Modélisation des processus de conception de produits et développement de la capacité d’innovation

L’innovation permet de développer la compétitivité des entreprises. Elle constitue une réponse aux problèmes de concurrence nationale et internationale. Les pouvoirs publics financent d’ailleurs de nombreuses actions de soutien à l’innovation. L’Etat entend développer par ces actions la compétitivité économique du pays dans un contexte international de plus en plus concurrentiel.

Actuellement le concept d’innovation est fortement utilisé. Il existe d’ailleurs dans les entreprises une véritable préoccupation pour développer celle-ci. De nombreuses études ont été menées pour améliorer l’innovation dans les entreprises. Il s’agit aujourd’hui de savoir comment faire pour développer l’innovation. De nombreuses solutions sont disponibles : il existe des financements, des guides méthodologiques, des compétences et des types d’organisations spécifiques. Mais devant toutes ces possibilités, une entreprise peut se retrouver perdue pour choisir les solutions les plus appropriées.

LA RECHERCHE DANS LE DOMAINE DE L’INNOVATION DES PME-PMI 

Le but de cette partie est de montrer les éléments importants caractérisant le domaine industriel des PME-PMI au vu de notre objectif de recherche. Nous rappellerons notamment quelques chiffres sur les PME-PMI. L’innovation dans les PME-PMI est une préoccupation actuelle, à la fois pour les PME-PMI ellesmêmes et pour les institutions publiques et parapubliques. Les PME-PMI représente un secteur économique très important : en France, un salarié sur deux travaille dans une PMI [MINISTERE DE L’INDUSTRIE 1995]. Les PME ont une forte réactivité. Elles sont capables de profondes mutations pour répondre au marché [MINISTERE DE L’INDUSTRIE 1995]. Les statistiques rapportent que 58 % des innovations réalisées par des PME sont effectuées sous l’impulsion du marché. Dans le même temps, seulement 26 % des innovations sont réalisées sous l’impulsion de la technologie. Cela montre la réactivité des PME. Mais nous interprétons aussi cela comme un  manque de ressources qui freine l’innovation. Cela montre aussi une faiblesse en terme de prise de recul et pour être force de propositions. Les PME se situent dans un cadre général de réflexion stratégique à court terme. « C’est un vieux débat de savoir si la flexibilité et la souplesse de leur organisation prédisposent plus les PMI à l’innovation que les groupes industriels qui, en contrepartie, peuvent s’appuyer sur leur taille pour amortir les risques. » [MERLANT 1990] .

Le manque de ressources humaines a un impact important sur l’innovation : les PME-PMI, ont des effectifs attachés à la recherche et au développement très réduits. A cause de leur petite taille, les PME ont une culture plus contingente [FILSON 2000]. Les acteurs sont polyvalents et les tâches menées sont de natures très différentes. Il est donc impossible de transférer directement des modèles conçus pour les grandes entreprises [AOUSSAT 1996]. SOYEZ insiste aussi sur la valeur des connaissances-métiers des acteurs de l’entreprise, car les PME-PMI sont souvent reconnaissables à un métier particulier. Innover, c’est redéfinir les savoir faire de l’entreprise et donc, une démarche d’innovation est très bouleversante pour une entreprise mono-métier.

Nous pouvons noter que dans les PME-PMI une mauvaise gestion est parfois constatée. Les dirigeants se doivent de bien choisir leur stratégie afin de mieux valoriser leur entreprise. Il est important de prendre en compte cet élément lors de la proposition de nouveaux modèles pour ces entreprises. Il est intéressant de disposer de moyens appropriés pour réduire ces risques d’erreurs. Marie GERARD rapporte que les difficultés des PME-PMI sont souvent imputable à une quasi absence de veille informative [GERARD 2000] : « Les contraintes d’accès sont de différentes natures :
· le manque de temps et de personnel qualifié pour collecter l’information,
· la formation, le style de direction constituent un frein pour l’accès aux informations et pour leur utilisation.
· la méfiance des sources uniques d’information divulguées par leurs propres fournisseurs ou par les centres de recherche publics ou semi-publics.
· le coût de l’accès aux informations est un frein non négligeable (OCDE 93).
· le processus de formulation des objectifs est peu explicite. » .

Un effort particulier doit être porté pour rendre la veille plus simple pour une PME PMI. Lorsqu’elles innovent, les entreprises ne négligent pas les sources d’information, mais considèrent les informations internes comme les plus importantes (pour 46,6% des firmes innovantes[SESSI 1998]) . Les sources d’information les plus délaissées sont les prestataires de connaissances scientifiques et technologiques et les sources d’information publiques et dans une moindre mesure, les conférences, la presse professionnelle, les bases de données. Les possibilités d’accès à l’information sont décuplées avec la généralisation de l’utilisation d’internet, même si l’utilisation d’internet dans les PME est encore relativement faible.

LA COMPLEXITE DE L’INNOVATION : DE NOMBREUX PHENOMENES INTERCONNECTES

Le but de cette partie est d’insister sur la difficulté de définir l’innovation. Cela est lié à la complexité des éléments qui constituent l’innovation. Ces éléments sont de natures très différentes et sont très nombreux dans un processus. Il est nécessaire de contrecarrer certaines visions populaires erronées sur l’innovation. Parfois cela peut avoir des effets néfastes sur les projets. De plus avant de lancer un processus d’innovation il est nécessaire de s’assurer que l’entreprise est capable de l’assumer techniquement, commercialement et en terme d’adaptation des ressources humaines. La complexité de l’innovation est aussi due à un paradoxe : l’innovation est à la fois le résultat de l’expression d’une différence et d’une introduction dans la pratique sociale [GIGET 94]. Le processus d’innovation est à la fois une avancée dans l’inconnu et un processus construit à partir d’éléments traditionnels. Les acteurs sont souvent troublés par l’incertitude créée par un processus d’innovation. Cet aspect peu rassurant de l’innovation provoque des échecs par des réactions de résistance. Norbert ALTER présente aussi la contradiction de l’innovation dans la nécessité de mettre en place un projet qui doit être à la fois organisé et créatif [ALTER 1999]. Pour préciser cette notion nécessaire de complexité dans l’analyse de l’innovation nous pouvons citer Norbert Alter qui décrit l’innovation comme pouvant survenir à partir de tous les éléments possibles [ALTER 1999]. Il existe différentes formes d’innovation qui complexifient encore la représentation que pouvons nous faire de l’innovation [GIGET 1994] : « L’innovation peut prendre des formes extrêmement diverses : faire mieux, faire différemment, faire autre chose, faire plus vite, faire moins cher ou faire ensemble. » Par rapport à la définition de la stratégie selon PORTER, entièrement définie par rapport à la concurrence extérieure, nous positionnons notre champ de recherche sous l’optique d’un changement de l’entreprise par l’intérieur. Ce changement de paradigme nous permet de voir l’innovation, non plus comme seulement l’adaptation au marché, mais par la création de valeur par les acteurs de l’entreprise. En effet c’est l’ensemble des personnes de l’entreprise, et leurs interactions, en contact avec l’extérieur qui permet de générer de nouveaux produits innovants. MERLANT a réalisé une synthèse des projets soutenus par l’ANVAR. Ce livre est basé sur l’idée que des innovations exemplaires peuvent constituer un moyen d’aider à comprendre l’innovation et aussi donner des conseils sur l’innovation. Ce livre présente les erreurs à éviter, explique des stratégies d’entreprise qui se sont révélées payantes dans le cadre d’innovations. Robin ROY identifie lui aussi des facteurs clés de succès et les mets en correspondance avec la performance commerciale [ROY 1997]. Mais COOPER (1983) pose la question : « Pourquoi, malgré de nombreuses études sur les succès et les échecs des produits nouveaux, le taux d’échec demeure important, et les raisons des échecs inchangées ? » Son hypothèse est que la plupart des résultats de ces études ont été présentés variable par variable, alors que les responsables d’entreprise ont l’habitude de raisonner en terme de modèles généraux ou de scénarios.

Formulation de la complexité de l’innovation 

Le phénomène d’innovation est complexe. En effet les inventions ne se traduisent que rarement par la mise sur le marché des produits concernés. Cela s’explique par un véritable « parcours du combattant » que le concept initial doit subir. Un processus de transformation va aboutir par modifications successives à l’adéquation du concept initial aux différentes contraintes. L’innovation est le résultat d’une transformation par le marketing, les finances, la technique, les fournisseurs, etc. … Ce processus est complexe et difficilement maîtrisable. L’innovation demande donc une configuration favorable dans l’entreprise.

Notre recherche a pour objectif aussi d’identifier des phénomènes et des facteurs pour favoriser l’innovation des PME – PMI. Connaître ces phénomènes et ces facteurs permet de construire des outils de conception adaptés. La difficulté principale de l’identification des outils de conception est d’affronter la complexité inhérente à l’innovation. MANZANO nous invite à ne pas simplifier abusivement la complexité des projets dans l’entreprise [MANZANO 1998] : la complexité apparente de ces systèmes ne doit pas entraîner un réflexe de simplification pour la maîtriser. En simplifiant nous détruisons la complexité : d’une démarche honnête d’analyse, nous saccageons la richesse d’un système. Rien ne pourra plus nous garantir que la somme des résultats partiaux que l’on obtiendra, sera bien représentative de la globalité de notre système. Le complexe doit être analysé préalablement en tant que tel, la réduction que l’on peut apporter au système par la suite doit être consciente et maîtrisée [MORIN 1990].

D’après MELESE, la prise en compte de la complexité permet d’obtenir une plus grande créativité : “ La complexité est donc à prendre en tant que source de richesse et de créativité ” [MELESE 1979]. L’évolutivité des systèmes complexes est génératrice de créativité et d’adaptivité aux évolutions des besoins des clients et de la concurrence. MANZANO ajoute que : “ La complexité sera caractérisée par la richesse des interconnexions des éléments du système, la variété de ses états et de ses évolutions. Comparé à cela un système compliqué sera rigidifié par des liaisons stables, mono-dimensionnelles. Ainsi le complexe sera évolutif alors que le compliqué sera figé dans une conformation. C’est cette évolutivité qui entraîne, entre autre, une difficulté d’analyse. ” [MANZANO 1998] Dans ce sens, l’innovation est le résultat de la contingence des processus de choix dans toute la complexité environnant un processus. La contingence des résultats de l’innovation est une conséquence de la complexité, c’est-à-dire que les résultats sont imprévisibles.

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
I. CONTEXTE DE LA RECHERCHE
1.1. Introduction
1.2. La recherche dans le domaine de l’innovation des PME-PMI
1.3. La complexité de l’innovation : de nombreux phénomènes interconnectés
1.4. Les aides à l’innovation : des réponses ponctuelles à des problèmes identifiés
1.5. L’adaptation nécessaire des outils et méthodes d’aide à l’innovation
1.6. Conclusion : comment accompagner l’intégration de méthodes dans l’entreprise?
II. POSITIONNEMENT DE RECHERCHE ET CHOIX D’UNE METHODOLOGIE POUR L’ETUDE DES PROCESSUS DE CONCEPTION DE PRODUITS
2.1. Introduction : le choix de l’épistémologie constructiviste
2.2. La complexité théorique de cette recherche
2.2.1. La modélisation des processus de conception et d’innovation
2.2.2. Les difficultés épistémologiques de l’étude des méthodes
2.3. Construction de la démarche de recherche
2.4. Conclusion
III. PROBLEMATIQUE : COMMENT METTRE EN PLACE LE JUSTE NECESSAIRE METHODOLOGIQUE DANS LES PROCESSUS DE CONCEPTION DE PRODUITS?
3.1. Introduction
3.2. Le besoin des PME-PMI – Qu’est-ce que le juste nécessaire méthodologique ?
3.3. Comment mettre en place le juste nécessaire méthodologique pour intervenir sur les processus d’innovation?
3.4. Formulation de la problématique
3.5. Conclusion
IV. HYPOTHESE : LA MODELISATION DES PROCESSUS DE CONCEPTION DE PRODUITS DOIT FAVORISER L’INTEGRATION DU JUSTE NECESSAIRE METHODOLOGIQUE
4.1. Introduction
4.2. Utilisation de l’approche systémique pour définir le juste nécessaire méthodologique
4.3. Proposition du concept d’un nouvel outil pour matérialiser la mise en place du juste nécessaire méthodologique
4.3.1. Paradoxe du concept de méta-outil : simplicité d’utilisation et complexité de la structure de l’outil
4.3.2. Favoriser l’accessibilité
4.3.3. Prendre en compte les processus d’apprentissage
4.4. Conclusion
V. EXPERIMENTATIONS INDUSTRIELLES
5.1. Introduction
5.2. Le protocole expérimental
5.2.1. La validation par étapes dans le cadre d’une recherche constructiviste
5.2.2. L’analyse des reformulations pour constituer des preuves dans un environnement complexe et évolutif
5.3. Expérimentation 1 : Modélisation en trois niveaux d’apprentissage de l’action du juste nécessaire méthodologique
5.3.1. Analyse quantitative de 33 cas industriels
5.3.2. Identification de trois niveaux d’apprentissage d’innovation
5.3.3. Conclusion
5.4. Expérimentation 2 : Modélisation de l’intégration des méthodes justes nécessaires dans les processus d’innovation
5.4.1. Exemples de problèmes rencontrés lors de l’intégration d’outils méthodologiques
5.4.2. Trois projets en PME-PMI : L’appropriation des outils de conception pour innover
5.4.3. Conclusion
5.5. Expérimentation 3 : Validation de l’intégration de modèles du juste nécessaire méthodologique dans des processus d’innovation
5.6. Conclusion
VI. SYNTHESE ET PERSPECTIVES
6.1. Introduction
6.2. Définition de la structure du méta-outil, moyen de mise en place du juste nécessaire méthodologique
6.3. Création de modèles méthodologiques intégrables dans le méta-outil
6.4. Théorisation et formalisation d’une démarche de construction du méta-outil
6.4.1. Proposition et évaluation d’une méthode de construction par liens
6.4.2. Mise en place d’une dynamique d’action et d’apprentissage
6.4.3. Validation de l’intérêt de cette approche pour un réseau de PME-PMI : des connaissances à gérer par rapport à des projets réels
6.4.4. Théorisation : Impacts en terme de coordination d’outils et de modélisation des processus d’innovation
6.5. Conclusion: Positionnement par rapport à l’existant
CONCLUSION GENERALE 

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