La quasi-totalité des métaux utilisés dans le monde est le produit de procédés de solidification. Les propriétés visibles à l’échelle macroscopique sont dépendantes de phénomènes microscopiques ayant lieu pendant la solidification du matériau. La prédiction du scénario de solidification, en commençant par l’échelle microscopique, est de première importance pour prédire le comportement du matériau produit. Les alliages d’aluminium et nickel peuvent être utilisés pour produire des catalyseurs performants, connu sous le nom de nickel de Raney. De fines poudres d’alliage Al-Ni sont produites par procédé d’atomisation, donnant après un traitement chimique approprié de puissants catalyseurs pour les réactions ayant lieu dans les piles à hydrogène. Un des objectifs majeurs du projet européen IMPRESS[1]♠ est l’optimisation de la composition et des procédés de production de ces poudres, afin d’améliorer l’activité catalytique des nickels de Raney.
Modèles analytiques de microségrégation
La solidification d’alliages donne souvent lieu à des inhomogénéités de composition au sein du matériau solidifié. Deux échelles de ségrégation chimique sont distinguées : la macroségrégation à l’échelle d’un procédé macroscopique (produit de fonderie), et la microségrégation à l’échelle de la microstructure (interface solide/liquide). Le phénomène de microségrégation est dû à la redistribution de soluté au cours de la solidification. Ses principales causes sont la différence de solubilité des espèces chimiques dans les différentes phases et la faible cinétique de diffusion dans les solides.
La littérature compte de nombreux modèles numériques de ségrégation, où les équations de bilans de masse sont résolues par des méthodes numériques plus ou moins complexes (champs de phases, « front tracking », « level set », etc.[8,9]). L’application de ces méthodes à l’échelle d’un procédé de grande taille et la prise en compte de toutes les échelles d’espace et de temps est au-delà des capacités de calculs actuelles. Alors, des techniques de prise en compte de phénomène microscopique dans des calculs macroscopiques ont été développées. Ces méthodes, connues sous le nom d’approches micro-macro, consistent à modéliser le comportement moyen d’un phénomène microscopique dans un Volume Elémentaire Représentatif (VER) de la microstructure pour l’employer dans le calcul macroscopique. Nous développons, dans cette section, un état de l’art des principaux modèles analytiques de microségrégation.
Le modèle de Gulliver et Scheil et son extension par Brody et Flemings ont donné naissance à toute une famille de modèles de microségrégation. Dans tous ces modèles, la diffusion dans le liquide est supposée infinie, le coefficient de partage solide/liquide est constant, et les effets des surfusions de germination sont négligés. D’après Voller[17], en régime de refroidissement constant, la version d’Ohnaka du modèle de Brody et Flemings constitue un outil de référence. Cependant, dans d’autres conditions de solidification (croissance parabolique, faible nombre de Fourier Fo, faible coefficient de partage k s/l), la faible performance de ce modèle a été démontrée[15-16]. Ainsi, dans des conditions de refroidissement quelconques, Voller recommande l’utilisation de modèles développés plus récemment par Beckermann et ses collaborateurs. Nous présentons, dans la section suivante, cette seconde famille de modèles semi-analytique de microségrégation.
Méthode de prise de moyennes volumiques
L’échelle d’un procédé (typiquement 0,1 à 1 mètre) peut être très différente de celle de la microstructure (de l’ordre du micromètre). Afin de prendre en compte les phénomènes ayant lieu à ces deux échelles très différentes, dans un matériau hétérogène, les méthodes de prise de moyennes volumique[22] peuvent être utilisées. Les grandeurs physiques sont alors moyennées sur un domaine de taille intermédiaire entre celle du procédé et celle de la microstructure, et les équations de conservation sont remplacées par des équations sur les quantités moyennes . Lorsque le domaine est représentatif, c’est-à-dire suffisamment grand pour que les fluctuations à l’échelle de la microstructure soient moyennées, mais pas trop grand par rapport aux variations macroscopiques des grandeurs[22], on parle de Volume Elémentaire Représentatif (ou VER).
A la fin des années 80, Rappaz et Thévoz[20,21] introduisent l’idée d’un liquide séparé en deux zones : un liquide interdendritique où la diffusion peut être considérée comme infinie, et un liquide extradendritique où un profil de diffusion est considérée. Ainsi, pour définir cette diffusion dans le liquide, ils définissent une couche de diffusion pour reproduire le profil de composition .
Phénomène
La revue la plus complète sur la solidification péritectique peut être attribuée à Kerr et Kurz[36] qui donnent une description détaillée et proposent les définitions des différents phénomènes. La solidification péritectique suit une première étape de solidification primaire d’une phase α. Une nouvelle phase, β, se forme, généralement à l’interface entre le liquide, l, et le solide α. La première étape est appelée réaction péritectique : la phase solide β croît le long de l’interface solide α/liquide. Les trois phases sont alors à l’équilibre au point de jonction triple où la réaction péritectique (l + α→ β) a effectivement lieu. La principale hypothèse suppose la refusion du solide α avant resolidification en solide péritectique β. Une fois le solide primaire α complètement entouré par la phase péritectique, les phases solide α et liquide ne sont plus en contact et la deuxième étape de la solidification péritectique consiste en l’épaississement de la couche de solide β. Cette seconde étape conjugue deux phénomènes : la transformation péritectique, due à la diffusion et l’échange de soluté entre le solide α et le liquide au travers de la couche de solide β, et la solidification directe de β dans le liquide. Ces deux phénomènes simultanés sont dans les faits indissociables car ils sont pilotés par la diffusion au travers de la couche de solide péritectique β. Le phénomène de réaction péritectique est relativement rapide par rapport à la transformation.
Modélisation
Les premières tentatives de modélisation de la croissance péritectique sont apparues dans la deuxième moitié des années 70. Du fait de la rapidité de la réaction péritectique, tous ces modèles considèrent l’apparition instantanée d’une fine épaisseur de solide péritectique, β, entre le liquide et le solide primaire, α. Maxwell et Hellawell[38,39] proposent un modèle analytique de microségrégation pour une géométrie plane, des taux de croissance paraboliques du solide β dans le liquide et dans le solide α, et une diffusion quasistationnaire. Cette première approche est accompagnée d’une étude expérimentale sur des alliages Al-Ti, mais sans comparaison directe avec les résultats du modèle.
St John et Hogan[40,41] proposent une classification des diagrammes de phase péritectiques en trois catégories, apparaissant Figure (9) , en fonction des pentes des limites du domaine d’équilibre de la phase péritectique β. La transformation péritectique étant principalement pilotée par la diffusion dans le solide péritectique β, un plus grand domaine d’équilibre de la phase β (terme w β/l-w β/α , Figure (7)) augmente les gradients de composition dans la phase péritectique, et le taux de transformation sera ainsi plus important. Un diagramme de type A avec des pentes de part et d’autre du domaine d’équilibre de la phase péritectique de même signe engendrera une transformation péritectique moins rapide qu’un diagramme de type B, avec des pentes de signes différents, mais plus rapide qu’un diagramme de type C, avec des pentes égales. Cette approche assez simple permet une appréciation qualitative du taux de transformation péritectique en un coup d’œil pour un alliage binaire.
Au début des années 90, Lopez[42] confirme cet effet dans un modèle semi-analytique, sous les hypothèses de géométrie sphérique et de croissance stationnaire. Les effets de la ségrégation de soluté au sein du solide primaire α sont également évalués. Une microségrégation importante dans le solide α tend à diminuer la cinétique de transformation péritectique. Les résultats du modèle manquent néanmoins d’une comparaison avec des données expérimentales. Das et al.[43,44] proposent également une analyse de la vitesse de croissance péritectique, sans tenir compte de la microségrégation, puisqu’ils supposent des profils de composition linéaires, les quelques comparaisons avec des expériences de solidification d’alliage Ag-Cd semblent donner de meilleurs résultats que les précédents modèles en terme de cinétique de transformation.
Parmi les études de modélisation analytiques ou semi-analytiques de la transformation péritectique, la plus complète est celle de Schneider et Beckermann[45]. Ils se basent sur la méthode de prise de moyenne volumique et le modèle précédemment développé par Wang et Beckermann, et l’étendent à un modèle microscopique de transformation péritectique avec diffusion finie dans les différentes phases solides, Figure (10b). Dans l’espacement secondaire de la dendrite, dimension caractéristique de la microstructure, un profil parabolique de soluté est supposé dans le solide péritectique croissant entre le solide primaire et le liquide. Le modèle est couplé à un calcul en différences finies de la solidification d’un d’acier multicomposé à 10 éléments.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 Notions fondamentales et Etudes liminaires
1.1. Modèles analytiques de microségrégation
1.1.1. Modèles « historiques » et extensions
1.1.2. Méthode de prise de moyennes volumiques
1.2. La solidification péritectique
1.2.1. Phénomène
1.2.2. Modélisation
1.3. Le système aluminium-nickel
1.3.1. Equilibre thermodynamique
1.3.2. Microstructures
1.3.3. Identification
Chapitre 2 Modélisation
2.1. Description générale, définitions et notations
2.1.1. Modèle de Wang et Beckermann
2.1.2. Modèle de Gandin et al
2.1.3. Généralisation aux transformations péritectiques
2.2. Equations de conservation
2.2.1. Conservation de la masse totale et de la masse de soluté
2.2.2. Prise de moyennes volumiques
2.2.3. Hypothèses générales
2.2.4. Equations moyennées de conservation de masse totale et de soluté
2.2.5. Bilan de chaleur
2.3. Hypothèses et équations supplémentaires
2.3.1. Géométrie
2.3.2. Echange de masse
2.3.2.1 Existence des zones, interfaces et frontières
2.3.2.2 Continuité aux frontières entre zones
2.3.2.3 Densités d’interface
2.3.2.4 Longueurs de diffusion
2.3.3. Equilibre thermodynamique
2.3.4. Echange de chaleur avec l’extérieur
2.3.4.1 Densité d’interface extérieure
2.3.4.2 Conditions aux limites
2.3.5. Germination
2.3.6. Croissance
2.3.6.1 Croissance dendritique
2.3.6.2 Croissance péritectique
2.3.6.3 Croissance eutectique
2.3.6.4 Croissance globulitique
2.3.7. Propriétés de l’alliage
2.4. Résolution numérique
2.4.1. Equations et inconnues
2.4.2. Implémentation
2.4.3. Résolutions d’équations différentielles
2.4.3.1 Vitesse de la goutte
2.4.3.2 Equations de bilan moyennes
2.4.4. Approximations numériques
2.4.4.1 Fonction d’Ivantsov
2.4.4.2 Longueur de diffusion bornée
2.4.5. Couplage TQ
2.4.5.1 Segments
2.4.5.2 Tabulation de bases de données
2.4.5.3 Gestion d’erreurs lors de calculs d’équilibre
2.4.6. Données d’entrée du modèle
Chapitre 3 Etude qualitative et Discussion des choix de modélisation
3.1. Simplification des notations
3.2. Simulation illustrative
3.3. Etude de sensibilité aux paramètres
3.3.1. Composition
3.3.2. Taille du domaine
3.3.3. Conditions d’échange de chaleur
3.3.4. Taille de la microstructure
3.3.5. Géométrie
3.3.6. Surfusions de germination
3.3.7. Cinétique de croissance péritectique
3.3.7.1 Croissance instantanée
3.3.7.2 Croissance pseudo-dendritique
3.3.8. Longueurs de diffusion
3.4. Calculs d’équilibre thermodynamique
3.4.1. Couplage avec ThermoCalc
3.4.2. Modèle simplifié
3.4.2.1 Calcul des compositions
3.4.2.2 Calcul des enthalpies
3.4.3. Influence du couplage ThermoCalc
3.5. Synthèse des résultats
3.6. Cas limites
3.6.1. Loi des Levier
3.6.2. Gulliver-Scheil
Chapitre 4 Comparaisons expérimentales
4.1. Fractions de phases dans les poudres atomisées d’alliage Al-Ni
4.1.1. Résultats expérimentaux
4.1.2. Comparaisons avec les résultats de simulations
4.2. Solidification de gouttes en lévitation électromagnétique
4.2.1. Identification des phases au cours de la solidification
4.2.2. Courbe de refroidissement
4.2.3. Cinétiques de croissance
Conclusion
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