Modèles de molécules biologiques sondés vibrationnellement et électroniquement en phase gazeuse

Le jet supersonique

                    Les premiers jets supersoniques ont été mis au point en 1951 par Kantrowitz et Grey [55] et sont des outils très utilisés pour réaliser la spectroscopie de molécules et de complexes [56, 57]. Ils permettent en eet d’avoir une densité importante de gaz dans le jet (comparé à un jet eusif) tout en permettant aux systèmes étudiés (atomes, molécules) d’être isolés dans une zone quasiment sans collision, de refroidir ecacement le gaz et enn d’obtenir une distribution de vitesse très ne. Très schématiquement, le principe d’un jet supersonique est de transférer l’enthalpie initiale du gaz en énergie cinétique translationnelle d’ensemble via les nombreuses collisions qui ont lieu au début de la détente [56]. Dans le cas des molécules, ces collisions permettent également de les refroidir vibrationnellement et rotationnellement. Bien que la notion de température soit très discutable pour une molécule isolée 2 , il est courant d’avoir des températures vibrationnelles de l’ordre de 40 K et rotationnelles de l’ordre de 10 K dans un jet supersonique [58]. Dans ces gammes de températures, la congestion spectrale, qui caractérise les spectres moléculaires à la température ordinaire, n’est plus présente, ce qui conduit à une simplication drastique des spectres (d’absorption ou autres) et permet ainsi une interprétation plus simple. Un jet supersonique est obtenu en détendant un gaz initialement à pression et température génératrices P0 et T0, dans une enceinte sous vide à la pression P1. Cette détente se fait à travers une tuyère de diamètre D. Pour que le jet soit supersonique, la pression génératrice P0 et la pression de l’enceinte P1 doivent vérifier une condition qui dépend de la nature du gaz [57]. Par exemple, pour un gaz d’hélium, cette condition est : P0 > 2P1. La valeur de la pression résiduelle de l’enceinte est un paramètre important car elle influence la nature des interactions entre le gaz détendu et le gaz résiduel de l’enceinte [59, 60, 61].
1. Cette notation signifie que le spin total de la porphyrine métallique est un doublet et que le spin local des électrons du cycle de la porphyrine (sans le métal) est un état triplet.
2. Parler d’énergie serait plus correct.
Il est possible d’estimer les propriétés du jet (température, pression, densité, …) à partir des paramètres du jet (P0, P1, D) et du coefficient adiabatique du gaz (rapport de ses capacités thermiques à pression et volume constant) [57]. Le refroidissement des molécules s’arrête lorsque la densité de molécules dans le jet n’est plus suffisante pour que les collisions se produisent. Le jet moléculaire est alors libre et les molécules refroidies sont isolées et évoluent dans un environnement presque sans collisions. Les conditions sont alors favorables pour réaliser la spectroscopie de ces molécules sur un montage expérimental tel que ceux présentés ici. La méthode spectroscopique utilisée dans le cadre de cette thèse est la spectroscopie d’ionisation résonnante à deux photons décrite ci-dessous.

Double résonance IR/UV

                La spectroscopie par double résonance IR/UV permet d’enregistrer les spectres vibrationnels de l’état électronique fondamental des molécules étudiées, en tirant parti de la sélectivité en conformation apportée par la méthode IR2P-1C. Cette méthode permet ainsi d’enregistrer les signatures vibrationelles de l’état fondamental d’un conformère particulier. Cette technique a été utilisée pour enregistrer les spectres IR des chaînes peptidiques composées du résidu phénylalanine présentés dans le Chapitre 3. Cette méthode est une méthode de type pompe-sonde, utilisant un laser IR (pompe) et un laser UV (sonde). La longueur d’onde du laser IR est balayée autour de la transition vibrationnelle étudiée. L’énergie des photons du laser de sonde UV est fixe et est égale à l’énergie d’une transition électronique du conformère sélectionné. L’absorption des photons UV par la conformation sélectionnée permet d’obtenir un signal IR2P-1C constant en l’absence du laser IR. Le laser IR est envoyé en premier, suivi du laser UV. Le recouvrement spatial des deux taches lasers est nécessaire. Lorsque l’énergie des photons IR est en résonance avec une transition vibrationnelle de l’état fondamental d’un conformère, la molécule est excitée et l’état fondamental S0 se dépeuple. Ainsi, lorsque les photons UV illuminent ensuite les molécules excitées, l’absorption des photons UV par ces dernières n’est plus possible. Le signal d’ion IR2P-1C diminue alors, en conséquence de la dépopulation de l’état fondamental causée par l’absorption d’un photon du laser IR. A l’inverse, lorsque l’énergie des photons IR n’est pas en résonance avec une transition vibrationnelle du conformère, le signal IR2P-1C reste constant. Ainsi, la mesure du spectre IR est réalisée en suivant la déplétion du signal IR2P-1C en fonction de la longueur d’onde du laser IR. La Figure 1.2 illustre le principe de cette méthode. Il est possible que le rayonnement IR excite vibrationnellement un autre conformère. Cependant, cette excitation ne sera pas responsable de la déplétion du signal IR2P-1C puisque l’énergie du photon UV ne permet d’exciter électroniquement qu’un conformère particulier. Ainsi, le spectre IR mesuré correspond à la signature vibrationelle d’un seul conformère sectionné par le choix de longueur d’onde du laser UV.

Mise en phase gazeuse des petits peptides

                 La mise en phase gazeuse de molécules d’intérêt biologique est un véritable challenge car il est nécessaire que la méthode employée n’abîme pas les molécules. Par ailleurs, il faut que la densité de molécules neutres évaporées soit suffisamment importante de manière à pouvoir facilement détecter les ions formés. La mise en phase gazeuse de ce type de molécules est réalisée par désorption laser [63, 64]. Cette technique consiste à focaliser un laser pulsé sur une tablette solide, placée juste après la sortie de la tuyère. Cette dernière est un mélange de la molécule étudiée (sous la forme d’une poudre fine) et d’une matrice constituée d’un matériau absorbant les photons. L’énergie lumineuse absorbée provoque un chauffage rapide de la matrice et les molécules sont alors sublimées. L’énergie par impulsion de laser de désorption permet de contrôler la quantité de molécules volatilisées. Lors de la désorption laser, il est possible que des fragments neutres de la molécules se forment. Cependant les techniques de spectroscopie et de détection utilisées, notamment la spectrométrie de masse, permettent de ne sélectionner que le signal provenant des molécules d’intérêt. Divers problèmes peuvent survenir si le laser de désorption illumine toujours la même surface. Ainsi, des mécanismes de translation et/ou de rotation de la tablette sont utilisés afin de changer continuellement la surface éclairée et maximiser la surface de la tablette utilisée. Ces mécanismes permettent de limiter la dégradation de la tablette dans le temps en répartissant son usure sur la plus grande surface possible. Ces précautions d’utilisation de la tablette ont pour objectif de sublimer une quantité de molécules la plus stable possible au cours des différentes acquisitions [62, 65]. Bien sûr, les molécules désorbées sont chaudes. Dans le cas des chaînes peptidiques, qui sont des systèmes flexibles, l’énergie emmagasinée lors du processus de désorption leur permet de parcourir un très large paysage conformationnel (Figure 1.5). Il est alors nécessaire de refroidir ces molécules afin de les piéger dans des minima locaux de leur surface de potentiel et ainsi d’isoler les structures les plus stables. Cela permet également de refroidir le plus possible les degrés de liberté vibrationnels et rotationnels de la molécule. Cette étape est importante pour l’obtention des signatures électroniques résolues et par conséquent, des signatures vibrationnelles attribuables à des conformères spécifiques. C’est la raison pour laquelle, une fois désorbées, les molécules sont refroidies dans une détente supersonique.

Génération du jet supersonique

              Pour générer le jet supersonique, un mélange d’hélium-néon (70-30 %), à pression P0 = 18 bars et à température ambiante, est détendu à travers une tuyère de 1 mm de diamètre. La vanne pulsée (General Valve) fonctionne à 10 Hz. La tablette, qui est xée à un système de translation horizontal [65], est placée de façon à ce que la surface irradiée par le laser de désorption soit située assez proche du milieu de l’oriffce de la tuyère, typiquement à un demi-rayon du centre. Le choix d’une telle configuration, dont on pourrait penser qu’elle soit potentiellement dommageable au jet, assure aussi (et surtout) une bonne interaction entre les molécules désorbées et le gaz porteur, optimisant ainsi les collisions et le refroidissement moléculaire. Dans le Chapitre 3, des molécules de la famille des alkylbenzènes ont également été étudiées. A température ambiante et pression atmosphérique, ces molécules sont liquides. Un cylindre contenant quelques gouttes du produit a été placé sur la ligne d’injection du gaz porteur, de sorte à ce que lorsque la vanne s’ouvre, le gaz porteur entraîne avec lui les molécules. Pour l’étude des alkylbenzènes, une pression génératrice du gaz de 4 bars a été utilisée. Le jet moléculaire refroidi est ensuite extrait du jet supersonique par un écorceur de 2 mm de diamètre et pénètre dans la zone d’extraction du spectromètre de masse à temps de vol.

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Table des matières

Introduction
1 Méthodologies 
1.1 Molécules refroidies dans un jet supersonique
1.1.1 Le jet supersonique
1.1.2 Méthodes spectroscopiques IR2P
1.1.3 Description des montages expérimentaux SBM et Edelweiss
1.1.4 Particularités du montage SBM
1.1.5 Particularités du montage Edelweiss
1.2 Molécules refroidies dans une gouttelette d’hélium
1.2.1 Quelques propriétés des agrégats d’hélium
1.2.2 Principe de mesure
1.2.3 Description du dispositif expérimental Gouttelium
1.3 Les calculs de chimie quantique
1.3.1 Principe de la DFT-D
1.3.2 Niveau de calculs des différentes études
1.3.3 Optimisation des structures : énergies et fréquences de vibrations
2 Structures de molécules d’intérêt biologique 
2.1 La molécule de 4(5)-méthylimidazole et ses hydrates dans des agrégats d’hélium
2.1.1 La tautomérisation de la molécule de 4(5)-MeIm
2.1.2 Les complexes 4(5)-MeIm-Eau
2.2 Paysage conformationnel de deux petites chaînes peptidiques contenant le résidu phénylalanine
2.2.1 La molécule de 3-phénylpropanamide
2.2.2 La molécule de N-phénéthylacétamide
2.2.3 Mesures des durées de vie de l’état S1(ππ∗) de 3PPA et de NPEA
2.3 Conclusion 
3 Désexcitation du premier état excité 1ππ∗ du résidu phénylalanine dans des peptides modèles 
3.1 État de l’art et objectifs de cette étude
3.1.1 Photophysique des groupements phényles : benzène et toluène
3.1.2 Photophysique des petits peptides
3.1.3 Problématiques de cette étude
3.2 Principe de la sonde des états triplets par photoionisation 
3.2.1 Photoinisation des états triplets
3.2.2 Expérience pompe-sonde et limitations temporelles
3.2.3 Modèle de désexcitation via un état triplet
3.3 Détection des états triplets dans des dérivés du benzène
3.3.1 La molécule modèle de toluène
3.3.2 Détection de l’état triplet de trois alkylbenzènes
3.4 Détection de l’état triplet de modèles de chaînes peptidiques
3.4.1 Les chaînes peptidiques étudiées
3.4.2 Résultats expérimentaux et analyse qualitative
3.4.3 Analyse quantitative
3.4.4 Modélisation de la perte de la population de l’état triplet
3.5 Éclairage théorique et interprétation des expériences pompe-sonde nanoseconde
3.5.1 Résultats des calculs de chimie quantique
3.5.2 Interprétation des expériences pompe-sonde
3.6 Considérations sur la dynamique de l’état S1(ππ∗)
3.7 Conclusion 
4 Détection de l’état tripdoublet de deux porphyrines de cuivre 
4.1 Propriétés des métalloporphyrines : états électroniques et leurs dynamiques
4.1.1 Premiers états électroniques des porphyrines
4.1.2 Dynamique de ces états électroniques
4.2 Spectroscopie d’action triplet de CuTPP et CuOEP
4.2.1 Considérations expérimentales
4.2.2 Résultats expérimentaux : spectres d’action triplet
4.2.3 Discussion
4.2.4 Conclusions
4.3 Dynamique des états 2T formés après excitation de la bande Q de CuTPP et CuOEP
4.3.1 Considérations expérimentales
4.3.2 Déclin de l’état 2T
4.3.3 Discussion
4.4 Conclusion 
Conclusion

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