Modélisation de la dynamique de dégradation

La dégradation d’un système se traduit par l’évolution progressive et parfois irréversible de son état ce qui conduit à la diminution des marges de sûreté nécessaires pour assurer son bon fonctionnement. La modélisation de la dégradation des systèmes est capitale pour la maîtrise des risques industriels, pour la gestion de leur durée de vie, pour l’optimisation des opérations d’inspection, de maintenance et de réparation, ainsi que pour le choix des engagements des constructeurs sur la garantie de leurs équipements.

Toutefois, le manque de données, les incertitudes sur les propriétés physiques des composants du système étudié et les variations des conditions d’exploitation conduisent à des incertitudes plus ou moins importantes qui se répercutent immanquablement sur les méthodes d’évaluation de la dégradation réelle. Ceci rend difficile la prise de décision quant à une intervention appropriée. Cette situation est aggravée lorsque les enjeux sont importants en terme de sécurité, les données rares, l’observation courante éloignée de la prévision et les conditions d’exploitation ne sont pas bien contrôlées. Ce constat ne fait qu’accroître l’intérêt de disposer d’une méthodologie de modélisation de la dégradation des systèmes complexes.

Modèles à dégradation continue

Les modèles à dégradation continue tentent de modéliser l’évolution au cours du temps de la dégradation. Pour les systèmes croissants non auto-réparable, les états sont alors les résultats des réalisations d’un processus stochastiques à trajectoires monotones croissantes. Pour une estimation pertinente, il est nécessaire donc de connaître la loi d’accroissement de dégradation entre deux instants consécutifs pour pouvoir estimer le niveau de dégradation à toute date [Park 1988] .

Selon [Barlow 1987], la dégradation est généralement supposée être un processus markovien. La dégradation à un instant t donné ne dépend que du niveau de dégradation à l’instant t − δt précédent, et de de l’intervalle de temps δt entre les deux instants. Cette hypothèse est justifiée si la seule information disponible sur l’état du système est l’accroissement de la dégradation du système entre ces deux instants [Castanier 2001].

Au vu, des propriétés de stationnarité et d’indépendance des accroissements, Les processus de Lévy [Asmussen 2003] conviennent pour la modélisation de la dégradation. La classe des processus de Lévy  réunit des processus largement étudiés dans la littérature [Ross 1995] : le processus gamma, le processus de Poisson composé et le processus de Weiner. Chacun de ces processus à temps continu a des particularités qui rendent son choix plus approprié dans certains cas.

L’apprentissage des modèles de dégradation peut se baser sur les instants de défaillance ou/et les mesures de dégradation. Le processus permettant l’observation des instants de défaillance peut être onéreux à mettre en place et souvent très long à réaliser (pour des systèmes très fiables) si les essais ne se font pas de manière accélérée. Par conséquent, l’utilisation de l’estimation des mesures de dégradation avant défaillance devient intéressante surtout si on considère plutôt les mesures des accroissements de dégradation qui sont indépendants. Cependant, ces deux types d’observations peuvent être utilisées conjointement comme dans [Nelson 1990].

Le processus de Wiener

Le processus de Wiener [Revuz 2004, Liao 2006, Nikulin 2006, Baussaron 2010] est souvent utilisé pour modéliser et rendre compte du mouvement brownien (MB), le « bruit », l’aléa pur, l’erreur de mesure physique… Historiquement, il a été introduit pour la modélisation du mouvement irrégulier de particules de pollen en suspension dans l’eau, observées par Robert Brown. En 1920, Norbert Wiener a été le premier à proposer une définition mathématique de ce type de processus. Le processus de Wiener est souvent utilisé en mathématique appliquée, en physique et en économie : description du comportement thermodynamique des gaz, des phénomènes de diffusion, des modèles mathématiques de la finance, équations différentielles stochastiques .

Définition 1.2.1 On considère un espace de probabilité (Ω, F,P). Un processus (Bt)t>0 est un processus de Wiener standard s’il satisfait les propriétés suivantes :

1. B0(ω) = 0 pour tout ω ∈ Ω
2. t → (Bt(ω)) est une fonction continue, ∀ω ∈ Ω
3. Les accroissements de (Bt)t>0 sont indépendants et pour tout t > 0 et h > 0 Bt+h − Bt suit la loi normale N (0, h).

De par cette définition, le processus de Wiener permet d’effectuer et de simplifier certains calculs. Il est aussi utile à la modélisation parce qu’il hérite des propriétés des processus de Markov ; il peut aussi être utilisé comme brique élémentaire pour la constructions de processus plus élaborés tel que le processus d’Ornstein Uhlenbeck (qui peut représenter par exemple la vitesse d’une particule dans un milieu visqueux, soumise à des variations désordonnées dues aux chocs des molécules) ou bien le processus de Wiener avec dérive [Doksum 1992, Doksum 1995, Padgett 2004, Whitmore 1998].

Définition 1.2.2 (Mouvement brownien avec dérive) Soit (Bt)t>0 un mouvement brownien standard. Nous appelons mouvement brownien avec dérive le processus (Wt)t>0 vérifiant :

W0 = 0 t = 0
Wt = σBt + µt ∀t > 0

où µ est une constante réelle appelée drift et σ2 (σ > 0) le coefficient de diffusion. La variable aléatoire Wt est une v.a gaussienne d’espérance µt et de variance σ 2t.

Le processus se comporte comme un mouvement brownien mais avec une tendance, positive ou négative selon la valeur du coefficient µ. Ce processus a été utilisé par exemple pour modéliser l’évolution de l’espérance de l’état d’un système de freinage et illustrer la politique d’unique inspection pour l’entretien des plaquettes de frein d’une automobile [Crowder 2007]. Dans cette situation, il est très important de résoudre des problèmes liés au temps d’atteinte d’une barrière fixe comme le dépassement de la fiabilité d’un seuil sécuritaire qui correspond à une panne. Donc le système est considéré en panne dés que le processus Wt atteint une valeur seuil a ∈ R.

Ainsi, le premier temps de passage Ta ( temps d’atteinte) d’une valeur a > 0, appelée aussi seuil de défaillance, est définit ci-dessous. Nous supposons que le coefficient de drift µ est strictement positif.

Ta = inf{t > 0 : Wt > a} (1.4)

Le mouvement brownien à un temps fixé t > 0 suit une loi normale N (µt, σ2 t); à l’inverse, le premier temps de passage, en lequel le mouvement brownien atteint un niveau donnée est étroitement lié a une distribution gaussienne inverse [Folks 1978] IG(a/µ, a2/σ2 ).

Le processus Gamma

Le processus gamma est un processus de chocs à temps continu et à accroissements indépendants et stationnaires qui décrit des trajectoires de dégradation constante. Ses trajectoires sont continues à droite et admettent des limites à gauche.

Le processus gamma est fréquemment utilisé dans la littérature pour modéliser les mécanismes de vieillissement qui sont par nature lents, continus, progressifs et non résorbables [Abdel-Hameed 1975]. Son utilisation dans cette optique a été justifiée dans plusieurs travaux, notamment dans [Noortwijk 2009]. Ce processus est essentiellement adapté pour modéliser la phase de propagation des dégradations monotones et croissantes dans le temps comme la corrosion, la propagation de fissures ou l’érosion. Il convient aussi très bien pour la modélisation de la variabilité temporelle de détérioration et pour la détermination des décisions de maintenance et d’inspection optimales [Castanier 2005], [Crowder 2007], [Dieulle 2003], [Kong 1997]. Ce choix de modélisation suppose nécessairement que l’état du système à travers le temps ne s’améliore pas et qu’il est impossible au système de retrouver son état initial ou un état précédent sans intervention de maintenance. Plusieurs travaux portant sur la maintenance et la modélisation de la dégradation ont été menés avec le processus de gamma. A titre d’exemple, nous citons d’une part les travaux de [Crowder 2007], [Castanier 2005] et de [Dieulle 2003], appliqués respectivement, pour la recherche de politiques de maintenance préventive, la recherche de politiques de maintenance conditionnelle à fréquence d’inspections non périodiques et la planification de maintenances séquentielles. D’autre part, nous rappelons aussi les travaux de [Grall 2006] et de [Liao 2006] qui illustrent le processus de gamma dans la recherche d’un seuil de défaillance pour une politique de maintenance de systèmes en surveillance continue.

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Table des matières

Introduction Générale
1 Modélisation de la dynamique de dégradation
1.1 Introduction
1.2 Modèles à dégradation continue
1.2.1 Le processus de Wiener
1.2.2 Le processus Gamma
1.2.3 Le processus de Poisson composé
1.3 Modèles à dégradation discrète
1.3.1 Processus de poisson
1.3.2 Chaînes de Markov
1.3.3 Processus Semi-markovien
1.4 Modèles graphiques probabilistes temporels
1.4.1 Réseaux bayésiens dynamiques
1.4.2 Modèle graphique de durée
1.5 Conclusion
2 Évaluation des stratégies de maintenance
2.1 Introduction
2.2 Enjeux de la fonction Maintenance
2.3 Définiton de la maintenance
2.3.1 Fiabilité
2.3.2 Maintenabilité
2.3.3 Disponibilité
2.3.4 Durabilité
2.4 Théorie de la maintenance
2.4.1 Maintenance corrective
2.4.2 Maintenance préventive
2.4.3 Maintenance mixte
2.4.4 Maintenance opportuniste
2.4.5 Maintenance imparfaite
2.5 Modélisation de la maintenance
2.5.1 Description du modèle VirMaLab
2.5.2 Paramètres du modèle VirMaLab
2.6 Évaluation des politiques de la maintenance
2.6.1 Disponibilité du système
2.6.2 Diagnostic
2.6.3 Action de maintenance
2.6.4 Critères d’évaluation d’une politique de maintenance
2.7 Conclusion
3 Les métaheuristiques : état de l’art
3.1 Introduction
3.2 Les méthodes de résolution
3.2.1 Méthodes exactes
3.2.2 Méthodes approchées
3.3 L’optimisation multiobjectif
3.3.1 Formulation générale d’un problème d’optimisation multiobjectif
3.3.2 Multiplicité des solutions
3.3.3 Dominance et front de Pareto
3.3.4 Catégories d’algorithmes
3.4 Transformation du POM en un problème mono-objectif
3.4.1 Méthodes d’agrégation
3.4.2 Méthode ε−contrainte
3.4.3 Les algorithmes génétiques
3.4.4 La recherche tabou
3.4.5 Le recuit simulé
3.4.6 Algorithmes basés sur l’intelligence collective : Les colonies de fourmis
3.5 Approches non Pareto
3.5.1 Algorithme VEGA
3.5.2 Utilisation des genres
3.6 Approches Pareto
3.6.1 NSGA-II
3.6.2 SPEA2
3.6.3 ε-MOEA
3.6.4 MO-CMA-ES
3.7 Conclusion
Conclusion Générale

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