L’environnement industriel connaît depuis plusieurs années une évolution très rapide due à un progrès technologique accéléré contribuant à un volume élevé des flux de données à transmettre, analyser et stocker. Cette évolution exige de nouvelles compétences pour la gestion et le contrôle des systèmes automatisés. Afin de s’adapter à cet environnement et survivre au sein d’une concurrence très vive dans la plupart des secteurs et dans des domaines variés, il est impératif de fixer certaines mesures pour assurer une amélioration continue des systèmes automatisés, notamment :
◈ une adaptation aux perturbations non souhaitées,
◈ une meilleure estimation de l’état courant du système,
◈ une surveillance accrue des écarts avec les plans prévisionnels,
◈ une surveillance permanente de l’état de santé du système afin de garantir sa disponibilité, sa sécurité ainsi que le maintien de ses propriétés dans le temps.
Ces démarches relèvent du domaine général de la sûreté de fonctionnement [Villemeur 1988], permettant de faire face à la complexité croissante des systèmes automatisés et de limiter les comportements indésirables qui peuvent remettre en cause l’intégralité des systèmes. L’accroissement du nombre d’informations et des données disponibles se traduit le plus souvent par un ralentissement des traitements et quelquefois par leur saturation. Ces deux phénomènes sont inacceptables dans les systèmes temps-réels qui doivent respecter des contraintes temporelles. Ces systèmes sont présents dans de nombreux domaines tels que : les systèmes de production automatisés, de communication, d’information, de pilotage embarqué (automobile, avionique, …), de gestion …etc. Pour de nombreux systèmes, le non-respect des contraintes temporelles est critique et s’apparente à un défaut qu’il faut détecter, diagnostiquer puis circonscrire.
Notre étude s’articule autour de la surveillance des systèmes temps-réels, afin de détecter la violation des contraintes temporelles et donc garantir leur bon fonctionnement dans le temps. Nous nous plaçons dans un contexte temporel, et nous nous intéressons à la catégorie des Systèmes à Evénements Discrets (SED). Les SED sont des systèmes dynamiques pour lesquels les variables d’états évoluent de manière discrète au cours du temps. Cette évolution est conditionnée par l’occurrence d’événements asynchrones [Ramadge et Wonham 1989 ; Cassandras et Lafortune 2009]. Les SED couvrent aujourd’hui une classe importante d’applications réelles, notamment les processus manufacturiers, les protocoles de communication, les réseaux de télécommunications, les services informatiques ainsi que les réseaux de transport et les systèmes logistiques. Assurer la sûreté de fonctionnement des SED dans le cadre de notre travail revient à diagnostiquer ces systèmes afin de détecter des défauts temporels. Le but du diagnostic d’un SED [Zaytoon et Lafortune 2013] est de détecter au plus tôt une déviation du comportement nominal du système et d’en déterminer les causes. L’occurrence d’un défaut conduit ce dernier à un comportement fautif et donc à une déviation de son comportement nominal. Le système devient alors incapable de réaliser le service pour lequel il a été conçu, on dit que le système est défaillant. Les tâches du diagnostic permettent entre autre de déterminer les causes premières des défaillances en se basant sur une série de mesures issues des capteurs. L’enjeu du diagnostic repose donc sur la capacité à traiter et exploiter les mesures et les données disponibles pour surveiller l’état du système.
Dans cette thèse, nous nous intéressons aux défauts temporels qui correspondent à une violation de contraintes temporelles. Le verrou scientifique auquel nous nous intéressons est de réaliser cette détection avec un volume d’information réduit et incomplet. L’information disponible est mesurée au fil du temps et modélisée par une trame datée. En utilisant les densités de probabilité des événements non mesurés et la spécification des contraintes temporelles, et en analysant les trames mesurées, nous proposons d’estimer la probabilité que le système respecte ou non les contraintes temporelles. A cette fin, il est nécessaire de disposer d’un outil de modélisation formel permettant d’analyser les SED, de les contrôler et de les simuler. Parmi les outils existants, cette thèse utilise en particulier les réseaux de Petri (RdP). L’outil de modélisation RdP a été introduit par le mathématicien allemand Carl Adam Petri dans sa thèse de doctorat [Petri 1966]. Depuis, cet outil est devenu un formalisme mathématique et graphique puissant et universellement utilisé dans la modélisation et l’analyse du comportement des SED. Le RdP possède la capacité de représenter explicitement certains comportements du système dont : la synchronisation, le partage de ressources, le parallélisme et encore les structures de choix. Afin de décrire explicitement les comportements temporels et aléatoires notre thèse utilise une extension particulière de RdP : les RdP Stochastiques Temporisés Partiellement Observés (RdPSTPO). L’extension stochastique temporisée permet de caractériser l’incertitude des dates d’occurrence des événements qui sont modélisées par des Variables Aléatoires (VA).
Modélisation des SED à contraintes temporelles
Au lieu de s’intéresser au déroulement continu des phénomènes, les Systèmes à Evénements Discrets (SED) ne se soucient que des débuts et des fins de ces phénomènes (les événements discrets) ainsi que de leurs enchaînements logiques, dynamiques et temporels. Les SED sont des systèmes dynamiques pour lesquels l’espace d’état est discret. Leur évolution se fait conformément aux occurrences des événements caractérisant les changements d’état du système [Ramadge et Wonham 1989 ; Cassandras et Lafortune 2009]. Ces systèmes couvrent aujourd’hui une classe importante d’applications réelles, notamment les processus manufacturiers, les systèmes informatiques, logistiques et de transport ainsi que les réseaux de télécommunications. De nombreux formalismes de modélisation ont été développés pour analyser les SED. La complexité croissante de ces derniers nécessite des outils de modélisation enrichis dans le but de mieux représenter les différents comportements et phénomènes liés à ses systèmes.
Ces formalismes ont été enrichis par la suite afin d’analyser des séquences incomplètes d’information dans un cadre temporel et stochastique. Deux extensions de RdP ont été exploitées dans ce travail : les réseaux de Petri T temporels et les réseaux de Petri stochastiques (RdPS) markoviens et non markoviens. Dans le cadre du diagnostic, la modélisation et l’analyse des séquences temporisées d’événements discrets constituent un défi majeur. Lorsque les mesures sont incomplètes, le problème devient critique, en particulier lorsqu’un raisonnement sur des intervalles de temps est requis. Afin de faire face à une telle situation, une modélisation systématique des contraintes temporelles complexes est nécessaire. Grâce à l’outil de modélisation de processus métier (Business Process Modeling (BPM)), connu pour sa capacité de traiter des systèmes d’information complexes comportant des contraintes de temps entre les tâches, nous avons pu introduire de nouvelles contraintes temporelles complexes dans les RdP. Les règles de base permettant de transformer un processus BPM en un RdP équivalent sont détaillées dans ce chapitre. Enfin, les différentes contraintes temporelles, en particulier, les contraintes inter-tâches sont introduites dans le modèle RdP. De ce fait, cette extension de RdP est utile pour prendre en compte les informations temporelles dans le processus de diagnostic et pour résoudre des problèmes de diagnostic dans plusieurs domaines d’étude tels que la logistique, la chaîne d’approvisionnement ou l’automatisation.
Modélisation des SED
Plusieurs formalismes de modélisation ont été développés pour l’analyse des SED selon l’application envisagée. Une grande variété de travaux de recherche est disponible dans la littérature. Ces travaux peuvent être classés selon l’outil de modélisation utilisé. Dans ce qui suit, nous allons présenter brièvement le formalisme des automates à états finis. Ceci nous permettra d’illustrer le principe de quelques approches de diagnostic basées sur ce modèle. Ensuite, nous accordons une attention particulière à l’outil de modélisation RdP sur lequel seront basées nos approches.
Automates à états finis
Les automates à états finis ou automates finis, sont des machines à états qui permettent de décrire le comportement d’un SED. Ils sont représentés par une succession d’états et de transitions associées à des événements. L’évolution des automates finis est assurée par l’occurrence de ces événements. Un ensemble de cercles (qui représentent les états) et un ensemble d’arcs (qui représentent les transitions) forment les différents éléments graphiques de cet automate [Shallit 2008 ; Cassandras et Lafortune 2009]. Avant de représenter formellement les automates à états finis, il est intéressant de mentionner que de nombreux travaux ont été élaborés pour développer ce formalisme en s’appuyant sur la théorie des langages [Kleene 1951 ; Moore 1956 ; Burks et Wang 1957].
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Table des matières
Introduction Générale
Chapitre 1. Modélisation des SED à contraintes temporelles
1.1. Introduction
1.2. Modélisation des SED
1.2.1. Automates à états finis
A. Automates probabilistes
B. Automates temporisés
1.2.2. Réseaux de Petri
1.3. Sémantiques temporelles et contraintes temporelles
1.4. Réseaux de Petri temporisés et temporels
1.5. Réseaux de Petri stochastiques
1.5.1. Modèles RdPS markoviens
1.5.2. Modèles RdPS non markoviens
1.6. Business Process Modeling
1.7. Transformation des BPM en RdP équivalent
1.7.1. Les contraintes structurelles
1.7.2. Les contraintes temporelles
1.8. Exemple
1.9. Conclusion
Chapitre 2. Diagnostic par calcul des probabilités des trajectoires compatibles
2.1. Introduction
2.2. Modélisation des défauts
2.2.1. Réseaux de Petri partiellement mesurés (POPN) et (POTPN)
2.2.2. Défauts structurels et temporels
A. Défauts structurels
B. Défauts temporels
2.3. Etat de l’art
2.3.1. Diagnostic des RdP non temporisés
A. Méthodes structurelles
B. Méthodes basées sur la dynamique du RdP
2.3.2. Diagnostic des RdP temporels
2.4. Calcul des trajectoires compatibles
2.4.1. Trajectoires compatibles non temporisées
A. Approche par LMI
B. Approche incrémentale
2.4.2. Trajectoires compatibles partiellement temporisées
2.5. Probabilités des trajectoires
2.6. Probabilités des défauts
2.6.1. Probabilités des défauts structurels
2.6.2. Probabilités des défauts temporels
2.7. Cas d’étude
2.8. Conclusion
Chapitre 3. Diagnostic par carte de contrôle
3.1. Introduction
3.2. Diagnostic et défauts temporels
3.2.1. Définitions
3.2.2. Modélisation des défauts temporels
A. Hypothèses de travail
B. Variation des supports des lois des distributions des durées
3.3. Carte de contrôle
3.3.1. Cartes de contrôle classiques de Shewhart
A. La carte de la moyenne / étendue (X̅, R)
B. La carte de la moyenne / écart-type (X̅, S)
C. La carte de la médiane / étendue (X̃, R)
3.3.2. Carte de contrôle à somme cumulée (CuSum)
3.3.3. Carte de contrôle à Moyenne Mobile pondérée exponentiellement (EWMA)
3.3.4. Carte de contrôle à Moyenne Mobile (MM)
3.4. Table de signatures et diagnostic
3.4.1. Conception de la table de signatures
3.4.2. Détection et localisation des défauts temporels
3.5. Exemple
3.6. Conclusion
Conclusion Générale