Modélisation de stratégies d’introduction de populations

Le déplacement des espèces est un phénomène, à l’origine naturel, durant lequel les populations migrent vers des régions d’où elles ne sont pas natives (Barbault and Atramentowicz, 2010). La répartition spatiale des espèces fut d’abord, à échelle de temps géologique, la conséquence de grands changements climatiques ou géologiques. Par exemple, les zones insulaires ont connu de telles introductions et un grand intérêt est porté pour connaître l’origine de la faune et la flore locale sur les îles (MacArthur and Wilson, 1967). Bien que certaines espèces aient réussi à surmonter des obstacles pour s’établir dans de nouvelles zones, les barrières géographiques ont ralenti les mouvements de populations pendant des milliers d’années. Cependant, le récent développement technologique a amplifié les mouvements à échelle mondiale grâce notamment à l’essor des échanges et des transports. Cette mobilité a également fait croître le nombre d’espèces introduites qui sont définies comme des organismes vivants transportés en dehors de leur aire de répartition (Williamson, 1996). L’étude biologique des populations introduites a pour but de comprendre comment des individus réussissent ou non à s’établir dans des zones d’où ils ne sont pas natifs et de prévoir les conséquences de ces introductions sur l’environnement local, son écosystème et aussi sur les individus introduits.

Il faut tout d’abord expliquer les différentes raisons possibles des introductions d’espèces. Seddon et al. (2012) proposent un spectre détaillant les transferts d’espèce  où il est possible de distinguer les différentes formes d’introduction. Elles peuvent être accidentelles ; il est en effet courant que des organismes soient non intentionnellement déplacés par des voies de transport utilisées par les humains. Par exemple, les eaux de ballastage donnent l’opportunité à des espèces marines d’être transportées d’un port à un autre et de se retrouver à des milliers de kilomètres de leure aire naturelle (Carlton, 1985).

L’homme peut aussi envisager d’introduire une espèce volontairement afin de la protéger. Les introductions d’espèces en biologie de la conservation consistent à relâcher des individus dans une zone où ils ont disparu ou sont en voie d’extinction. De telles réintroductions d’espèces sont régulièrement entreprises, comme cela a été le cas pour le vautour fauve dans les gorges du Verdon .

Il existe aussi des introductions volontaires d’espèces dont le but premier n’est pas la conservation des individus introduits. Un exemple est la lutte biologique. Des espèces sont introduites comme agents de lutte biologique afin de limiter les dommages causés par un nuisible. Ces agents sont des ennemis naturels du ravageur ciblé (prédateur, parasite, parasitoïde …) et ont pour but de le contrôler et d’en limiter la dispersion. Cette technique sert d’alternative à l’utilisation de pesticides dont les résidus chimiques sont nocifs pour l’environnement et la santé de l’homme. Ces méthodes de contrôle deviennent courantes, comme par exemple l’utilisation de nématodes entomopathogènes pour empêcher l’infestation des charançons rouges sur les palmiers .

Les invasions biologiques

Les premières études historiques des populations introduites concernent les invasions biologiques. L’écologue Charles Elton fut le premier à mettre en garde quant aux effets néfastes des invasions biologiques (Elton, 1958) qui ont crû de manière fulgurante avec l’essor grandissant du commerce et des transports au XXe siècle (Wells et al., 1986; Di Castri, 1989). La prise de conscience sociétale se fit plus tard, lorsque notamment l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) créa le groupe ISSG (Invasive Species Specialist Group) en 1994 afin de contrôler l’introduction d’espèces allochtones ou de les éradiquer lorsqu’elles sont perçues comme nocives pour les écosystèmes, les habitats ou les espèces autochtones (Council, 2000). En effet, puisque les taux d’invasion ont drastiquement augmenté au cours du siècle dernier, les dommages biologiques et économiques qui en découlent se sont amplifiés (Vitousek et al., 1997). Pimentel et al. (2005) estiment à plusieurs milliards de dollars par an les dégâts causés par des invasions biologiques aux États Unis. Les invasions biologiques seraient aujourd’hui la seconde cause d’extinction d’espèces (Vitousek et al., 1997; Sax and Gaines, 2008; Pagad et al., 2015) et un facteur majeur de la dégradation de la biodiversité (Sala et al., 2000; Vitousek et al., 1997). Puisque les introductions fortuites représentent un réel risque, les communautés scientifiques tentent alors de prévenir les invasions biologiques. Deux approches distinctes sont alors entreprises : la première est la détection d’espèces qui sont amenées à être transportées et introduites. Ces études se basent sur les attributs historiques des individus, la biogéographie et l’histoire des invasions (Pheloung et al., 1999; Herborg et al., 2007). L’intérêt est de trouver quelles sont les caractéristiques chez les invididus qui favorisent leur introduction dans un nouvel environnement. La seconde évaluation concerne les vecteurs par lesquels les individus sont transportés. Les routes d’invasion par lesquelles les individus sont introduits y sont étudiées : il est question de comprendre quelles routes sont empruntées géographiquement mais aussi comment le nombre et l’amplitude des individus introduits permettent leur établissement. Les similarités entre l’aire originelle des individus et l’aire d’introduction sont aussi analysées (Cassey, 2003). Le but est de comprendre comment le nombre et la fréquence d’individus introduits ainsi que les conditions d’arrivée jouent un rôle dans le succès d’introduction.

Les transferts à vocation de conservation

Alors que des espèces menacent des écosystèmes par leur prolifération incontrôlée, d’autres survivent difficilement dans leur milieu naturel. La biodiversité de certains écosystèmes subit en effet des pressions externes qui rendent difficile la survie de certains individus. La première cause d’extinction des espèces est la destruction de leur habitat naturel (Pimm and Raven, 2000), suivie par les invasions d’espèces allochtones (Vitousek et al., 1997; Sax and Gaines, 2008; Pagad et al., 2015) et les changements climatiques (Hampe and Petit, 2005). Les stratégies de management autour des espèces en danger sont aujourd’hui tournées vers l’intervention, plutôt que la prévention (Holdgate, 1986). Les programmes visant à maintenir les populations en voie d’extinction ou à réintroduire une espèce disparue sont de plus en plus courants. Un exemple de réussite est illustré par le programme de réintroduction des vautours fauves dans les gorges du Verdon dans la boîte 1. L’UICN proposa un premier guide afin d’aider les programmes de réintroductions et autres transferts dont l’intérêt est d’établir durablement la population introduite (IUCN, 1987). Le mot transfert est important puisque le guide cherche à unifier tous les types d’introduction sous ce terme, qu’elles soient volontaires ou accidentelles. Elle définit alors ces transferts comme le mouvement d’un organisme vivant d’une zone à une autre (IUCN, 1987). Elle précise ses définitions en 1998 (IUCN, 1998) pour indiquer que la translocation est un mouvement délibéré ou fortuit d’individus sauvages d’un endroit à un autre. Cependant, comme le souligne Philipp Seddon (Seddon et al., 2012), le terme d’individus sauvages est ici assez confus et c’est en 2013 (IUCN, 2013) que l’UICN définit le transfert comme un mouvement anthropique d’un organisme vivant d’une zone à une autre.

En biologie de la conservation, la plupart des introductions a pour but d’introduire des individus qui sont en voie d’extinction ou qui ont disparu de leur habitat naturel. On parle respectivement de renforcement et de réintroduction de la population. Ces deux contextes peuvent être englobés par le terme de restauration de la population . Le principe est d’introduire des individus pour qu’ils (re)deviennent présents dans un écosystème et ainsi restaurer la faune sauvage du milieu ciblé. Les programmes de réintroduction se sont soldés par de nombreux échecs à leurs prémices (Seddon et al., 2007) et la biologie de la réintroduction (Seddon et al., 2007; Armstrong and Seddon, 2008) est encore à une étape de questionnement quant aux facteurs qui influencent de telles introductions (Armstrong and Seddon, 2008). Parmi les questions qui nous intéressent dans ce manuscrit, la composition (i.e. les caractéristiques biologiques) (Drake et al., 1989) et la taille (nombre d’individus introduits) (Simberloff, 2009) du lâcher semblent affecter la probabilité d’établissement de la population et sont un point central à la biologie de la réintroduction. De plus, une fois les individus relâchés, des stratégies de management peuvent être entreprises pour favoriser au mieux l’établissement. Par exemple, de nouveaux individus peuvent être relâchés au même endroit plus tard afin de renforcer la population présente. Cela peut permettre de réduire les effets de la dispersion ou de la mortalité qui affectent les premiers individus inroduits (Armstrong and Seddon, 2008).

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Table des matières

I Introduction(s)
I.1 Biologie de l’introduction
I.1.1 Les invasions biologiques
I.1.2 Les transferts à vocation de conservation
I.1.3 La lutte biologique
I.2 Le processus d’introduction
I.2.1 Le transport et l’introduction
I.2.2 L’établissement
I.2.3 La dispersion
I.3 Pression de propagule
I.3.1 La taille de propagule
I.3.2 Le nombre de propagule
I.4 Facteurs influençant les introductions
I.4.1 Le taux de croissance
I.4.1.1 La densité indépendance
I.4.1.2 La densité dépendance négative
I.4.1.3 La densité dépendance positive
I.4.2 La stochasticité
I.4.2.1 La stochasticité démographique
I.4.2.2 La stochasticité environnementale
I.4.3 La génétique des populations
I.5 Problématique
I.5.1 Stratégies d’introduction
I.5.2 Plan
II Dynamique des populations
II.1 Les Équations Différentielles Ordinaires (EDOs)
II.1.1 Construction du modèle
II.1.2 Modèles avec effets Allee
II.1.2.1 Effets Allee démographiques
II.1.2.2 Effets Allee élémentaires
II.1.3 Intéractions proie-prédateur
II.1.3.1 Modèle proie-prédateur
II.1.3.2 Les modèles classiques
II.1.3.3 Modèles avec effets Allee chez les prédateurs
II.2 Processus de naissance et mort
II.2.1 Processus stochastiques
II.2.1.1 Les processus de Markov
II.2.1.2 Les processus homogènes
II.2.1.3 Les processus de sauts
II.2.1.4 Un exemple: le processus de Poisson
II.2.2 Caractérisation matricielle
II.2.2.1 Matrice de transition
II.2.2.2 Les équations maîtresses
II.2.3 Les Processus de naissance et mort
II.2.3.1 Les Processus de naissance
II.2.3.2 Les processus de naissance et mort
II.2.3.3 Les processus classiques
III De l’importance du taux d’introduction
III.1 Mode d’introduction
III.1.1 Les introductions continues
III.1.2 Le taux d’introduction
III.1.3 Modélisation impulsionnelle
III.2 MTNS
III.2.1 Introduction
III.2.2 Single species dynamics
III.2.2.1 A classical model
III.2.2.2 Generalization
III.2.3 Predator-prey dynamics
III.2.3.1 Allee effects on predation
III.2.3.2 Generalization
III.2.3.3 Stability of the pest-free solution
III.2.4 Numerical results
III.2.4.1 Single species dynamics
III.2.4.2 Predator-prey dynamics
III.2.5 Discussions
III.3 Directions
IV Conclusion

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