Modèles de diffusion océanique
Télédétection micro-onde sur la surface océanique
La modélisation et la simulation de la réponse radar de la surface de mer est un problème double : la modélisation du problème de diffraction électromagnétique sur la surface, ainsi que la modélisation statistique et hydrodynamique de cette surface dont les composantes entrent en interaction avec l’onde électromagnétique incidente. Cette partie s’attachera d’abord à la description statistique de la surface de mer, caractérisée pour notre application par sa hauteur, ses pentes et son spectre. Ces grandeurs statistiques serviront comme entrées des modèles de diffusion électromagnétique abordés par la suite.
Description de la surface océanique
La surface de mer est siège d’agitations et d’interactions complexes à différentes échelles spatiales et temporelles. Vu son état chaotique, sa structure présente un aspect aléatoire dont la modélisation déterministe est difficile. La pertinence d’une description statistique de la surface océanique est donc évidente. Dans cette partie, quelques généralités sont d’abord passées en revue avant d’aborder la description statistique et spectrale de la surface océanique.
Généralités
Selon les forces de rappel et les processus physiques qui entrent en scène dans la dynamique et l’évolution des vagues, trois régimes de vagues de surface se différencient. Les vagues de capillarité sont les vagues de petites longueurs d’onde dont la propagation est principalement régie par l’action de la tension superficielle. Les longueurs d’onde de ces vagues capillaires sont millimétriques. Leurs dimensions vont ensuite augmenter par recouvrement et transfert d’énergie et la force de gravité vient relayer la tension superficielle dans l’entretien de ces vagues, corollairement dites vagues de gravité. Leurs longueurs d’onde s’étendent d’une dizaine de centimètres à quelques dizaines de mètres. Lorsque les forces de gravité et de tension de surface sont du même ordre, elles forment un régime intermédiaire de vagues de transition appelées vagues de gravité-capillarité dont les longueurs d’onde peuvent varier entre quelques millimètres et quelques centimètres. Ces différentes ondes de surface possèdent un caractère dispersif puisque leur vitesse de propagation est fonction de leur longueur d’onde, les grandes vagues se propageant plus vite que les vagues plus courtes.
Puisque les ondes de surface se propagent à des vitesses de phase différentes, plusieurs systèmes de vagues peuvent coexister. L’action locale du vent sur une zone de mer induit la création de petites vagues qui constituent ce qu’on appelle une mer de vent. Certaines vagues de longueur d’onde supérieure se propagent en dehors de cette aire de génération, donnant naissance à ce qu’on appelle la houle. Ces grandes vagues sont souvent bien formées et très directives en termes d’énergie, contrairement à la mer de vent dont l’énergie se répartit sur une gamme étendue de fréquences et de directions. Une mer croisée est le résultat de l’interférence de deux systèmes de vagues de directions différentes. L’étude dans ce manuscrit portera essentiellement sur la mer de vent. La vitesse du vent, communément mesurée à dix mètres de la surface (U10 [m.s−1 ]), est un paramètre crucial dans la formation des vagues et la caractérisation de l’état d’une mer de vent. Un vent mesuré à une hauteur z donnée est lié à la vitesse de friction à la surface u∗ par :
uz = u∗ (z)/0.4 ln(z/z0)
z0 = 0.684/u∗ (z)+4.28×10⁻⁵u∗² (z)−4.43×10⁻²
Avec uz en cm/s, z et z0 en cm. En condition de stabilité neutre, un vent mesuré à une hauteur donnée z peut être converti en u10 par la relation suivante :
u10 = uz × 8.7403/ln(z/0.0016)
La rugosité de la surface dépend également du paramètre de fetch qui désigne la distance et la durée d’action du vent (on parle de distance ou de durée de fetch). On parle de mer jeune lorsque le fetch est court, ce qui correspond à une phase de croissance des vagues sous l’action du vent. Les vagues continuent à évoluer avec le fetch, jusqu’à ce qu’elles atteignent un régime d’équilibre lorsqu’un vent a régulièrement soufflé pendant suffisamment longtemps à une vitesse et une direction constantes. On parle alors de mer pleinement développée, qui correspond en théorie à une condition de fetch infini. On définit également l’âge des vagues comme le rapport entre la vitesse de phase des vagues dominantes et la vitesse du vent projetée dans la direction de propagation du train de vagues considéré.
Représentation statistique de la surface océanique
Considérons une surface de mer bidimensionnelle définie par sa hauteur h au dessus d’un plan de référence. Cette hauteur est un processus aléatoire décrit par h(r,t) où r = (x, y) est le vecteur position spatial et t la dimension temporelle. Cette variation spatiotemporelle se réduit à une variation spatiale sous l’hypothèse d’ergodicité qui elle même implique la stationnarité. Rappelons qu’un processus aléatoire est dit ergodique d’ordre n lorsque ses moments temporels (jusqu’à l’ordre n) existent et sont indépendants de la réalisation. Sous cette hypothèse, les moments statistiques s’identifient aux moments temporels. Un processus aléatoire est dit stationnaire lorsque ses propriétés statistiques restent inchangées au cours du temps. Bien que l’hypothèse d’ergodicité soit difficile à vérifier, la surface de mer est généralement considérée comme ergodique (et donc stationnaire). La description statistique de la surface 2D se cantonne alors à la dépendance spatiale h(x, y). L’hypothèse d’ergodicité implique également que la moyenne spatiale sur une réalisation de la surface est identique à la moyenne statistique sur différentes réalisations, ce qui implique que l’usage des moments statistiques et des moments spatiaux devient équivalent.
Mesure de spectre de mer
Les trois dernières décennies ont connu un essor important dans la mesure des spectres de mer directionnels, et ce grâce à une amélioration notable des outils et techniques d’observation. Ces mesures viennent alimenter les modèles numériques et contraindre et améliorer les modèles empiriques et théoriques. Il existe une panoplie de moyens et techniques de mesures qui se répartissent en trois familles fondamentales :
Mesures locales in-situ
En général, les instruments de mesure in-situ fournissent les séries temporelles de la hauteur de la surface, donnant ainsi accès au spectre directionnel en fréquence. Ces mesures peuvent être effectuées par des systèmes embarqués sur des navires, ou encore des systèmes directement déployés dans l’eau, soient-ils immergés, flottant en surface, ancrés par des fonds ou encore dérivants suivant les vents et les courants. Les bouées sont le moyen in-situ le plus répandu dont les premières références pour les mesures de spectres de mer apparaissent dans un rapport de l’Amirauté Britannique (Barber, 1946). Ce type de mesures ne s’est cependant concrétisé qu’aux débuts des années 1960 comme rapporté par Longuet-Higgins and Stewart [1963]. Depuis, un nombre important de bouées est déployé en mer afin de documenter, entre autres, les propriétés spectrales de la surface. Les premières bouées non-directionnelles sont équipées d’accéléromètres mesurant l’accélération verticale permettant de se ramener à l’élévation temporelle de la surface par une double intégration. Cette connaissance du signal d’élévation suffit pour restituer le spectre omnidirectionnel. Cependant, la connaissance de la répartition en direction exige des mesures complémentaires. Les bouées directionnelles mesurent généralement, en plus de l’accélération verticale, soit les accélérations dans les deux directions horizontales, qui par intégration permettent de remonter aux déplacements horizontaux, soit les composantes de la pente locale de la surface (tangage et roulis), à l’instar des premiers prototypes de Longuet-Higgins and Stewart [1963]. Les covariances des trois séries temporelles mesurées par l’une de ces deux méthodes permettent de déterminer les premiers coefficients de la décomposition en série de Fourier du spectre directionnel. Le même principe s’applique pour d’autres combinaisons de trois séries temporelles scalaires, notamment celles enregistrées par les capteurs de pressions ou les sondes « p-u-v » qui, comme leur nom l’indique, mesurent la pression p et les deux composantes de la vitesse horizontale u et v. D’autres méthodes statistiques plus élaborées, comme la méthode du Maximum de Vraisemblance (MLM pour Maximum Likelihood Method), ou la Méthode du Maximum d’Entropie (MEM), permettent d’obtenir une estimation plus précise du spectre directionnel.
Les bouées les plus récentes sont équipées d’un système de positionnement (par exemple un récepteur GPS) permettant de renseigner leurs positions à chaque instant. Pour la plupart, les mesures brutes sont généralement transmises par liaison radio à une station de réception effectuant le traitement et le contrôle de ces données. Par ailleurs, un effort substantiel de mise en disponibilité et communication des données est entrepris. A titre d’exemple en France, le service de météorologie et de climatologie Météo-France ainsi que le centre d’études techniques maritimes et fluviales (CETMEF) font partie des principaux centres de diffusion de données en temps réel ou par archive.
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Table des matières
1 Introduction
2 Modèles de diffusion océanique
2.1 Télédétection micro-onde sur la surface océanique
2.2 Modèles de diffusion électromagnétique
3 État de l’art sur les asymétries directionnelles
3.1 Introduction
3.2 Mesure de la variation azimutale du clutter de mer
3.3 Données et modèles empiriques de la littérature
3.3.1 Bande L
3.3.2 Bande C
3.3.3 Bande X
3.3.4 Bande Ku
3.3.5 Bande Ka
3.3.6 Comportement azimutal en configurations particulières
3.3.7 Polarisation croisée
3.3.8 Rapport de polarisation
3.4 Synthèse et analyse comparative
4 Étude des bases de données aéroportées INGARA et ONERA
4.1 Base de données INGARA
4.2 Base de données ONERA
5 Modélisation physique des asymétries directionnelles
5.1 Introduction
5.2 Distributions des pentes de la surface
5.3 Influence des statistiques faiblement non-gaussiennes de la surface de mer sur l’asymétrie UDA
5.4 Influence de la contribution non-Bragg à travers un mécanisme de Tilt
5.4.1 Données de la littérature
5.4.2 Modèles de sections efficaces du déferlement
5.5 Étude qualitative des formes de vagues asymétriques proche-déferlement (wedge)
5.6 Étude des distributions de pentes réalistes mesurées en soufflerie
5.7 Validation
6 Conclusion