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Notion de longueur de conjugaison
Nous avons vu dans la partie 1.1.2 que les électrons de la liaison π ont la possibilité de se délocaliser le long de la chaîne macromoléculaire. Néanmoins, il existe dans ce type de matériaux des défauts chimiques (segments de la chaîne non conjugués) ou physiques (torsion de la chaîne), qui limitent cette délocalisation, empêchant le recouvrement des orbitales π, en général maximal lorsque le squelette de la chaîne est plan. Il est alors déni une longueur de conjugaison comme étant la longueur moyenne de segments parfaits séparés par des défauts. Cette dernière inuence le transport de charges des polymères conjugués.
La conductivité dans les polymères conjugués
L’hypothèse de structure de bande décrite précédemment pour les polymères conjugués permet d’appréhender les propriétés électriques de ces matériaux. Pour que la conduction ait lieu, il faut qu’un électron du niveau HOMO se déplace vers une place vacante (trou 1) du niveau LUMO. Cette hypothèse permet d’expliquer l’aptitude des électrons à se déplacer dans le cas des solides minéraux, mais est insusante pour les polymères conjugués. A l’état naturel, les polymères conjugués peuvent être considérés comme des isolants à faible gap. En pratique, la présence de défauts en leur sein leur donne le statut de semi-conducteurs extrinsèques. Pour rendre les polymères conducteurs, il faut procéder à un dopage. La Figure 1.9 donne les ordres de grandeur de la conductivité des polymères conjugués.
La conductivité d’un matériau est dénie par la relation : σ = neµ (1.1) où n, est le nombre de porteurs de charge par unité de volume (e–/cm3), e est la charge du porteur (C), et µ sa mobilité (cm2/V.s).
Dans le cas d’un métal, n est constant, la conductivité ne dépend que de µ, qui elle dépend de la température. Pour les polymères conjugués, la conductivité est inuencée par la mobilité et le nombre de porteurs de charge. La délocalisation des électrons π sur la chaîne favorise la mobilité des porteurs de charge et la possibilité de transport inter et intra-chaîne. Quant au nombre de porteurs de charge, il varie en fonction de la méthode de dopage :
Dopage chimique : il permet de doper le semi-conducteur en augmentant la densité de porteurs de charge (électrons ou trous) en son sein. Il s’agit d’un phénomène de transfert de charges entre le dopant et les chaînes du polymère conjugué. On parle de dopage de type n, lors de l’ajout d’espèces donneuses d’électrons, et de dopage de type p, lors de l’ajout d’espèces acceptrices d’électrons. Le taux de dopage varie entre 10 et 30%, c’est à dire jusqu’à un dopant pour 3 monomères. Ce processus d’oxydoréduction a l’avantage d’être réversible mais le taux de dopage est assez mal maîtrisé. Ce dernier a été utilisé pour obtenir les premiers polymères conducteurs par Shirakawa (dopage du polyacétylène avec de l’iode, un puissant oxydant). [5]
Dopage par photo-génération : ce principe est utilisé dans les cellules solaires photovoltaïques. L’absorption d’un photon, de longueur d’onde équivalente à celle du gap, par le polymère, permet de faire passer un électron du niveau HOMO au niveau LUMO, laissant derrière lui un trou dans la HOMO. Cela crée une paire électron-trou appelée exciton. Sous l’eet d’un champ électrique, le trou et l’électron sont séparés, générant ainsi une charge positive et une charge négative dans le polymère semi-conducteur.
Dopage par injection de charges : il est utilisé dans le cas d’un contact métalpolymère-semi conducteur. Les porteurs de charge peuvent être injectés du métal au polymère sous l’application d’une tension. La principale diculté est de choisir le mé- tal qui va former le contact le moins résistif possible avec le semi-conducteur. Ce dopage est utilisé pour des applications transistors ou diodes électroluminescentes. Ce dernier est expliqué dans la partie 1.2.3, page 26.
Les diérents porteurs de charge
Les polymères conjugués sont majoritairement de forme cyclique, et possèdent deux structures de résonance possibles. La première est la forme énergétiquement stable, appelée aromatique. La deuxième est la forme quinonique, d’énergie plus élevée, obtenue lors de l’introduction d’une charge. Cet ajout provoque une déformation locale (autour de la charge) de la géométrie de la chaîne conjuguée. An d’accommoder cette modication, la chaîne ionisée permute ses simples et doubles liaisons an de stabiliser le système. Ce défaut, créé sur quelques monomères de la chaîne, est appelé polaron. Cette quasi-particule est donc l’association d’une charge et de sa déformation. La déformation de la chaîne coûte de l’énergie, ce qui fait qu’un état électronique localisé apparait dans la bande interdite, visible sur la Figure 1.10.
Cette catégorie de polymères fait partie des systèmes dits non-dégénérés car les deux formes résonantes ne sont pas équivalentes en énergie. Sur la Figure 1.10, le polymère est dopé avec une charge positive. L’ajout d’une nouvelle charge conduit à la présence de deux charges sur la chaîne. D’un point de vue énergétique, il est plus favorable qu’elles s’associent, donnant une nouvelle particule appelée bipolaron. Elle possède une charge double qui se localise sur quelques monomères. Le bipolaron est apte à se propager le long de la chaîne conjuguée (conduction intrachaîne), ou de chaîne en chaîne (conduction inter-chaîne), sous l’eet d’un champ électrique. Un exemple est donné sur la Figure 1.11 avec le polythiophène.
Il existe des polymères se classant dans la catégorie des systèmes dégénérés comme le polyacétylène. L’introduction d’une charge lors d’un dopage permute les simples et doubles liaisons sans changement d’énergie de la chaîne. La particule créée est un soliton qui fait en quelque sorte paroi entre les deux formes résonantes du polyacétylène. Par rapport au polaron, les solitons ne s’associent pas et restent indépendants.
Transport par saut (Hopping)
Le désordre étant une caractéristique principale des polymères conjugués, il est alors impossible d’utiliser le modèle décrit précédemment. Le transport par saut a donc été mis en place pour décrire le transport de charges dans les polymères conjugués. Le principe est qu’une charge se trouvant sur un état localisé peut sauter d’un site à un autre (inter ou intra chaîne), pour se déplacer. Comme les sites ne sont pas forcément d’énergie identique, de fait du désordre, la charge doit absorber ou émettre un phonon pour compenser la diérence d’énergie. Lorsque le matériau vibre par agitation thermique, une déformation du réseau apparaît, localisée autour de la charge, appelée aussi phonon. Cette particule possède une énergie propre, et permet le déplacement de la charge entre les sites localisés. Dans ce modèle, la mobilité augmente avec la température. Le processus de saut est représenté sur la Figure 1.14.b. Conwell et Mott sont les premiers à avoir proposé ce modèle de transport. Miller et Abrahams ont proposé un modèle basé sur un processus de saut par échange d’un seul phonon. Dans ce dernier, la DOS est assimilée à une gaussienne. La Figure 1.15 représente les possibilités de saut pour une charge, en prenant en compte ce type de DOS [7]. Pour que le saut ait lieu, il faut que les fonctions d’ondes du site initial et nal se recouvrent.
Transport par piégeage-dépiégeage multiple (MTR)
Le modèle MTR (Multiple Trapping and Release) est un modèle alternatif à celui du Hopping. Il est dérivé du MTR initialement utilisé pour le silicium amorphe. Il considère que le transport des charges s’eectue dans des états délocalisés (bande de transport), et est limité par une forte concentration d’états localisés faisant oce de pièges, c’est à dire d’états d’énergie plus stables (Figure 1.16). Ces pièges proviennent par exemple de la présence d’impuretés dans le matériau. Les charges sont piégées pendant leur transport dans les états délocalisés, et sont libérées thermiquement au bout d’un certain temps. La durée de localisation de la charge dans le piège dépend de la température et de l’énergie de l’état localisé. Ce modèle est donc décrit comme une suite de piégeages et de dépiégeages. La mobilité dans ce modèle de transport est activée thermiquement comme dans celui du Hopping classique. Horowitz et al. [9] ont utilisé ce modèle, pour expliquer la dépendance de la mobilité avec la température et la tension de grille, dans le cadre de transistors à base de sexithiophène. Les pièges ont une DOS de type exponentielle et la mobilité des charges dépend du champ appliqué. En eet, lors de l’application d’un faible champ, les porteurs de charge sont piégés facilement, et il en résulte une faible conductivité. A fort champ, les pièges ne sont plus pris en compte, et les charges peuvent donc se déplacer sur de plus grandes distances sans être piégées. Un schéma représentant ce modèle est indiqué sur la Figure 1.16.
Le transistor organique à eet de champ
Historique
Le concept du transistor remonte à 1930, lorsque J. E. Lilieneld déposa un brevet, concernant un dispositif capable de contrôler le ot d’un courant électrique entre deux électrodes grâce à l’intervention d’une troisième électrode [10]. L’équipe de J. Bardeen, en 1948, fabrique le premier transistor bipolaire de l’histoire à base de Germanium [11], et marque le début de la microélectronique moderne. Cependant, les propriétés des transistors à eet de champ (FET) sont mieux adaptées pour la réalisation de circuits logiques. La première démonstration expé- rimentale de ce type de dispositif a été réalisée en 1960 par Kahng et Atalla [12]. Il s’agit d’un transistor appelé MOSFET (Metal-Oxyde-Semiconductor FET) à base de silicium. Dès lors, un champ important de recherche et d’applications se développe, et le transistor n’a depuis pas cessé d’évoluer, permettant entre autre, de miniaturiser les appareils électroniques. A l’heure actuelle, il est utilisé comme interrupteur dans les circuits logiques, amplicateur de signal ou stabilisateur de tension.
En parallèle, dans les années 50 les semi-conducteurs organiques commencent à être étudiés sous forme de petite molécule. L’intérêt pour ce type de matériau est relancé en 1977 [5] avec la découverte, par A. Heeger, A. MacDiarmid et H. Shirakawa, du premier polymère conjugué conducteur grâce à un dopage de polyacétylène. Ils seront récompensés pour leur travaux en 2000 par un Prix Nobel de Chimie. Par la suite, le caractère semi-conducteur des polymèresconjugués non dopés a été mis en évidence, et a rendu envisageable leur utilisation dans des dispositifs électroniques. Les semi-conducteurs organiques comportent plusieurs avantages. Ils peuvent être déposés sous forme de lm mince selon des techniques de dépôt peu coûteuses issues de la technologie d’impression (jet d’encre, sérigraphie). De plus, les propriétés intrinsèques de ces matériaux permettent de les utiliser sur substrats exibles. De nouvelles applications s’ouvrent alors dans les domaines de la microélectronique logique, de l’éclairage, de l’achage et des capteurs.
Au début des années 70, une première description de l’eet de champ est proposée dans les semi-conducteurs organiques [13][14]. Les premiers OFETs ont été réalisés avec des polymères conjugués dans les années 80. En 1983, Ebisawa et al. font une tentative de fabrication d’un transistor avec du polyacétylene [15]. Ils reportent un fonctionnement de déplétion de type transistor avec une très faible transconductance de 13 n!–1. Tsumura et al. proposent, trois ans plus tard, le tout premier OFET en utilisant du polythiophène comme couche semiconducteur [16]. Des caractéristiques de sortie et de transfert sont reportées avec un composant fonctionnant à des tensions d’alimentation de 50 V. La mobilité des porteurs de charge dans le canal conducteur est de 10–5 cm2/V.s. Depuis, avec l’évolution des structures chimiques et le contrôle de l’organisation des chaînes polymères, une mobilité de 1 cm2/V.s a été atteinte pour les polymères de la famille des polythiophènes [17], permettant de concurrencer les transistors à base de silicium amorphe. Une autre partie de la recherche s’est focalisée sur l’utilisation de petites molécules dans les OFETs. Une des plus utilisées est le pentacène, un semi-conducteur de type p, connu pour avoir une forte mobilité (voir Figure 1.2 pour sa structure moléculaire). De nombreux travaux [18] commencent vers les années 1996-1997 avec des résultats de mobilité jusqu’à 0,7 cm2/V.s [19]. En 2002, la mobilité est augmentée à 3 cm2/V.s avec un diélectrique organique [20].
En parallèle de l’amélioration des performances concernant les semi-conducteurs organiques, d’autres recherches sont basées sur la réalisation de transistors entièrement organiques. On peut citer les travaux récents de Sowade et al. [21], qui ont utilisé la technologie d’impression jet d’encre, pour réaliser des transistors organiques exibles.
Courbe de transfert
Cette courbe indique l’évolution du courant de drain en fonction de la tension de grille appliquée à tension de drain constante. Cette caractérisation peut être eectuée dans le régime linéaire ou dans le régime de saturation. Les courbes de transfert comprennent trois zones,visibles sur la Figure 1.21, correspondantes à un OFET de type n. Lorsque Vg est négatif (zone 1), le courant est faible et ne varie pas avec Vg : c’est le courant IOF F . A une certaine valeur de V g plus faible, les électrons commencent à s’accumuler en créant, entre le source et le drain, un canal conducteur. La forme de la courbe de transfert dépend directement de la structure électronique du semi-conducteur organique, ainsi que de la forme de sa densité d’états électroniques. Les pièges situés en milieu de gap, en général peu nombreux, sont remplis en premier. Puis dans le cas d’un semi-conducteur de type n, la queue de bande de la LUMO est remplie. Du fait de son allure exponentielle, une petite variation de Vg entraine une grande variation de la densité d’électrons mobiles dans le matériau, et donc, du courant de drain (zone 2). Pour des valeurs de Vg fortement positives, les niveaux énergétiques remplis se situent vers le centre de la gaussienne de la DOS. Le courant de drain croit linéairement, se traduisant par une saturation dans le cas d’une courbe tracée en échelle logarithmique (zone 3). A partir de la courbe de transfert, les paramètres clés du transistor peuvent être obtenus, comme la tension de seuil, le rapport ION/IOF F , la valeur de la mobilité en régime linéaire et en régime de saturation, et la pente sous le seuil. Ces paramètres sont détaillés dans la partie suivante.
La mobilité des porteurs de charge dans le canal conducteur
La mobilité des porteurs de charge dans le canal conducteur est un paramètre clé pour dénir les performances d’un transistor organique. Par dénition, elle correspond à la facilité avec laquelle les porteurs de charges (trous ou électrons) vont pouvoir se déplacer dans le canal conducteur du transistor sous l’eet d’un champ électrique. Cette grandeur est extraite lors du fonctionnement d’un transistor et ne désigne donc pas la mobilité intrinsèque du semi-conducteur. En eet, plusieurs facteurs extrinsèques, dont la qualité de l’interface diélectrique/semi-conducteur ainsi que la résistance des contacts source/drain, font varier cette mobilité. L’inuence de ces facteurs sera détaillée dans le chapitre 2. Par soucis de simplication d’écriture, la mobilité des porteurs de charge dans le canal conducteur sera dorénavant nommée, « mobilité ». Deux mobilités sont distinguées, une pour le régime linéaire, et une autre pour le régime de saturation. En eet, la valeur de la mobilité varie en fonction de la tension de grille et peut donner des écarts d’environ 10 à 30 % suivant le régime de fonctionnement de l’OFET. Dans le régime linéaire, il sut de tracer la courbe de transfert, puis de calculer la transconductance gm, dénie telle .
Le transistor organique émetteur de lumière
Introduction
Les recherches en électronique organique se sont toujours concentrées sur le développement de composants équivalents à ceux déjà existants en électronique inorganique, comme les transistors à eet de champ (FET), les diodes électroluminescentes (LED) et les cellules photovoltaïques (PVC). Actuellement, les performances obtenues avec des semi-conducteurs organiques concurrencent les matériaux inorganiques, comme le silicium amorphe utilisé dans les transistors inorganiques. De plus, les composants réalisés avec les matériaux organiques ont l’avantage d’une fabrication moins complexe et moins coûteuse. Néanmoins, l’électronique organique n’a pas pour but de remplacer toutes les technologies inorganiques arrivées à maturation, mais plutôt de développer d’autres applications encore méconnues.
Le transistor organique émetteur de lumière (OLET) en est un exemple, puisqu’il montre des fonctionnalités d’interrupteur et d’émission de lumière pas encore réalisées par les composants inorganiques traditionnels. Cette application est prometteuse pour les écrans utilisant la technologie de matrice active à diodes électroluminescentes organiques (AMOLED) an de réaliser des pixels 2. Le design le plus simple pour faire un pixel avec une technologie AMOLED comprend une OLED, une capacité et deux transistors, comme représenté sur la Figure 1.24 [38][39].
Le transistor organique émetteur de lumière unipolaire
Le premier OLET rapporté dans la littérature a été réalisé par Hepp et al. en 2003 [46]. Il s’agit d’un OFET de type p fonctionnant en mode unipolaire, c’est à dire que seul le transport de trous a lieu dans la couche de tétracène (Figure 1.25.a). Pour qu’une émission de lumière ait lieu, une recombinaison entre un électron et un trou est nécessaire. Celle-ci fut inattendue dans ce type de transistor, puisqu’une injection d’électrons avec des électrodes source et drain en or est extrêmement dicile. En eet, si on tient compte des niveaux énergétiques de l’or et du tétracène, tracés sur la Figure 1.25.c, la barrière de potentiel des électrons est très grande (2,7 eV). Néanmoins, lors de l’application de tensions très élevées, les électrons sont injectés par eet tunnel, comme suggéré par Santato et al. [47]. Les trous et les électrons se recombinent, induisant l’émission de lumière verte, visible sur la Figure 1.25.b. L’accomplissement est grand, mais les performances en terme de luminescence d’un tel dispositif sont bien loin de celles des OLEDs.
A partir de là, de nombreuses recherches ont été eectuées en changeant les matériaux des électrodes, an d’adapter les niveaux énergétiques, pour une meilleure injection d’électrons. Les métaux principalement utilisés sont l’aluminium, le magnésium et le calcium. Bien que l’injection soit adaptée, l’émission reste localisée au niveau du drain car les électrons sont piégés dans le semi-conducteur organique et à la surface du diélectrique.
Le transistor organique émetteur de lumière ambipolaire
Description du régime ambipolaire
Un transistor ambipolaire possède la caractéristique principale de pouvoir transporter à la fois des trous et des électrons suivant la valeur des tensions appliquées. En comptant l’accumulation de trous et d’électrons dans des transistors unipolaires de type p et n respectivement, il s’agit d’un troisième régime de fonctionnement distinct. Dans ce dernier, il existe une zone d’accumulation de trous et une zone d’accumulation d’électrons dans le canal conducteur, pouvant être en série ou en parallèle, suivant la géométrie du transistor. Toutes les géométries seront présentées dans les prochaines sous-parties. Les caractéristiques courant-tension de ce type de transistor sont représentées sur la Figure 1.26. La courbe de transfert est caractérisée par une forme en « V » où les trois régimes de fonctionnement cohabitent. La courbe de sortie montre une forme quadratique du courant pour de basse tension de grille et haute tension drain-source, et une forme « classique » avec un régime linéaire et saturé pour des tensions de grille plus élevées. Prenons un transistor ambipolaire avec des tensions de seuil Vth;e et Vth;h, respectivement pour les électrons et les trous. La source est à la masse (Vs = 0) et le potentiel appliqué au drain est positif. En appliquant une tension de grille positive supérieur à Vth;e, une injection d’électrons de la source vers le drain va se produire, comme dans tout OFET unipolaire de type n. Dans le cas où V g < Vd, le potentiel de la grille devient négatif. Cela n’a pas d’impact pour un transistor unipolaire, mais dans un transistor ambipolaire, le drain a la capacité d’injecter des trous, puisqu’une tension négative est appliquée sur la grille. Si cette diérence de potentiel devient plus négative que la tension de seuil des trous (Vg – Vd ≤ Vth;h), les trous sont alors injectés par le drain et se déplacent dans le canal conducteur. Maintenant si Vg ≤ Vth;e, le transistor se comportera comme un type p unipolaire. Pour des tensions Vg et Vd négatives, la source injecte alors des trous et le drain des électrons.
OLET ambipolaire multicouches
Le permier OLET fonctionnant en mode ambipolaire a été développé en 2004, par Rost et al. [51], en utilisant un mélange de deux semi-conducteurs organiques. Sa structure est représentée sur la Figure 1.27.a. Une co-évaporation de PTCDI-C13H27, un transporteur d’électrons, et de α-T5, un transporteur de trous, a été faite pour réaliser le mélange. Ce dernier forme une hétérojonction en volume avec une répartition aléatoire des deux matériaux. Les charges se frayent alors un chemin dans le volume et l’émission de lumière se produit à l’interface entre les deux matériaux. Rost et al. reportent une mobilité proche pour les électrons et les trous, respectivement de 10–3 et 10–4 cm2/V.s. Le transistor émet de la lumière lorsque l’accumulation d’électrons est prédominante, pour une tension de grille faible et une tension drain-source élevée.
Le transport des charges dans un mélange est dicile car la couche organique comporte des agglomérats de type p et n. Il faut alors apporter aux charges une énergie plus importante pour les faire migrer, selon le mécanisme par saut, d’une molécule qui leur est favorable à une autre. Cet arrangement d’agglomérats tend à réduire le transport des charges au sein de la couche organique, limitant ainsi les performances du transistor. Il a été démontré que le mélange de semi-conducteur organique diminue signicativement la mobilité des porteurs de charge dans le canal conducteur, par rapport à la valeur de mobilité intrinsèque des matériaux [51] [52]. De plus, l’hétérojonction en volume favorise la dissociation des charges après leur recombinaison, réduisant l’extraction de photons.
Transport ambipolaire dans les semi-conducteurs organiques
Pour tous les OLETs ambipolaires décrits précédemment, deux semi-conducteurs organiques étaient nécessaires pour conduire les électrons et les trous. Mais est-il possible d’avoir un transport ambipolaire dans un seul semi-conducteur organique ? La première condition est d’avoir un matériau qui conduit à la fois les deux porteurs de charge. Des études théoriques ont démontré que la quasi-totalité des petites molécules et des polymères conjugués ont intrinsèquement la capacité de conduire aussi bien les électrons que les trous [57] [58]. En revanche, on remarque d’un point de vue expérimental, tant pour les transistors que pour les diodes électroluminescentes, que les semi-conducteurs organiques ont tendance à conduire préferentiellement un seul type de porteur, en raison d’impuretés (chimiques et physiques) présentes dans le matériau. Celles-ci agissent, suivant le matériau semi-conducteur, comme des pièges à trous ou à électrons. De plus, il est connu que les électrons sont plus facilement piègés dans ce type de matériau. Anthopoulos et al. ont montré que les semi-conducteurs avec une anité électronique < 4 eV sont instables et réagissent avec l’eau et l’oxygène [59], nécessitant une étude sous atmosphère inerte.
Un autre facteur à prendre en compte est le diélectrique de grille, qui à tendance à piéger les électrons. C’est le cas par exemple du SiO2 ou de certains isolants polaires. Cette partie sera approfondie en détails dans le chapitre 2.
Enn, il faut pouvoir injecter les deux types de charge dans le canal conducteur. Les électrodes en or sont très utilisées pour injecter les trous car il s’agit d’un métal stable, et son niveau de Fermi est bien aligné avec le niveau HOMO de la plupart des matériaux organiques. En raison de leur large bande interdite, l’injection d’électrons avec des électrodes en or est dicile à cause d’une barrière de potentiel > 2 eV. L’utilisation de semi-conducteurs organiques avec une anité électronique > 4 eV permet de réduire la barrière de potentiel, et donc d’injecter des électrons. Le calcium, le magnésium et l’aluminium restent plus favorables à une injection d’électrons mais sont sensibles aux conditions ambiante.
Description de la polarisation dans les diélectriques
Au chapitre précédent, les phénomènes physiques entraînant la conductivité électrique dans les matériaux π-conjugués ont été étudiés. Dans les diélectriques, très peu de charges libres permettent la circulation d’un courant électrique. Néanmoins, ces matériaux ne sont pas inertes électriquement. Lorsqu’un champ électrique est appliqué, les charges vibrent et peuvent se déplacer localement entraînant un courant de déplacement : il y a alors apparition d’une polarisation. Ce mécanisme de déformation de la répartition des charges électriques est à diérencier du mécanisme de conduction. Durant la polarisation, les charges ne peuvent jamais quitter la molécule, alors que la conduction est le déplacement des charges sur de longues distances. De plus, dans les matériaux diélectriques, lorsque l’eet du champ électrique externe disparaît, les charges reviennent à leur position initiale, ce qui n’est pas le cas dans un processus de conduction. Il existe aussi un phénomène de conduction dans les matériaux isolants, principalement assuré par les impuretés présentes dans le matériau comme l’eau, pouvant fortement impacter les propriétés de l’isolant. Une étude de l’eet de l’humidité sur des diélectriques est menée dans la partie 4.2.1, page 102.
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Table des matières
1 Généralités sur les transistors organiques
1.1 Les semi-conducteurs organiques
1.1.1 Types de matériaux organiques
1.1.2 Caractère semi-conducteur des matériaux organiques
1.1.3 Structure électronique dans les polymères conjugués
1.1.4 Notion de longueur de conjugaison
1.1.5 La conductivité dans les polymères conjugués
1.1.6 Les diérents porteurs de charge
1.1.7 Notion de densité d’états électroniques
1.1.8 Modèles de transport de charges dans les semi-conducteurs organiques
1.1.8.1 Transport par bande
1.1.8.2 Transport par saut (Hopping)
1.1.8.3 Transport par piégeage-dépiégeage multiple (MTR)
1.2 Le transistor organique à eet de champ
1.2.1 Historique
1.2.2 Principe de fonctionnement
1.2.3 Conditions d’injection de charges
1.2.4 Caractéristiques électriques des transistors
1.2.4.1 Courbe de sortie
1.2.4.2 Courbe de transfert
1.2.5 Dénition et extraction des paramètres du transistor
1.2.5.1 La mobilité des porteurs de charge dans le canal conducteur
1.2.5.2 La tension de seuil
1.2.5.3 Le rapport ION/IOF F
1.2.5.4 La résistance des contacts
1.2.5.5 La pente sous le seuil
1.2.6 Les structures du transistor organique
1.2.7 Les applications
1.3 Le transistor organique émetteur de lumière
1.3.1 Introduction
1.3.2 Le transistor organique émetteur de lumière unipolaire
1.3.3 Le transistor organique émetteur de lumière ambipolaire
1.3.3.1 Description du régime ambipolaire
1.3.3.2 OLET ambipolaire multicouches
1.3.3.3 Transport ambipolaire dans les semi-conducteurs organiques
1.3.3.4 OLET ambipolaire monocouche
1.4 Conclusion du chapitre
2 Théorie et état de l’art des diélectriques de grille
2.1 Théorie des diélectriques
2.1.1 Dénition
2.1.2 Description de la polarisation dans les diélectriques
2.1.3 Polarité des liaisons chimiques
2.1.4 Les types de polarisation
2.1.5 Ferroélectricité
2.2 Etat de l’art des diélectriques de grille
2.2.1 Introduction
2.2.2 Importance du diélectrique dans les OFETs
2.2.3 Les catégories de diélectrique
2.2.3.1 Inorganique
2.2.3.2 Organique
2.2.3.3 Monocouches auto-assemblées
2.2.3.4 Hybride
2.3 Conclusion du chapitre
3 Réalisation des transistors organiques et présentation des techniques de caractérisation
3.1 Les techniques de caractérisation de couches minces
3.1.1 Prolomètre mécanique
3.1.2 La microscopie à force atomique (AFM)
3.1.3 Mesure d’angle de contact (Digidrop)
3.2 Mise au point des dispositifs OFETs
3.2.1 Le substrat et l’électrode de grille
3.2.1.1 Le nettoyage des substrats
3.2.2 Le diélectrique de grille
3.2.2.1 L’enduction centrifuge
3.2.2.2 Le protocole de dépôt
3.2.3 Le semi-conducteur organique
3.2.3.1 L’évaporation sous vide
3.2.3.2 Le protocole expérimental
3.2.4 Les électrodes drain et source
3.2.4.1 Le canon à électrons
3.2.4.2 Le protocole expérimental
3.2.5 Résumé des étapes de fabrication
3.3 Caractérisations électriques des transistors
3.4 Conclusion du chapitre
4 Caractérisations des transistors organiques et interprétations des résultats
4.1 OFETs réalisés à base de PMMA
4.1.1 Inuence de la longueur du canal conducteur
4.1.2 Inuence de la vitesse de dépôt du semi-conducteur organique
4.1.3 Inuence de l’épaisseur de la couche isolante
4.1.4 Résultat de l’optimisation des paramètres
4.1.5 Positionnement par rapport à la littérature
4.2 OFETs réalisés à base de P(VDF-TrFE)
4.2.1 Eet de l’humidité lors du dépôt des matériaux ferroélectriques
4.2.2 Inuence de la structure de l’isolant
4.2.2.1 Étude des capacités
4.2.2.2 Étude morphologique
4.2.2.3 Caractérisations I-V des transistors organiques
4.2.2.4 Reproductibilité des résultats
4.2.3 Inuence de l’épaisseur du diélectrique P(VDF-TrFE)/PMMA
4.3 Étude préliminaire du P(VDF-TrFE-CFE)
4.3.1 Eet de la température de recuit
4.3.2 Inuence de la structure de l’isolant
4.3.2.1 Caractérisation des capacités
4.3.2.2 Caractérisation morphologique
4.3.2.3 Caractérisations I-V des transistors organiques
4.4 Conclusion du chapitre
Conclusions et persp
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