L’amendement des technologies au sein des dispositifs de formation à distance, a modifié, agencé et même permis de nouvelles modalités : scénario diversifiés, travail en groupe restreint autour d’une situation problème (approche socioconstructiviste), accompagnement par un tuteur en ligne, possibilités de communication en instantané (synchrone) et/ou en différé (asynchrone), outils d’organisation et de partage en ligne, espaces virtuels personnels et/ou en commun, … etc.
Ces technologies sont devenues non seulement un support de formation et d’apprentissage, mais un facteur important du changement de la médiatisation de la relation pédagogique. Un changement dont il faut se donner les moyens d’identifier ses facteurs, ses dimensions, et d’en apprécier son évolution. Les dispositifs ainsi pensés, sont devenus des environnements aussi bien de formation et d’apprentissage, que « réseau de relations que l’ensemble des acteurs entretient avec le monde, avec les autres et avec soi-même » (Montandon, p. 2).
Panchoo (p. 4) postule que les dispositifs modifient les rapports entre humains. Faerber (2003) parle d’émergence de liens sociaux au sein d’une communauté éducative à distance, puisque de plus en plus de dispositifs adoptent le principe du groupe, ce qui amène les membres de ce dernier, à développer aussi bien des liens sociaux, que des processus de coopération et voir de collaboration (Jaillet, 2004, p. 109) autour de la tâche à accomplir. Ceci a des conséquences directes sur les représentations que se fait l’apprenant, de son propre rôle au sein de tels dispositifs. Il est en même temps, l’unité centrale autour de laquelle est construit le dispositif, mais en même temps, l’élément d’un ensemble cohérent, où à tout à chacun ses tâches et ses rôles.
D’une part, l’apprenant est tel qu’un « chef d’orchestre, exploitait, selon sa sensibilité et ses compétences, les ressources mises à sa disposition pour en faire un instrument au service de son projet de formation » (Charlier, 2006, p. 109). D’autre part, fondu dans le groupe, ce dernier devient « une ressource pour l’apprentissage » (Easton, 2003, dans (Grosjean, 2006, p. 91) ) ; il est source d’échange et de négociation, qui évolue grâce à un espace dialogique. Montandon, en se reposant sur les travaux de Meirieu, reprend l’idée que le groupe est « le moyen de mettre en œuvre de véritables méthodes actives, il est le lieu d’apprentissage des démarches cognitives grâce à l’expérience de décentration, des conflits socio-cognitifs et du pluralisme des perspectives » (p. 169). Elle met en exergue, la relation pragmatique qui lie l’apprenant à son groupe et inversement, puisque l’apprenant s’appuie sur son groupe pour avancer dans ses apprentissages, et dans son « être », et dans l’autre sens, le groupe exerce un pouvoir sur l’individu, en l’occurrence sur l’apprenant (id.).
Le rapport à ce monde matériel, le statut de ses objets sont questionnés sous l’angle de l’instrumentation-instrumentalisation (Raberdel, 1995), mais aussi sous l’angle de fréquentation (Peeters & Charlier, p. 17) et de « formation mixte, composée de symbolique et de technique » (Poitou, Verhaegen et Weissberg, dans Peeters & Charlier, p. 17). L’activité de l’apprenant dans un tel environnement est doncmodifiée. Elle s’inscrit dans une dynamique parrainée par le dispositif lui-même.
Le tétraèdre pédagogique proposé par Jaillet (2004, p. 106) et Faerber (2003, p. 204) , met en relief justement, les dynamiques et les différentes combinaisons d’interactions qui se créent entre les pôles « apprenant », « enseignant/tuteur », « savoir » et le « groupe » ; le tout inséré dans un environnement technologique à distance. Il met en scène les processus développant des attitudes, la cognition, la distribution du savoir par l’apprentissage mutuel. Pour ce qui concerne l’environnement technologique, Faerber (2002, p. 105), le définit comme un « « contexte de médiation » […] ensemble des dispositifs qui relaient la relation entre les pôles précisés. Nous ne le considérons pas comme un nouveau pôle, mais plutôt comme un intermédiaire entre les pôles. C’est un environnement à la fois spatial, fonctionnel, matériel ou logiciel à l’intérieur duquel ou par lequel les interactions se produisent».
Jaillet (2005b, p. 18) propose l’octogone d’Albert Raasch (1989), comme modèle descriptif des bases sur lesquelles repose un dispositif de formation, mais aussi un modèle interprétatif et prédictif de ce qui y se passe. « L’octogone comporte donc huit pôles, et un dispositif de formation selon Raasch, se caractérise selon la cohérence de chaque pôle et évidemment dans les interrelations mutuelles qui sont entretenues » (id). Pour faire écho avec les travaux de Jacques Wallet, et faire de ce modèle un instrument de positionnement collectif et individuel, cet auteur suggère de qualifier, selon l’objet d’étude, chaque pôle d’une échelle, ceci permettrait d’une part d’identifier le niveau du dispositif sur chaque pôle, et d’autre part, de déduire la résultante et d’estimer l’indice des articulations des pôles en question.
Etat de la recherche sur les TICE, les dispositifs et l’apprenant face aux mutations technopédagogiques
Les TIC au service de l’enseignement et la formation
L’intrusion des technologies au sein des formations universitaires, et notamment celles destinées aux formateurs (futurs enseignant), a fait évoluer ces dispositifs. Nous assistons aujourd’hui à des formations reposant sur l’usage des outils technopédagogiques, d’autres reposant sur les réseaux, et à chacune se tracent des stratégies de formation qui lui sont propres, adoptant des devis pédagogiques spécifiques qui font appels à des technologies en conséquence. Les technologies ont fait d’abord leur incursion dans un objectif d’améliorer l’apprentissage, à présent cet objectif est largement étoffer par d’autres, qui permettent non seulement cette dite amélioration, mais aussi sa diversification, voir ; la création d’« un temps nouveau dans les relations pédagogiques » (Moiraud, p. 102).
Les TICE permettent un enseignement de proximité, jouent sur la motivation des apprenants par leur côté attractif, offrent une efficacité dans la mise en activité des apprenant (Bihouée & Colliaux, p. 117). Elles amènent les apprenant à acquérir « un degré d’autonomie supplémentaire, élément essentiel de réussite […] favorisent aussi l’implication dans leurs apprentissages ainsi que la communication entre eux et avec leur enseignant » (id, p. 118). Poyet (p. 40) recadre cette notion d’autonomie dans le celui des environnements utilisant les TIC, et notamment les environnements virtuels, pour la décrire comme une « autonomie d’action, qui ne s’accompagne pas nécessairement de sens critique lié à des décisions personnels » (id).
« Les TIC peuvent servir des objectifs et des pédagogies très différents […] Utilisées à bon escient, elles développent les connaissances, les compétences de communication, l’apprentissage coopératif, la compréhension et le respect des autres » (OCDE, p. 26). Les outils de communication notamment sont porteurs de dynamique ; par exemple « l’utilisation efficace de l’e-mail au sein d’un groupe d’acteurs est souvent suffisante pour garantir une bonne circulation de l’information, une bonne coordination de l’équipe et une bonne diffusion des résultats d’un groupe de travail. C’est également un outil intéressant pour renforcer les échanges avec les élèves » (Bihouée & Colliaux, p. 110) Ces technologies offrent la possibilité d’abolir les contraintes spatiotemporelles, ainsi le savoir plus consigné sur un livre, un tableau va amener vers un changement d’accès au savoir (Poyet, p. 39) ; les notions du temps et de l’espace changent de sens ; l’apprenant peut travailler à n’importe quel moment, et de n’importe quel espace ; il peut échanger à tout moment selon son rythme avec ses pairs ou son enseignant ; la souplesse et la flexibilité prennent leurs places. De plus, Internet permet le développement du collectif, du travail en groupe, de création de communautés de pratique. Certaines associations d’enseignants en sont des exemples (Sésamath , Les clionautes , Weblettre , Primlangues ). Cette technologie permet de garder le contact et créer des réseaux d’individus, l’association CEMAFORAD en est un autre exemple. Elle regroupe tous les apprenants ayant fait la formation UTICEF ou ACREDITE. Via de tels environnements, un esprit de co-construction, d’échange d’expérience, et de partage voir même de professionnalisation deviennent possibles.
Ces conceptions sont retrouvées de plus en plus dans des formations universitaires reposant sur les réseaux (Internet) ; et qui adoptent délibérément ces technologies afin de créer des espaces de co-construction et de performance commune. Néanmoins entre adeptes et non adeptes, ces technologies forgent leur plus-value sous conditions. Lebrun (2011) explique que les technologies n’aboutissent à un impact positif que si les dispositifs –qui exploitent ces technologies- adoptent des stratégies centrées sur l’apprenant, « soutenus par de nouveaux rôles des acteurs, enseignants et étudiants, et finalisés au développement des compétences humaines, sociales et professionnelles de ces acteurs » (id).
Pour Karsenti et Larose (2001) les technologies représentent un enjeu majeur dans la formation des formateurs et un défi à tenir aux besoins des nouvelles générations. Ils sont source de changement chez l’apprenant (futur enseignant), sur le plan de la motivation à apprendre avec les TIC, sur le plan de l’attitude à apprendre les TIC par les TIC. « Dans le contexte éducatif, il est particulièrement flagrant que les TIC sont mobilisés en tant que facteur de changement » (Jaillet, 2005b).
Elles représentent aussi « un immense enjeu de société sur lequel la recherche a la responsabilité d’apporter un éclairage scientifique » (Karsenti & Larose, 2002). De plus en plus de dispositifs de formation intègrent ces outils technologiques, et jouent sur leur variété afin de diversifier les approches, et cerner les différences chez les apprenants. Il s’agit de conjuguer ces technologies aux approches pédagogiques afin d’en faire les instruments d’une médiatisation et d’une efficience dispositif.
C’est le cas des dispositifs qui adoptent les plateformes d’enseignement en ligne. Ces environnements définissent « un terrain où se rencontrent et se réifient les outils (pôle « Technologies ») et les méthodes de formation (pôle « Pédagogies ») pour devenir des instruments de construction de connaissances et de compétences pour les apprenants, de réflexivité et de développement professionnel pour les enseignants, de promotion et d’innovation dans les institutions » (Lebrun, Smidts, & Bricoult, 2011). Ils définissent également des environnements sociaux regroupant un réseau d’acteurs, dont leurs interactions autour des controverses, font émerger un processus de changement (Depover, p. 60). Selon ce même auteur, cette conception va aider à intégrer l’innovation, et à opérer le changement.
Un changement dont il faut se donner les moyens de l’attester et de l’identifier « Parler de l’efficience des outils TIC à l’université nécessite de se référer aux méthodes dans lesquelles ces outils prendront place au sein des processus d’enseignement-apprentissage » (Lebrun, 2001). Mais un tel changement s’inscrit dans un cadre plus systémique ; les technologies sont les moyens et non pas la fin en soi ; elles véhiculent une dimension stratégique autour de laquelle tout est prévue et tout est construit en amont. Les technologies s’insèrent dans un cadre, dans une organisation, dans une instance, dans un projet pour devenir qu’un élément d’un puzzle qu’est le dispositif.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
Chapitre I CADRE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
Etat de la recherche sur les TICE, les dispositifs et l’apprenant face aux mutations technopédagogiques
I.1 Les TIC au service de l’enseignement et la formation
I.2 Le dispositif
I.2.1 Vers un dispositif technopédagogique
I.2.2 Du dispositif technopédagogique à distance vers le campus virtuel
I.2.3 La médiation et médiatisation : les processus subjacents au dispositif technopédagogique à distance
I.3 L’apprenant : l’acteur en mutation
I.3.1 Caractéristiques personnelles
I.3.2 D’autres caractéristiques personnelles
I.3.3 Caractérisation des profils
I.4 La dimension téléologique
I.5 Conclusion
Chapitre II PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE RECHERCHE
II.1 De l’impact au changement
II.1.1 Des recherches sur le changement
II.1.2 Structure et système
II.1.3 Environnement – milieu
II.1.4 La notion de compétence
II.1.5 La cognition
II.1.6 La métacognition
II.1.7 Les nouvelles approches pédagogiques
II.1.8 Les interactions pédagogiques en ligne
II.1.8.1 Le groupe
II.1.8.2 Le tutorat
II.1.8.3 L’interaction apprenant-instrument
II.1.9 La plateforme- les outils technologiques
II.2 Problématique
II. 3 Hypothèses de recherche
Chapitre III L’APPROCHE SYSTEMIQUE ET MODELISATION COMPLEXE : QUELQUES NOTIONS THEORIQUES ET RECADRAGE
III.1 Etat de l’art
III.2 L’approche systémique
III.3 Complexe ou compliqué
III.4 Quelques concepts rattachés à l’approche systémique
III.4.1 Modélisation
III.4.2 Système- système général
III.4.3 Structure
III.4.4 Système ouvert/fermé, environnement et milieu
III.4.5 Les composantes primaires d’un système « processus et processeurs » et référentiel TEF
III.4.6 L’activité, l’évolution et fermeté d’un système complexe
III.4.7 Variété et état d’un système
III.4.8 Interrelation, matrice structurelle, feed-back et réseau
III.4.8.1 Interrelation
III.4.8.2 La matrice structurelle
III.4.8.3 Feed-back ou recyclage
III.4.9 Le réseau du système
III.4.10 L’organisation
III.5 Les niveaux téléologiques d’un système complexe
III.6 Modélisation théorique de Jean-Louis Le Moigne
III.7 Conclusion
CONCLUSION GENERALE