Modèle xénogénique d’ostéosarcome murin

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Origine de l’ostéosarcome

L’ostéosarcome provient d’une anomalie de différenciation d’une cellule mésenchymateuse localisée dans la moelle osseuse et engagée dans la lignée ostéoblastique (Mohseny et al. 2009). Le niveau de différenciation de la cellule en cours de transformation peut varier et pourrait expliquer les différents sous types d’ostéosarcomes plus ou moins différenciés rencontrés.
L’analyse de l’hétérogénéité tumorale nous permet de déchiffrer les étapes qui ont été franchies depuis la cellule initiatrice jusqu’au développement d’une masse tumorale hétérogène composée d’un ensemble de sous-clones distincts. En effet, l’ostéosarcome débute comme une maladie monoclonale, qui évolue rapidement vers une maladie polyclonale. L’ostéosarcome est considéré comme l’un des cancers les plus complexes en termes d’aberrations moléculaires (Kovac et al. 2015; Rickel et al. 2017). Une meilleure compréhension de cette diversité est donc très prometteuse pour identifier les marqueurs associés aux cellules tumorales les plus agressives au sein d’une masse tumorale. La grande hétérogénéité trouvée dans l’ostéosarcome est montrée dans une étude de séquençage d’exomes dans laquelle plusieurs voies (14 gènes « conducteurs ») ont été identifiées (Kovac et al. 2015). Les auteurs suggèrent qu’aucun gène pilote unique ne peut être identifié comme étant la cause de la majorité des tumeurs étudiées et que plusieurs voies oncogènes provoquent une instabilité génétique dans le développement de l’ostéosarcome (Brown et al. 2017). Cependant ce travail a démontré que de nombreux ostéosarcomes présentent donc des signatures d’instabilité génomique à grande échelle caractéristiques des tumeurs déficientes en BRCA1/2 qui pourraient être exploités sur un plan thérapeutique (ex : inhibiteurs de PARP) (Kovac et al. 2015)..
La connaissance croissante du génome du cancer grâce à une analyse approfondie utilisant par exemple le séquençage profond a considérablement amélioré la compréhension de l’hétérogénéité intra-tumorale et un schéma évolutif d’un sous ensemble de clones au sein d’une tumeur a été rapporté (Hiley et al. 2014). Les technologies de séquençage de nouvelle génération (NGS) nous permettent désormais de visualiser l’hétérogénéité également au niveau d’une seule cellule.

Genèse de l’ostéosarcome

La genèse du sarcome osseux peut s’expliquer par une conjonction entre au moins un événement oncogénique et un microenvironnement adéquat conduisant à l’émergence du cancer, suivi de sa croissance et de sa migration potentielle vers des organes distants (Figure 6).
l’ostéosarcome évolue progressivement vers une maladie polyclonale suite à des évènements oncogéniques secondaires et l’enrichissement de sites distants principalement pulmonaires par des
cellules tumorales circulantes.
Les événements oncogéniques au niveau de l’expression des gènes (par exemple mutation, duplication, translocation) survenant au cours de la différenciation des cellules souches mésenchymateuses augmentent le risque de leur transformation en cellules cancéreuses et entraîner l’émergence de cellules malignes ostéoblastiques ou chondroblastiques malignes. En effet, les cellules d’ostéosarcome et de chondrosarcome expriment runx2 et sox9 de la même manière que leurs « homologues cellulaires bénins » (ostéoblastes et chondroblastes) (Mohseny et al. 2009; Mohseny et Hogendoorn 2011; Wagner et al. 2011; Tang et al. 2010).
Les ostéosarcomes sont des tumeurs osseuses agressives avec un degré élevé d’hétérogénéité génétique. Au vu de l’expression de ces gènes, plusieurs modèles de cellules d’origine ont été proposés, notamment la transformation de cellules souches mésenchymateuses (MSC) indifférenciées ainsi que de progéniteurs ostéogéniques plus engagés. Par conséquent, les cellules d’ostéosarcome peuvent exprimer des marqueurs ostéoblastiques tels que la phosphatase alcaline, l’ostéocalcine (Corre et al. 2020) ou la sialoprotéine osseuse, montrent une forte capacité à former du tissu ostéoïde et à induire la minéralisation de la matrice extracellulaire.
Les biopsies tumorales montrant des cellules mésenchymateuses produisant de l’ostéoïde et/ou de l’os tissé irrégulier sont classées comme ostéosarcomes (Gambera et al. 2018). La découverte histologique de ce processus ostéogénique incomplet est une exigence pour le diagnostic de la tumeur même si d’autres sous-types cellulaires directement dérivés de la tumeur sont présents. Cette définition pathologique est utilisée car l’étiologie de l’ostéosarcome est pour la plupart inconnue. Les maladies génétiques, telles que le syndrome de Li-Fraumeni (mutation germinale de TP53) et le rétinoblastome familial (mutation germinale de RB1), sont des facteurs de risque d’ostéosarcome (Gianferante et al. 2017; Gorlick 2009; Hicks et al. 2007)
Le Pediatric Cancer Genome Project (PCGP) a identifié des mutations germinales fréquentes du gène TP53 dans les ostéosarcomes, similaires au taux de mutation TP53 de 50% des cancers infantiles (Downing et al. 2012; J. Zhang et al. 2015), et le séquençage du génome entier et de l’exome entier a révélé que ces altérations des voies p53 et Rb sont plus fréquentes qu’on ne le pensait auparavant avec 70% des tumeurs mutées pour RB1 (Perry et al. 2014; Chen et al. 2014). Par conséquent, ces syndromes sont principalement associés à des mutations de gènes qui participent au maintien de l’intégrité du génome et à la stabilité chromosomique. Contrairement à de nombreux sarcomes, qui sont caractérisés par des translocations chromosomiques spécifiques, l’ostéosarcome présente un caryotype complexe avec une instabilité génomique et chromosomique élevées (Martin et al. 2012), il se caractérise également par de multiples réarrangements à travers le génome.

Instabilité chromosomique

Le cancer se caractérise par le développement et la croissance de populations cellulaires anormales (par exemple, mutations, altération de la prolifération et/ou de la différenciation) (Tellez-Gabriel et al 2019). L’ADN étant le seul composant cellulaire capable d’accumuler et de transmettre des modifications tout au long de la vie, il a été admis que le processus de carcinogenèse nécessite l’accumulation progressive de multiples modifications de l’ADN (Paget 1989). Le modèle actuel et généralement accepté de la carcinogenèse est la théorie de la mutation somatique ou de l’évolution clonale (Tellez-Gabriel et al. 2017; Wee et al. 2019).
Les mutations du gène tumoral exprimé par les cellules des lésions pré-néoplasiques (par exemple TP53, Rb) conduisent à la formation de foyers néoplasiques caractérisés au stade précoce par des expansions monoclonales de cellules mutées. Ce type de mutation entraîne des instabilités génomiques caractérisées par une forte sensibilité aux cassures chromosomiques et par conséquent une nouvelle série de mutations, délétions et amplifications (Mitelman et al. 2019). Les cassures chromosomiques aléatoires et les événements génétiques secondaires contribuent clairement au développement de cellules cancéreuses avec un nouveau génotype et phénotype, puis au stade d’expansion polyclonale de la maladie. Les modifications épigénétiques complètent le cadre de la cartographie de l’hétérogénéité. Comme le révèlent les lignées cellulaires génétiquement homogènes, les altérations épigénétiques intercellulaires (par exemple, la méthylation de l’ADN, l’expression des miARN, etc.) renforcent l’hétérogénéité tumorale et la réponse aux médicaments ( Grzywa et al. 2017; Vallette et al. 2019; Brown et al. 2019).
Comme les cellules embryonnaires, les cellules cancéreuses ne sont pas bloquées dans un état défini et adaptent en permanence leur phénotype en fonction du microenvironnement et de la pression thérapeutique. En effet, la plasticité phénotypique et fonctionnelle est un mécanisme commun observé au cours du développement embryonnaire (Bedzhov et al. 2014).
Toutes ces cellules peuvent basculer entre différents états cellulaires grâce à un haut degré de plasticité. De même, les cellules cancéreuses présentent une plasticité marquée comme illustré par la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) dans laquelle les cellules cancéreuses acquièrent progressivement un phénotype mésenchymateux et perdent leurs propriétés épithéliales, conduisant ainsi au processus métastatique. La transition épithéliale-mésenchymateuse (EMT) est un programme cellulaire par lequel les cellules épithéliales perdent leur polarité cellulaire et leur adhésion cellule-cellule, et acquièrent des propriétés migratoires et invasives pour devenir des cellules mésenchymateuses. Ce processus de transition peut être régulé par un large éventail de cytokines et de facteurs de croissance, tels que le TGF-β dont les activités sont dérégulées au cours de la progression tumorale maligne (Singh et al. 2010).
Le développement de l’ostéosarcome peut donc se résumer comme suit :
1) Apparition d’un premier événement oncogène tel qu’une mutation de TP53 et/ou RB1 (Velletri et al. 2016) ;
2) Ces mutations sont associées à une augmentation de l’instabilité génomique qui accroît les anomalies génétiques et chromosomiques dans les cellules tumorales au fur et à mesure des divisions cellulaires (Kovac et al. 2015; Bousquet et al. 2016) (confère paragraphe ci-dessous) ;
3) D’une population monoclonale, la maladie évolue vers une tumeur oligoclonale puis polyclonale (Gambera et al. 2018) ;
4) ces modifications sont à associer à une transformation du microenvironnement tumorale qui devient permissif à la croissance tumorale et à la migration des cellules (Alfranca et al. 2015);
5) Migration des cellules du site primaire vers les sites métastatiques (confère paragraphe ci-dessous).

Microenvironnement tumoral

Le microenvironnement du sarcome osseux ne se limite pas aux cellules souches mésenchymateuses et présente un caractère dynamique. Cet environnement peut être décrit comme des « niches » comprenant des niches osseuses, vasculaires et immunitaires et des niches plus spécifiques telles que les muscles et le parenchyme pulmonaire pour les cellules métastatiques (Brown et al., 2017).
En raison de la corrélation entre la densité des vaisseaux et le processus métastatique dans les sarcomes osseux, les cellules endothéliales sont fortement impliquées dans l’intra/extravasation des cellules cancéreuses.
Depuis peu, de nouveaux régulateurs dont le cerveau, le réseau neuronal et les facteurs neurotrophiques devraient être ajoutés à la liste. Il est maintenant bien reconnu que le cerveau peut agir comme un maître régulateur de la masse osseuse (Karsenty et Oury 2010; Corr et al. 2017). Le remodelage osseux est en effet régulé par une riche innervation, source de facteurs neurotrophiques, hormones et neurotransmetteurs (Dimitri et Rosen 2017). Libérés localement ou dans la circulation sanguine, ces facteurs solubles pourraient cibler les cellules du sarcome osseux (Kondo et al. 2001; Broadhead et al. 2012). (Figure 7)
Figure 7 : Micro-environnement de l’ostéosarcome. Les cellules tumorales se développent dans un environnement permissif défini par plusieurs « niches » immunitaire, vasculaire, osseuse (pour la tumeur primaire), nerveuse et pulmonaire (pour les foyers métastatiques). Des facteurs solubles (cytokines, facteurs de croissance), des vésicules extracellulaires, et des composants de la matrice extracellulaire régulent l’ensemble des activités cellulaires de ces niches et les relations inter-niches.

Les cellules souches mésenchymateuses (CSM)

Des interactions entre le parenchyme tumoral et le stroma non tumoral sont nécessaires au cours  du développement tumoral et de la progression métastatique (Pietrovito et al. 2018). Ils modulent également leur microenvironnement en sécrétant des composants de la matrice extracellulaire et une grande variété de facteurs de croissance mitogènes, de cytokines, de chimiokines et de métalloprotéinases (MMP). Plusieurs études ont confirmé que les cellules souches mésenchymateuses favorisent la prolifération des cellules d’ostéosarcome à la fois in vitro et in vivo ( Perrot et al. 2010; Ibáñez et al. 2016; Cortini et al. 2016; Yan Wang et al. 2017). Contrairement aux ostéoblastes différenciés, les CSM, précurseurs peu différenciés de divers types cellulaires, dont les ostéoblastes (Katsimbri 2017), semblent incapables de communiquer avec les cellules d’ostéosarcome par l’établissement de jonctions lacunaires fonctionnelles (Yu et al. 2015). Cependant, ce dernier point reste controversé. En effet, Tellez-Gabriel et al. ont étudié les interactions entre des cellules d’ostéosarcome et des cellules souches mésenchymateuses en cours de différenciation à l’échelle de la cellule unique (Tellez-Gabriel et al Eur J Cell Biol 2017). Ces auteurs démontrent que les CSM indifférenciées, les ostéoblastes et ostéocytes ne communiquent pas avec les cellules d’ostéosarcome contrairement aux CSM en cours de différenciation. Par opposition, les ostéoclastes ne communiquent avec les cellules d’ostéosarcome par des systèmes de jonction. Les cellules d’ostéosarcome communiquent entre elles pas des systèmes de jonction de type Gap.
Quoi qu’il en soit, plusieurs groupes ont démontré que les vésicules extracellulaires représentent une autre importante voie de communication entre les cellules souches mésenchymateuses et les cellules d’ostéosarcome ( Vallabhaneni et al. 2016; Tellez-Gabriel et al. 2017). Dans un environnement de stress tel qu’une acidose locale associée à la croissance tumorale et à l’ostéolyse péritumorale, les CSM pourraient sécréter des vésicules extracellulaires portant des protéines, des ARNm et des microARN modulant la prolifération des cellules souches d’ostéosarcome ( Vallabhaneni et al. 2016; Brown et al. 2017; Tellez-Gabriel et al. 2017). Les propriétés de souches acquises (par exemple la capacité à former des sarcosphères, l’expression de gènes associés aux souches tels que Nanog et Oct4) par les cellules d’ostéosarcome sont apparues médiées par l’IL-6 sécrétée par les CSM (Vallabhaneni et al. 2016).

Ostéoblastes et ostéoclastes

Le développement de l’ostéosarcome est associé à une ostéolyse para-tumorale, provoquant une fragilité osseuse douloureuse fréquente au moment de la détection d’un ostéosarcome chez les patients. L’agressivité de l’ostéosarcome a été associée à des marqueurs d’ostéolyse dans quelques cas clinique. Notamment, la liaison de la molécule soluble Receptor Activator of Nuclear Factor kappa B Ligand (RANKL), alias TNFSF11, à son récepteur (RANK) alias TNFRSF11, régule principalement l’ostéolyse par régulation paracrine (Boyle et al. 2003). RANKL est produit par les ostéoblastes et les ostéocytes dans l’environnement osseux tandis que RANK est exprimé à la surface cellulaire des précurseurs des ostéoclastes. L’expression de RANK par les cellules d’ostéosarcome a été décrite dans plusieurs études (Mori et al. 2007; Marley et al. 2015).
Dans les ostéosarcomes, l’activité des ostéoclastes est responsable de la mise en place d’un cercle vicieux entre la prolifération des cellules tumorales et la dégradation osseuse, conduisant à la libération de facteurs pro-tumoraux tels que l’insulin-like growth factor 1 (IGF1) ou le transforming growth factor- (TGF-) piégé dans la matrice extracellulaire du tissu osseux osseuse (K. Mori et al. 2007 ; Corre et al. 2020). (Figure 8)

Dissémination métastatique

Les cellules tumorales d’ostéosarcomes montrent une forte propension à disséminer et à induire la formation de foyers métastastatiques, ce qui semble être le facteur intrinsèque le plus important de mauvais pronostic des patients (Bielack et al. 2002). L’ostéosarcome peut pratiquement métastaser dans n’importe quel site ou organe, cependant les sites privilégiés sont les poumons et parfois dans les os ou les ganglions lymphatiques (Kager et al. 2003; Isakoff et al. 2015). Les cellules d’ostéosarcomes métastatiques subissent une série d’étapes critiques pour coloniser et se développer dans le deuxième site et finalement évoluer vers des lésions cliniquement détectables (Sheng et al. 2021). Le comportement biologique de la métastase est assez différent de celui de la tumeur primaire en ce qui concerne le cycle cellulaire, la différenciation, le caryotype, le métabolisme et le microenvironnement environnant, qui est causé par des gènes exprimés de manière différentielle, un déplacement des profils moléculaires et une interaction avec le microenvironnement (DeBoer et al. 2011).
La dissémination des cellules cancéreuses de la tumeur primaire vers un site secondaire nécessite un ensemble d’étapes multiples, et ces cellules métastatiques présentent des caractéristiques complètement distinctes de la tumeur primaire. Le processus de métastase pulmonaire peut être divisé en trois étapes, comprenant la fuite des cellules cancéreuses de la tumeur primaire, le transit dans le système circulatoire, et la colonisation et l’établissement de lésions métastatiques dans le poumon. Bien qu’un grand nombre de cellules tumorales puissent avoir le potentiel d’entrer dans cette cascade métastatique, seules quelques cellules peuvent survivre pour former avec succès des métastases en raison de l’efficacité limitée à chaque étape de la cascade métastatique (Sheng et al. 2021).
La dissémination à partir de la tumeur primaire est le premier stade de la métastase, les cellules d’ostéosarcomes avec un phénotype invasif migrent loin de la tumeur primaire puis envahissent les tissus environnants. Un tel processus d’invasion est lié à la destruction et à la dégradation de la membrane basale et de la matrice extracellulaire, qui est catalysée par des protéases péricellulaires et extracellulaires, principalement de la famille des métalloprotéases matricielles (MMP) (Sheng et al. 2021). De plus, les interactions entre les cellules tumorales et le microenvironnement telles que les cellules endothéliales (29) et les cellules souches mésenchymateuses (Xu et al. 2009; Bian et al. 2010) peuvent favoriser la tumorigénicité. Cette première étape repose donc sur la transition épithélio-mésenchymateuse.
Ensuite les cellules tumorales vont pénétrer dans le système circulatoire. Tout d’abord, les cellules d’ostéosarcomes doivent pénétrer dans la microcirculation en traversant les cellules endothéliales et la membrane basale, puis se déplacer dans le flux sanguin. Les cellules tumorales circulantes s’arrêtent et finissent par s’extravaser du sang dans l’organe secondaire cible. Plusieurs études ont étudié les interactions entre les cellules tumorales et les cellules endothéliales et ont identifié quelques molécules apparentées, notamment le facteur de transcription (RUNX-2), l’ostéopontine (OPN), l’activateur du plasminogène de type urokinase (uPAR) et le récepteur de peptide formyle de type 1 (FPR1), dont il est en outre démontré qu’ils facilitent la métastase in vivo (Sheng et al. 2021). Afin de survivre dans les vaisseaux sanguins, les cellules d’ostéosarcomes doivent acquérir la propriété de résistance à l’anoikis, qui est régulée par de nombreux gènes tels que FASN et ID1 (Tan et al. 2013). De plus, les cellules tumorales rencontrent également diverses forces hémodynamiques physiques (par exemple, la contrainte de cisaillement des fluides) pendant l’intravasation (Sheng et al. 2021).
Le troisième stade est l’extravasation de métastases dans les poumons selon un mécanisme mal défini. La majorité des cellules tumorales circulantes arrivent et s’arrêtent dans la microvascularisation pulmonaire et s’extravasent ensuite dans les tissus pulmonaires, alors que seule une minorité de cellules tumorales peut survivre et éventuellement générer des métastases détectables (Cameron et al. 2000). Par rapport au site primaire, le microenvironnement du site secondaire présente de nombreuses différences, notamment la tension en oxygène, l’apport nutritionnel et d’autres caractéristiques physico-chimiques. Le poumon est un microenvironnement étranger, où les cellules tumorales auront un sort différent : l’apoptose ou la mort, la dormance et la prolifération en micrométastases. En termes de micrométastases, elles peuvent soit entrer en dormance angiogénique, soit régresser, soit proliférer pour former des lésions macrométastatiques vascularisées (Almog et al. 2009).
Le mécanisme par lequel les cellules d’ostéosarcomes métastasent préférentiellement aux poumons reste mal compris. La restriction mécanique des cellules tumorales circulantes dans la microvascularisation pulmonaire pourrait jouer un rôle crucial dans le tropisme pulmonaire (Chambers et al., 2002). Une autre explication possible du tropisme pulmonaire est la notion de niche prémétastatique (Liu et Cao 2016). En effet, les vésicules extracellulaires, en particulier les exosomes libérés du cancer et des cellules stromales, constitueraient un scénario favorable pour initier des métastases. Quelques revues ont discuté du rôle des exosomes dans l’organotropisme métastatique (Guo et al. 2019) dont une publication portant sur les sarcomes osseux (Chicón-Bosch et Tirado 2020).

Nouvelles approches thérapeutiques

Malgré leur rare incidence, les sarcomes osseux sont caractérisés par un taux de mortalité élevé. La résection chirurgicale extensive avec des marges adéquates dans les tissus sains est la procédure thérapeutique centrale pour l’ostéosarcome, associée à une chimiothérapie adjuvante et néo-adjuvante composée d’un cocktail de quatre molécules (doxorubicine, cisplatine, méthotrexate et ifosfamide).
La surveillance immunitaire est un processus biologique complexe qui associe la reconnaissance des cellules tumorales par des cellules effectrices spécifiques étroitement contrôlées par des cellules immunitaires régulatrices. A leur tour, les cellules tumorales peuvent sécréter des facteurs solubles (par exemple des cytokines) pour moduler à la baisse les marqueurs de surface immunitaire et affaiblir le système immunitaire (Heymann MF et al. , 2021).
La double fonction du système immunitaire dans le contrôle de la surveillance des tumeurs implique trois étapes (Heymann MF et al., 2021). La première, nommée « élimination », se caractérise par l’infiltration tumorale par des cellules immunitaires innées et adaptatives qui éradiquent les cellules cancéreuses sensibles. La deuxième étape est définie par un « équilibre » dynamique entre les cellules néoplasiques survivantes et l’infiltrat immunitaire, qui exerce une pression sélective dynamique sur les cellules cancéreuses. Cette sélection induit l’émergence de sous-populations de cellules cancéreuses avec des propriétés spécifiques d’échappement immunitaire ou/et d’immunosuppression et une capacité d’expansion au micro-environnement immunocompétent. L’« évasion » immunitaire est par conséquent la troisième étape qui est considérée comme une caractéristique du cancer. Le système immunitaire joue alors une double fonction, ralentissant la progression tumorale dans un premier temps puis facilitant la croissance tumorale après la phase de modélisation du phénotype immunogène des cellules tumorales (Alfranca et al. 2015; Corre et al. 2020; Heymann MF et al. 2021).
Même si les approches immunothérapeutiques en sont encore à leurs débuts dans les sarcomes, la première preuve d’une intervention immunitaire fonctionnelle dans les sarcomes a été rapportée par Coley, il y a plus de 120 ans. Coley a observé une rémission complète chez 10 % des patients après inoculation de Streptococcus pyogenes inactivé par la chaleur et de Serratia marcescens, connue sous le nom de toxine de Coley (Starnes 1992).
Une étude récente a analysé par immunohistochimie la présence de la protéine de liaison au lipopolysaccharide (LPS)(LBP-1), dans des biopsies diagnostiques d’ostéosarcome associées à une maladie locale en comparaison de patients souffrant d’un maladie métastatique. LBP-1 est considéré comme un marqueur d’exposition au LPS. Cette étude suggère fortement la présence de bactéries Gram-négatives dans les tissus d’ostéosarcome et montre leur niveau différentiel significatif en fonction du statut ( Heymann CJF et al. 2022). Ce travail souligne le rôle important que pourrait avoir l’immunité locale des ostéosaromes et son rôle dans le contrôle de la dissémination métastatique. L’ infiltration immunitaire est une caractéristique commune du sarcome osseux et comprend les lymphocytes T et B, les cellules tueuses naturelles (NK) et les macrophages (Heymann MF et al. 2019; Crenn et al. 2022).
Les différentes nouvelles approches thérapeutiques vont être détaillées (Figure 10).

Ciblage des macrophages

Les macrophages et les lymphocytes T sont les deux principales populations cellulaires immunitaires des sarcomes osseux (Majzner et al. 2017). Les TAM sont très hétérogènes. Ce sont des effecteurs immunitaires, capables de moduler étroitement la réponse immunitaire locale et par conséquent la mort/survie des cellules tumorales. Ils ont également un impact sur la progression tumorale et le processus métastatique en agissant sur l’angiogenèse. Le concept basé sur une réponse anti-tumorale déclenchée par des produits bactériens tels que les endotoxines et l’activation des cellules immunitaires de l’hôte a été révisée dans les années 1980.
Un analogue synthétique d’un composant de la paroi cellulaire bactérienne (liposome encapsulé muramyl tripeptide phosphatidyle éthanolamine ou L-MTP-PE, maintenant connu sous le nom de mifamurtide) a été développé et évalué dans des modèles précliniques et des essais cliniques (Mori et al. 2008; Ando et al. 2011). Il a été utilisé seul et en association avec une chimiothérapie. Cet immunomodulateur a amélioré la survie globale de 70 à 78% (p = 0,003) en association avec la chimiothérapie et a entraîné une réduction d’un tiers du risque de décès par ostéosarcome (Meyers et al. 2008).
Pour clarifier ce bénéfice potentiel du mifamurtide, qui avait montré des effets prometteurs, un récent essai clinique de phase II (Sarcome-13/OS2016) a été récemment mis en place et prévoit d’évaluer l’efficacité du mifamurtide comme traitement d’appoint à la chimiothérapie post-opératoire par rapport à la chimiothérapie post-opératoire seule (Brard et al. 2019).

Disialoganglioside (GD2)

En 1987, Heiner et al. décrit l’accumulation préférentielle d’un anticorps monoclonal (mAb) anti-GD2 (3F8, une IgG3 murine) au niveau du site tumoral dans un modèle préclinique d’ostéosarcome (Heiner et al. 1987). Une étude immunohistochimique a démontré que toutes les tumeurs d’ostéosarcomes analysées étaient positives pour GD2 dans une série composée de 44 patients (Shibuya et al. 2012) et cette expression a persisté en cas de récidive (Poon et al. 2015). In vitro, GD2 a été suspecté de renforcer l’agressivité de l’ostéosarcome (Roth et al. 2014). Sur la base de ces observations, plusieurs essais cliniques ont été activés très récemment. Fait intéressant, le récepteur de l’endothéline A, qui a été impliqué dans la progression de l’ostéosarcome et le processus métastatique, potentialise les effets inhibiteurs de l’anticorps anti-GD2 sur le caractère invasif et la viabilité des cellules tumorales, ouvrant un nouveau d’applications cliniques (B. Liu et al. 2014).

Nivolumab et pembrozilumab

Le nivolumab et le pembrozilumab sont des immunomodulateurs qui agissent en bloquant l’activation de la mort cellulaire programmée-1 (PD-1), induite par son ligand sur les lymphocytes T activés et les pro-B lymphocytes (Hamanishi et al. 2016). PD-1 fait partie de la superfamille des immunoglobulines qui interagit avec le ligand de mort cellulaire programmée 1 (PDL1), qui est une protéine de surface cellulaire exprimée dans de nombreux cellules cancéreuses dont l’ostéosarcome (Shen et al. 2014).
De nombreuses investigations précliniques ont démontré que l’inhibition de l’interaction entre PD-1 et PD-L1 améliore la réponse des lymphocytes T, entraînant une augmentation de l’activité antitumorale.

Immunité et cellules dendritiques

Les cellules dendritiques ont la capacité spécifique d’initier et de moduler les réponses immunitaires adaptatives (Constantino et al. 2016). Cette spécificité, associée à leur rôle dans la présentation antigénique, a conduit à leur utilisation dans des approches vaccinales contre le cancer. Des cellules dendritiques autologues matures chargées de lysats tumoraux dérivés de tissu tumoral ont été utilisées comme produit vaccinal. Dans un modèle préclinique d’ostéosarcome, il a été démontré que les cellules dendritiques tueuses étaient capables d’induire une réponse immunitaire anti-tumorale adaptative avec une diminution du développement tumoral après présentation croisée de l’antigène dérivé des cellules tumorales (Chauvin et al. 2008). En 2012, 12 patients atteints d’ostéosarcome ont été vaccinés avec des cellules dendritiques pulsées par un lysat tumoral, mais des preuves d’un bénéfice clinique ont été observées chez seulement deux de ces patients (Himoudi et al. 2012). Ces auteurs ont conclu que les patients atteints d’ostéosarcome peuvent être relativement insensibles aux traitements vaccinaux à base de cellules dendritiques (DC).

Radiothérapie alpha ciblée : radium-223

Le principe de la radiothérapie alpha est d’induire des cassures double brin de l’ADN (Allen 2013). Le radium-223 (223Ra) est un émetteur alpha qui a été largement étudié dans des modèles précliniques (Anderson et al. 2014). Sa demi-vie est de 11,4 jours. Sa biodistribution chez la souris a révélé que la matrice osseuse est son lieu de rétention préféré. Le radium-233 est bien toléré, avec des doses de 50 à 250 kBq/kg, et a des effets antitumoraux dans des modèles murins précliniques (Henriksen et al. 2003) . Un premier essai clinique de phase I a confirmé son intérêt clinique potentiel dans les métastases osseuses (Nilsson et al. 2005) . Compte tenu de la forte rétention du radium-233 dans la matrice osseuse, un essai de phase I a été mis en place pour l’ostéosarcome afin de déterminer la dose maximale tolérée.

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Table des matières

1. Introduction
1.1 Généralités sur les sarcomes
1.2 Généralités sur les sarcomes osseux
1.3 L’ostéosarcome
1.3.1 Epidémiologie
1.3.2 Présentation clinique
1.3.3 Diagnostic
1.3.4 Histologie de l’ostéosarcome
1.3.5 Traitement conventionnel
1.3.6 Biologie de l’ostéosarcome
1.3.7 Microenvironnement tumoral
1.3.8 Dissémination métastatique
1.3.9 Nouvelles approches thérapeutiques
2. Les Cellules Tumorales Circulantes
2.1 Concept des cellules tumorales circulantes (CTCs)
2.2 Technologies de détection des CTCs
2.2.1 Isolement par microfiltration
2.2.2 Isolement par gradient de densité
2.2.3 Isolement par dispositifs microfluidiques
2.2.4 Isolement par immunoaffinité
2.2.5 Évaluation fonctionnelle des CTCs
2.2.6 Autres techniques
2.3 Analyse moléculaire des CTCs
2.4 Intérêt des CTCs
2.5 Applications cliniques
2.5.1 CTC versus ADNct en pratique clinique
2.5.2 CTCs et sarcomes
2.5.3 CTCs et ostéosarcomes
3. Objectifs
4. Matériel et Méthodes
4.1 Lignées cellulaires et réactifs
4.2 Modèle xénogénique d’ostéosarcome murin
4.3 Isolement ces CTCs
4.3.1 Isolement par cytométrie en flux
4.3.2 Isolement par DEPArray
4.4 Analyse histologique
4.5 Expérimentations in vitro
4.5.1 Analyse de la prolifération cellulaire
4.5.2 Analyse de la sensibilité aux drogues
4.5.3 Etude de la migration et de l’invasion cellulaire
4.5.4 PCR quantitative
4.6 Analyse statistique
5. Résultats
5.1 Description et validation du modèle animal
5.2 Effet du traitement par Ifosfamide
5.3 Isolement et amplification des CTCs
5.4 Caractérisation in vitro des CTCs
5.4.1 Analyse de la prolifération cellulaire
5.4.2 Analyse de la sensibilité aux drogues
5.4.3 Etude de la migration et de l’invasion cellulaire
5.4.4 PCR Quantitative
6. Discussion
6.1 Les enjeux de l’isolement des CTCs dans les sarcomes
6.2 Détection précoce des CTCs
6.3 CTCs et Ifosfamide
6.4 Caractérisation moléculaire des CTCs
6.5 CTCs et hétérogénéité tumorale
6.6 Perspectives
7. Références
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