Modèles de matériaux poroélastiques et méthodes associées

Modélisation des interfaces dissipatives en vibroacoustique

Que sont les interfaces dissipatives ?

Le terme d’interface dissipative désigne dans ce travail les couches utilisées massivement dans l’industrie du transport (automobile et aéronautique) afin, d’une part, d’absorber au maximum les réflexions des ondes sonores émises par les sources acoustiques présentes à l’intérieur des cavités acoustiques ; d’autre part de minimiser la transmission des ondes sonores depuis le milieu extérieur jusqu’à l’intérieur de la cavité acoustique. Par cavité acoustique on entend un volume d’air fermé, délimité par des éléments structurels, dans lequel peuvent être présents des passagers. Par exemple, l’intérieur d’un wagon de train, d’une cabine d’avion, l’habitacle d’une voiture. Afin de réaliser ces deux fonctions tout en conservant une masse faible et un coût de production réduit, les matériaux poroélastiques sont très souvent utilisés. Ces matériaux sont des matériaux hétérogènes, composés d’un squelette élastique saturé par un fluide. Ces deux phases interagissent à l’échelle microscopique, menant à un couplage fort entre les deux phases. Le volume rempli par la phase fluide est appelé pores. Deux types de pores peuvent exister : pores ouverts, formant un réseau inter–connecté, et pores fermés, isolés à l’intérieur du squelette, sans qu’une circulation de fluide ne puisse avoir lieu. D’un point de vue mécanique, ce deuxième type de pores n’a qu’un rôle sur la réponse du squelette, son influence peut donc être inclue dans les paramètres mécaniques du matériau constituant le squelette. On appelle porosité (ou porosité ouverte) le rapport du volume rempli par la phase fluide dans les pores ouverts sur le volume total.

Ce type de matériaux est présent dans la nature sous de nombreuses formes : (i) les géomatériaux (étudiés dans le contexte de la prospection pétrolière, des problèmes d’érosion ainsi que pour l’isolation thermique des bâtiments), (ii) les biomatériaux (étudiés dans un contexte médical) et (iii) les matériaux absorbants acoustiques, ayant de bonnes propriétés d’insonorisation. Seuls ces derniers types de matériaux sont étudiés dans ce travail, bien que les approches numériques présentées par la suite puissent être adaptées selon le contexte .

Les matériaux poreux utilisés pour l’insonorisation sont saturés par un fluide compressible, l’air ambiant. Ils possèdent des caractéristiques très intéressantes qui justifient leur utilisation pour la réduction passive de bruit. En effet, outre leur légèreté, trois types de mécanismes de dissipation de l’énergie coexistent : un amortissement dû aux pertes dans le squelette (amortissement structurel), un amortissement dû aux frottements entre les deux phases (amortissement visqueux), et un amortissement dû aux transferts thermiques entre les deux phases (amortissement thermique). Le premier type d’amortissement est classique en mécanique des structures. Dans le contexte de l’étude on considère que cet amortissement est indépendant de la fréquence (amortissement hystérétique). Il ne dépend pas de la présence du fluide entre les pores, il peut donc être identifié quand le squelette est asséché, ou in vacuo. Une modélisation plus complexe avec des modèles viscoélastiques du squelette est toutefois envisageable, mais pour les matériaux insonorisants usuels, la dissipation structurelle est faible devant la dissipation visqueuse et thermique dans la phase fluide. Ces deux mécanismes dissipatifs de l’énergie dépendent du rapport entre la taille des pores et les effets de couches limites (visqueuse et thermique). Ces effets dépendent donc de la fréquence d’excitation.

Si ces matériaux sont très efficaces dans le domaine des hautes fréquences (typiquement plusieurs kHz), leur efficacité est moindre dans les basses fréquences. À cela différentes causes. D’une part, il est bien connu que pour atténuer des grandes longueurs ondes, de grande épaisseurs sont nécessaires, mais cela n’est pas possible pour des raisons de masse et d’encombrement. D’autre part, si un matériau poreux constitue un bon absorbant acoustique, sa perméabilité sur ses deux extrémités en fait un piètre isolant. Les interfaces dissipatives utilisées dans l’industrie combinent grâce à une configuration multicouche les avantages des matériaux poroélastiques, des matériaux élastiques rigides et des matériaux viscoélastiques. Ces interfaces sont alors appelées panneaux insonorisant. Enfin, deux types d’interfaces peuvent être distinguées : une interface à réaction locale et une interface à réaction non locale. La plupart des matériaux poreux peuvent être vus comme ayant une réaction locale. Cela signifie qu’une force ponctuelle n’engendre un déplacement qu’au point d’application. Des interfaces dissipatives multicouches incluant des plaques élastiques simplement supportées ou des cavités d’air internes génèrent des réactions non locales, par exemple de type modales. D’autre part, beaucoup d’efforts sont fait actuellement pour améliorer l’efficacité acoustique d’une interface, notamment en utilisant des effets non locaux, induits par exemple par des plaques perforées.

La nature multiphysique, la géométrie complexe et le fort potentiel des matériaux poreux pour l’acoustique s’est traduit par un grand nombre de travaux depuis les années 1950. Cela a donné naissance à une théorie des matériaux poreux pour l’acoustique qui fournit une description complète des différents types de couplage et des mécanismes dissipatifs. Cette théorie appelée modèle de Biot–Allard est considérée comme une référence par la communauté académique et industrielle. La complexité du modèle offre la possibilité de dimensionner et d’optimiser les interfaces dissipatives à base de matériaux poroélastiques dans des cas industriels. Avant d’en arriver à cet objectif final, il est nécessaire de pouvoir prédire à moindre coût l’efficacité d’un panneau insonorisant.

Modèles théoriques de matériaux poroélastiques

Historiquement, les matériaux poreux en acoustique ont d’abord été étudiés pour le capacité à absorber les ondes sonores. Étant composés très majoritairement d’air, la première idée a été de supposer que le squelette n’est pas mis en mouvement par les ondes de pression et que seul le fluide saturant est mis en mouvement. Ce modèle de fluide équivalent, appelé modèle de fluide équivalent avec hypothèse de squelette immobile a été proposée par Zwikker et Kösten en 1949 [4]. Ce modèle nécessite deux paramètres (la vitesse de ondes de compression et la compressibilité du fluide. Ce modèle est basé sur cette hypothèse forte ainsi que sur l’hypothèse de pores cylindriques à section circulaire de même direction. Si la réalité de ces hypothèses est discutable, ce modèle a permis d’identifier les mécanismes d’amortissement visqueux et thermique, ainsi qu’une fréquence de découplage des deux phases. Ce modèle a été enrichi progressivement, de manière analytique en supposant des formes de pores plus complexes [5] et de manière empirique par Delany et Bazley ([6]), puis par Miki ([7]), qui ont supposé que la masse volumique, la porosité et la résistivité du milieu sont les paramètres les plus influents sur l’efficacité du matériau et proposé une loi donnant les paramètres du fluide équivalent en fonction de ces paramètres. Ces modèles ont été complétés afin de couvrir une très grande variété de matériaux [8, 9].

Parallèlement à ces travaux, Biot [10, 11, 12] a proposé une vision radicalement différente du problème. Initialement dédiée au géomatériaux, cette modélisation a ensuite été adaptée pour les matériaux acoustiques. Ce modèle permet de modéliser l’intégralité des phénomènes observés dans un cadre de vibroacoustique. Au lieu de considérer deux phases distinctes, Biot fait l’hypothèse d’un Volume Élémentaire Représentatif (VER). Ce volume est grand par rapport à la taille des pores, et petit devant les longueurs d’ondes. Cette hypothèse permet d’obtenir une description homogénéisée du milieu biphasique. D’un milieu biphasique hétérogène, Biot passe à un modèle homogène équivalent continu, dans lequel en chaque point les deux phases sont présentes. Les paramètres du matériau équivalent sont identifiés par des considérations énergétiques par une approche lagrangienne. De nombreux travaux ont été réalisés par la suite pour intégrer la dépendance fréquentielle des interactions thermiques et visqueuses, notamment par Johnson et al.[13], Lafarge et al.[14], Champoux et Allard [15]. Ce modèle est parfaitement compatible avec le modèle de fluide équivalent (squelette immobile). Tous les détails sur ces différents modèles sont recensés dans le livre de référence écrit par Allard et Atalla [16].

Finalement, pour modéliser une interface dissipative multicouche, composée de couches poreuses, de couches viscoélastiques et de couches d’air, deux approches peuvent être dégagées. D’une part, la modélisation couche par couche utilisant l’une des théories précédemment citées pour les matériaux poreux. Ce type de modélisation, a priori plus complet, nécessite beaucoup de soin au niveau des interfaces entre les différentes couches pour garantir la convergence des résultats. Cela implique, outre une complexité de modélisation, un ajout d’un grand nombre d’inconnues au problème, et donc une grande augmentation des temps de calcul. Une autre approche consiste à considérer que l’interface dissipative ne joue le rôle que d’une condition aux limites particulière. Cette condition aux limites peut être représentée sous la forme d’un unique coefficient : impédance de surface ou coefficient d’absorption. Le premier modèle est plutôt dédié à une modélisation par éléments finis, tandis que le second est une approche plutôt hautes fréquences, et est par conséquent utilisée dans des approches type SEA ou tir de rayons. La difficulté est que ce coefficient dépend de la configuration géométrique du problème et sa valeur exacte ne peut donc pas être déterminée directement dans le cas général. Enfin, cette approche est limitée au cas de matériaux à réaction locale.

Revue des techniques numériques classiques

La complexité géométrique, l’aspect multiphysique rendent les solutions purement analytiques limitées à des configurations très simples. Deux méthodes sont couramment utilisées dans le monde académique et industriel, de manière complémentaire : la méthode des matrices de transfert, et la méthode des éléments finis. La méthode des matrices de transfert (TMM) [17, 16, 18] est une méthode semi– analytique, faisant l’hypothèse d’une géométrie plane de dimensions latérales infinies et dédiée au calcul de la réponse d’un panneau acoustique à un champ de pression de type ondes planes. Le modèle de Biot–Allard faisant apparaître des solutions sous la forme d’ondes, des relations reliant les extrémités de chaque couche sont écrites, permettant de relier les conditions aux limites exercées aux deux extrémités du multicouche. Cette méthode permet de calculer à coût très faible le coefficient d’impédance de surface, comme une fonction des matériaux, de leur disposition, de la fréquence et de l’angle d’incidence de l’excitation. Elle peut être étendue au cas d’une excitation ponctuelle ou d’un champ diffus. La méthode des éléments finis (FEM) [19] est une méthode numérique basée sur la discrétisation spatiale du domaine. Elle est particulièrement adaptée aux géométries complexes, et permet de prédire avec une très faible erreur la réponse dynamique de systèmes structure–cavité avec interfaces dissipatives. Cette méthode est couramment utilisée dans l’industrie pour des problèmes sans interface dissipative, il a donc été naturel d’étendre cette méthode au modèle de Biot–Allard. Ce travail a été fait dans les années 1990 par de nombreux auteurs , à la fois pour les modèles de fluide équivalent et le modèle de Biot–Allard.

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Table des matières

Introduction générale
1 Modèles de matériaux poroélastiques et méthodes associées
1.1 Modélisation des interfaces dissipatives en vibroacoustique
1.1.1 Que sont les interfaces dissipatives ?
1.1.2 Modèles théoriques de matériaux poroélastiques
1.1.3 Revue des techniques numériques classiques
1.2 Modèles usuels
1.2.1 Modèle d’impédance localisée
1.2.2 Modèle de fluide équivalent
1.2.3 Modèles de plaque équivalente
1.2.4 Modèle de Biot–Allard
1.2.5 Conclusion
1.3 Méthodes de résolution
1.3.1 Méthode TMM (Transfer Matrix Method)
1.3.2 Méthode WBM (Wave Based Method)
1.3.3 Éléments finis et méthodes de réduction
1.4 Méthodes de guide d’onde
1.4.1 Approches périodiques analytiques
1.4.2 Méthode SAFE (Semi–Analytical Finite Elements)
1.4.3 Méthode WFE (Wave Finite Element Method)
1.5 Remarques sur les différents types de modèles
1.5.1 Impédance ou modèle de Biot–Allard
1.5.2 Fluide équivalent ou modèle de Biot–Allard
1.5.3 Conclusion
1.6 Conclusion du chapitre
2 Application de la WFE aux matériaux poroélastiques
2.1 Introduction
2.2 Méthode WFE
2.2.1 Propagation unidirectionnelle
2.2.2 Propagation bidirectionnelle
2.2.3 Sources d’erreurs
2.2.4 Post-traitement
2.2.5 Conclusion
2.3 Validation de la WFE dans le cas de conditions aux limites latérales infinies
2.3.1 Cas de la formulation déplacement-déplacement total UUt
2.3.2 Cas des formulations déplacement-pression UP-a et UP-b
2.3.3 Conclusion
2.4 Propagation d’ondes dans un milieu poreux d’épaisseur finie par la méthode WFE2D
2.4.1 Formulation UUt
2.4.2 Formulation UP-a
2.4.3 Formulation UP-b
2.4.4 Conclusion
2.4.5 Paramètres numériques
2.4.6 Conclusion
2.5 Conclusion du chapitre
3 Propagation d’ondes dans des plaques multicouches
3.1 Introduction
3.2 Modèles analytiques de plaques poroélastiques
3.2.1 Modèle d’ordre 0
3.2.2 Modèle d’ordre 0
3.2.3 Modèle d’ordre 1 sans phase fluide
3.3 Structure monocouche
3.3.1 Modèle de solide équivalent
3.3.2 Modèles de plaque équivalente
3.4 Composite bicouche
3.4.1 Ondes longitudinales et transversales
3.4.2 Onde de flexion solide
3.4.3 Effet de la phase fluide
3.4.4 Paramètres de plaque équivalente en flexion
3.5 Composite tricouche .
3.5.1 Courbes de dispersion
3.5.2 Ondes dominées par les peaux
3.5.3 Onde associée à la phase fluide du cœur
3.6 Conclusion du chapitre
4 Réponse forcée par approche ondulatoire
Conclusion générale

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