Modélisation des systèmes à retards
L’objectif de ce chapitre est de présenter certaines notions fondamentales, relatives aux systèmes à retards, nécessaires à l’élaboration des principaux modèles mathématiques de tels systèmes, en fonction des différents types de retards usuellement considérés. Tout d’abord le retard de l’acquisition de l’information à un instant donné est un phénomène de transport de matière ou de transmission de l’information. Ce retard peut être constant, variable, localisé ou distribué dans le temps. Un système à retards est généralement modélisé par un ensemble d’équations différentielles fonctionnelles de la forme :
x˙(t) = f(t,xt(θ)), t ≥ t0
xt0(θ) = φ(θ), θ ∈ [−τ,0] (1.1)
où x(t) ∈ Rn est l’état à l’instant t, xt(θ) = x(t+θ) est l’état retardé, xt0 est l’état initial du système, f est une fonction supposée continue, localement Lipschitz par rapport à la seconde variable et telle que f(t,0) = 0. Le paramètre θ représente un retard variable et t est la variable indépendante représentant le temps. L’équation (1.1) indique que la dérivée de l’état x(t) à l’instant présent t, dépend de l’état retardé xt(θ) ∈ C défini par :
xt(θ) = x(t+θ), θ ∈ [−τ,0] (1.2)
Remarque 1.1. L’état du système à chaque instant est constitué de l’ensemble des états instantanés, {x(t+θ), θ ∈ [−τ,0]}, par conséquent, l’espace d’état de ce système est de dimension infinie.
Représentations des systèmes à retards
Trois représentations différentes sont généralement utilisées pour la modélisation des systèmes à retards : Équations différentielles avec des coefficients sur des anneaux d’opérateurs : Cette méthode a été développée en premier lieu pour étudier les systèmes à retards [1]-[6] et elle a été appliquée avec succès pour résoudre certains problèmes de contrôle tels que le découplage et le rejet de perturbations [7]. Dans ce contexte, un système linéaire à retards est modélisé par l’équation différentielle linéaire suivante :
x˙(t) = A∇x(t) (1.3)
où dans le cas général, ∇ = col i (∇i) est un vecteur des opérateurs de retard tel que x(t − τi) = ∇ix(t). Dans ce cas, les coefficients de la matrice A sont des polynômes multivariables par rapport à la variable ∇. Comme l’inverse de ∇ (l’opérateur de prédiction x(t+τi) = ∇−1 i x(t)) n’est pas défini du point de vue causalité, les opérateurs ∇i de la matrice A appartiennent alors à un anneau.
Équations différentielles fonctionnelles : Dans ce cas, les systèmes à retards peuvent être considérés comme des évolutions dans un espace Euclidien de dimension finie ou dans un espace fonctionnel. La première utilise la finitude de l’espace vectoriel pour analyser le comportement du système alors que la deuxième reflète le caractère de dimension infinie du système [12]. Bien que la manipulation des problèmes de dimension infinie en utilisant des outils de dimension finie a ses avantages, les résultats obtenus sont conservatifs. Dans cette thèse, seulement les équations différentielles fonctionnelles vont être utilisées pour représenter les systèmes à retards.
Types de retards
Les retards apparaissant dans les systèmes ou processus réels sont le plus souvent dus à des phénomènes de transfert d’information ou de matière. Différents types de retards peuvent affecter l’état, l’entrée (commande) ou la sortie (observation) d’un système. Ces retards peuvent être constants, variables, distribués ou une combinaison des différents types de retards.
Retard constant : Les premières études sur les systèmes à retards concernaient, principalement, les systèmes à retards constants. Dans la plupart des cas réellement rencontrés, seule une partie récente du passé exerce une influence sur le comportement du système. On parle alors de systèmes à retards bornés s’il existe un nombre réel τ > 0 tel que les fonctionnelles de l’état xt et de sa dérivée x˙t soient définies sur l’intervalle [−τ,0].
Retard majoré : Dans ce cas, on suppose connaître la valeur maximale du retard :
0 ≤ τ (t) ≤ τmax (1.7)
Retard variable borné : Comme la constance du retard est une hypothèse rarement vérifiée dans la réalité, le cas des retards variables (connus ou inconnus) a fait lui aussi l’objet de nombreuses recherches. On définit alors les retards variables bornés comme suit :
0 < τ1 ≤ τ (t) ≤ τ2 (1.8)
Une grande partie des modèles de systèmes à retards suppose que le retard varie dans un intervalle [0, τ2]. Le fait d’autoriser le retard à prendre la valeur 0 revient à supposer qu’à un moment donné ce transfert se fait de manière instantanée.
Retard dépendent de l’état : Dans l’étude de la dynamiques des populations et les problèmes épidémiques, le retard dépend souvent de l’état présent (τ (x(t))) et parfois même de l’état retardé [12].
Retard variable avec contrainte sur la dérivée : Comme le retard variable est borné on peut penser à introduire une contrainte sur la dynamique de sa variation, autrement dit, une contrainte sur sa dérivée telle que :
τ˙(t) ≤ d < 1 (1.9)
où d est un réel positif.
Retard variable continu par morceaux : Ces retards apparaissent notamment lors de l’échantillonnage d’un signal. Ce cas particulier autorise notamment la dérivée du retard à prendre la valeur critique 1 : τ˙(t) ≤ 1.
Systèmes à retards de type neutre
La classe des systèmes à retards de type neutre est une classe plus générale que celle des systèmes présentés précédemment, dans le sens où les modèles de ces systèmes considèrent que la dérivée de l’état au temps présent est une fonction qui dépend non seulement des valeurs de l’état passé, mais aussi de la dérivée de l’état passé dans un intervalle. Ces systèmes sont modélisés par des équations de la forme générale suivante :
x˙(t)−Fx˙(t−τ ) = Ax(t) +Adx(t−τ ) +Bu(t) +Bdu(t−τ )
y(t) = Cx(t) +Cdx(t−τ )
x(t0 +θ) = φ(θ), θ ∈ [−τ,0] (1.18)
Le comportement dynamique de nombreux procédés physiques peut être décrit par un modèle de système neutre par exemple le modèle des lignes de transmission sans perte (Télécommunications) ou des barres flexibles couplées à une charge (Robotique).
Systèmes non linéaires à retards
Les modèles non linéaires nous permettent de se rapprocher du comportement des systèmes et processus réels. Les systèmes non linéaires autorisent un plus grand domaine d’analyse grâce aux multiples paramètres qu’ils impliquent. Les paramètres impliqués peuvent aussi varier avec le temps et même avec l’état du système. Les équations définissant ces modèles, par exemple le cas d’un système à retard sur l’état et la commande, se présentent de la manière suivante :
x˙(t) = A(t,xt)x(t) +B(t,xt)u(t) +Ad(t,xt)x(t−τ ) +Bd(t,xt)u(t−τ )
y(t) = C(t,xt)x(t) (1.19)
Deux types de modèles peuvent faciliter l’étude de tels systèmes. Le premier est le modèle polytopique et le second est le modèle à paramètres incertains.
Modèle polytopique : L’élaboration du modèle polytopique consiste à exprimer les fonctions matricielles comme une somme pondérée de matrices constantes. La modélisation polytopique transforme un modèle de la forme (1.19) en une représentation multi-modèle, c’est-à-dire, une somme de modèles linéaires pondérés de façon non constante.
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Table des matières
Introduction générale
1 Modélisation des systèmes à retards
1.1 Introduction
1.2 Représentations des systèmes à retards
1.3 Types de retards
1.4 Modélisation des systèmes à retards dans le domaine temporel
1.4.1 Systèmes à retards sur l’état et la commande
1.4.2 Systèmes à retards distribués
1.4.3 Systèmes à retards de type neutre
1.4.4 Systèmes non linéaires à retards
1.5 Modélisation des systèmes à retards dans le domaine fréquentiel
1.5.1 Systèmes à retards de type neutre
1.5.2 Systèmes à retards distribués
1.6 Conclusion
2 Identification des systèmes à retards
2.1 Introduction
2.2 Identifiabilité
2.3 Méthodes d’estimation du retard
2.3.1 La méthode de Broïda
2.3.2 La méthode de Strejc
2.3.3 La méthode des moments simples
2.3.4 La méthode des moments fonctionnels de Poisson
2.3.5 La méthode des ondelettes de Poisson
2.3.6 Méthodes d’approximation du retard
2.4 Conclusion
3 Stabilité des systèmes à retards
3.1 Introduction
3.2 Généralités et définitions
3.3 Étude de la stabilité au sens de Lyapunov
3.3.1 Approche de Krasovskii
3.3.2 Approche de Razumikhin
3.4 Stabilité indépendante/dépendante du retard
3.4.1 Notion de stabilité indépendante du retard
3.4.2 Notion de stabilité dépendante du retard
3.4.3 Conditions de stabilité robuste pour un système incertain de type neutre avec un retard discret et un retard distribué
3.5 Stabilité des systèmes à retards dans le domaine fréquentiel
3.5.1 Théorème de Hermite-Biehler
3.5.2 Théorème de Hermite-Biehler pour les quasi-polynômes
3.6 Analyse de stabilité des systèmes discrets à retards
3.6.1 Fonction de transfert des systèmes discrets à retards
3.6.2 Application de la méthode directe de Lyapunov
3.6.3 Critère de stabilité pour les systèmes discrets à retard variable dans un intervalle
3.7 Conclusion
4 Commande des systèmes à retards
4.1 Introduction
4.2 Commande par temps de retard
4.3 Commande utilisant la technique du prédicteur
4.3.1 Cas des systèmes linéaires à paramètres constants (LTI)
4.3.2 Cas des systèmes linéaires à paramètres variants (LTV)
4.4 Approche de commande basée sur LMI
4.5 Commande des systèmes discrets à retards
4.6 Conclusion
5 Simulation de quelques systèmes à retards
5.1 Introduction
5.2 Exemple 1 : Etude de stabilité pour un système neutre incertain avec un retard discret et un retard distribué
5.3 Exemple 2 : Analyse de stabilité pour un système cloud computing dans le domaine discret avec retard variable
5.4 Exemple 3 : Conditions de stabilité dépendante du retard pour un système de suivi de ligne sur un écran tactile
5.5 Conclusion
Conclusion générale
Mots clés : Systèmes à retards, modélisation, identification, stabilité, LMI, LyapunovKrasovskii, commande.