Modélisation de la dynamique des corps lipidiques chez Arabidopsis thaliana

La biomasse végétale comme substitut aux énergies fossiles

La remise en cause du tout fossile

Les sociétés humaines ont depuis de très nombreuses années utilisé des ressources végétales comme source de nourriture mais aussi comme source d’énergie et de matériaux bruts. La découverte des ressources fossiles comme le charbon et le pétrole ont permis un développement énergétique important grâce à leur facilité d’exploitation et leur apparente abondance. Les industries chimiques et énergétiques ont, depuis le XXe siècle, concentré leurs exploitations sur ce type de ressources jusqu’à une récente prise de conscience des bouleversements écologiques en lien avec ces pratiques. En effet, la consommation de produits carbonés d’origine fossile a entraîné une forte augmentation de l’émission de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Si les conséquences du réchauffement climatique restent encore mal connues, la prise de conscience globale des enjeux liés au climat, ainsi que l’accroissement de la demande énergétique et le constat de l’épuisement, même partiel, des ressources fossiles, ont conduit à l’impulsion d’un développement en faveur des sources d’énergie renouvelables, en particulier des sources d’énergie d’origine végétale. De plus, l’évolution de la manière d’aborder les risques des composés chimiques pour l’environnement et la santé (directives REACH adoptés en 2007)  a conduit les industries à se tourner de plus en plus vers des composés chimiques d’origine végétale dont l’impact sur l’environnement est généralement moindre et qui sont souvent biodégradables.

La biomasse comme source d’énergie et de composés chimiques

La biomasse est définie par le loi de programme n° 2005-781 du 13 juillet 205 de la façon suivante : «la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l’agriculture, y compris les substances végétales et animales issues de la terre et de la mer, de la sylviculture et des industries connexes, ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers. » La biomasse représente une réserve considérable d’énergie et de composés et possède des atouts qui font de son exploitation une alternative à l’utilisation de ressources fossiles plus polluantes et non renouvelables. La définition précédente met en évidence l’aspect global de la biomasse dont l’utilisation est généralement intégrée dans le cadre de la bioéconomie. Cette dernière consiste à adopter une vision systémique de la production et la transformation durable de biomasse pour l’alimentation humaine et animale, la chimie, les matériaux et la production d’énergie [Colonna et al., 2015]. Les biotechnologies incluent l’ensemble des procédés biologiques utilisés pour améliorer ou sélectionner des végétaux ou produire des composés industriels à partir de micro-organismes ou d’enzymes et de biomasse végétale. L’utilisation des biotechnologies est commune aux différentes approches de la bioéconomie, qu’elles soient axées sur l’aspect technologique, comme aux États-Unis, ou sociétal, comme en Europe.

La biomasse est un réservoir de composés produits à partir du CO2 et de l’énergie du soleil par la photosynthèse. En particulier, elle est une source de glucides, saccharose, acides animés, acides gras et de nombreuses molécules complexes. Une partie des produits nécessite des transformations avant de pouvoir être utilisée dans l’alimentation ou dans des procédés industriels. En effet, la biomasse fournit des molécules de base complexes, contrairement aux molécules de base issues de ressources fossiles, et celles-ci doivent être transformées pour obtenir des fonctions similaires aux molécules d’origine fossile sur lesquelles la chimie organique est majoritairement basée. La transformation de molécules issues de la biomasse permet la production de bioplastiques, de polymères et de matériaux composites. Une autre partie des produits issus de la biomasse est utilisable en l’état. En particulier, les acides gras sont utilisables directement dans l’alimentation, pour des solvants, des lubrifiants, des tensioactifs et du carburant.

Si la biomasse ne peut vraisemblablement pas se substituer totalement aux ressources fossiles, elle présente cependant de nombreux avantages. Parmi ces avantages, on peut citer :
— Fixation du carbone : la photosynthèse permet aux végétaux de produire et de stocker du carbone renouvelable à partir du CO2 atmosphérique et de l’énergie solaire. Ce procédé permet de limiter l’effet de serre en réduisant la présence de CO2 dans l’atmosphère.
— Les produits et co-produits sont valorisables, parfois directement. Il est parfois possible d’utiliser les déchets liés à la transformation de la biomasse ou d’utiliser directement des produits sans les transformer (comme les huiles végétales par exemple).
— Production de beaucoup d’énergie avec de bons rendements et en utilisant peu de ressources. La biomasse fournirait quatre fois plus d’énergie que sa production et sa valorisation n’en consomment, en utilisant peu de solvants et en polluant peu, [Morot-Gaudry, 2016].
— La biomasse représente un atout pour des pays comme la France qui ont peu de sources d’énergie fossile mais une grande surface agricole.
— La biomasse est une ressource peu exploitée. On estime que 10% de la biomasse terrestre est utilisable comme source d’énergie et aujourd’hui, seuls 3.5% sont utilisés [Morot-Gaudry, 2016]. Pour ces raisons, de nombreux travaux de recherche se concentrent sur l’exploitation efficace de la biomasse.

L’utilisation de l’huile végétale

L’huile végétale est une ressource issue de la biomasse qui peut être utilisée sans transformation à des fins alimentaires et industrielles. Les principales sources d’huiles végétales sont les graines des plantes oléagineuses (soja, colza, tournesol), qui peuvent contenir jusqu’à 50% d’huile et 17 à 25% de protéines, et les fruits riches en huiles (palme, olive, avocat). L’utilisation de l’huile végétale représente un intérêt économiquement important puisque la production d’huile végétale occupe 10% des terres arables exploitées [Murphy, 2014]. La recherche de substituts aux énergies fossiles ainsi que les nouvelles réglementations, conduisent à s’intéresser plus particulièrement à ce type d’exploitation. Les chercheurs étudient le rendement des plantes, les techniques d’extraction et proposent de nouvelles façons de produire de l’huile, comme l’utilisation de microalgues, [Pienkos and Darzins, 2009]. La demande globale en huile végétale pour des besoins alimentaires et non-alimentaires est en augmentation, d’une part en raison de l’accroissement de la population et d’autre part en raison de la demande plus forte en biodiesel [Gunstone, 2011]. Aujourd’hui la demande en huile végétale est supérieure à la capacité de production. L’ajustement se fait donc par une augmentation du prix de l’huile végétale et par l’utilisation d’huile d’origine animale ou d’huile de friture. La prise en compte des problématiques liées à l’accroissement de la demande en huile végétale et à l’utilisation des sols conduit naturellement à s’intéresser à l’amélioration de la production intrinsèque des plantes et des rendements d’extraction.

L’extraction de l’huile végétale

L’existence d’une forte variabilité dans la proportion d’huile accumulée dans les graines de plantes oléagineuses suggère la possibilité d’augmenter de façon significative les rendements à travers l’ingénierie métabolique et le développement des techniques de culture des plantes [Murphy, 2014, Elhai et al., 2016]. La majeure partie de l’huile des graines est stockée dans les cellules de l’embryon. Dans les plantes, l’huile est stockée dans des organelles cellulaires appelées corps lipidiques dont les protéines principales sont les oléosines et les caleosines. Ces protéines ont un rôle dans la stabilité des corps lipidiques et leurs capacités à supporter de longues périodes de dormance et de dessiccation. L’extraction de l’huile des graines nécessite généralement le pressage des graines et/ou l’utilisation de solvants. Elle conduit à la production de résidus appelés tourteaux qui sont réutilisés comme source de nourriture animale. Au cours de l’extraction, deux facteurs influent sur la capacité à récupérer l’huile des graines [Campbell and Glatz, 2009]. Le premier concerne la stabilité des corps lipidiques, c’est-à-dire leur capacité à conserver leur taille et leur structure au cours de l’extraction. Le second porte sur la mobilité des corps lipidiques et est intrinsèquement lié à leurs tailles qui affectent leur capacité à pouvoir se déplacer à travers les cellules désintégrées par le pressage. Ces deux aspects sont fortement en lien avec la composition des corps lipidiques, en particulier avec la composition en oléosines qui affecte la taille des corps lipidiques [Miquel et al., 2011, Boulard et al., 2015]. De nombreux projets de recherche ont donc consacré leurs efforts à comprendre le lien entre la structure des corps lipidiques et l’extraction de l’huile végétale. Le développement de ces recherches est notamment en lien fort avec les techniques d’observation, en particulier la microscopie et les biotechnologies qui permettent une exploration fine de la structure des corps lipidiques, du rôle des protéines et de leurs interactions avec les autres éléments de la cellule. De plus, les progrès dans la culture des plantes permettent d’espérer des avancées significatives pour obtenir des plantes avec de forts rendements afin de pouvoir répondre à l’accroissement de la demande en huile végétale.

Positionnement de la thèse

Les constats sur l’importance de l’utilisation des huiles végétales dans le contexte de la recherche de substituts aux énergies fossiles et ceux sur la production et la demande actuelle en huile végétale conduisent à des recherches appliquées et fondamentales. Elles portent sur l’amélioration de l’extraction de l’huile végétale à partir de graines d’une part, et d’autre par sur des aspects théoriques concernant la structure des corps lipidiques et le rôle des protéines en lien avec la biologie du corps lipidique. Arabidopsis thaliana est une plante modèle largement utilisée dans ce contexte en raison de sa simplicité de culture, parce que son génome est bien connu et également à cause de sa proximité avec des plantes très cultivées pour leur huile comme le colza (Brassica napus). La production de plusieurs mutants qui n’expriment pas certaines oléosines a permis une meilleure compréhension des rôles de chaque oléosine [Miquel et al., 2014], en particulier grâce à l’observation des corps lipidiques de jeunes embryons par microscopie confocale. L’évolution des techniques de microscopie permet maintenant d’observer les embryons d’A. thalianaen 3D en suivant leur évolution dans le temps et conduit à l’observation directe d’événements de fusion entre corps lipidiques. De plus, l’introduction de concepts issus de la physique [Thiam et al., 2013] pour appréhender les mécanismes de la biologie des corps lipidiques ainsi que le développement de modèles mathématiques et informatiques [Boschi et al., 2017, Trigui, 2014] ouvrent des perspectives intéressantes pour mieux comprendre l’influence de certains facteurs et l’importance relative des différents mécanismes proposés par les biologistes pour expliquer et comprendre la biologie des corps lipidiques.

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Table des matières

1 Introduction générale
1.1 La biomasse végétale comme substitut aux énergies fossiles
1.1.1 La remise en cause du tout fossile
1.1.2 La biomasse comme source d’énergie et de composés chimiques
1.1.3 L’utilisation de l’huile végétale
1.2 L’extraction de l’huile végétale
1.3 Positionnement de la thèse
1.3.1 Plan de la thèse
2 Biologie et biophysique des corps lipidiques
2.1 Contexte historique
2.2 Structure des corps lipidiques
2.2.1 Structure générale
2.2.2 Structure des corps lipidiques végétaux
2.3 Biologie des corps lipidiques
2.3.1 Interactions dans le cadre du métabolisme des lipides
2.3.2 Autres interactions
2.3.3 Les corps lipidiques dans différents tissus
2.4 Stockage et mobilisation des lipides
2.4.1 Stockage et déstabilisation des corps lipidiques
2.4.2 Mobilisation des ressources lipidiques
2.5 Formation des corps lipidiques
2.5.1 Synthèse de lipides neutre et de protéines
2.5.2 Localisation et interactions
2.5.3 Modèles de formation de novo
2.6 Synthèse des enjeux scientifiques en lien avec les corps lipidiques
2.6.1 Mécanismes biophysiques de la vie des corps lipidiques
2.6.2 Observation des corps lipidiques
2.6.3 Compréhension du rôle des protéines
3 Biophysique des corps lipidiques et bourgeonnement
3.1 Physique des membranes biologiques
3.1.1 Phénomènes d’interface
3.1.2 Membranes biologiques
3.1.3 Modélisation des membranes biologiques
3.2 Un modèle de formation des corps lipidiques
3.2.1 Les phénomènes physiques de la formation des corps lipidiques
3.2.2 Modèle de bourgeonnement et équation de la forme
3.2.3 Résolution numérique
3.3 Résultats
3.3.1 Modèle avec monocouches identiques et bicouche infiniment rigide
3.3.2 Modèle complet
3.3.3 Modèle avec monocouches différentes et bicouche infiniment rigide
3.3.4 Tension de ligne
3.3.5 Courbure spontanée
3.3.6 Différences de pressions
3.3.7 Interprétation des résultats
4 Analyse d’images de corps lipidique et détection d’événements de fusion
4.1 Imagerie confocale des CLs d’A. thaliana
4.1.1 Imagerie des corps lipidiques
4.1.2 Production des jeux de données
4.2 Méthode de segmentation
4.2.1 Panorama des méthodes de segmentation
4.2.2 Caractéristiques des objets à détecter et méthode
4.2.3 Résultats
4.3 Algorithmes de suivi automatique
4.3.1 Plus proche voisin
4.3.2 Tests multi-hypothèses et associations probabilistes
4.3.3 Méthodes par résolution de problèmes d’optimisation
4.3.4 Application et résultats
4.4 Détection d’événements
4.4.1 Méthode statistique pour détecter des événements de fusion
4.4.2 Méthode heuristique pour détecter les fusions
4.4.3 Comparaison et résultats
5 Modélisation de la dynamique des corps lipidiques
5.1 Donnés d’imagerie de corps lipidiques
5.2 Modèles de dynamiques des corps lipidiques
5.2.1 Modèles à base d’agents
5.2.2 Modèles d’interfaces
5.2.3 Modèle de champ moyen
5.2.4 Proposition de modèle
5.3 Estimation de paramètres dans un modèle de coalescence
5.3.1 Problème d’estimation de paramètres
5.3.2 Estimation du taux de fusion
5.3.3 Comparaison de populations
5.3.4 Résultats
5.4 Discussion
6 Synthèse et conclusion

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