Systèmes sans fil fonctionnant près d’une interface
L’engouement pour l’analyse de la propagation près du sol s’est particulièrement accentué dans la dernière décennie au vu du développement de divers systèmes de capteurs dont les antennes doivent être positionnées près du sol ou, de manière plus générale, près d’une interface entre deux milieux. Dans la plupart des cas, les systèmes sont sensés collecter des signaux qui exigent le placement des antennes à proximité du sol ou le déploiement du système impose ce placement dû à des questions d’accessibilité et d’encombrement. Parmi ces systèmes, nous pouvons citer comme exemples :
• Réseaux BAN (Body Area Network) : ils sont composés de capteurs positionnés sur le corps humain pour des raisons médicales ainsi que pour d’autres applications multimédia [32]. La principale difficulté pour extraire un modèle pour ce système résulte de la complexité des tissus du corps humain [33]. Des modèles analytiques de canal pour le BAN ont été déjà proposés [34]. Les fréquences pour cette application s’échelonnent de quelques centaines de MHz jusqu’à 60 GHz [35].
• Réseaux UGS (Unattended Ground Sensors) : ils sont composés de différents types de capteurs (acoustique, sismique, électromagnétique), à faible coût et localisés près du sol, pour obtenir des informations pour des applications militaires, dans des zones urbaines ou éloignées dont l’accès peut être contraint ou interdit [36][37]. La principale difficulté pour la modélisation de la propagation de ces réseaux tient à l’irrégularité du sol, soit à petite échelle (rugosité du sol), soit à grande échelle (présence des montées et des descentes) [38]. Il est intéressant de noter que les propriétés du terrain peuvent être complètement inconnues avant le déploiement du système.
• Surveillance environnementale : ces réseaux de capteurs sont déployés pour mesurer des caractéristiques importantes du sol, comme l’humidité et l’acidité. Ces réseaux sont indispensables dans le cadre de l’agriculture de précision (de l’anglais, precision agriculture), qui exploite les informations sur les sols agricoles pour une meilleure gestion de ressources [39]. Des modèles de canal ont été déjà proposés pour les forêts [39], les terrains agricoles et les jardins [40].
• Radar à onde de surface en HF (de l’anglais, high frequency surface wave radar – HFSWR) : ces systèmes sont basés sur la possibilité d’une propagation des ondes de surface à très longue portée au-dessus de l’eau de mer [41] et sont notamment déployés dans la surveillance des zones exclusives économiques [42]. Le principal dé de ces systèmes consiste à supprimer les échos parasites (clutter ) causés par les vents et les vagues, qui engendrent une rugosité à l’interface de la mer.
• Plasmon polariton de surface (de l’anglais, surface plasmon polariton – SPP) : ce sont les modes guidés dus à la présence d’une onde de surface à l’interface entre un diélectrique et un métal à des fréquences du spectre visible ou au-delà [43] [44]. Ces ondes intensifient le champ électrique dans des nanostructures métalliques. Les applications des SPP sont nombreuses dans le domaine de l’optique. Pour les métaux à des fréquences de quelques centaines de THz, la permittivité électrique présente une partie réelle négative. Cette propriété engendre une difficulté mathématique supplémentaire dans le traitement des ondes de surface pour cette application. En fonction des bandes de fréquences de chaque application (du HF au EHF), les antennes sont positionnées tout au plus à quelques mètres du sol et les distances entre les antennes d’émission et de réception varient de quelques centimètres à quelques centaines de kilomètres. Pour toutes ces applications, la proximité des antennes avec l’interface doit être prise en compte pour la modélisation du canal de propagation, autrement les estimations seront erronées et la conception du réseau sera sous-optimale. Il existe plusieurs études de la modélisation de canal pour les systèmes sans l près du sol basées sur des mesures. Ces études prennent en compte l’effet des hauteurs et des diagrammes de rayonnement des antennes et l’environnement qui les entoure (comme la végétation [45]). Les canaux ultra large bande outdoor [46] et indoor [47] ont été également modélisés. Le défaut de ces études et de toute autre étude empirique, est que leurs résultats se limitent uniquement à l’application pour lesquelles elles étaient conçues. Elles s’adaptent rarement à un autre contexte. Par ailleurs, la compréhension des phénomènes physiques de la propagation près du sol est plus difficile à partir d’une étude empirique. De plus, certains paramètres physiques ne sont pas pris en compte, comme les propriétés électromagnétiques du sol. Les approches basées sur la physique offrent une meilleure compréhension, mais leur application à un contexte réel impose des hypothèses simplificatrices. Selon plusieurs études récentes [48][49], nous pouvons affirmer catégoriquement que les méthodes basées sur le tracé des rayons ne sont pas suffisantes pour décrire la propagation près du sol. Une discussion plus détaillée est présentée dans le chapitre 1. Toutefois, une analyse rigoureuse qui mène à la manipulation des fonctions de Green sous forme dyadique est trop compliquée pour un ingénieur souhaitant concevoir un système sans l [50]. Il serait donc souhaitable d’approcher les systèmes sans fil près du sol avec le cas canonique d’un dipôle élémentaire rayonnant au-dessus d’une interface plane et à partir des approximations respectant des contraintes mathématiques et physiques, obtenir des formules simples mais utiles pour les concepteurs de systèmes près du sol.
Vers une démonstration de faisabilité
Les exemples de la section 4.4 présentent une difficulté concernant le choix du matériau. A l’exception de la figure 4.1, qui décrit un cas de figure pour la propagation d’onde relativement connu au-dessus de l’eau de mer dans la bande VHF [71][72], les matériaux des autres exemples ont des caractéristiques qui ne sont pas faciles à trouver ou ne sont pas adaptés pour couvrir une grande surface. Pour démontrer la faisabilité d’une propagation qui peut tirer prot de Ezpole , il est souhaitable de se mettre dans des conditions où la distance ρmin n’est pas très grande. Si cette distance dépasse quelques dizaines de mètres, la validation des prévisions théoriques serait difficile. A partir des lignes directrices de la section 4.3 et des exemples de la section 4.4, on constate que l’interface entre le premier milieu (l’air) et le deuxième doit présenter un contraste d’indice de réfraction modéré : assez grand pour remplir la condition de la prédominance du pôle et ainsi garantir l’excitation de la composante Ezpole , cependant pas trop grand pour garder la distance ρmin suffisamment proche de l’émission. Deux solutions sont possibles pour des applications dans la bande de fréquence de l’ordre de quelques dizaines de GHz : le deuxième milieu doit présenter soit une permittivité électrique élevée (> 100), soit une conductivité modérée (103 S/m < σ < 105 S/m). Comme ces caractéristiques ne correspondent pas à des propriétés d’un sol classique (terre, bitume, parquet, bois, béton…), il est nécessaire d’intervenir pour changer les propriétés électromagnétiques du sol. Une possibilité est de tapisser le sol avec un matériau présentant les caractéristiques souhaitées. Néanmoins, l’ajout d’une couche diélectrique supplémentaire entraîne la prise en compte d’un milieu multicouche qui n’est pas l’objectif principal du modèle développé dans ce manuscrit. En revanche, si la couche est relativement conductrice avec une épaisseur plus grande que l’épaisseur de peau, nous pouvons supposer que l’onde pénétrant dans le deuxième milieu est atténuée en raison des pertes et l’ensemble peut être considéré comme un milieu semi-inni. Par conséquent, la piste d’un matériau modérément conducteur a été privilégiée pour envisager une démonstration de faisabilité.
Caractérisation à l’aide d’un guide d’ondes rectangulaire
Il est possible d’effectuer la caractérisation radio-fréquence des propriétés électromagnétiques des matériaux à l’aide d’un guide d’ondes rectangulaire comme montré dans la figure 4.14. La caractérisation présentée dans cette section a été effectuée au laboratoire STICC. Préalablement aux mesures, il faut effectuer un réglage qui consiste à unir les deux transitions de guide d’ondes de la gure 4.14 pour vérier une transmission quasi-parfaite (S11 < −70 dB et S21 > −0.01 dB). Ensuite, l’échantillon du matériau à caractériser est positionné entre les transitions, comme montré dans la gure 4.15. A partir de l’impact sur les paramètres S, il est possible d’extraire les propriétés électromagnétiques de l’échantillon. Pour estimer la valeur de la conductivité électrique, nous avons suivi la même démarche que pour la ligne CPW : rétrosimuler la structure en faisant varier la conductivité électrique pour retrouver en simulation les valeurs des mesures. La structure simulée avec HFSS est présentée dans la gure 4.16. Les deux plans en évidence sont les ports de la simulation (wave port). Les dimensions des ports pour la bande S et la la bande X sont respectivement 72, 126 mm × 34, 036 mm et 22, 86 mm × 10, 16 mm. Nous avons mesuré l’épaisseur du papier seul e = 102 µm. Cette valeur a été utilisée pour la simulation. Les caractéristiques électriques du papier (εr = 2, 78 et tan δ = 0, 06) sont repris de Nguyen et al. qui ont également utilisé des échantillons fournis par le CTP [79]. Bien que les pertes du substrat en papier soient élevées, elles restent négligeables devant les pertes métalliques. Les figures 4.17 et 4.18 montrent les résultats de simulation superposés aux mesures pour les bandes S et X respectivement. Pour la bande S, la conductivité électrique qui décrit le mieux les mesures est égale à σbandeS = 6, 4 · 104 S/m. Cette valeur est 1, 83 fois plus petite que celle obtenue par la mesure à quatre pointes, validée par les mesures avec la ligne CPW. Pour la bande X, la conductivité électrique qui représente le mieux les mesures est égale à σbandeX = 3, 9 · 104 S/m. Cette valeur est 3 fois plus petite que celle obtenue par la mesure à quatre pointes. Bien que les mesures à l’aide des guides d’ondes ne donnent pas précisément le même résultat que la mesure à quatre pointes, nous constatons que la variation de la valeur de la conductivité reste limitée et aucun changement d’ordre n’est observé. Cette conclusion confirme la tendance de la littérature. En effet, les travaux sur l’électronique sur papier ne présentent pas de caractérisation radio-fréquence de la conductivité électrique [80]-[82]. Dans ces travaux, l’impact de différentes techniques de métallisation sur la conductivité statique et sur la rugosité du dépôt métallique est étudié. En revanche, la caractérisation radio-fréquence de la conductivité électrique n’a pas fait l’objet de ces études et sa valeur statique est considérée comme étant suffisante. Pour la feuille de graphite, la caractérisation à l’aide de guides d’ondes a été effectuée uniquement dans la bande X. Cependant, étant donné l’épaisseur importante de la feuille, l’atténuation de l’onde est trop importante. Ainsi, comme le montre la figure 4.19, les niveaux du paramètre S21 sont très faibles. Par conséquent, les données dans cette bande ne sont pas exploitables. Dans le cadre de la démonstration de faisabilité dans cette thèse, parmi les deux matériaux sélectionnés, la feuille de graphite est la plus adaptée. En eet, le dépôt métallique sur le papier présente une épaisseur très faible. Si l’on considère la conductivité statique mesurée, il faut que la fréquence de travail soit supérieure à 21, 65 GHz pour que cette épaisseur soit plus grande que l’épaisseur de peau. Par ailleurs, l’étude avec le profilomètre a révélé que la rugosité de ce dépôt est du même ordre que l’épaisseur du dépôt. La montée en fréquence pour une couche aussi rugueuse n’est pas favorable pour notre objectif. La feuille de graphite présente une épaisseur nettement supérieure. Si l’on considère la conductivité statique mesurée, à 12, 62 MHz, l’épaisseur de la feuille de graphite est égale à son épaisseur de peau, ce qui simplifie l’utilisation de ce matériau à des fréquences autour de quelques dizaines de GHz. En plus, lors de la mesure de l’épaisseur, nous avons identifié des variations toujours inférieures à 2%. L’aspect économique favorise aussi le choix de la feuille de graphite. D’après les premiers devis, une rame de papier métallisé en format A4 (31, 2 m2 ) coûterait 2000 e tandis que deux rouleaux de graphite 50 m × 1 m (100 m2 ) coûteraient 500 e.
|
Table des matières
Introduction
1 Modélisation de la propagation près du sol
1.1 Méthode à deux rayons
1.2 Comparaison de la méthode à deux rayons avec les approximations de Norton et Bannister
1.3 Traitement rigoureux du rayonnement par les fonctions de Green
1.3.1 Rayonnement d’un dipôle élementaire électrique dans un milieu homogène
1.3.2 Rayonnement d’un dipôle élémentaire électrique en présence d’une interface plane
1.3.2.1 Interface parfaitement conductrice
1.3.2.2 Interface diélectrique ou conductrice imparfaite
1.3.3 Intégrales de Sommerfeld
Conclusion
2 Evalution des intégrales de Sommerfeld
2.1 Chemin d’intégration des intégrales de Sommerfeld
2.2 Représentation angulaire
2.3 Méthode de la plus grande pente
2.3.1 Chemin de la plus grande pente
2.3.2 Evaluation asymptotique
2.3.3 Points de singularité
2.4 Evaluation asymptotique du champ Ez rayonné par un dipôle élémentaire vertical
2.4.1 Préparation de l’intégrale à évaluer
2.4.2 Distorsion du chemin d’intégration
2.4.3 Points de singularité
2.4.3.1 Points de ramication
2.4.3.2 Pôles
2.4.4 Expression asymptotique du champ
2.4.5 Validation et analyse
Conclusion
3 Formulation dite « de Schelkuno »
3.1 Méthode de superposition des diffusions
3.2 Formulation de Sommerfeld
3.3 Formulation dite « de Schelkuno »
3.4 Analyse dans le plan complexe
3.5 Evaluation asymptotique
Conclusion
4 Conception de liaison près du sol
4.1 Condition de la prédominance du pôle
4.2 Distances Critiques
4.2.1 Estimation de ρmin
4.2.2 Estimation de ρrupture
4.3 Lignes directrices
4.4 Exemples
4.5 Vers une démonstration de faisabilité
4.5.1 Matériaux envisagés
4.5.2 Caractérisation de la conductivité statique par une mesure à quatre pointes
4.5.3 Caractérisation radio-fréquence de la conductivité
4.5.3.1 Caractérisation par une ligne CPW
4.5.3.2 Caractérisation à l’aide d’un guide d’ondes rectangulaire
4.5.4 Vers une surface de conductivité réglable
Conclusion
Conclusion et perspectives
Télécharger le rapport complet