Modèle in vivo de la FECD par génie tissulaire
L’œil humain et le système visuel
Le système visuel
Le système visuel permet aux signaux lumineux d’être acheminés et interprétés au cerveau. Le système visuel comprend le globe oculaire, la rétine, le nerf optique, le chiasma optique, les tractus optiques, les corps géniculés latéraux, les radiations optiques et le cortex visuel (Figure 1.1). Le système visuel peut être considéré comme une partie du système nerveux central. Au niveau du développement, la rétine est une excroissance du prosencéphale et le nerf optique est quant à lui de la substance blanche, principalement constituée de faisceaux de fibres nerveuses permettant la communication entre les cellules nerveuses (Snell RS et LEMP MA, 1997).
La réception de la lumière joue également d’autres rôles secondaires à la perception d’images. Elle joue notamment un rôle au niveau de la régulation du rythme circadien (Casper RF and Gladanac B, 2014). Le cycle circadien est un mécanisme qui influence des réponses physiologiques et comportementales diurnes sur une période de 24 heures. Ces réponses subviennent suite à des signaux émis par les cellules ganglionnaires rétiniennes intrinsèquement photosensibles (ipRGC) qui expriment un photopigment: la mélanopsine. La mélanopsine permet de capter la lumière maximalement à une longueur d’onde de 484 nm (Newman LA et al., 2003). Les signaux émis par les ipRGC mènent à des cascades de changements hormonaux qui synchronisent la transcription de gènes circadiens tel Clock ou Period. Un désalignement du cycle circadien peut augmenter le risque de troubles cardiovasculaires, d’obésité, de cancer, de reproduction et des désordres de l’immunité (Casper RF and Gladanac B, 2014; Plikus MV et al., 2015).
De plus, la lumière permet la régulation d’un autre mécanisme de photoréception non visuelle, comme le réflexe pupillaire. Ce dernier est affecté par l’intensité, la longueur d’onde et la durée de l’illumination (Wang B et al., 2015).
Le globe oculaire
Le globe oculaire est l’organe névralgique à la vision et est représenté à la figure 1.2. Ce dernier est formé lors de l’embryogenèse par l’ectoderme et le mésenchyme. L’ectoderme qui est dérivé du tube neural mène à la création de la rétine, aux fibres nerveuses du nerf optique et aux muscles lisses de l’iris. La surface de l’ectoderme forme l’épithélium cornéen et conjonctif, le cristallin et les glandes lacrymales. Le mésenchyme forme entre autres le stroma cornéen, la sclère, la choroïde et l’iris. L’endothélium cornéen quant à lui provient de la crête neurale (Snell RS et LEMP MA, 1997; Tuft SJ et al, 1990).
L’œil est l’organe permettant de capter la lumière et la transmet pour qu’elle soit interprétée au cerveau. Afin que la lumière soit acheminée aux photorécepteurs sans défaut, elle doit être transmise par les différentes structures du segment antérieur. Ce segment comprend entre autres la cornée, l’iris et le cristallin ainsi que l’humeur aqueuse. L’humeur aqueuse est un liquide biologique continuellement filtré et renouvelé qui permet entre autres le maintien de la pression oculaire. La lumière doit ensuite traverser à travers le corps vitré pour se rendre jusqu’aux structures du segment postérieur où la lumière sera focalisée à la rétine.
La cornée humaine
La cornée est une structure transparente primordiale pour la focalisation de la lumière et est illustrée à la figure 1.3. Elle est la structure la plus antérieure de l’œil et est constituée d’un épithélium reposant sur la membrane de Bowman, d’un stroma, de la membrane de Descemet et d’un endothélium.
La cornée est recouverte du film lacrymal provenant des glandes lacrymales. Le film lacrymal est composé de trois couches distinctes. La couche antérieure est constituée de lipides. La couche intermédiaire est aqueuse et contient entre autres des nutriments et des électrolytes. La couche postérieure contient des mucines dont l’hydrophobicité permet son étalement sur la surface cornéenne. Le film lacrymal permet d’inhiber l’invasion de la surface oculaire par des pathogènes, prévient le dessèchement de la surface de la cornée et fournit la cornée en nutriments et métabolites afin qu’elle maintienne une bonne transparence et reste avasculaire (Conrady CD et al., 2016). L’absence de vaisseaux sanguins permet la transparence et les cellules sont nourries et oxygénées par le biais du film lacrymal et de l’humeur aqueuse qui se diffuse. La cornée joue également un rôle de lentille optique et permet la convergence de la lumière par nature dioptrique d’environ 43 dioptries incluant le film lacrymal. La cornée contribue au 2/3 du pouvoir réfractant de l’œil (Ratner BD et al., 2012).
L’épithélium cornéen
L’épithélium cornéen constitue la couche la plus antérieure de l’œil humain. Les cellules de l’épithélium cornéen sont renouvelées à partir de cellules souches présentent dans le limbe. Le limbe est situé en périphérie de la cornée à la limite de la conjonctive. Ces cellules souches se divisent et donnent naissance à des cellules amplificatrices transitoires qui à leur tour se diviseront et donneront lieu à des cellules en différenciation terminale (Li C et al., 2011). L’épithélium cornéen est constitué d’une épaisseur de 5 à 7 cellules épithéliales non kératinisées pour une épaisseur d’environ 50 m (Ramos T et al., 2015; Michelacci YM, 2003). Cette structure repose sur la membrane de Bowman constituée principalement de collagène V et a une épaisseur de 12 m (Nakayasu K et al., 1986; Michelacci YM, 2003)
Le stroma cornéen
Le stroma cornéen constitue 90% de l’épaisseur de la cornée pour une épaisseur d’environ 500 m et est responsable de 75% du pouvoir réfractif de l’œil (Michelacci YM, 2003). La transparence de la cornée est le résultat de l’espacement régulier entre les fibrilles de collagènes, du diamètre uniforme de ces fibrilles et de l’espace interfibrillaire. Les fibrilles de collagènes constituants le stroma mesurent de 25 à 30 nm et sont distribuées de manières homogènes et condensées en lamelles. Cela permet de diminuer la dispersion de la lumière afin de garder une bonne transparence. L’arrangement de ces fibrilles dépend entre autres de l’état partiellement déshydraté du stroma cornéen. La présence d’eau dans le stroma modifie sa transparence en variant l’organisation des fibrilles de collagènes et en dispersant la lumière (Hassell JR et Birk DE, 2010; Maurice DM, 1984). L’état d’hydratation et l’épaisseur du stroma sont dépendants du rôle de l’endothélium cornéen qui sera abordé plus en détail à la section 1.1.3.3. Le stroma cornéen est constitué d’une matrice extracellulaire (ECM) composée en majorité de collagènes, de protéoglycans et de kératocytes de manière intercalée. Les résultats présentés au chapitre 4 mettent en lumière l’action du rayonnement UV sur l’ECM de la cornée.
Les collagènes composant le stroma cornéen
Les collagènes qui composent majoritairement le stroma cornéen mature sont de type I et de type VI dans une proportion de 75% et 17% respectivement (Michelacci YM, 2003). Le stroma cornéen mature contient également d’autres types de collagène en plus petites proportions comme le collagène III, V, XII et XIV. Les fibres de collagène du stroma cornéen sont constituées de collagènes de type I incorporé à ceux de type V afin de produire des fibres hétérotypiques. Les collagènes de type VI forment des structures microfibrillaires par agrégation latérale et les collagènes de type XII et XIV sont des «FACIT». Les collagènes FACIT sont des collagènes associés à des microfibrilles avec des triples hélices interrompues (Michelacci YM, 2003). Les fibres de collagènes sont constituées de microfibrilles qui elles sont constituées de molécules à triples hélices. De 300 à 400 molécules à triples hélices regroupées dans une quantité d’environ 70 microfibriles forment une fibre de collagène tel qu’illustré à la figure 1.4. Cette structure permet aux fibres de collagènes qui constituent les lamelles de collagène la capacité de résister aux forces de tension due à la pression intraoculaire et de protéger les autres tissus oculaires internes des traumatismes extérieurs. De plus, cet agencement permet également de conserver un diamètre étroit des fibres afin de permettre la transparence du tissu (Meek MK et Knupp C, 2015).
Les protéoglycans composant le stroma cornéen
Les protéoglycans sont responsables de l’organisation et l’alignement des fibres de collagènes (Hassell JR et Birk DE, 2010). Ils sont aussi impliqués dans la fibrillogénèse des fibres de collagènes et l’assemblage de l’ECM (Michelacci YM, 2003). Le stroma cornéen humain adulte comprend quatre petits protéoglycans riches en leucine (SLRP) dont la décorine, lumican, kératocan et mimecan. La décorine est de type dermatan sulfate et les trois autres sont de type keratan sulfate. Les protéoglycans de type dermatan sulfate sont impliqués dans le contrôle de l’espace interfibrillaire. Les protéoglycans de type keratan sulfate régulent pour leur part le diamètre des fibres. Le stroma cornéen contient également d’autres protéoglycans comme biglycan, la fibromoduline et podocan (Michelacci YM, 2003). La présence des protéoglycans à un niveau précis est cruciale pour la transparence de la cornée. En effet, une déficience en lumican chez la souris a démontré une opacité et un amincissement cornéen sévère associé à la désorganisation des fibres de collagènes (Meij JT et al., 2007) Ainsi, nous pouvons constater que la transparence du stroma cornéen est liée aux propriétés de transmission et de diffusion de la lumière et peut être déstabilisée par plusieurs facteurs.
Les métalloprotéinases matricielles (MMP)
Les métalloprotéinases matricielles sont des protéases responsables de la dégradation des protéines de l’ECM, incluant les collagènes et les protéoglycans. Il en existe plus de 25 types (Nelson AR et al., 2000; Mezentsev A et al., 2014). Le rôle des MMP dans le photovieillissement de la peau est bien défini. L’exposition de la peau aux UV mène à une augmentation de l’expression de MMP1, MMP3 et MMP9 (Fisher GJ et al., 2002). L’activité des MMP peut également être inhibée entre autres par une famille d’inhibiteur de protéases: les TIMP (Tissue inhibitors of métalloproteinase). La famille des TIMP contient 4 membres: TIMP1, TIMP2, TIMP3 et TIMP4 (Moore L et al., 2012). La dégradation des constituants de l’ECM mène à des phénotypes de photovieillissement.
L’endothélium cornéen
L’endothélium cornéen a une épaisseur approximative de 1,5 à 2,5 m et est composé une monocouche de cellules qui sont arrêtées en phase G1 (Zhang J et Patel DV, 2015; Joyce NC, 2003). Elles sécrètent du collagène de type VIII. Cela forme ainsi sur leur surface antérieure la membrane de Descemet (Michelacci YM, 2003). Les cellules de l’endothélium ont une morphologie hexagonale et maintiennent la transparence de la cornée en régulant la quantité d’ions dans le stroma cornéen, en agissant comme barrière à l’entrée de fluide provenant de l’humeur aqueuse et pompant les ions hors de la cornée grâce à leurs pompes Na+ /K+ ATPase, ce qui en fait des cellules métaboliquement très actives (Bourne W.M., 2010). Leur rôle principal est donc de garder le stroma cornéen en état de déturgescence continuelle. Les cellules de l’endothélium cornéen ne prolifèrent pas ou prolifèrent à un rythme plus bas que les cellules qui meurent progressivement avec le temps (Joyce NC, 2003). Ainsi, il est estimé qu’entre l’âge de 20 et 80 ans, la densité cellulaire de l’endothélium diminue de 0,6% annuellement et est compensée par une variation de la taille et la forme des cellules tel que revue dans (Faragher RGA et al., 1997). Toutefois, il est suggéré que certaines cellules souches résident dans le limbe postérieur dans la périphérie de l’endothélium cornéen. Celles-ci seraient utiles en cas de blessure à la cornée où il y aurait une initiation du processus de réparation de l’endothélium et permettraient possiblement à un remplacement lent des cellules endothéliales (McGowan SL et al., 2007).
L’iris
L’iris est une structure de l’œil localisée entre la cornée et le cristallin, et est immergé dans l’humeur aqueuse. L’iris est composé de muscles dont un dilatateur et un sphincter qui contrôle l’ouverture de la pupille (Borrás T, 2014). Son rôle consiste à moduler le niveau de luminosité qui se rend au fond du globe oculaire. L’iris est constitué de pigments de phéomélanine et d’eumélanine sécrétés par les mélanocytes qui la composent. Le ratio phéomélanine sur eumélanine détermine la couleur de l’iris. Ces pigments permettent aussi d’absorber les rayons de lumière qui sont déviés dans la chambre antérieure de l’œil tel que revue dans (Gillbro JM et Olsson MJ, 2011).
Le cristallin
Le rôle du cristallin est de transmettre et de focaliser la lumière sur la rétine (Hetjmancik JF et al., 2015). Pour faciliter cette fonction, le cristallin est une structure lentille transparente biconvexe contenant une des plus hautes concentrations en protéines de tous les tissus (jusqu’à 60% de sa masse) ce qui lui permet d’avoir un haut indice de réfraction (Hejtmancik JF et Shiels A, 2015). Pesant en moyenne 65 mg à la naissance, il pourra atteindre 250 mg à 90 ans. Bien que le cristallin soit sans couleur à la naissance, il deviendra graduellement jaune avec l’âge. Cela est dû à la production de composés dérivés du tryptophane comme l’acide xanthurénique et le 3-hydroxykynurénine qui filtrent la lumière ultraviolette. Le tryptophane est un précurseur pour ces molécules qui agissent contre filtre UV tel que revue dans (Avila F et al., 2015). Par ailleurs, le cristallin transmet des longueurs d’onde allant jusqu’à 1200 nm, mais peu en bas de 390nm. Le cristallin est enveloppé par une capsule collagèneuse dont l’intérieur est constitué d’un noyau fibreux fait de longues cellules transparentes anucléées. Seule la face antérieure du noyau fibreux possède un épithélium dont les cellules se divisent lentement. Le cristallin est reconnu pour être sensible au stress oxydatif (Hejtmancik JF et Shiels A, 2015; Ni S et al., 2013). Il contribue à environ 1/3 du pouvoir réfractif de l’œil grâce à son pouvoir réfractaire d’environ 20 dioptres (Ratner BD et al., 2012).
La rétine
La rétine est la structure au fond de l’œil située sous l’humeur vitrée et repose sur l’épithélium pigmentaire rétinien; la couche la plus postérieure de la rétine. La rétine sensorielle comprend 5 couches de cellules dont les cellules ganglionnaires rétiniennes, les cellules amacrines, les cellules bipolaires, les cellules horizontales et les photorécepteurs qui incluent les cônes et les bâtonnets. Grâce aux cellules des photorécepteurs, le processus complexe de phototransduction visuelle peut avoir lieu. Ce processus a pour but de transformer les signaux lumineux (photons) en signaux électrochimiques captés par les neurones. Les photorécepteurs sont des cellules hautement actives métaboliquement. Les bâtonnets très sensibles à la lumière sont responsables de la vision nocturne. Les cônes quant à eux sont 100 fois moins sensibles que les bâtonnets, mais ont une réponse kinétique beaucoup plus rapide lors de la phototransduction visuelle. De plus, chaque cône est plus sensible à une longueur d’onde spécifique, ce qui les rend plus adaptés pour la vision diurne et la vison des couleurs (Hoon M et al., 2014).
La macula située dans la rétine est la zone la plus concentrée en photorécepteurs de type cônes. C’est la région de l’acuité visuelle. La macula possède une couleur jaunâtre étant donné la présence de caroténoïdes comme la zéaxanthine et la lutéine (Bone RA et al., 1993; Voland S et al., 2015). La partie centrale de la macula se nomme la fovea qui est une zone de 500 m de diamètre avasculaire constitué essentiellement de photorécepteurs de type cônes (Grossniklaus He et al., 2015).
L’épithélium pigmentaire rétinien (RPE)
L’épithélium pigmentaire rétinien est une monocouche de cellules pigmentées hautement spécialisées qui séparent la rétine neurale de la choroïde vasculaire. En étant pigmentées, ces cellules absorbent la lumière déviée à l’intérieur de l’œil. Ces cellules jouent un rôle dans l’homéostasie de la rétine dont la maintenance des photorécepteurs par le recyclage des photopigments. Le RPE permet l’échange entre la rétine et la choroïde de nombreuses molécules telles que des ions, de l’eau, des nutriments ou des déchets cellulaires grâce à ses nombreuses protéines de transport et canaux (Zhang Y et Wildsoet CF, 2015).
La choroïde
La choroïde est une structure située entre le RPE et la sclère. Les rôles principaux de la choroïde sont de fournir en oxygène et nutriments la rétine et l’iris, d’absorber la lumière grâce à ses pigments, de moduler la pression intraoculaire et de jouer un rôle dans la thermorégulation (Zhang Y et Wildsoet CF, 2015).
Le rayonnement solaire atteignant la surface terrestre
Comme la peau, l’œil humain est directement exposé au soleil. Ce dernier produit de très grandes quantités de rayonnement électromagnétique. Le spectre électromagnétique émis par le soleil comprend en ordre croissant de longueur d’onde: les rayons gamma, les rayons X, les rayons ultraviolets, la lumière visible, l’infrarouge, les micro-ondes et les ondes radio. Plus la longueur d’onde est grande, moins les rayons sont énergétiques. Le rayonnement solaire absorbé à la surface terrestre et dans l’atmosphère est la source primaire d’énergie permettant les mouvements atmosphériques nécessaires aux précipitations (Lacis AA et Hansen JE, 1973). Plusieurs bienfaits peuvent résulter du rayonnement solaire selon la longueur d’onde: le rayonnement infrarouge (IR) situé entre 760 nm et 106 nm agit comme source de chaleur sur la surface terrestre ou encore la lumière visible qui permet la vision chez les êtres vivants et la photosynthèse chez les plantes (International Organization for Standardization ISO 20473, 2007).
La lumière visible
La lumière visible se divise en six catégories: le violet (360-450 nm), le bleu (450-500 nm), le vert (500-570 nm), le jaune (570-591 nm), l’orange (591-610 nm) et le rouge (610 à 760 nm) (International Organization for Standardization ISO 20473, 2007). L’œil humain absorbe la lumière visible la transforme en signal visuel, nous permettant ainsi d’obtenir de l’information sur notre environnement. La lumière visible joue également un rôle sur le rythme circardien qui lui a un profond effet sur la santé physique et mentale (Emens JS et Burgess HJ, 2015). Toutefois, la lumière visible comporte une portion qui est sujette à causer de l’oxydation (Yoshida A et al., 2015). La portion la plus énergétique de la lumière située entre 400 nm et 500 nm est nommée lumière visible à haute énergie (HEV) (Logan P et al., 2015). Son effet sur la peau en matière de photovieillissement, d’immunosuppression ou d’émergence de tumeur est malheureusement beaucoup moins caractérisé que pour les UVA par exemple (Vandersee S et al., 2015). La HEV se rend au fond de l’œil où se situe la rétine contrairement aux UVA qui s’arrêtent à l’iris. C’est pourquoi son effet est investigué dans le cadre de maladies oculaires comme la dégénérescence maculaire liée à l’âge ou le mélanome uvéal (Logan et al., 2015). La lumière bleue interagit avec les chromophores présents dans les photorécepteurs de la rétine et les cellules épithéliales pigmentaires, ce qui cause du stress et du dommage oxydatifs (Osborne NN et al., 2010; Logan P et al., 2015 ).
Dommage oxydatif à l’ADN: le 8-oxo-7,8-dihydro-2’- deoxyguanosine (8-oxodG)
L’ADN subit des agressions constantes et la réparation des dommages à l’ADN est nécessaire afin de préserver un fonctionnement normal des fonctions cellulaires. Un génome endommagé peut résulter en un mésappariement de l’ADN menant à la création de mutations (substitutions de base, délétions et fragmentation de brin) dont certaines peuvent promouvoir la transformation tumorale (Loft S et Poulsen HE, 1996). Un large éventail d’éléments sont produits lorsqu’il y a oxydation de l’ADN: modifications de base et de sucre, réticulations covalentes ou encore cassures de brin simple ou double tel que revue dans (Valavanidis A et al., 2009). Les dommages oxydatifs à l’ADN sont reconnus pour contribuer au vieillissement, au développement de tumeur maligne et sont impliqués dans plusieurs maladies dégénératives (Valavanidis A et al., 2009). Parmi les dommages oxydatifs exercés sur l’ADN dans la cellule, la lésion oxydative la plus fréquente faite sur l’ADN par des radicaux libres est le 8-oxo-7,8-dihydro-2’-deoxyguanosine (8-oxo-dG) telle qu’illustrée à la figure 1.9.
La réparation des dommages oxydatifs sur l’ADN
La cellule humaine possède plusieurs mécanismes de réparation de l’ADN afin de pallier aux dommages encourus. Parmi ces mécanismes, on retrouve entre autres la réparation par excision de bases (BER), la réparation par excision de nucléotides (NER), la réparation des mésappariements (MMR) et la réparation de cassure double brin comme la recombinaison homologue (HR) ou la jonction d’extrémités non homologues (NHEJ). Le système de réparation le plus utilisé pour réparer les bases oxydées est le BER (Scott TL et al., 2014). Il a été suggéré qu’une déficience en BER puisse être associée avec des maladies dégénératives (Pal R et al., 2015; Barja G, 2004). De même, il a été démontré qu’une déficience en OGG1, une glycosylase cruciale au bon fonctionnement de la BER, résulte en une augmentation de 20 fois de la quantité de 8-oxodG dans le génome mitochondrial (de Souza-Pinto NC et al., 2001).
Les télomères et l’oxydation
Les télomères sont des régions hautement répétées de séquences TTAGGG situées aux extrémités de chaque chromosome eucaryote et sont composés de complexes multifonctionnels ADN-protéine. Ils jouent un rôle dans le maintien de la stabilité chromosomique et dans l’intégrité du génome. Le raccourcissement naturel des télomères de 50 à 200 nucléotides à chaque division cellulaire limite la capacité réplicative des cellules et limite leur immortalité en les menant à la sénescence (Sun B et al., 2015). Les télomères sont sensibles aux dommages oxydatifs, ce qui cause un raccourcissement télomérique et une accélération de la sénescence (Pawlas N et al., 2015). Le stress oxydatif est reconnu pour accélérer ce raccourcissement télomérique (Zglinicki TV, 2002; Tchirkov A et al., 2003). Ce dernier est associé avec des syndromes de vieillissement prématuré, avec une fonction diminuée des cellules et avec des maladies dégénératives telles que la maladie d’Alzheimer ou l’artériosclérose rénale (Sebastián C et al., 2009; Zhan Y et al., 2015; Mathur S et al., 2014; Sun L et al., 2015; De Vusser K et al., 2015). La télomérase, une ribonucléoprotéine, compense pour le raccourcissement télomérique en synthétisant des répétitions de séquence TTAGGG aux bouts 3′ des chromosomes eucaryotes tel que revue dans (Schmidt JC et Cech TR, 2015). L’activité télomérase est absente ou basse dans les cellules somatiques humaines, elle est toutefois hautement exprimée dans les cellules embryonnaires, dans les cellules germinales adultes, dans les cellules souches de tissu en prolifération et dans 90% des tumeurs humaines tel que revue dans (Blasco MA, 2005; ). La télomérase est typiquement réactivée lors de la progression tumorale chez l’humain (Hande MP et al., 1997). Cela permet ainsi aux cellules qui expriment la télomérase de pouvoir se diviser indéfiniment.
Les antioxydants cellulaires
La cellule possède un mécanisme de défense antioxydant afin de neutraliser les ROS cellulaires comme le radical hydroxyle, les anions superoxydes et le peroxyde d’hydrogène. Les ROS sont neutralisés par des enzymes présentes dans l’œil humain tel que le superoxyde dismutase (SOD), la glutathion peroxydase (GPx), la catalase (CAT), les aldéhydes déshydrogénases (ALDH) et les thiorédoxines/peroxyrédoxines (TRXPrdx). Ces enzymes antioxydantes peuvent également être utilisées en tant que biomarqueurs de l’oxydoréduction (redox) dans plusieurs maladies (Yang HY et Lee TH., 2015). Le processus de vieillissement a également été démontré pour tendre vers un état où les tissus âgés sont plus oxydés que les tissus jeunes (Perluigi M et al., 2010).
Conclusion générale
Le travail présenté dans cette thèse permet de mieux comprendre l’effet de l’oxydation induite par les rayons UVA et endogène sur la cornée humaine. Nous avons d’abord exploré la présence des délétions mitochondriales ADNmtCD4977 et ADNmt3895 dans l’œil humain en les utilisant comme témoins de la présence de l’effet du stress oxydatif généré entre autres par les UVA. Nous avons identifié le stroma cornéen comme une structure étant principalement affectée. Étant donné que le stroma cornéen joue un rôle capital dans la réfraction de la lumière, l’investigation a été portée plus loin. Nous avons donc voulu comprendre les changements induits par les rayons UVA sur cette structure en créant notre propre modèle d’étude par génie tissulaire. En effet, il n’existait aucun type de modèle pour tester ces changements. Notre modèle d’étude sera d’ailleurs utile comme point de départ pour examiner les effets des différentes composantes de la lumière comme la HEV par exemple. Nous avons déterminé que l’exposition cumulée aux UVA menait à des phénotypes de photovieillissement et cela pourrait être responsable des changements observés avec l’âge dans la cornée comme son opacification et sa rigidification. Nous concluons donc que les UVA favorisent la formation des délétions ADNmtCD4977 et ADNmt3895 dans le stroma cornéen et que les UVA jouent un rôle néfaste dans la composition de l’ECM du stroma. L’identification de l’ADNmt3895 dans la rétine a également permis de souligner la présence de stress oxydatif dans cette structure et plus particulièrement dans la zone la macula
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Table des matières
Chapitre 1: Introduction
1.1. L’œil humain et le système visuel
1.1.1 Le système visuel
1.1.2 Le globe oculaire
1.1.3 La cornée humaine
1.1.3.1 L’épithélium cornéen
1.1.3.2 Le stroma cornéen
1.1.3.2.1 Les collagènes composant le stroma cornéen
1.1.3.2.2 Les protéoglycans composant le stroma cornéen
1.1.3.2.3 Les métalloprotéinases matricielles (MMP)
1.1.3.3 L’endothélium cornéen
1.1.4 L’iris
1.1.5 Le cristallin
1.1.6 La rétine
1.1.7 L’épithélium pigmentaire rétinien (RPE)
1.1.8 La choroïde
1.2 L’oxydation
1.2.1 Sources d’oxydations
1.2.1.1 Le rayonnement solaire atteignant la surface terrestre
1.2.1.1.1 Le rayonnement ultraviolet (UV) et l’induction de dommages à l’ADN
1.2.1.1.2 La lumière visible
1.2.1.2 L’oxydation endogène par la chaîne respiratoire mitochondriale (OXPHOS)
1.2.2 Conséquences de l’oxydation et mécanismes de protection
1.2.2.1 Dommage oxydatif à l’ADN: le 8-oxo-7,8-dihydro-2’-deoxyguanosine (8-oxodG)
1.2.2.2 La réparation des dommages oxydatifs sur l’ADN
1.2.2.3 Les télomères et l’oxydation
1.2.2.4 Les antioxydants cellulaires
1.3 Les mitochondries
1.3.1 Le génome mitochondrial (ADNmt)
1.3.2 La biogenèse mitochondriale
1.3.3 Susceptibilité de l’ADNmt aux mutations
1.3.3.1 Dommages oxydatifs à l’ADNmt
1.3.3.2 Absence d’histones: nucléoides
1.3.3.3 Système de réparation de l’ADNmt limité
1.3.4 Les délétions mitochondriales
1.3.4.1 Modèle théorique de délétion mitochondriale lors de la réplication de l’ADNmt
1.3.4.2 Autre modèle complémentaire au mécanisme de délétion de l’ADNmt lors de la réparation de
dommages
1.3.5 Le cercle vicieux des délétions mitochondriales
1.3.6 Types les plus communs de délétion de l’ADNmt
1.3.6.1 La délétion commune de 4977 pb (ADNmtCD4977)
1.3.6.2 La délétion de 3895 pb (ADNmt3895)
1.3.7 Le phénomène de vieillissement associé aux délétions mitochondriales
1.3.8 Les maladies oculaires associées aux dysfonctions mitochondriales
1.4 La dystrophie cornéenne endothéliale de Fuchs (FECD)
1.4.1 Historique
1.4.2 Stades cliniques de la maladie
1.4.3 Prévalence de la pathologie et traitement
1.4.4 Facteurs influençant la pathogenèse de la maladie
1.4.4.1 Facteurs génétiques: le gène COL8A2
1.4.4.2 Facteurs génétiques: le gène SLC4A11
1.4.4.3 Facteurs génétiques: les locus chromosomiques
1.4.4.4 Facteurs hormonaux
1.4.4.5 Facteurs environnementaux: Le stress oxydatif
1.4.4.6 Réduction de la réponse antioxydante
1.4.5 Le dysfonctionnement des pompes des cellules endothéliales
1.4.6 Modèle in vivo de la FECD par génie tissulaire
1.5 Contexte et objectifs
1.5.1 Détection de la présence de délétion mitochondriale ADNmtCD4977 et ADNmt3895 dans la cornée
humaine
1.5.2 Étude de l’effet d’une irradiation chronique aux UVA sur la composition de l’ECM du stroma
cornéen
1.5.3 Étude de l’implication du stress oxydatif dans la dystrophie cornéenne endothéliale de Fuchs
Chapitre 2: Mitochondrial DNA common deletion in the human eye: A relation with corneal aging
2.1 Résumé en français
2.2 Article
2.2.1 Résumé (anglais)
2.2.2 Introduction
2.2.3 Matériel et Méthodes
2.2.4 Résultats
2.2.5 Discussion
2.2.6 Remerciements
2.2.7 Références
2.2.8 Table et Figures
Chapitre 3: The 3895-bp mitochondrial DNA deletion in the human eye: a potential involvement in corneal ageing and macular degeneration
3.1 Résumé en français
3.2 Article
3.2.1 Résumé (anglais)
3.2.2 Introduction
3.2.3 Matériel et Méthodes
3.2.4 Résultats
3.2.5 Discussion
3.2.6 Remerciements
3.2.7 Références
3.2.8 Table et Figures
Chapitre 4: Modifications in stromal extracellular matrix of aged corneas can be induced
by ultraviolets A irradiation
4.1 Résumé en français
4.2 Article
4.2.1 Résumé (anglais)
4.2.2 Introduction
4.2.3 Matériel et Méthodes
4.2.4 Résultats et Discussion
4.2.5 Conclusion
4.2.6 Remerciements
4.2.7 Références
4.2.8 Table et Figures
Chapitre 5: Restoration of mitochondrial integrity, telomere length and sensitivity to oxidation by in vitro culture of late stage Fuch’s Endothelial Corneal Dystrophy cells.
5.1 Résumé en français
5.2 Article
5.2.1 Résumé
5.2.2 Introduction
5.2.3 Matériel et Méthodes
5.2.4 Résultats
5.2.5
5.2.6 Remerciements
5.2.7
5.2.8 Table et Figures
Chapitre 6: Discussion et Conclusions
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