Modélisation des représentations et dynamiques des bassins versants

Modélisation des représentations pour l’analyse des dynamiques des bassins versants

Les termes « représentation » et « point de vue » sont des concepts qui reviennent abondamment dans cette thèse. Nous rappelons ci-dessous leur sens commun et ultérieurement nous expliciterons le sens particulier que nous donnons à ces termes dans le cadre de notre application. Une représentation est une forme de connaissance ayant une visée pratique concourante à la construction d’une réalité (source : dictionnaire Larousse). Elle relève de l’idée que se fait une personne sur un objet, un individu ou encore un système, par rapport à son propre référentiel. Ainsi la représentation qu’un acteur a de la ressource et du système dans lequel il évolue relève de l’idée qu’il se fait de la réalité qui l’entoure, et ce en fonction de son savoir et de ses croyances. Un point de vue quant à lui est une manière particulière d’envisager une question, de traiter un sujet, de concevoir quelque chose (source : dictionnaire terminologique du CNRS ). Il indique une opinion personnelle résultant de la manière d’envisager les choses. Nous proposons dès à présent de lier ces deux notions en suggérant qu’un point de vue est une opinion particulière d’une personne résultant de sa représentation et de ses objectifs, et éventuellement de sa stratégie pour atteindre un but.

Le point de vue est justement le point de départ de cette thèse. Nous soutenons dans le premier chapitre que les bassins versants sont le lieu de multiples points de vue différents et que l’hétérogénéité des points de vue, source de richesse lorsqu’ils sont partagés peut être source de conflit lorsqu’il y a incompréhension du point de vue d’autrui. Cela nous amènera à considérer les représentations des acteurs locaux, explicatives des points de vue selon notre définition, comme point d’entrée pour une modélisation des bassins versants plus explicatives de la diversité des comportements qui y sont rencontrés et des dynamiques sociales façonnant ces systèmes .

Points de vue hétérogènes et interactions dans les bassins versants 

Dans le Nord Thaïlande comme ailleurs, les bassins versants sont multifonctionnels et font intervenir une diversité d’acteurs venant d’horizons différents. Les intérêts et objectifs de ces différents acteurs quant au bassin versant varient. Une première fonction des bassins versants dans le Nord Thaïlande est la production agricole. Les populations rurales traditionnellement agricoles produisent une variété de produits pour leur propre consommation et la vente sur les marchés locaux. Déjà au sein de ces populations agricoles, différents types d’exploitations peuvent être identifiés. Ainsi, si l’on suit les démarches classiques d’analyse des exploitations agricoles notamment utilisées par les économistes et les agronomes, l’analyse des caractéristiques d’exploitations révèle des dissemblances. Par exemple, les exploitations de grandes tailles ne poursuivent pas les mêmes stratégies que les petites exploitations. L’âge du chef d’exploitation est également un facteur discriminant permettant d’expliquer une vision à long terme des objectifs d’exploitations ou inversement. L’intégration plus explicite des objectifs et des contraintes de chacun des usagers permet d’obtenir de meilleures prévisions quant aux réactions des usagers aux diverses mesures mises en œuvre, en pratique par les décideurs. Ainsi, en agriculture, l’hétérogénéité des contraintes financières et de main d’œuvre des agriculteurs, leurs perceptions ainsi que les réseaux de communications importent (Rogers 1995, Mermet 1991).

Certains chercheurs en sciences sociales s’intéressent à cette diversité sous un autre angle. Ils caractérisent les exploitants agricoles par leur attitude, voire leur caractère, résultat de l’environnement social, de l’éducation et des expériences vécues par les individus. Il apparaît alors que les caractéristiques propres de chacune de ces exploitations agricoles entrainent un point de vue particulier sur le fonctionnement de l’exploitation mais également sur la place de l’exploitation par rapport à son environnement. Les anthropologues qui se sont intéressés aux connaissances des communautés rurales distinguent différentes formes de connaissances et de façons de se représenter le monde parmi ces populations (Bentley et Baker 2005).

Ces différentes visions de l’environnement sont d’autant plus disparates dans le cas du Nord Thaïlande où des populations rurales d’origines culturelles différentes se côtoient et exploitent les ressources des bassins (Becu et Perez 2004, Walker 2001, Cooper 1984). Ces groupes sont d’une part, les Thaï d’origine qui vivent et produisent plutôt dans les fonds de vallées et d’autre part les ethnies minoritaires (selon le terme employé dans la littérature sur le Nord Thaïlande), constituées entre autres de populations Karen, Hmong, Akha, Lahu et Lisu. Ces dernières se sont à l’origine installées dans les hauteurs des bassins versants (l’immigration s’est étalée de la fin du XIXème siècle jusque dans les années 1970) et sont perçues encore aujourd’hui comme des peuples de montagne pratiquant une agriculture d’abattis brûlis responsable de la déforestation des bassins versants (Krairapanond et Atkinson 1998, Rigg 1995, Kanok et Benjavan 1994, Tanabe 1994, Cooper 1984) alors que leurs systèmes agricoles se sont radicalement transformés et que certains  groupes pratiquent aujourd’hui une agriculture quasi-similaire à celle des Thaï d’origine (Walker 2004, 2003, Delang 2002, Fox et al. 2000).

En outre, la problématique de la déforestation et de la conservation des ressources naturelles dans le Nord Thaïlande démontre la divergence des vues et des intérêts existant entre les différents types d’acteurs impliqués dans la gestion des bassins versants. Le Royal Forest Department (RFD) considère l’amont des bassins versants comme des zones de production d’eau pour les vallées ; fonction antagoniste selon le RFD avec l’agriculture pratiquée par les ethnies minoritaires. Le Land Development Department (LDD) quant à lui voit l’agriculture des versants comme la source d’une érosion des sols grandissante et la conséquence d’une intensification agricole due aux intérêts mercantiles et au comportement non-respectueux de l’environnement de certains agriculteurs (en particulier ceux d’origines Hmong). Enfin le Royal Project Foundation (RPF) a pour objectif l’aide au développement des populations agricoles les plus défavorisées via des activités de vulgarisation et inclut depuis les années 1990 des programmes de soutien pour une gestion durable des ressources naturelles.

Au-delà de cette hétérogénéité de représentations, les bassins versants sont également le lieu de multiples interactions entre les usagers et la ressource. Pour comprendre cette complexité, l’outil de modélisation est souvent privilégié, et plus précisément les modèles dits « intégrés ». Ces modèles associent des outils et des approches venant de différents domaines scientifiques (économie, hydrologie, agronomie, sociologie ou encore anthropologie,…) afin d’analyser les interactions qui ont lieu entre les composantes de ces systèmes. Les interactions représentées sont autant du domaine biophysique (e.g. interactions entre le cycle de l’eau et l’occupation du sol) que sur les usages (e.g. interactions entre l’offre et la demande en eau au travers de la relation amont-aval), le tout étant lié. Ainsi, les changements d’occupation du sol par exemple modifient les processus hydrologiques tels que l’évapotranspiration et la recharge des nappes qui à leur tour vont avoir un impact sur les usages futurs des sols. Il s’agit donc pour ces modèles, d’intégrer les différents processus biophysiques qui régissent la dynamique des ressources mais aussi de modéliser les interactions entre ces ressources et leurs usages.

Les approches de la modélisation participative 

La modélisation participative s’inscrit dans des démarches prenant explicitement en compte le point de vue des acteurs pour promouvoir la réflexion collective et favoriser la compréhension des points de vue des autres entre différents acteurs liés par un enjeu commun (Bousquet et al. 2005, Rousseau 2003, Ferrand 1997, Mermet 1992). L’objectif poursuivi par ces démarches est le support à la décision collective, éventuellement la recherche de consensus, dans un contexte où les points de vue et les intérêts des acteurs en jeu divergent. Par rapport à des démarches participatives pour la résolution de conflits plus classiques, la modélisation participative fait appel aux outils de modélisation pour promouvoir l’utilisation de la démarche dans le cas de systèmes complexes et/ou explorer avec les acteurs en jeu la dynamique du système et son évolution dans le temps (dans ce type de cas les outils de simulation sont privilégiés). Ces approches sont également des tentatives de transfert de nouvelles technologies venues de la recherche auprès des acteurs locaux.

Les expériences de modélisation participatives ne sont pas très nombreuses. Nous avons choisi de nous intéresser à une série d’expériences parmi lesquelles nous avons inclus les approches spatiales et les SIG (Système d’Information Géographique) participatifs (Abbot et al. 1998) dont les applications dans le domaine de la gestion des ressources naturelles sont riches d’enseignements. Nous nous intéressons également à des applications s’inspirant du concept de modèle mental permettant de mieux comprendre et de comparer les différences de points de vue entre les acteurs. Nous présentons également quelques expériences utilisant des outils de simulations. Dans ce paragraphe nous évoquons l’approche de la modélisation d’accompagnement – une approche de modélisation participative utilisant les Systèmes Multi-agents et les jeux de rôles – de manière succincte. Nous reviendrons sur cette approche au chapitre 3 qui est consacré exclusivement à la modélisation multi agents, et ce afin d’expliciter le rôle central que la modélisation d’accompagnement joue dans cette thèse.

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Table des matières

Introduction
Partie I : Etat de l’art
1. Modélisation des représentations et dynamiques des bassins versants
1.1. Points de vue hétérogènes et interactions dans les bassins versants
1.2. Les approches de la modélisation participative
2. Les approches du concept de représentation
2.1. La nature cachée de la représentation
2.2. Les théories de la représentation
3. Systèmes Multi-Agents et modélisation des représentations
3.1. La modélisation des représentations sur la base de théories
3.2. La construction participative de modèles développée en modélisation d’accompagnement
4. Les techniques de l’ingénierie des connaissances
4.1. La démarche de transfert
4.2. La démarche modélisatrice
4.3. Conclusion
Partie II : Problématique
5. Problématique
5.1. Rappel de la question de thèse
5.2. Positionnement et choix techniques
5.3. Questionnement de la thèse
5.4. Démarche suivie
Partie III : Méthodologie
6. Démarche générale de la méthodologie
6.1. Une méthodologie dirigée par le modèle d’agent
6.2. Identification de l’hétérogénéité des représentations
6.3. Objectifs coordonnés des phases de la méthodologie
7. Méthodologie d’identification et de formalisation des représentations
7.1. Technique d’enquête : l’entretien situé
7.2. Formalisation des représentations dans les diagrammes EPR
7.3. Vérification des représentations à l’aide des Playable Stories
8. Méthodologie de modélisation des représentations
8.1. Intégration des représentations dans les agents
8.2. Couplage des agents avec le modèle biophysique
Partie IV : Application et résultats
9. Présentation du cas d’étude
9.1. Présentation du site d’étude
9.2. Les deux villages étudiés
9.3. Echantillon d’agriculteurs enquêtés
9.4. Thématiques étudiées
10. Résultats de l’étape d’identification et de formalisation des représentations
10.1. Phase d’enquête
10.2. Phase de formalisation
10.3. Phase de vérification
11. Résultats de l’étape de modélisation des représentations
11.1. Le méta-modèle de l’agent-agriculteur
11.2. Les différents rôles et stratégies des agents-agriculteurs
11.3. Couplage des agents-agriculteurs avec le modèle biophysique
11.4. Les modèles de la dynamique biophysique
12. Simulations
12.1. Paramètres d’initialisation
12.2. Vérification et variabilité des résultats de simulation
12.3. Stratégies et évolutions des croyances et des comportements
12.4. Perceptions hétérogènes et points de vue de l’interface spatiale
13. Test du modèle durant des séances de simulations participatives
13.1. Protocole d’expérimentation
13.2. Résultats de la validation à dire d’acteurs
13.3. Résultats de l’usage du modèle pour la concertation
13.4. Conclusion
Partie V : Discussion
14. Utilisation coordonnée des différents outils dans la méthodologie d’ensemble
14.1. Les apports de chaque technique pour la méthodologie d’ensemble
14.2. L’usage conjugué des différentes techniques
15. Utilisation et adaptation des techniques de l’ingénierie des connaissances
15.1. Adaptation au cadre « in situ » des bassins versants
15.2. Analyse de protocole et formalisme Orienté-Objet
15.3. Gestion des points sensibles des techniques de l’ingénierie des connaissances
Conclusion générale

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