Contexte de la modélisation des bassins sédimentaires
L’un des tout premiers modèles de bassin a été proposé dans les années 1980 par Yukler [1979]. Dans ce modèle, Yukler détermine de façon quantitative le bilan de masse et l’énergie de transport pendant la sédimentation et propose un modèle déterministe 1D tenant compte des mécanismes importants intervenant lors de la sédimentation. L’un des points clés de ce modèle est de calibrer la température durant l’évolution du bassin et de prédire le niveau de pression de pores à partir des modèles de compaction. Le calibrage des températures dans le bassin permet d’évaluer le taux de craquage des hydrocarbures à partir des équations de cinétique chimique. Ainsi, à partir de ce calibrage il est possible de reconstituer la génération de pétrole et construire des cartes d’évaluation de la maturité des roches mères. Les premiers modèles de bassin sont réalisés principalement en 1D le long des puits avec une seule phase fluide. Il a fallu attendre jusqu’au début des années 1990 pour voir arriver une nouvelle génération de programmes de modélisation de bassin [Ungerer et al., 1990; Hermanrud, 1993]. Dans ces modèles la principale avancée est l’introduction de l’écoulement de Darcy en 2D et le raffinement du processus d’écoulement en prenant en compte les 3 phases du fluide : eau, huile et gaz. Avec le modèle d’écoulement de Darcy on est maintenant capable de modéliser d’autres processus importants durant l’historique du bassin tels que l’accumulation et la rupture de la couverture. Ensuite, d’autres innovations importantes sont apportées telle que le raffinement du comportement des failles, la description de la diffusion, la cimentation, et la fracturation. A partir de 1998, plusieurs programmes et outils de modélisation de bassin comportent des fonctions 3D, la calibration statistique, l’analyse de risque (pour quantifier la probabilité de succès ou d’échec) et la prise en compte des compressions et d’extensions tectoniques d’un point de vue géométrique. La performance de ces simulateurs étant nettement améliorée, l’utilisation de cette modélisation devient un standard dans l’industrie pétrolière. Pour construire un modèle de bassin, on commence par modéliser la sédimentation des couches plus anciennes jusqu’aux séquences de dépôt de couche plus récentes. Plusieurs processus géologiques sont considérés et introduit à chaque pas de temps dont les plus importants sont : le dépôt, la compaction, la génération d’hydrocarbures, le flux de chaleur, l’accumulation et la migration. Durant la modélisation, on considère que les couches sont créées sur la surface supérieure du modèle lors de la sédimentation et disparaissent avec l’érosion. Dans la phase de dépôt, on suppose que les évènements géologiques à l’origine de ce phénomène sont connus. Ainsi, les paléo-temps de dépôt peuvent être assignés aux différentes couches. L’épaisseur de dépôt est calculée à partir de la technique de « back stripping » [Watts et Ryan, 1976] ou à partir d’une restauration structurale. Le backstripping ainsi que la restauration structurale consistent à mettre au point un historique cinématique du bassin et se basent généralement sur des approches géométriques. L’évolution de la pression est influencée par la variation du chargement induit par l’enfouissement des sédiments durant la sédimentation et par l’écoulement des fluides. Un autre phénomène clé est la compaction qui consiste à la réduction de la taille des pores dans le bassin du fait de l’augmentation du chargement vertical lié à la sédimentation. Dans les modèles de bassin actuels on peut prendre en compte la génération de pression interne issue de processus comme la génération de gaz, la cimentation du quartz ou la conversion de minéraux (par exemple la transformation de la smectite en illite qui génère de l’eau).
Direction, espacement et fréquence
D’un point de vue purement directionnel les joints peuvent être classés en deux familles. On distingue ainsi les joints systématiques et les joints non-systématiques. Les joints systématiques sont organisés en famille avec un aspect quasi parallèle, plan et un espacement assez régulier les sépare. Les joints non-systématiques au contraire présentent une géométrie non-parallèle et sont en général non plan [Hodgson, 1961; Engelder et Geiser, 1980]. En se basant sur une approche différente des familles directionnelles, Bazalgette [2004] propose, une répartition qui ne prend en compte que la persistance verticale et l’espacement des joints (figure 1.2). Sur la base de l’unité mécanique qu’il définit comme « une portion de pile sédimentaire dont les interfaces supérieures et inférieure limitent la persistance verticale d’un type donné de fracture », il déduit quatre catégories (voir figure 1.2) à savoir les couloirs fracturés, les fractures à haute persistance, les fractures à persistance modérée et les fractures limitées aux bancs. Dans les milieux stratifiés les observations faites sur le terrain montrent que l’espacement entre les joints est en général proportionnel à une unité mécanique et peuvent être très proche dans le cas où les joints se forment parallèlement à une contrainte compressive [Lorenz et al., 1991]. Toutefois les observations de Ladeira et Price [1981] montrent que ces espacements tendent à rester constant à partir de banc compétent supérieures à une certaine valeur. Dans certaines roches, l’espacement entre les joints peut ne pas être uniforme comme par exemple dans les roches ignées intrusives.
Modèle de réseaux de fractures
L’un des mécanismes les plus importants dans la fracturation naturelle des sédiments est la surpression du fluide [Luo et Vasseur, 2002; Secor, 1965; Mandl, 2005]. Dans un bassin sédimentaire les surpressions sont généralement dues aux mécanismes comme la compaction mécanique, la maturation de la roche mère ou des réactions minéralogiques qui produisent des fluides. L’amorçage apparaît quand la pression de pore dans une discontinuité atteint la limite de rupture en traction de le milieu poreux [Ouraga et al., 2017; Fisher et al., 1995]. De nombreux travaux donnent des explications de formation de ré95 Modelisation de la fracturation naturelle des sédiments seaux de fracture dans des problèmes mécaniques ou hydrauliques [Bai et Pollard, 2000a; Gross, 1993; Hobbs, 1967; Mandl, 2005]. Cependant, dans les bassins sédimentaires c’est le couplage entre le processus mécanique et hydraulique qui est prédominant Engelder et Fisher [1994]; Li et al. [2012]. Dans cette partie, les réseaux de fractures sont étudiés à partir d’un modèle équivalent à un modèle synthétique bicouche composé d’une roche couverture de faible perméabilité qui repose sur un réservoir perméable (voir section 3.3), et la fracturation est décrit dans un contexte oedométrique. Cela signifie que le déplacement vertical à la base et le déplacement latéral horizontal sont empêchés. Dans le cas actuel, pour décrire le dépôt des sédiments, une contrainte verticale qui évolue linéairement avec le temps est imposée sur la partie supérieure du modèle. Sur la partie inférieure du modèle de la roche couverture on impose l’évolution de la pression dans le réservoir comme condition aux limites (équation 3.5). Le principe pour amorcer les fractures est que la faible perméabilité de la roche couverture empêche la dissipation des fluides sous sédimentation rapide [Osborne et Swarbrick, 1997]. Cette augmentation de la pression par couplage hydromécanique induit une augmentation de la contrainte horizontale totale dans le milieu qui ne peut donner lieu à l’amorçage de fracture dans un cas homogène. Cependant, avec une perturbation de la pression de pores à partir d’une condition anormale comme par exemple l’existence de défaut associé à une hétérogénéité (voir figue 4.18), les fractures peuvent être amorcées. La roche couverture à une hauteur de 20 m et s’étend sur une largeur de 48 m. Des éléments cohésifs sont initialement introduit dans le maillage sur des chemins verticaux prédéfinis correspondant à des chemins potentiels de fracturations (figure 4.18 b). L’espacement initial entre chaque fracture est de 4 m et chaque élément joint est divisé en deux parties. La première partie est le défaut hydraulique d’une longueur d’à peu près 1 m et très perméable et la seconde partie s’étend sur le reste de la zone cohésive et à une perméabilité équivalente à la matrice. Les propriétés mécaniques et hydrauliques sont choisies de manière à ce que la fracture initiale n’ait aucun impact sur la simulation numérique jusqu’à son amorçage qui est associé à l’endommagement du joint. La roche couverture est prise en compte comme un milieu poreux. On admet que la compressibilité du fluide est très faible, que le milieu est isotrope et on fait l’hypothèse de petite déformation avec un comportement poroélastique linéaire. On suppose également que le fluide sature les pores du milieu poreux et que l’écoulement est donné par la loi de Darcy. Sous ces hypothèses les équations principales dans le milieu poreux sont données par les équations 3.12, et 2.19.
Conclusions et perspectives
Dans ces travaux, nous avons mis au point un outil numérique de simulation de l’amorçage et de propagation de réseaux de fractures dans un milieu poreux dans un contexte de sédimentation. Pour étudier le processus de fracturation de l’amorçage jusqu’à la propagation, on a mis en place des structures géologiques typiques contenant des chemins de fracturation potentiels. Ces fractures potentielles ont été modélisées par des éléments cohésifs avec endommagement. Au cours de la simulation numérique, dans ces travaux on a considéré l’impact du paramètre d’endommagement noté D sur les ouvertures mécaniques et hydrauliques du joint pour tenir compte de la présence de certaines aspérités entre les lèvres des fractures car dans la nature la zone de contact entre les lèvres des fractures n’est en général pas lisse. Pour décrire l’amorçage des fractures dans des contextes variés de nombreux auteurs [Weibull, 1939; Turcotte et Glasscoe, 2004; Hild, 2001] ont considéré une méthode basée sur le lien entre l’hétérogénéité et la probabilité de rupture pour caractériser la fracturation du milieu. Partant de ce principe, nous avons étudié analytiquement l’amorçage des fractures par l’introduction d’une hétérogénéité dans le milieu poreux à l’interface entre la roche couverture et le réservoir. Ainsi, l’analyse de l’amorçage a consisté à évaluer l’impact de la présence de cette hétérogénéité sur le champ de pression et de contraintes effectives. Une formulation analytique a été obtenue en superposant deux problèmes de poroélasticité linéaire dans des structures géologiques constituées d’une roche couverture imperméable subissant un taux de sédimentation rapide sur sa partie supérieure et en contact avec un réservoir à sa base. Dans la suite, cette étude a servi de base pour l’élaboration d’un critère de rupture au cours de la modélisation du bassin en prenant en compte l’évolution des contraintes in-situ et les propriétés hydromécaniques du milieu. Notre solution analytique (voir chapitre 3) nous a permis de déterminer les paramètres les plus importants affectant la propagation des fractures pendant la sédimentation, et de mieux comprendre les effets du couplage hydromécanique et des propriétés de la roche sur la répartition des réseaux de fractures (chapitre 4). Nous avons montré que dans une roche couverture ductile, l’espacement entre les fractures varie avec leur longueur. En effet, à partir de la simulation numérique de la fracturation naturelle dans une roche couverture ductile, nous avons observé qu’une fracture sur deux se ferme quand la longueur de la fracture commence à devenir plus grande que l’espacement entre les fractures. En fait, dans ce cas on a montré que la zone d’influence d’une fracture sur les fractures voisines est presque équivalente à sa longueur conformément aux travaux de [??]. Par contre dans le cas de roches fragiles la rapide propagation des fractures après l’amorçage et la perméabilité très faible de la roche couverture ne permettent pas au phénomène de diffusion entre les fractures de jouer un rôle significatif. Dès lors, un réseau avec des fractures avec des espacements très faibles se forme. Ces résultats peuvent expliquer les observations in-situ de corridors de fractures et le cas de fractures très peu espacées [Bai et Pollard, 2000a; Ladeira et Price, 1981]. Dans un contexte réaliste, en prenant en compte les effets transitoires pendant le dépôt des sédiments notre approche a permis de caractériser la fracturation naturelle du champs Elgin-Franklin. Dans le champs Elgin-Franklin localisé dans le graben central de la mer du Nord, on a pu expliquer pourquoi le bilan de l’exploration de cette zone notamment dans le puits 30/1C s’est soldé par un puits sec. En fait, Les formations dans le puits 30/1C reunissaient apparemment toutes les conditions nécessaires à l’existence d’une accumulation d’hydrocarbures. Cepedant durant le dernier million d’années, on a pu montrer à l’aide d’un critère de fracturation déduit de la solution analytique présentée au chapitre 3, que la sédimentation rapide qu’a connu ce champ notamment pendant le Quaternaire a entrainé une fracturation de la couche de Hardground qui constituait au niveau de l’anticlinal foré la couverture potentielle de ce piège structural. Parmi les perspectives on pourra par exemple implémenter le critère de rupture dans un code de calcul adapté c’est-à-dire dans un code de calcul par la méthode des éléments finis tel que celui qui est couplé aux simulateurs de bassin IFPEN (ArcTem/Temis) dans le cadre de projets de recherche. Afin de tirer profit de la formulation mise au point il sera intéressant d’exploiter l’information obtenue sur la fracturation naturelle pour mettre à jour la perméabilité du milieu dans le simulateur de bassin (ArcTem/Temis). A l’issue de travaux complémentaires deux prototypes intégrant une description de la fracturation naturelle des sédiments devraient être disponibles. Le premier, sera une version enrichie d’un simulateur de bassin conventionnel. Le second sera une version enrichie d’un simulateur de bassin couplé à la géomécanique. Ces outils devraient permettre une meilleure description des bassins sédimentaires et notamment fournir une estimation de la fracturation naturelle. Cette estimation devrait permettre une meilleure estimation des propriétés de transfert et des propriétés mécaniques qui pourraient entraîner une meilleure prédiction des surpressions, réserves en place et du lieu des réservoirs d’hydrocarbures.
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Table des matières
1 Introduction et contexte
1.1 Contexte de la modélisation des bassins sédimentaires
1.2 Fracturation naturelle des sédiments
1.2.1 Structure et géométrie des discontinuités naturelles
1.2.2 Mécanismes de formation des fractures naturelles dans les bassins sédimentaires
2 Comportement hydromécanique des joints et du milieu poreux
2.1 Comportement mécanique des joints
2.1.1 Modèles de comportement de joints sous chargement normal
2.1.2 Modèles de comportement des joints sous chargement de cisaillement
2.2 Ecoulement de fluide dans les milieux poreux fracturés
2.2.1 Equations générales de l’écoulement 2D
2.2.2 Solutions théoriques
2.3 Couplages hydromécaniques
2.4 Modèles de fissuration des milieux poreux
2.4.1 Mécanique linéaire de la rupture
2.4.2 Lien entre l’approche en contrainte et l’approche en énergie
2.4.3 Limites de la mécanique de la rupture
2.4.4 Les modèles de joints cohésifs
2.4.5 Avantages et inconvénients des modèles cohésifs
3 Etude analytique de l’initiation de fractures sous sédimentation rapide
3.1 Mécanisme de fracturation naturelle sous l’effet de la sédimentation
3.1.1 Le déséquilibre de compaction
3.1.2 Sources de fluide
3.2 Formulation du problème bicouche
3.3 Condition d’amorçage des fractures
3.3.1 Ecoulement dans un milieu poreux homogène
3.3.2 Solution du problème
3.3.3 Analyse de l’initiation des fractures
4 Discrétisation du problème d’écoulement et de déformation dans un milieu poreux fissuré
4.1 Formulation numérique : discrétisation par la méthode des éléments finis (FEM)
4.1.1 Formulation faible
4.1.2 Formulation du problème par la méthode des éléments finis
4.1.3 Mise en place du couplage hydromécanique
4.2 Modèle de joint cohésif pour la simulation numérique
4.2.1 Présentation du modèle
4.2.2 Relations constitutives du modèle de joints cohésifs
4.2.3 Critère d’endommagement
4.2.4 Evolution du paramètre d’endommagement D
4.3 Modélisation de la propagation de fracture
4.3.1 Validation numérique du couplage hydromécanique
4.3.2 Simulations numériques de fracturation naturelle
4.3.3 Résultats des simulations numériques
4.4 Les effets du couplage hydromécaniques sur la formation des réseaux de fracturation naturels dans les bassins sédimentaires
4.4.1 Introduction
4.4.2 Modèle de réseaux de fractures
4.4.3 Résultats de la simulation numérique et discussion
5 Mise à l’échelle de la modélisation de bassin et applications
5.1 Contexte du bassin de Elgin-Franklin
5.2 Modélisation de la fracturation naturelle
Conclusions et perspectives
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