées toutes les discontinuités qui interviennent à l’échelle du massif rocheux.
Paramètres géométriques
La bonne connaissance de la distribution spatiale du réseau de joints au sein du massif rocheux est primordiale. On caractérise un joint par son orientation, sa fréquence, son extension, son ouverture, sa rugosité, le degré d’altération de ses épontes et ses matériaux constitutifs de remplissage. On a accès généralement à toutes ces caractéristiques en procédant à des mesures effectuées sur affleurement rocheux ou des carottages. Il est cependant illusoire de prétendre obtenir une description déterministe d’un réseau de fractures dans un massif rocheux. En conséquence, des approches stochastiques basées sur des théories probabilistes sont aussi mises en œuvre. La modélisation de tels réseaux est réalisée à partir de paramètres géométriques variables. Chacun de ces derniers est alors associé à une variable aléatoire dont les lois de distribution sont à ajuster à partir des données acquises sur le terrain. Certains paramètres géométriques de joints seront brièvement définis dans les sections suivantes, pour plus de détails sur ces paramètres, on se reportera utilement à S. Priest [1].
Forme de joint
Les formes de joint dans les massifs rocheux dépendent d’un grand nombre de facteurs liés à la formation du joint, y compris la lithologie du massif, à la structure cristalline, à l’historique du chargement, et aux mécanismes de fracturation de la roche. Etant donnée la variété des conditions géologiques, il est raisonnable de s’attendre à ce que les joints présentent une grande variété de formes, et que plusieurs de ces formes ne puissent pas être décrites par les formes mathématiques usuelles. Généralement cependant, des modèles de systèmes de joints sont limités aux formes mathématiques régulières et convexes, qui sont les plus accessibles pour l’analyse et la simulation. Comme formes bidimensionnelles régulières, on peut citer le cercle, l’ellipse, le triangle, le carré, le rectangle, et le polygone avec n côtés.
Taille de joint
Le terme de joint s’applique à une large gamme d’entités structurales, depuis l’échelle du centimètre jusqu’à la centaine de mètres. Là où les joints se prolongent au delà de l’échelle du problème évalué, ou traversent la totalité du massif rocheux, ces joints sont qualifiés de taille « illimitée » ou « infinie ». Pour les joints de taille finie, celle-ci peut être représentée par l’aire du joint ou, pour des formes régulières, par des dimensions de bord ou des rayons de joint. On peut supposer que la taille de joint pour les joints de taille finie est constante ou stochastique. La plupart des analyses de la fracturation tridimensionnelle ont supposé la taille de joint comme stochastique, définie par une distribution du rayon ou de la dimension de bord de joint, (cf. par exemple les travaux de Warburton [2,3]). Si les positions de joint sont stochastiques, même si les tailles de joint sont déterministes, les traces de joint seront stochastiques. La distribution des longueurs de trace de joint dépend des tailles de joint et des formes de joint. Des tailles de traces de joints sont mesurées seulement sur les plans de trace bidimensionnels. Des distributions de grandeurs tridimensionnelles de joint doivent donc être faites sur la base de l’inférence, à partir de mesures à deux dimensions, des lois de distributions à trois dimensions, inférence qui dépend des choix des distributions de forme et d’orientation des joints. Trois formes de distribution pour la longueur de trace de joint Lj sur la base des observations in-situ et des analyses statistiques ont été proposées. Robertson[4] et Call [5] maintiennent que les données démontrent une forme exponentielle pour des distributions de longueur de trace. McMahon[6], Bridges[7], Barton[8], et Einstein et al. [9] soutiennent une forme log-normale. Siegel et Pollard [10,11] proposent une forme distributionnelle hyperbolique, postulant un continuum de tailles du joint de cristal à la microfissure, à la fracture, au joint, jusqu’aux échelles de failles.
Les modèles de joints
Le modèle orthogonal
Les modèles les plus anciens développés pour des systèmes de joint rocheux ont été basés sur une hypothèse supposant que tous les joints peuvent être définis par trois ensembles de joints orthogonaux illimités (Figure 1.9). Ce modèle a été caractérisé par Irmay [17], Childs [18], Snow [19], et leurs co-auteurs pour des applications en hydrogéologie. Des applications récentes du modèle ont été apportées par Smith et Schwartz [20]. Dans cette section, le modèle orthogonal de base, et des variations sur ce modèle, sont décrits et discutés d’un point de vue qualitatif. La caractéristique spécifique du modèle de système de joint orthogonal est l’hypothèse que des joints sont contenus dans deux ou trois ensembles mutuellement orthogonaux de joints parallèles. Dans ce cadre, une variété d’hypothèses peut être faite pour augmenter le domaine des applications pour lequel le modèle reste satisfaisant. Le modèle de base des joints orthogonaux comme défini par Snow [19] se compose d’ ensembles orthogonaux de joints illimités parallèles, avec un espacement constant Sj entre chaque ensemble de joints. Le modèle peut être décrit complètement par un paramètre : l’espacement moyen entre les joints dans chaque ensemble mesuré sur une normale à l’ensemble.
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Table des matières
Introduction
1. Modélisation des systèmes de fractures des massifs rocheux
1.1. Concepts de base
1.2. Nature des joints
1.3. Paramètres géométriques
1.3.1. Forme de joint
1.3.2. Taille de joint
1.3.3. Orientation
1.3.4. Extension
1.3.5. Espacement et densité
1.3.6. Ouverture
1.3.7. Planéité de joint
1.3.8. La persistance de discontinuité
1.4. Les modèles de joints
1.4.1. Le modèle orthogonal
1.4.2. Le modèle de disques de Baecher
1.4.3. Le modèle de Veneziano
1.4.4. Le modèle de Dershowitz
1.4.5. Le modèle de mosaïque
1.4.6. Modèle géostatistique de parent-fille
1.5. Les modèles de joints développés
1.5.1. Les modèles de joint en forme de disque
1.5.2. Les modèles de joints polygonaux
1.5.3. Les joints polygonaux pivotants
1.5.4. Modèle considérant l’ouverture des joints
1.6. Conclusion
Références
2. Modélisation par les méthodes aux éléments discrets
2.1. Modélisation numérique par éléments discrets
2.2. Les automates cellulaires
2.3. L’approche newtonienne
2.3.1. L’école des corps déformables (le modèle de Cundall)
2.3.2. L’école des corps indéformables
2.3.3. La méthode de l’analyse limite
2.4. Approche dédiée
2.5. Approche mixte
2.6. Conclusion
Références
3. Modélisation des structures en maçonnerie et comparaison entre différentes méthodes de calcul
3.1. Introduction
3.2. Modélisation des structures en maçonnerie
3.3. Comparaison des résultats expérimentaux et la modélisation
3.3.1. Cisaillement des murs en maçonnerie
3.3.2. Pile en maçonnerie
3.4. Cisaillement du mur de maçonnerie en briques (ETH Zurich)
3.5. Modélisation des monuments historiques en maçonnerie
3.5.1. Modélisation sismique
3.5.2. Aqueduc d’Arles
3.5.3. Arènes de Nîmes
3.5.4. Modélisation de la coupole de Junas
3.6. Conclusion
Références
4. Etude de la stabilité des pentes rocheuses
4.1. Introduction
4.2. Les critères de rupture
4.3. La carrière de Souraïde
4.3.1. Contexte
4.3.2. Analyse de la stabilité de la carrière de Souraïde
4.4. Déviation d’Ax-les-Thermes
4.4.1. Contexte
4.4.2. Analyse de la stabilité du talus amont de la déviation d’Ax-les-Thermes
4.5. Talus rocheux du Pallat
4.6. Conclusion
Références
Conclusion
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