Modélisation conceptuelle de la transformation pluie-débit dans le contexte méditerranéen

La part du milieu

La Méditerranée, « mer entre les terres », berceau des civilisations du monde occidental, s’étend à la rencontre de trois continents qui l’enserrent et en font un monde particulier par son unité physique, climatique, culturelle et à un certain degré hydrologique. Abandonnons l’introduction hydrologique classique bassin par bassin: compacité, réseau de drainage et statistiques de données pour suivre une approche plus globale des bassins de la région, quitte à revenir par la suite aux caractères individuels. Pour construire notre plan, « Eparpillons les pièces du puzzle, comparons ce qui est comparable » (Braudel, 1949). Laissons les bassins versants particuliers pour ne voir que l’analogie de leurs caractéristiques. L’état présent des bassins a été engendré par des actions géologiques, climatologiques et récemment anthropiques (Debussche et al., 1987). Ces actions mettent en jeu des échelles de temps diverses depuis les temps géologiques, jusqu’au déroulement des actions humaines saisonnières. Le climat, le relief, l’interpénétration des terres et de la mer, particulièrement développée au Nord, les configurations des bassins fluviaux, les constituants du sol et du sous-sol, sont autant de facteurs d’une répartition et d’un régime des eaux très spécifiques au monde méditerranéen, aussi différent des régions atlantiques ou eurasiennes contiguës au Nord que du domaine aride qui le jouxte au Sud et à l’Est (Blanchard, 1936).

Pour comprendre les analogies actuelles, et justifier une approche globale de l’hydrologie en Méditerranée nous allons procéder de la manière suivante :
– d’abord nous remonterons à l’origine de la création de cette mer, qui a fixé dans le temps la répartition des masses montagneuses, donc celle des pluies actuelles.
– ensuite nous caractériserons le climat, si particulier qu’il constitue une des grandes divisions du climat de la planète.
– ce climat a façonné dans le paysage calcaire d’importantes voies de dissolution, caractéristiques des karsts. Cela nous amènera a traiter l’hydrogéologie après le climat.
– les caractéristiques très particulières de l’épikarst, nous conduirons tout naturellement à la couverture pédologique, résultat des actions du climat sur la roche mère calcaire et des transports éoliens.
– enfin la couverture végétale qui s’est adaptée à ces sols et à ce climat.

Nous aurons alors l’essentiel des dénominateurs communs qui nous permettent de parler d’une hydrologie méditerranéenne et des différences qui caractérisent la diversité des situations.

L’unité géologique 

Pendant l’Ere Secondaire, les trois plaques continentales se sont rapprochées. La Méditerranée était alors plus vaste. Les dépôts calcaires se sont constitués durant 150 millions d’années, pendant le Jurassique et le Crétacé, jusqu’à des épaisseurs de 1000 m. En se rapprochant, les plaques continentales ont buté sur les massifs hercyniens plus anciens, ce qui a entraîné des séries de plissements et de cassures. Ces plissements s’organisent depuis l’Atlas, la Chaîne Ibérique, les Pyrénées, les Alpes, les Appenins, la Chaîne Dinarique, le Taurus, le Liban, encerclant la mer avec une lacune de Sousse à Gaza qui constitue un espace particulier comme nous le verrons par la suite (Figure I.1).

On est frappé par la remarquable continuité entre le relief terrestre et le relief sous marin. Il est vrai que le niveau de la mer est une variable peu fiable. Il y a 15000 ans (c’est à dire hier), le niveau de la Méditerranée était environ 150 mètres plus bas. Sur terre, les plissements ont fait surgir dans le paysage de nombreuses falaises, dont les éperons ont souvent constitués des lieux mythiques (Delphes en Grèce), religieux (Falaise de Afqua au Liban) ou simplement célèbres par leur beauté (Montagne Sainte Victoire en France), auxquels sont souvent associés des sources impressionnantes. Ces falaises sont souvent coiffées par des plateaux faiblement inclinés : l’Atlas, la Sierra Nevada, le Larzac, les plateaux d’altitude du Mont Liban… Des karstifications diverses ont pu s’y développer : karsts fermés ou ouverts, karsts noyés en liaison avec les variations du niveau marin (Figure I.3).

La prédominance du milieu montagneux ne doit pas faire oublier l’existence de quelques plaines d’importance. Entre les plissements, les comblements par érosion, essentiellement durant les ères tertiaires et quaternaires, ont créés des plaines d’altitudes : la Bekaa au Liban, le Gharb en Syrie,…Ces plaines sont en général drainées par des fleuves assez importants comme l’Oronte, dont le cours d’abord parallèle à la côte a profité d’un des rares espacements entre deux chaînes de montagnes pour se jeter dans la mer. Cette histoire géologique, outre le relief vigoureux qu’elle a engendré, explique la nature des roches. Les montagnes méditerranéennes sont pour l’essentiel constituées de massifs calcaires, mis à part quelques blocs de massifs hercyniens et des apparitions locales de matériel volcanique dues à des remontées de magma au travers de cassures profondes, par exemple dans la trouée de Homs, entre le Mont Liban et le Jebel Ansarié.

L’unité climatique

Bien plus qu’à toute autre caractère, c’est au climat qu’on attribue l’adjectif « méditerranéen ». Les caractéristiques du climat sont multiples : pluie, ensoleillement, rythme saisonnier. La première approche du climat, la plus simple, la plus intuitive est celle liée à la végétation. La « vraie Méditerranée » (l’expression est de Braudel) est bordée au Nord par la limite de culture de l’olivier, et au Sud par l’apparition des palmeraies. Cette limite est discutable, elle dépend de l’utilisation qu’on en fait (sociale, économique…). Pour l’hydrologue, elle est parfaitement acceptable, même si elle restreint l’espace à une étroite bande dépassant rarement les 100 kilomètres de large. Elle exclut la bordure saharienne, dont nous avons déjà vu la particularité géologique et structurale. Elle exclut aussi le Nord de la Grèce, où l’on peut en s’élevant dépasser les zones des orangers et des oliviers et traverser toutes les zones végétales européennes. Est aussi rejeté le plateau anatolien, dont le caractère continental est très marqué. Mais le Portugal et une partie de la côte Atlantique du Maroc sont inclus dans ce système, ce qui ne parait pas anormal dans une approche hydrologique.

La Méditerranée s’étire suivant un axe Est-Ouest proche du 40ème parallèle, confondu sensiblement avec l’isotherme moyen de Janvier de 10ºC. Les variations climatiques sont assez peu marquées suivant la longitude, le facteur principal de variations restant l’altitude. L’extension en latitude va du 45ème au 32ème parallèle, avec bien sûr, une température plus élevée et une pluviosité plus faible vers le Sud. Ces latitudes correspondent aux zones balayées par les grandes perturbations cycloniques issues de l’Atlantique, qui apportent des pluies fréquentes en hiver, très influencées par l’orographie des bassins. La ceinture montagneuse périphérique guide le cheminement des masses d’air atlantiques que laisse passer l’anticyclone des Açores. L’absence de chaîne montagneuse en bordure de la Libye et de l’Egypte permet aux masses d’air sahariennes d’imposer leur régime sur ces deux pays, qui jouissent de ce fait d’un climat particulier dans le bassin méditerranéen. Cette alternance de masses d’air tempérées humides (atlantiques), sèches et chaudes (sahariennes) et froides et sèches (Mistral venant du Nord) est une caractéristique du climat que nous allons voir plus en détail.

Durant l’été, la circulation atmosphérique est contrôlée par la position de l’Anticyclone des Açores. En général positionné à hauteur de l’Espagne, il dévie les perturbations atlantiques sur le Nord de l’Europe. Cet anticyclone est l’acteur principal du climat méditerranéen, transition entre le climat tempéré classique et le climat semi-aride. Il se définit plus précisément par ses composantes hydriques (Margat, 1992) :
– deux saisons pluvieuses, l’une dominante (automne) l’autre secondaire (printemps) encadrent un été chaud et sec,
– des précipitations très irrégulières, tant à l’échelle journalière (très fortes intensités : des pluies exceptionnelles de plusieurs centaines de mm en une journée), qu’à l’échelle annuelle. Elles sont concentrées sur un petit nombre de jours de pluie, entre 50 et 100 par an, en moyenne.
– une sècheresse estivale prononcée et une évapotranspiration potentielle annuelle similaire à celle des zones semi-arides : 800 à 2000 mm par an, plus variable dans l’espace, suivant l’altitude surtout, que dans le temps. L’évapotranspiration réelle, plafonnée par la faiblesse des précipitations à la saison où les facteurs thermiques sont les plus intenses, demeure partout bien inférieure à l’évapotranspiration potentielle à l’échelle annuelle. Il en résulte des excédents hydriques annuels (précipitations moins évaporation réelle), grâce à la répartition saisonnière des précipitations et à leur concentration.

La proximité de la mer, les hautes températures d’été, des défaillances de l’anticyclone peuvent engendrer des orages violents, soudains et imprévus. Les régions méditerranéennes sont souvent le siège de précipitations « monstrueuses », intenses dont certaines donnent lieu à de véritables catastrophes lorsque les ruissellements qu’elles engendrent, qu’ils soient superficiels ou concentrés par des voies naturelles ou artificielles d’écoulement, traversent des secteurs habités (Desbordes et Masson, 1992). Les petits bassins peuvent alors générer des crues de débits considérables. Les exemples de catastrophes qu’elles entraînent sont nombreux .

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Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE I – LA PART DU MILIEU
I.1. INTRODUCTION
I.2. L’UNITE GEOLOGIQUE
I.3. L’UNITE CLIMATIQUE
I.4. L’UNITE HYDROGEOLOGIQUE
I.5. L’UNITE PEDOLOGIQUE
I.6. L’UNITE VEGETALE
I.7. L’UNITE HYDROLOGIQUE
I.7.1. Les caractères morphologiques
I.7.2. Le régime des écoulements: variabilité et irrégularité sont les maîtres –mots
I.7.3. Les mécanismes hydrologiques
I.8. AU-DELA DE L’UNITE : LES DIFFERENCES
I.8.1. La variabilité de la pluie annuelle
I.8.2. La variabilité saisonnière
I.8.3. La variabilité journalière
I.9. CONCLUSION
CHAPITRE II – DU MILIEU A LA CONCEPTION DE SON FONCTIONNEMENT
II.1. PRESENTATION DU CHAPITRE
II.2. LES ECHELLES D’ANALYSE
II.2.1. Les échelles temporelles d’analyse
II.2.2. Les échelles spatiales d’analyse
II.2.3. Le compartimentage des processus
II.2.4. Les divers types de modèles
II.2.5. La modélisation conceptuelle
II.2.6. Modèle spécifique ou modèle universel ?
II.3. LES CONTRAINTES ENGENDREES PAR LE MILIEU
II.3.1. La contrainte climatique saisonnière
II.3.2. Incidence de la structure temporelle de la pluie sur le comportement du sol
II.3.3. Les temps caractéristiques des processus hydrologiques
II.3.4. Contraintes liées à la structure du relief
II.4. INCIDENCES DES CONDITIONS SPECIFIQUES MEDITERRANEENNES SUR LA CONCEPTION D’UN MODELE STATIONNEL
II.4.1. Modélisation écohydrologique stationnelle
II.4.2. Pertinence des variables introduites dans la modélisation
II.4.2.1. Indice de ruissellement
II.4.2.2. Indice de la dynamique de l’infiltration
II.4.2.3. Indice spatial de l’infiltration
II.4.2.4. Indice d’évaporation
II.4.3. Incidence de la variabilité saisonnière sur la modélisation stationnelle
II.4.4. Incidence de la variabilité spatiale des caractéristiques stationnelles
II.5. CONCEPTION D’UNE STRUCTURE GLOBALE DE FONCTIONNEMENT
II.5.1. Organisation générale des transferts dans le bassin
II.5.2. Conception d’une fonction de production globale
II.5.3. Conception d’une fonction de transfert globale
II.6. CONCLUSION
CHAPITRE III – ELABORATION, CALAGE, ET ANALYSE DU FONCTIONNEMENT D’UN MODELE ADAPTE AU CLIMAT MEDITERRANEEN: MEDOR
III.1. PRESENTATION DU CHAPITRE
III.2. LE MODELE MEDOR
III.2.1. Architecture du modèle MEDOR
III.2.2. La fonction de production
III.2.2.1. La sortie R
III.2.2.2. La sortie E
III.2.2.3. Conséquences de l’élimination des conditions climatiques
III.2.3. La fonction de transfert
III.2.4. Choix d’un Critère
III.2.4.1. Critères qualitatifs
III.2.4.2. Critères quantitatifs
III.2.5. Critère sélectionné
III.3. ECRITURE DU MODELE MEDOR
III.3.1. Les équations du modèle
III.3.2. Choix d’un outil de modélisation
III.3.3. Modèle sous Vensim®
III.4. MISE EN ŒUVRE ET CALAGE DU MODELE
III.4.1. Bassin du Nahr Beyrouth
III.4.1.1. Les précipitations
III.4.1.2. Les températures
III.4.1.3. L’humidité
III.4.1.4. La débimètrie
III.4.2. Analyse des chroniques
III.4.3. Structure du transfert
III.5. A LA RECHERCHE D’UN OPTIMUM
III.5.1. Méthodes de recherche d’un optimum
III.5.2. L’équifinalité et ses causes
III.5.2.1. La structure du modèle
III.5.2.2. L’inadéquation de la modélisation à décrire la réalité
III.5.2.3. Les données et leurs erreurs
III.5.3. Exploration exhaustive l’espace critère
III.6. ANALYSE DE LA STRUCTURE DE LA SURFACE CRITERE DU MODELE MEDOR
III.6.1. Définition d’une « acceptabilité »
III.6.2. Comparaison des projections et des coupes
III.6.3. Recherche de la zone d’adéquation
III.6.4. Algorithme opérationnel de calage
III.7. ANALYSE DU FONCTIONNEMENT DU MODELE
III.7.1. Analyse des valeurs du Nash
III.7.2. Présentation des chroniques
III.7.3. Les bilans et les stocks
III.7.4. Examen du déroulement des événements
III.7.5. Sensibilité du déroulement évènementiel aux paramètres de transfert
III.8. CONCLUSION
CHAPITRE IV – CALAGE DU MODELE JOURNALIER PAR LES DONNEES ANNUELLES
IV.1. PRESENTATION DU CHAPITRE
IV.2. RELATION D’EQUIFINALITE ET BILANS ANNUELS
IV.3. BILANS A PAS VARIABLE : CRITERE DE NASH AGGLOMERE
IV.4. DETERMINATION DE LA REP AVEC UN MODELE STOCHASTIQUE DE PLUIE LOCALE ET LES BILANS ANNUELS
IV.4.1. Incidence de la structure de la pluie sur le calage
II.4.1.1. Génération de la série pluviométrique stochastique
II.4.1.2. Dépendance de la REP du modèle stochastique de pluie
IV.4.2. Comparaison bilans générés et bilans mesurés
II.4.2.1. Relation de bilans annuels générés
II.4.2.2. Relation de bilans annuels mesurés
IV.4.3. Détermination de la REP par les bilans annuels
II.4.3.1. Equivalence entre les paramètres des modèles annuels et journaliers
II.4.3.2. Equifinalité dans le modèle annuel
II.4.3.3. La technique du filtrage
IV.5. DETERMINATION DES PARAMETRES DE PRODUCTION POUR DIFFERENTS PAS DE GESTIONS DES DONNEES
IV.6. DETERMINATION DE LA REP AVEC LE BILAN TOTAL
IV.6.1. Le critère de bilan total
IV.6.2. Equivalence des équifinalités des critères du Nash annuel et du bilan total
IV.6.3. Utilisation complémentaire des critères Nash – Bilan total
IV.6.4. Application au Nahr Beyrouth
IV.7. RECHERCHE DE LA REP AVEC DES CRITERES DERIVES DU BILAN
IV.8. CONCLUSIONS
CONCLUSION

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