L’Échelle de motivation dans les sports (EMS-28)
Depuis plusieurs années déjà, les intervenants sportifs reconnaissent que la réussite chez les athlètes élites est multidimensionnelle. Elle repose sur des facteurs de préparation physique, psychologique, technique, nutritionnelle, sociale et tactique. Les aspects de la préparation mentale ont permis de voir naitre un champ spécifique de la psychologie dans le monde de la haute performance, soit la psychologie sportive.
L’analyse des facteurs psychologiques de la performance est de plus en plus raffinée dans plusieurs disciplines sportives, mais plusieurs recherches seront encore essentielles pour en obtenir une meilleure compréhension. La communauté cycliste n’y échappe évidemment pas. Durant leur préparation physique, qualifiée de méthodique et très structurée, les cyclistes de haut niveau doivent s’entrainer dans le but d’atteindre des objectifs spécifiques, programmés selon des cycles temporels prédéfinis (mésocycle) variant de quatre à huit semaines, où l’entrainement varie en volume et en intensité. L’objectif d’atteindre les meilleures performances lors d’épreuves sportives repose, entre autres, sur l’accomplissement d’une méthode d’entrainement optimale. Parmi les techniques de préparation physique durant un cycle d’entrainement intensif en période de compétition (CEIPC), l’entrainement par intervalles (EPI) est fortement utilisé chez les cyclistes dans le but de repousser les limites d’adaptations. Ce type d’entrainement spécifique a évidemment un impact reconnu sur la préparation physique (Laursen & Jenkins, 2002). Nous nous intéresserons spécifiquement à certaines variables psychologiques impliquées dans la performance sportive à travers cette phase. Ces périodes d’entrainement intensif entrecoupées de compétitions étant, jusqu’à ce jour, peu étudiées dans leurs aspects psychologiques, il importe donc de s’y intéresser pour mieux comprendre les constituants de la réussite chez les athlètes. Plusieurs théories reconnues, issues de la psychologie sociale, du comportement et de la performance, seront présentées dans les pages suivantes afin de bien situer le lecteur sur les postulats de base pouvant mener un sportif à un niveau d’excellence dans sa discipline .
Cycle d’entrainement intensif en période de compétitions (CEIPC)
Afin de maximiser le potentiel des athlètes et atteindre l’excellence, les entraineurs ont recours à plusieurs méthodes et approches d’entrainements. En période précompétitions, les athlètes poursuivent habituellement un plan d’entrainement spécifique dont les paramètres sont précisément établit afm de permettre un juste dosage d’effort intensif, visant le développement des habiletés physiques et techniques. Ces phases sont succédées par des périodes d’affûtage, visant à préserver les acquis, tout en réduisant la fatigue, afin de permettre un état optimal le jour de la compétition.
L’entrainement par intervalles (EPI) est une de ces méthodes majoritairement pratiquées chez les cyclistes de haut mveau durant le CEIPC, alterné avec des entrainements plus légers. Selon la revue de la littérature sur les méthodes d’entrainement en intervalles chez des athlètes élites, Laursen et Jenkins (2002), ont d’ailleurs confirmé l’apport de ces entrainements sur l’amélioration significative de la capacité de performance en endurance.
Dans les années 60, les premières études scientifiques sont apparues sur l’EPI. Le chercheur Per Olof Astrand (1960, 1992) fut le premier physiologiste et scientifique à élaborer les concepts de l’EPI, en définir les principes et par la suite, à mettre en évidence les mécanismes particuliers liés à l’utilisation de l’oxygène lors des exercices intermittents, ainsi que l’effet de la durée des intervalles. Ce type d’entrainement consiste en une ou plusieurs répétitions et/ou séries d’exercices soutenues, alternées avec des périodes de récupération dont l’intensité est légère ou modérée.
Les entrainements par intervalles exécutés durant le CEIPC sont constitués en grande partie en fonction d’une méthodologie très empirique en sport d’endurance; les adaptations centrales et périphériques ne sont pas encore scientifiquement très bien définies (Casas, 2008). Il existe peu de données précises sur la structuration des séances par intervalles qui favoriseront ces adaptations distinctes chez les athlètes élites. Les modèles proposés font généralement référence à un temps d’exercice et de récupération qui est très souvent variable. Ainsi, afin de trouver le nombre de séries et le nombre de répétitions souhaités, les entraineurs utilisent un processus qui fonctionne souvent par essai-erreur afin d’obtenir des adaptations physiologiques souhaitées chez les élites (Dufresne, 2011).
Variables psychologiques
Les habiletés mentales de l’athlète
La compréhension des facteurs psychologiques qui font qu’un athlète réussit à se rendre à des hauts niveaux de performance est un domaine qui doit être exploré davantage. Certains auteurs (Durand-Bush & Salmela, 2001; Gould, Dieffenbach, & Moffett 2002; Gould, Weiss, & Weinberg, 1981; Harmison, 2006; Mahoney & Avener, 1977; Morgan, 1980a, 1980b; Morgan & Pollock, 1977) rapportent que les facteurs de personnalité innés, ce que l’on nomme un trait de personnalité, ne seraient pas l’unique base de compréhension des fondements du «champion ». Le talent serait, selon eux, davantage relié à un processus développemental. Afin de comprendre comment les athlètes développent leur talent, ces derniers ont travaillé pendant plusieurs années à élaborer des méthodes d’évaluations (questionnaire ou entrevue structurée) pour mieux déterminer leurs caractéristiques psychologiques.
Morgan et Pollock (1977) se sont intéressés aux effets de l’entrainement sur l’évolution des états d’humeur. Ils observent un Iceberg Profile à partir de l’inventaire «Profile of Mood States» (POMS), pour comprendre ce qui distingue l’état psychologique des athlètes versus celui des non-sportifs. Le POMS évalue les éléments de l’humeur à travers six variables principales pouvant se rattacher à la personnalité du sportif: 1) vigueur; 2) tension; 3) dépression; 4) fatigue; 5) confusion/déception; et 6) colère. Ces échelles sont mesurées par des descriptifs auxquels les répondants s’identifient ou non. Les résultats ont montré que les athlètes olympiens qui réussissaient possédaient un score plus faible sur les sous-échelles tension, dépression, colère, fatigue et déception et plus élevé sur la sous-échelle vigueur en comparaison aux sportifs qui ne faisaient pas partie directement d’une équipe olympique, ce qu’il nomma le Iceberg Profile. Les conclusions des travaux de Morgan (1980b) sur les caractéristiques des sportifs statuèrent également que ces athlètes olympiens seraient davantage extravertis et moins anxieux que les sportifs qui réussissent moins bien et les non-sportifs.
Modèle hiérarchique de la motivation (Vallerand, 1997)
La motivation est un processus par lequel un individu, dont le sportif par exemple, attribut des ressources disponibles de temps, de talent et d’énergie, à la pratique et à l’accomplissement d’activités afin d’obtenir un effet positif anticipé associé à l’ atteinte d’un but et l’évitement d’un antibut (Famose, 2001). Ces facteurs motivationnels sont fréquemment étudiés par la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (1985, 2002).
Le modèle théorique de l’autodétermination permet de mIeux comprendre la prédiction de la persistance à la pratique sportive, car il explique les intentions comportementales en relation avec les intérêts personnels, la perception du choix perçu et l’adhésion intime à ses propres actions; constituant tous des facteurs importants concernant les éléments de motivation humaine. Une bonne autodétermination quant à la régulation des comportements serait liée à un haut niveau de motivation intrinsèque et donc à produire un fonctionnement psychologique supérieur grâce aux émotions positives et à un engagement maximal (Deci & Ryan, 1985). Cette motivation intrinsèque est également associée à un sentiment de compétence et de confiance en soi. Les athlètes qui expérimentent une bonne sensation de confiance en soi et de compétence sont davantage motivés à travailler fort et à persévérer pour la performance dans leur sport. Cette théorie comporte également un volet important concernant le contexte social et son influence sur la motivation qui ne sera pas explicité dans cette recherche.
La motivation extrinsèque introjectée, la régulation externe, ainsi que l’amotivation devraient mener à des conséquences plus négatives sur les facteurs psychologiques en présentant une baisse de l’estime de soi, de la concentration, de la performance, de la persévérance et de la satisfaction de soi.
L’échelle de motivation dans les sports (EMS-28) de Brière, Vallerand, Blais et Pelletier (1995) est formée de sept sous-échelles qui mesurent les trois types de motivation intrinsèque, qui sont liées à la connaissance, à l’accomplissement et à la stimulation; ainsi que trois types de motivation extrinsèques; soit la régulation identifiée, introjectée et externe; et l’amotivation. La corrélation entre les sept sous-échelles de la motivation suggère l’existence d’un continuum d’autodétermination (Deci & Ryan, 1985, 2002). La motivation intrinsèque se rapporte au désir de pratiquer le sport pour lui-même, pour le plaisir éprouvé envers cette activité, pour la satisfaction ressentie suite à sa pratique. Elle est reliée à des sentiments d’ égaiement, de compétence, de contrôle personnel et d’autodétermination à faire face à l’environnement (Deci, 1975). Alors que la motivation extrinsèque correspond à la pratique d’un sport pour la satisfaction provenant d’une cause externe à la pratique du sport en lui-même, soit pour des récompenses, des contingences externes ou pour répondre aux normes d’un environnement social (Vallerand & Thill, 1993). À l’ autre extrémité du continuum, l’amotivation serait quant à elle reliée à un état de résignation acquise où l’individu ne perçoit plus les liens entre ses actions et les résultats, et ne contrôle plus les raisons de la pratique ni les résultats qu’il souhaite. Cet état provoquerait des sentiments de confusion chez l’individu (Brière et al, 1995).
Niveau de stress et gestion de l’anxiété
La variable du stress dans la performance sportive est reconnue depuis longtemps comme cruciale. On sait qu’un certain niveau de stress est indispensable à la performance (Oxendine, 1970). Toutefois, lorsque l’on constate une inadaptation au stress dans des situations de pratique de sport de haut niveau, cela peut entrainer des modifications de l’efficacité dans le travail (Rosnet, 1999). Ce qui peut se traduire par une chute de performance à l’ entrainement pour des athlètes.
Les facteurs de stress sont nombreux dans le sport de compétition : les principaux relèvent du domaine social, des facteurs environnementaux, des facteurs techniques et tactiques. La nouveauté, l’ ambiguïté, la prédictibilité et la possibilité de contrôle de ceux-ci vont jouer un rôle dans la définition de l’ aspect stressant de la situation pour le sujet (Lupien, 2008)
L’intensité du stress ressenti va dépendre de la différence entre la perception de la situation et la perception des capacités de réponse. Si le sujet pense répondre facilement à la situation, il y a une réponse adaptée au stress. Plus le sujet va considérer qu’il aura du mal à répondre efficacement à la situation, plus le stress ressenti sera important. Ce dernier se traduira immédiatement par des manifestations biologiques (Rosnet, 1999).
Physiologie du stress. Les réactions physiologiques aux stress touchent, entre autres, le système nerveux autonome. On peut mesurer le niveau d’activation en période de stress grâce à l’augmentation du rythme cardiaque qui indique un changement de l’activation (Williams, 2010). Bien que la littérature ne démontre pas de consensus à l’heure actuelle concernant certains signes du surentrainement, l’ augmentation du rythme cardiaque au repos représente cependant un signe de fatigue et de stress physiologique (Bell & Ingle, 2013). En cyclisme, la densité de la charge de travail et la proportion accrue du temps d’entrainement à haute intensité lors des CEIPC pourraient accentuer le niveau de stress psychophysiologique.
Du stress vers l’anxiété. À partir des travaux de Selye (1950), un rapprochement entre les notions de stress et d’anxiété a été démontré. Spielberger, en 1979, liera l’intensité de l’anxiété et sa durée à la quantité de menace perçue et à la persistance de l’évaluation individuelle menaçante de la situation. Aujourd’hui, on s’entend donc généralement pour dire que l’anxiété est une étape plus avancée sur le continuum du stress. Elle serait définie comme un état émotionnel négatif qui s’ accompagne de nervosité, d’inquiétude et d’appréhension, associées à une activation de l’organisme (Martens, Vealey, & Burton, 1990). Ainsi, la variable anxiété influence grandement afin d’avoir un niveau d’activation optimal à la performance chez l’ athlète.
Conclusion
L’entrainement mental ne doit plus être laissé pour compte dans la préparation des cyclistes de haut niveau. Celui-ci fait partie des quatre dimensions essentielles de la performance sportive, car la force mentale prodigue les fondements d’effort optimal en compétition. Bien sûr, comme nous l’avons observé, un engagement complet et une grande motivation sont avantageux pour la performance, mais d’autant plus lorsque la motivation est de type extrinsèque de régulation externe ou identifiée et intrinsèque à la stimulation ou à la connaissance.
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Table des matières
Introduction
Contexte théorique
Cycle d’entrainement intensif en période de compétitions (CEIPC)
Variables psychologiques
Les habiletés mentales de l’athlète
Modèle hiérarchique de la motivation (Vallerand, 1997)
Niveau de stress et gestion de l’anxiété
Physiologie du stress
Du stress vers l’anxiété
Anxiété somatique et anxiété cognitive
Gestion du stress de performance
Activation optimale
Théorie de l’autorégulation
Synthèse du contexte théorique
Problématique
Questions de recherche
Hypothèse
Méthode
Participants
Procédures
Instruments de mesure
OMSAT (Ottawa Mental Skills Assessment Tool)
EMS-28 (Échelle de motivation dans le sport)
EEAC (Échelle d’état d’anxiété en compétition)
POMS (Profile ofMood States)
Méthode d’analyse des données
Analyse statistique
Résultats
Présentation des résultats
Performance
Journal de bord
Résultats des questionnaires
Ottawa Mental Skills Assessment Tooi (OMSAT)
L’Échelle de motivation dans les sports (EMS-28)
Échelle d’état d’anxiété en compétition (EEAC)
Profile ofMood States (POMS)
Discussion
Constituants de la performance
Habiletés mentales
Motivation
Stress/Anxiété
Iceberg Profile
Synthèse
Forces et faiblesses de l’étude
Conclusion
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