Contexte socio-économique
Actuellement plus de 60% de la population mondiale vit dans la grande zone côtière. Ainsi 3.8 milliards d’individus sont installés à moins de 150Km d’une côte . Cette forte concentration de population près du littoral est liée à une activité économique considérable dans divers secteurs. Loin d’être exhaustifs nous pouvons citer le secteur alimentaire avec la pêche et l’aquaculture, le secteur énergétique regroupant des activités offshore et onshore ou encore le secteur du bâtiment pour la construction d’infrastructures à terre sans oublier le secteur de l’hydraulique. De plus, les échanges par voies navigables n’ont jamais été aussi importants. Le volume total des échanges a triplé entre 1970 et 2010. Ainsi, chaque année ce sont plus de 50000 navires qui parcourent les mers . Cette forte activité économique est conjuguée à une activité touristique en plein essor. Le tourisme balnéaire représente ainsi la forme de tourisme la plus répandue dans le monde.
Le développement de ces activités a favorisé l’étude des caractéristiques physiques des océans afin d’en comprendre le comportement puis de le prévoir. De nombreuses études ont été réalisées depuis la seconde moitié du XXème siècle sur différents aspects physiques des mers et des océans. Les manifestations physiques de l’océan les plus impressionnantes à l’échelle de l’homme sont peut être les vagues. Tantôt ludiques lors des baignades, tantôt destructrices voire meurtrières lors des périodes de tempête, leur compréhension et leur modélisation sont d’un intérêt majeur pour la nombreuse population vivant près des côtes et travaillant avec la mer.
Des modèles opérationnels
Ces dernières années, de nombreux modèles opérationnels tentant de modéliser l’évolution de la propagation de la houle ont alors vu le jour. L’essor des activités en mer et des missions de courtes durées, comme l’installation de câbles téléphoniques ou de pipe-lines, ont nécessité l’élaboration de modèles de prévision précis. Ces besoins, conjugués aux progrès informatiques de ces dernières années ont rendu possible l’utilisation de différents modèles : les modèles déterministes, à résolution de phase, qui sont à l’origine des modèles spectraux, à phase moyennée. Ils utilisent des hypothèses et des méthodes de résolution variées et permettent ainsi de représenter différentes caractéristiques propres aux houles.
Les modèles déterministes à résolution de phase, permettent de prévoir la propagation de la houle à la côte en fonction de conditions initiales entrantes. Ils permettent de déterminer les paramètres de chaque houle dans un domaine donné en résolvant des équations modèles dont les plus classiques sont les dérivées des premiers travaux de Berkhoff . A titre d’exemple nous pouvons citer le modèle Ref-Dif . Ces modèles permettent en ingénierie côtière de définir les houles de projet, dont l’étude des caractéristiques permettra de dimensionner correctement les ouvrages côtiers.
Ces modèles, appliqués à des houles régulières, sont à la base des modèles spectraux, à phase moyennée. Ces derniers permettent de déterminer le spectre de la houle se propageant dans une région donnée en incluant des termes sources et puits d’énergie. Ils permettent entre autres de modéliser la mer du vent. Parmi de nombreux modèles développés sur ce principe, nous pouvons citer à titre d’exemple les modèles Ref-Dif S , Swan , WaveWatch III , Vag Ces modèles, éprouvés, donnent en général une bonne satisfaction dans la modélisation de la propagation de la houle. Cependant les épisodes de tempête récents qui ont ravagé les côtes françaises étaient bien sûr prévus mais leur intensité et notamment la hauteur des houles était largement sous-estimée par les modèles de prévision. Nous nous souvenons des dégâts causés par la tempête Xynthia en février 2010 en Charente Maritime et en Vendée. Les modèles de prévision ne permettent donc pas actuellement de prédire correctement certains processus physiques apparaissant à l’approche des côtes.
Généralités sur la houle et le milieu marin
Théories de la houle par profondeur infinie et intermédiaire : Houles de Stokes
Généralités
Les modèles mathématiques développés depuis le XV II ème siècle, et en particulier la théorie de Stokes, s’appuient sur différentes hypothèses. Nous considérons ainsi que le fluide est parfait et homogène. Au niveau de la surface libre, la pression atmosphérique est supposée constante. Le fond est supposé imperméable. Nous supposons que la seule force extérieure agissant sur le fluide est le champ de gravité. Les observations montrent que la surface libre présente une suite d’oscillations périodiques. C’est l’évolution de cette surface libre que les différentes théories modélisent avec certaines hypothèses supplémentaires concernant notamment la profondeur d’eau, l’ordre d’approximation de la solution réelle et le caractère rotationnel de la houle. Le ratio entre longueur d’onde de la houle et la profondeur d’eau est un critère de validité des différentes théories. En notant h la profondeur d’eau locale et λ la longueur d’onde de la houle, nous distinguons trois conditions de propagation auxquelles correspondent au premier ordre des mouvements bien caractéristiques induits dans le fluide. Si h/λ < 1/10 la houle se propage dans des conditions dites « eau peu profonde ». Dans ce cas les particules d’eau oscillent dans le plan horizontal. Si h/λ > 1/2 la houle se propage en condition de profondeur dite « infinie ». La trajectoire des particules d’eau peut être comparée à des cercles. Entre les deux, en profondeur finie, la trajectoire des particules d’eau est elliptique.
La théorie de Stokes est valide en condition de profondeur d’eau infinie ou finie. En plus des hypothèses précédentes l’écoulement est supposé irrotationnel, c’est à dire que les particules fluides ne peuvent subir de rotations. Sous cette hypothèse l’étude des oscillations de la surface libre peut s’effectuer par l’intermédiaire d’un potentiel des vitesses. Un développement en perturbation autour d’un paramètre relatif à la cambrure de la houle, permet, par l’introduction de solutions harmoniques, d’approcher la solution réelle de la houle. La valeur du nombre d’Ursell Ur fixe les limites de cette théorie.
Description physique du milieu littoral
Les différents types de courant
Les grands courants marins
A l’échelle du globe terrestre diverses manifestations physiques sont susceptibles de mettre en mouvement de grandes quantités d’eau. Un des moteurs principaux de la circulation océanique est l’accélération de Coriolis, conséquence de la rotation de la Terre. Les forces éoliennes peuvent mettre en mouvement des couches d’eau jusqu’à une profondeur de 800 mètres. Parmi les différents déséquilibres physiques moteurs de la circulation océanique, nous pouvons citer les déséquilibres thermiques entre les différentes latitudes. En surface, les variations de densité de l’eau dus aux apports d’eau douce causés par les précipitations, par le déversement des fleuves ou encore par l’évaporation participent à cette circulation océanique. Plus en profondeur le poids de la colonne d’eau, les différences de salinité et de température mettent en mouvement des masses d’eau formant les courants thermo-halins.
Les courants régionaux
A l’échelle régionale, des courants marins sont forcés par la circulation d’eau à l’échelle océanique et par les variations locales de densité, de température et par les conditions météorologiques locales comme le vent ou les précipitations. A titre d’exemple, le courant Liguro-Provençal, ou courant Nord, est un courant régional méditerranéen dont la vitesse peut atteindre 0.8m.s−1 au large de Porquerolles. Une description détaillée de ce courant a été faite par Guihou (2013). Ces courants ont une forte variabilité temporelle et géographique car ils sont sensibles aux tempêtes, aux changements de saison, aux variabilités inter-annuelles et à la configuration topographique locale.
D’autres courants régionaux, les courants de marée sont forcés par les interactions entre la Terre la Lune et le Soleil. Deux courants, alternés et de sens contraire, peuvent ainsi être distingués : le flot et le jusant. L’hodographe de la marée sur la côte atlantique, présenté ci-dessous , représente l’alternance de ces courants. Des descriptions complémentaires sur ces courants sont disponibles sur le site internet www.shom.fr. Leur intensité dépend localement du marnage et de la configuration des fonds sous-marins. Ainsi au large de la Bretagne, les courants de marée peuvent atteindre jusqu’à 5m.s−1 dans le raz Blanchard et le raz de Sein.
Les courants littoraux
Près des côtes, différents types de courant pouvant modifier la propagation de la houle peuvent être dénombrés. Nous pouvons distinguer des courants sagittaux, perpendiculaires à la côte. L’interaction entre une houle et un tel courant a d’ailleurs été décrite par MacIver et al. (2006). D’autres courants parallèles à la côte, appelés courants de dérive s’établissent sur de plus grandes échelles spatiales. Pour que des courants d’arrachement perpendiculaires à la côte, ou courants de baïne en gascon, soient créés, la zone côtière doit rassembler plusieurs caractéristiques. Le fond marin est meuble, le coefficient de marée est suffisamment fort et la topographie locale doit présenter de faibles dénivelés. A titre d’exemple nous pouvons citer le littoral aquitain qui présente toutes ces caractéristiques. Lorsque la houle se déplace sur ces sols meubles, elle déplace de larges quantités de matière vers le rivage. Ainsi des zones de dépression, ou plus simplement des « petites bassines », d’après la traduction littérale du mot occitan « baïne », se créent. Au cours du cycle de la marée, le niveau de la mer monte, pour être maximal à marée haute, et descend jusqu’à atteindre son minimum à marée basse. Ainsi ces petites bassines se remplissent et se vident au rythme des marées, ce qui génère de forts courants perpendiculaires à la côte susceptibles d’interagir avec la houle. . Le fonctionnement de ces courants a fait l’objet de nombreuses observations et recherches qui ont été synthétisées par MacMahan et al. (2006).
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Table des matières
INTRODUCTION
A Etat de l’art
I Généralités sur la houle et le milieu marin
1 Introduction
2 Théories de la houle par profondeur infinie et intermédiaire : Houles de Stokes
2.1 Généralités
2.2 Les équations fondamentales de la théorie potentielle
2.3 Les équations fondamentales de la théorie potentielle linéaire
3 Description physique du milieu littoral
3.1 Les différents types de courant
3.1.1 Les grands courants marins
3.1.2 Les courants régionaux
3.1.3 Les courants littoraux
3.2 Les différents types de variations topographiques
3.2.1 Les variations topographiques naturelles
3.2.2 Les variations topographiques artificielles
II Les mécanismes physiques de transformation de la houle et leur représentation 21
1 Introduction
2 Généralités sur les effets de la topographie et du courant sur la propagation de la houle
2.1 Effets d’un milieu lentement variable : le shoaling et la réfraction
2.2 Effets d’un milieu plus fortement variable : la réflexion et la diffraction
2.2.1 La réflexion
2.2.2 La diffraction
3 Vers une représentation unifiée des effets de la topographie sur la propagation de la houle
3.1 Nécessité de la représentation des phénomènes couplés
3.2 Modèles de réfraction-diffraction
3.2.1 Réécriture de l’équation de Berkhoff
3.2.2 Extensions de l’équation de Berkhoff
4 Vers une représentation unifiée des processus d’interaction houle-courant-topographie
4.1 Etudes et avancées
4.2 Un modèle unifié : l’équation mild-slope avec courant
4.2.1 Le principe variationnel
4.2.2 Equation de Kirby (1984)
4.3 Influence d’un cisaillement vertical sur le comportement de la houle
B Dynamique de la houle au-dessus d’une topographie variable en présence d’un courant inhomogène
III Quantification de l’influence de gradients de cisaillement horizontaux et verticaux dans le profil de courant sur la propagation de la houle
1 Introduction
2 Le bassin de Génie Océanique First
2.1 Le bassin, ses caractéristiques, ses équipements
2.2 Caractéristiques de la topographie mise en place
3 Conditions hydrodynamiques lors de la campagne de mesure de 2008
4 Evolution de l’amplitude et de la phase de la houle dans le bassin
4.1 Résultats expérimentaux
4.1.1 Evolution de l’amplitude de la houle
4.1.2 Evolution de la phase de la houle
4.2 Comparaison entre les résultats expérimentaux et ceux issus de la résolution numérique de l’équation de Kirby (1984)
4.3 Synthèse
5 Causes possibles des écarts constatés
5.1 Présence d’un gradient de cisaillement vertical dans le courant
5.2 Sensibilité de la célérité de la houle à un gradient de cisaillement vertical
5.3 Ordre de grandeur de l’influence d’un gradient vertical de cisaillement et d’un gradient horizontal
6 Discussion sur la notion de vitesse de groupe
6.1 Etablissement de la vitesse de groupe
6.2 Vitesse de groupe de la houle dans un milieu sans courant
6.3 Vitesse de groupe de la houle dans un milieu avec un courant uniforme sur la colonne d’eau
6.4 Discussion sur une vitesse de groupe de la houle dans un milieu avec un courant cisaillé linéairement sur la colonne d’eau
7 Synthèse et stratégie
IV Equation de propagation avec un courant inhomogène
1 Des approches variées
2 Géométrie de l’écoulement
3 Expression d’un Lagrangien de l’écoulement
4 Etablissement du terme de pression dans le cas d’un écoulement tridimensionnel présentant une vorticité non nulle
4.1 Hypothèse sur le champ de vorticité
4.2 Intégration de l’équation d’Euler
4.3 Réécriture
5 Etablissement du Lagrangien
5.1 Hypothèses et notations
5.2 Expression du Lagrangien
5.3 Variations du Lagrangien
6 Généralisation de l’équation mild slope
7 Perspectives sur les interactions entre la houle et une topographie abrupte
7.1 La prise en compte des modes évanescents
7.2 Cas d’une plaque plane immergée
V Discussion sur la notion d’action de la houle
1 Introduction
2 Rappel des notations
3 Historique du concept d’action de la houle
4 Equation d’évolution de l’action dans notre cas d’écoulement
4.1 Moyenne du Lagrangien
4.2 Dérivation du Lagrangien par rapport à a, ω
4.3 Comparaison de Lω à la densité d’énergie de la houle E
4.4 Equation d’évolution pour un courant cisaillé linéairement suivant la verticale
4.5 Discussion sur l’évolution de la pseudo-action
C Etude expérimentale sur la propagation de la houle au dessus d’une topographie variable en présence d’un courant inhomogène
CONCLUSION
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