MODELES POUR L’ETUDE DE LA GENERATION DE LA MAREE INTERNE

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De nombreuses incertitudes demeurent…

Un nombre important de questions restent ouvertes, comme celle de l’incertitude de l’estimation des 2 TW d’énergie nécessaire pour le mélange abyssal (Webb and Suginohara, 2001), une incertitude qui s’applique à la plupart des sources et puits d’énergie dans l’océan global, sauf à la dissipation de l’énergie de la marée luni-solaire (Ferrari and Wunsch, 2009). Le mécanisme exact des transferts d’énergie vers les petites échelles demeure également une question à étudier, notamment concernant le rôle de l’énergie interne (Tailleux, 2009; expliqué en détails dans Dossmann, 2012). Ces incertitudes importantes soulignent le besoin de poursuivre l’effort dans la description des processus associés au mélange turbulent dans l’océan abyssal. La marée interne jouant un rôle majeur dans les processus de restratification de l’océan, elle est l’objet de cette thèse.

La marée interne : un puits d’énergie

Etude de la marée interne dans l’océan : les différentes approches

Les ondes de marée interne sont générées lorsque la marée barotrope pousse des eaux stratifiées en masse volumique sur un obstacle topographique, créant alors des gradients de masse volumique qui créent des ondes. Ces ondes internes se traduisent par une oscillation des masses d’eaux à la période de la marée. L’énergie de ces marées internes se concentre sous la forme de rayons (formant un angle caractéristique par rapport à l’horizontale), et se propage à partir du sommet de la topographie. Dans un océan de dimension verticale finie, ces ondes se propagent sous la forme de modes verticaux (Tableau 1). Les modes verticaux les plus bas ont les plus grandes longueurs d’ondes et se propagent le plus rapidement. On séparera ces modes verticaux en deux catégories : le terme mode bas (Tableau 1) désignera les modes émis les plus rapides, le terme mode haut (Tableau 1) désignera les modes émis les plus lents ayant de plus petites longueurs d’ondes. La conversion entre marée externe et interne dépend donc de caractéristiques océaniques présentant une forte variabilité spatio-temporelle. D’une part la topographie a un rôle important dans cette conversion et d’autre part, la stratification de l’océan, qui varie spatialement et temporellement, joue également un rôle dans la dynamique de la marée interne. L’étude d’une telle étendue de spectres spatiaux et temporels est un grand défi pour la communauté océanographique. Comment fournir une description quantitative et globale de la contribution de la marée interne au mélange, compte tenu des vastes gammes d’échelles spatio-temporelles et des différentes formes d’énergie mise en jeu ? Englobant approximativement neuf ordres de grandeur, de la dynamique des bassins océaniques jusqu’au mélange millimétrique, l’observation directe et la modélisation analytique ou numérique de l’ensemble de la cascade énergétique à l’origine de ces transferts demeurent hors de portée. Différentes approches complémentaires sont donc utilisées pour la description et la quantification de ces processus.

La marée interne : un puits d’énergie

Observations in situ

Les sondes CTD (Conductivity Temperature Depth) sont les premiers instruments de mesures à avoir permis l’observation des ondes de marée interne, en fournissant des mesures dynamiques de salinité et de température. De nombreuses mesures ont été effectuées et ont corroboré le rôle des topographies et du forçage de la marée dans la génération de la marée interne. Les mesures CTD ont permis, notamment, les premières visualisations de la propagation d’onde de marée interne sous la forme de rayon dans l’océan abyssal (Pingree and New, 1989), mettant en évidence la capacité de la marée interne à se propager loin de sa zone de génération. Les profileurs acoustiques de courant à effet Doppler (ADCP) ont ensuite permis d’accéder à une vision bidimensionnelle des champs de vitesse et de masse volumique dans un plan vertical. Les mesures à fine-échelle ne permettent cependant pas une mesure directe du mélange turbulent, nécessitant d’établir des paramétrisations à fine-échelle du taux de dissipation de l’énergie cinétique (Figure 1.6). En revanche, les mesures de microstructures plus récentes permettent une quantification plus directe du mélange des masses d’eau.

Images satellites

L’imagerie satellite permet de mettre en évidence de nombreuses traces d’ondes internes. La Figure 1.7 montre un exemple d’ondes internes générées au niveau du détroit de Gibraltar. Les mesures satellites ont notamment permis d’effectuer une cartographie des zones de génération d’ondes internes dans l’océan et de mesurer leur contribution énergétique (Figure 1.8). A partir des données satellitaires fournies par le satellite TOPEX/POSEIDON, Egbert and Ray (2001) ont quantifié de façon empirique la distribution spatiale de la dissipation de l’énergie des marées. Le taux de dissipation est estimé à partir de l’équilibre entre le travail des forces de marée et la divergence des flux énergétique. Ils estiment par exemple une conversion barocline de 20 GW par la dorsale hawaïenne. Cependant, ils estiment qu’au moins 75% de cette énergie sont radiés dans le champ lointain. L’estimation du mélange induit par la marée interne doit donc tenir compte de la dissipation locale au-dessus de la zone de génération, mais aussi du mélange délocalisé, après propagation par les modes bas de la marée interne. La carte représentée Figure 1.8 montre clairement le rôle des marges continentales et des dorsales dans la génération de la marée interne. Cependant, l’altimétrie satellitaire ne couvre que les mouvements de surface et de relativement grande échelle. Par exemple, les mouvements internes de faible extension caractérisant les modes internes de plus petite échelle ne sont actuellement pas visibles par imagerie satellite (Niwa and Hibiya, 2001).

La marée interne : un puits d’énergie

Expérimentation physique

L’expérimentation physique permet de dégager les caractéristiques générales des processus de marée interne que les mesures in situ ne peuvent pas forcément mettre en évidence. En effet, dans l’océan, les zones de génération de la marée interne sont souvent complexes et résultent de l’interaction de multiples processus. L’étude de configurations idéalisées, réalisées en laboratoire, permet de disséquer les différents processus en jeu. De plus, certaines techniques difficilement applicables dans l’océan, comme les mesures par stéréo-corrélation d’images, permettent d’accéder à des informations complémentaires. Cette technique permet notamment de visualiser toute la structure du champ de marée interne et donc d’étudier les aspects 3D de ces processus (Figure 1.9).

Des modèles analytiques

Des modèles analytiques ont également permis d’identifier des paramètres clés dans la dynamique de la marée interne. Garrett et Kunze (2007) font une revue de ces paramètres. On peut citer, par exemple, le modèle analytique de génération de la marée interne de Baines (1973) qui met en évidence l’importance de la largeur, de la hauteur et de la forme de la topographie sur le taux de convertion de la marée barotrope en marée interne. Quelques années plus tard, Baines (1982) met en évidence l’importance de la pente de la topographie dans l’étude de la génération des ondes de marée interne. Selon le modèle analytique de Gerkema et Zimmerman (2008), le flux d’énergie émis vers l’océan au-dessus d’un talus continental dépend de la pente de la topographie et est plus intense dans le cas de topographies supercritiques (Tableau 1). Une topographie supercritique est une topographie abrupte dont la pente est supérieure à l’angle caractéristique du rayon d’onde interne ; dans le cas contraire elle est dite « sous-critique ».

Modélisation numérique

Les modèles globaux de circulation océanique (OGCMs) permettent d’effectuer des bilans énergétiques à l’échelle de la planète (Simmons et al., 2004; St. Laurent et al., 2002). Cependant, la résolution actuelle de ces modèles (allant jusqu’à la dizaine de kilomètres) ne permet pas de résoudre explicitement les processus de petites échelles telles que les ondes de marée interne (de l’ordre de 1m à 1km). Les effets des processus de petites échelles, dits « sous-mailles » (tels que les ondes de marée interne), doivent donc être paramétrés en fonction des variables résolues dans le modèle. Les OGCMs résolvent les équations primitives. Dans la plupart de ces modèles, les effets de la marée interne sont paramétrés par un coefficient de diffusion verticale Kz 1D. En ce sens, mettre en place des paramétrisations physiques pour représenter correctement le puits d’énergie induit par les marées internes requiert une compréhension approfondie des processus dynamiques de petites échelles et de leur impact sur les grandes échelles.
En choisissant des domaines numériques plus petits, on peut diminuer la résolution spatiale et temporelle, de façon à représenter une plus large gamme de processus liés à la cascade turbulente. Lorsque la résolution spatiale est suffisamment fine pour pouvoir considérer des schémas de turbulence isotrope (3D), on parle alors de simulations des grandes échelles ou simulation des grands tourbillons (LES pour « Large Eddy Simulation »). Cette approche permet de résoudre explicitement une grande partie de la dynamique de la marée interne. Les modes bas de la marée interne transportant les plus grandes quantités d’énergie sont calculés explicitement et les plus hauts sont pris en compte en introduisant une viscosité isotrope supplémentaire ou un schéma de turbulence 3D. Les simulations LES sont intermédiaires entre les modèles RANS, qui paramètrent l’impact des processus turbulents sur les variables moyennes et les simulations numériques directes (DNS) qui résolvent toute la cascade turbulente (Figure 1.6).
Représenter explicitement toutes les échelles d’un écoulement jusqu’aux échelles du mélange turbulent nécessite une très haute résolution spatiale (de l’ordre du millimètre), donc des temps de calcul et des espaces mémoires très grands. On parle dans ce cas de simulations numériques directes (DNS pour « Direct Numerical Simulation »). Les moyens techniques actuels de calcul ne permettent d’utiliser cette approche que sur des domaines d’étude de tailles restreintes (souvent réservés aux études de laboratoire). Aujourd’hui, les simulations DNS demandent des ressources de calcul trop importantes pour pouvoir traiter de cas à l’échelle d’un bassin océanique. Cependant, seules les simulations DNS permettraient une approche de la turbulence où toutes les structures potentiellement présentes sont explicitement calculées sans avoir recours à aucune paramétrisation.

Paramétrisations de la marée interne

L’observation directe et la modélisation numérique à l’échelle océanique de l’ensemble de la cascade énergétique à l’origine de ces transferts demeurent hors de portée. Une partie de ces transferts énergétiques doit alors être paramétrée en fonction de variables mesurées par les instruments de mesures ou résolues par le modèle.

Paramétrisation de la marée interne dans les modèles OGCMs

Depuis les années 2000, des paramétrisations représentant le mélange non-uniforme induit par la marée interne sont développées dans les modèles d’océan et de climat. Dans la plupart des modèles OGCMs résolvant la marée barotrope, seule la dissipation locale des ondes de marée interne est paramétrée de façon explicite, mais selon un schéma semi-empirique. La marée interne est alors considérée comme un puits d’énergie local. St Laurent and Garrett (2002) estiment le taux de conversion d’énergie de la marée barotrope à la marée interne à partir des caractéristiques de la topographie, de la stratification profonde et de l’amplitude de la marée. Ils supposent que 1/3 de cette énergie est dissipé localement alors que les 2/3 sont radiés par les modes bas d’onde interne loin de la zone de génération. Cette fraction de dissipation locale q est considérée constante sur tout le domaine. L’énergie radiée est alors considérée comme une diffusion de fond homogène sur tout le domaine et n’est pas paramétrée de façon explicite. Le profil vertical du taux de dissipation de cette énergie est défini de façon ad hoc comme une fonction exponentielle décroissante au-dessus du fond de l’océan. Cependant, Melet et al. (2012) ont montré par une analyse de sensibilité que l’état de l’océan était sensible à la définition de ce profil vertical. Ces paramétrisations, utilisées dans de nombreuses autres études, comme par exemple celle de Simmons et al. (2004), ont permis notamment de faire des évaluations globales des transferts énergétiques dus à la marée interne et d’étudier les impacts potentiels globaux de la marée interne (biologiques, climatologiques, …) mais elles restent rudimentaires.

Paramétrisation fine-échelle de la turbulence induite par les ondes internes

A plus fine échelle, la paramétrisation du mélange turbulent induit par les ondes internes reste aujourd’hui un défi scientifique majeur. Un nouveau problème se pose : comment l’énergie des ondes internes est-elle transférée aux plus petites échelles ? Ces transferts énergétiques peuvent être induits par une multitude de processus différents. Actuellement, la plupart des paramétrisations
à fine-échelle du taux de dissipation s’exprime en fonction du cisaillement de courant et de la stratification, dont les effets s’opposent. Par exemple, la paramétrisation de Gregg-Henyey (Gregg, 1989; Henyey et al., 1986) repose sur l’hypothèse que les processus d’interactions ondes-ondes sont dominants dans l’océan ouvert (Müller et al., 1986). Les interactions non-linéaires entre les ondes entrainent des transferts énergétiques vers des nombres d’onde plus hauts jusqu’au déferlement de ces dernières, qui mène alors au mélange turbulent. Les modèles statistiques utilisés pour prédire ces transferts énergétiques reposent sur l’observation d’un spectre énergétique continu d’ondes internes sur l’ensemble des océans (Garrett and Munk, 1975). Des observations ont montré que ce spectre représente fidèlement le champ moyen d’ondes internes dans l’océan. Cependant, certaines régions sont significativement plus énergétiques que ne le prévoit ce type de paramétrisations (MacKinnon, 2013). De telles paramétrisations à fine-échelle ne sont donc pas bien adaptées à l’étude des régions de mélange intense.

Les limites actuelles de la paramétrisation

Des régions « problématiques »

Klymak et al. (2008) montrent qu’au-dessus de la dorsale hawaïenne, les taux de dissipation excèdent ceux prédits par les paramétrisations à fine-échelle de Gregg-Henyey par un facteur 100 (Figure 1.10). En effet, les processus de déferlements instantanés, observés au-dessus de la dorsale lors de la campagne coopérative HOME (Hawaii Ocen Mixing Experiment, décrite par Rudnick et al. (2003)), entrainent un mélange local intense dans les basses couches qui n’est pas pris en compte dans les paramétrisations. En fait, ce déferlement a pour effet de court-circuiter la cascade vers les hauts modes d’ondes internes et mène directement au mélange turbulent. Il a la particularité d’être phasé temporellement avec le forçage de la marée barotrope. Des observations similaires ont été faites sur le plateau continental au large de l’Oregon (Nash et al., 2007). Dans des zones de mélange intense comme celle-ci, les paramétrisations classiques ne peuvent donc pas être appliquées. Une compréhension plus étendue des processus en jeu est nécessaire.
L’étude de Legg et Klymak (2008) suggère que les ressauts hydrauliques (similaires à ceux observés dans les fjords ou les détroits, définis dans la section 3.4.2 et dans le Tableau 1) pourraient être un des mécanismes importants de mélange local induit par la marée dans ces cas de hautes topographies abruptes (telles que la dorsale hawaïenne). Une des conditions supplémentaires, pour la mise en place de ce type de processus dissipatifs, est la présence d’un courant de marée supercritique au-dessus de la topographie (Tableau 1 : le courant de marée barotrope a une vitesse supérieure à la vitesse de propagation des ondes internes). Dans le prolongement de cette idée, Klymak (2010) explique les fortes dissipations locales au-dessus des topographies supercritiques (Tableau 1) par le piégeage des hauts modes verticaux d’ondes internes lorsqu’ils sont soumis à un contrôle hydraulique. La dynamique de ces régions semble donc être fortement liée au processus de contrôle hydraulique et aux devenirs des modes hauts d’ondes internes au dessus de ces régions. Se basant sur cette théorie, il développe une paramétrisation simple de la dissipation de la marée interne près des topographies supercritiques (Klymak et al., 2010). Dans cette paramétrisation, il considère que les modes verticaux d’ondes internes ayant une vitesse inférieure à celle des courants de marée sont dissipés localement, essentiellement par les effets du contrôle hydraulique au sommet de la topographie. La dissipation prédit par cette paramétrisation au-dessus de la dorsale hawaïenne reste cependant inférieure à celle estimée par les observations, soulignant la potentielle présence d’autres processus dissipatifs dans ces régions supercritiques (Tableau 1) de mélange intense.
Dans ces régions de topographie supercritique et de contrôle hydraulique, on est encore loin d’avoir une compréhension parfaite de tous les processus turbulents. Les déferlements sont particulièrement spectaculaires et peuvent entrainer un mélange jusqu’à 10 000 fois supérieur au mélange turbulent observé dans l’océan ouvert (Klymak et al., 2012). La description des processus turbulents en jeu dans ces régions « extrêmes » constitue le cœur de ma thèse. En revanche, même si dans de telles régions le mélange local est intense et spectaculaire, il ne représente toujours qu’une fraction modeste de l’énergie de la marée barotrope convertie en marée interne. En effet, les topographies supercritiques sont considérées comme des « radiateurs d’énergie » très efficaces.

Une vision trop « locale » et incomplète

Il apparaît donc qu’une importante quantité d’énergie est transportée par la marée interne à travers l’océan (St. Laurent and Garrett, 2002). Si la quantité d’énergie qui se dissipe en plein océan est maintenant bien distinguée de celle qui se dissipe sur les plateaux, la fraction d’énergie (q) dissipée localement par les ondes internes sur leur site de génération et la fraction susceptible de rayonner au loin sont encore mal quantifiées. St Laurent et al. (2002) estiment une fraction de dissipation locale de 30 %. La variabilité de ce paramètre en fonction des zones de génération d’onde interne reste malheureusement peu documentée. Althaus et al. (2003) estiment qu’au-dessus de l’escarpement Mendocino (au large de la Californie), 99 % de l’énergie sont radiés par la marée interne. Klymak et Gregg (2004) estiment qu’au-dessus du fjord de Knight Inlet (Colombie- Britannique, Canada), seulement 66 % de l’énergie sont transportés par la marée interne. La prise en compte d’une fraction constante d’énergie dissipée localement semble donc assez rudimentaire. Cependant, dans toutes ces régions, une majorité de l’énergie est transportée par la marée interne loin de sa zone de génération, ce qui soulève de nouvelles questions : quel est le destin réservé à ces ondes de marée interne ? Comment évoluent-elles ? Où et par quels mécanismes se dissipent-t-elles finalement ? La propagation des ondes de marée interne et les phénomènes responsables de leur dissipation restent encore mal compris et sont l’objet de multiples recherches. Une meilleure appréhension des processus physiques de la marée interne est ainsi nécessaire.

Devenir de la marée interne, de la propagation au déferlement : de fortes interactions avec l’environnement

Les effets de la non-linéarité

Lorsqu’une onde atteint de grandes amplitudes, des effets non-linéaires apparaissent. Le cisaillement de courant associé à l’onde devient plus fort et entraine un raidissement progressif du front d’onde (Figure 1.11). Lorsqu’on atteint un point critique, où deux points de la même surface isopycnale, initialement à la même hauteur, se retrouvent l’un au-dessus de l’autre, l’onde déferle en formant des structures de plus petites échelles, proches des échelles de la dissipation. L’augmentation de l’inclinaison des surfaces isopycnales est donc à l’origine du déferlement des ondes internes et d’instabilités convectives. Ce déferlement induit un mélange diapycnal irréversible des masses d’eau. Les ondes, en déferlant, transforment donc de manière irréversible leur environnement, par le transport de masse selon la direction verticale (via le mélange diapycnal) et selon la direction horizontale (via un écoulement moyen horizontal induit par dépôt de quantité de mouvement lors de la dissipation des ondes).
Cependant, dans certains cas, les effets dispersifs de l’océan viennent contrebalancer ces effets non-linéaires. Ils entrainent un étalement progressif de l’onde qui stabilise le front d’onde créé par les effets non-linéaires. Cet équilibre est à l’origine de la remarquable stabilité des ondes solitaires. Ainsi une onde solitaire ou soliton est une onde qui se propage sans se déformer et qui par définition est non-linéaire et dispersive. A l’échelle océanique, les mesures de température par CTD, de vitesse par ADCP, et plus récemment les observations satellitaires ont révélé que ces ondes peuvent se propager sur des centaines de kilomètres avant de déferler. La Figure 1.12 représente les zones de génération d’ondes internes non-linéaires observées par satellite (Jackson et al., 2012). La distribution étendue de ces ondes est le résultat de la forte diversité des mécanismes impliqués dans leur génération. Dans certaines régions, ces ondes solitaires peuvent atteindre des amplitudes de 100 à 200 mètres, comme au détroit de Luçon (situé entre les Philippines et Taiwan) (Duda, 2004; Liu et al., 1998; Yang et al., 2004) ou encore au détroit de Gibraltar (Farmer et al., 1988; Vázquez et al., 2006).
Les ondes internes peuvent donc se propager sur de grandes distances, rendant la localisation et la représentation du mélange turbulent qu’elles induisent d’autant plus complexe. Elles peuvent, au cours de leur propagation, interagir de nouveau avec des topographies, avec d’autres ondes, des écoulements ou bien se déstabiliser pour finir par se briser et se dissiper localement par effets visqueux. La cascade énergétique depuis les grandes échelles vers les petites est alors constituée d’une multitude de processus. Une partie importante des processus menant aux déferlements et à la dissipation est liée à la transformation non-linéaire de ces ondes en présence d’obstacles fluides ou solides. Les interactions de ces ondes avec leur environnement océanique sont donc une source majeure de non-linéarité. La description rigoureuse et la compréhension de ces processus est l’objet de nombreuses études et restent en grande partie à découvrir.

Interactions ondes-ondes :

L’océan est le milieu de propagation d’une multitude d’ondes internes recouvrant un large spectre spatial et temporel. Des mesures de terrain ont mis en évidence la présence d’un spectre énergétique continu d’ondes internes sur l’ensemble des océans, excepté lorsqu’on se situe près des sources et des puits d’ondes internes (Garrett and Munk, 1979, 1975). Les interactions non-linéaires entre ces ondes internes peuvent entrainer, par des phénomènes de résonance, des transferts énergétiques, diminuant ou augmentant l’amplitude des ondes.
Les ondes internes peuvent devenir instables spontanément, produisant des ondes secondaires d’ordre vertical plus élevé et de fréquence plus faible. En particulier, pour une amplitude finie, une onde peut produire deux ondes secondaires de plus petite échelle et de plus basse fréquence. Cette instabilité résulte d’une interaction résonnante à trois ondes, satisfaisant une condition de résonance temporelle pour les trois pulsations et une condition de résonance spatiale pour les trois vecteurs d’onde. Les ondes secondaires produites correspondent à des sous-harmoniques de l’onde primaire. On parle alors d’instabilité paramétrique (PSI) sous-harmonique. Répétée plusieurs fois, cette instabilité offre un moyen de transférer de l’énergie à partir des ondes de grande échelle vers des échelles plus petites, où elle peut être dissipée. En ce sens, cette instabilité résulte en une cascade vers les petites échelles sans nécessité d’une cascade turbulente au sens où on l’entend habituellement, c’est-à-dire avec un continuum spectral.
Même si les interactions ondes-ondes mènent souvent à un transfert énergétique vers des ondes d’ordres verticaux plus élevés, conduisant à une déstabilisation de l’onde, il est aussi possible que ces interactions permettent de stabiliser un groupe d’ondes de différentes fréquences ou de différents nombres d’onde verticaux. Généralement, chaque mode vertical d’onde interne se déplace à sa propre vitesse. L’interaction de deux ondes dont le nombre d’onde et la fréquence sont compatibles selon les conditions de résonance peut alors former un groupe d’ondes se propageant à la même vitesse. En ce sens, la collision de deux ondes internes solitaires fortement non-linéaires peut mener à des transferts énergétiques d’une structure à l’autre. Par exemple, l’advection d’une onde solitaire mode 2 par une onde solitaire mode 1 plus rapide peut entrainer l’apparition d’une trainée de mode 1 de courte longueur d’onde derrière l’onde solitaire mode 2. Cette trainée de mode 1 de courte longueur d’onde se propage alors à la même vitesse que l’onde solitaire mode 2. Guo et al. (2012) et Vlasenko et al. (2010) ont notamment mis en évidence ce processus en mer de Chine, à l’aide d’images satellites et de simulations numériques (Figure 1.13). Dans cette situation, l’interaction entre 2 modes verticaux d’onde interne entraine également un transfert d’énergie vers des plus petites échelles. Les interactions ondes-ondes sont donc un des processus responsables de la dissipation des ondes de marée interne. Cependant les modes bas, plus stables, et plus particulièrement les modes bas d’ondes internes solitaires ont généralement le temps de se propager sur de longues distances avant d’être dissipés par les processus d’interactions ondes-ondes. D’autres processus peuvent alors interférer le cours de leur existence.

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Table des matières

QUELQUES DEFINITIONS
CHAPITRE 1 : INTRODUCTION
1. De la circulation océanique globale au mélange turbulent
1.1. Circulation méridienne de renversement (MOC)
1.2. Le mélange turbulent dans l’océan
1.3. Bilan énergétique de l’océan
2. La marée interne : un puits d’énergie
2.1. Etude de la marée interne dans l’océan : les différentes approches
2.2. Paramétrisations de la marée interne
2.3. Les limites actuelles de la paramétrisation
3. Devenir de la marée interne, de la propagation au déferlement : de fortes interactions avec l’environnement
3.2. Interactions ondes-ondes
3.3. Interactions entre onde incidente et topographie
3.4. Interactions onde-courant
3.5. Impact sur l’environnement océanique
4. Approche méthodologique
4.1. Une étude multi-outils et multi-échelles des ondes de marée interne
4.2. Plan du manuscrit
CHAPITRE 2 : MODELES POUR L’ETUDE DE LA GENERATION DE LA MAREE INTERNE
1. Modèles analytiques
1.1. Modèle de Boussinesq
1.2. Ondes internes se propageant dans un fluide linéairement stratifié : N(z) = N0
1.3. Ondes internes se propageant dans un fluide à stratification non-linéaire : N(z) variable
1.4. Limitations
2. Synergie entre simulation numérique et simulation physique
2.1. Les objectifs de cette double approche
2.2. Les résultats des études précédentes
2.3. Notre étude
3. Le modèle numérique d’océanographie côtière SNH
3.1. Formulation générale et conditions aux limites
3.2. Modélisation non-hydrostatique
3.3. Discrétisation numérique
3.4. Configurations
3.5. Diagnostics
4. Principe de similitude : du laboratoire à l’échelle océanique
4.1. Exemple d’un principe de similitude : le détroit de Luçon
4.2. Des paramètres sans dimensions clés pour la dynamique des ondes internes en conditions supercritiques
4.3. Notre principe de similitude
5. Conclusion
6. Annexes
6.1. Annexe 1 : Génération de la marée interne dans un milieu stratifié linéairement
6.2. Annexe 2 : Génération de la marée interne dans le cas d’une stratification variable
CHAPITRE 3 : REGIMES D’ONDES INTERNES EN REGIONS « SUPERCRITIQUES »
1. Résumé de l’article : « Topographic and hydraulic control on internal-tide generation. Part 1 : Vertical mode selectivity & soliton formation. »
2. Introduction
3. Numerical configuration
3.1. General features of numerical model
3.2. Configuration
3.3. Analytical tools
4. Control by topography in linear regimes
4.1. Subcritical topography
4.2. Supercritical topography
4.3. Topographic control on vertical mode generation
5. Supercritical and nonlinear flow
5.1. A mode 2 hydraulic control
5.2. A mode 1 hydraulic control with breaking and instabilities
5.3. A mode 1 hydraulic control without ISWs formation
5.4. A mode 1 hydraulic control with quasi-steady lee waves
6. Impact on local circulation : downstream jet formation
6.1. Lee-side vortexes formation and downstream jet separation
6.2. Downslope jet
7. Discussions-conclusions
8. Appendix
Appendix 1 : Modal decomposition
Appendix 2 : Singular value decomposition (SVD)
Appendix 3: Orthogonal projection
9. References
10. Compléments
CHAPITRE 4 : VERS LES ECHELLES OCEANIQUES
1. Résumé de l’article: “Topographic and hydraulic control on internal-tide generation. Part 2 : Towards ocean scales.”
2. Introduction
3. From quasi-DNS to Large scale strait simulations
3.1. General features of numerical model
3.2. Strait academic configurations
3.3. Ocean scales similitude principle
4. Georges bank
5. Gibraltar strait
5.1. Numerical Configuration
5.2. Comparison with Gibraltar Experiment data
5.3. Internal waves dynamics
6. Over simplified configurations of Gibraltar strait
6.1. Simplified topography
6.2. Simplified stratification
7. Discussions-conclusions
8. References
CONCLUSION
1. Bilan
1.1. Un contrôle topographique sur la génération des modes verticaux
1.2. Différents régimes en régions supercritiques
1.3. Des facteurs environnementaux plus complexes
2. Perspectives
2.1. Exploration de l’impact d’autres facteurs environnementaux
2.2. Vers une modélisation encore plus réaliste du détroit de Gibraltar
2.3. Evaluation et description du mélange
2.4. Vers la sub-mésoéchelle
BIBLIOGRAPHIE

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