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Limites maximales de résidus (LMR) – Temps d’attente
La réglementation européenne impose des Limites Maximales de Résidus (LMR) dans toutes les denrées alimentaires (viande, lait et œufs) pour tous les principes actifs (y compris non antibiotiques) (72).
Deux objectifs appliqués aux antibiotiques de ces Limites Maximales de Résidus :
-Prévenir les phénomènes d’antibiorésistance chez les consommateurs de viande, lait et œufs. -Permettre la transformation industrielle des produits laitiers (car la présence de résidus d’antibiotiques dans le lait entraîne un ralentissement de la fermentation microbienne et un retard de coagulation).
Les laboratoires doivent donc déterminer un temps d’attente pour chacune de leur spécialité à partir des LMR fournis par la réglementation.
L’article L5143-4 du Code de la Santé Publique définit le temps d’attente comme étant « le délai à observer entre la dernière administration du médicament à l’animal dans des conditions normales d’emploi, et l’obtention de denrées alimentaires provenant de cet animal » (Institut de l’élevage, 2008).
Cela signifie, que la viande, le lait et les œufs ne peuvent pas être consommés pendant toute la durée du traitement, mais aussi pendant toute la durée du temps d’attente.
Par exemple, si le délai d’attente est de 3 jours, il faudra attendre encore 3 jours après la fin du traitement pour pouvoir livrer le lait.
A l’inverse si le temps d’attente est nul, le lait peut être livré immédiatement après l’arrêt du traitement, et si le délai d’attente est « sans objet », le lait est livrable même pendant le traitement. Notons cependant, que si le délai d’attente pour la vache laitière n’est pas spécifié dans le RCP (Résumé des Caractéristiques du Produit) du médicament, le principe actif ne peut pas être administré, sauf en cas de nécessité absolue. Dans ce cas, le vétérinaire imposera un temps d’attente standardisé de 7 jours (Remy, 2010).
Il est important de souligner que le temps d’attente est déterminé pour une spécialité donnée ; ainsi deux spécialités pourront avoir des temps d’attente différents même si leur principe actif est identique ; de même, le temps d’attente est fonction d’une posologie, d’où l’importance d’un respect strict de la prescription.
Des seuils réglementaires de résidus d’antibiotiques dans le lait sont fixés et réactualisés tous les 3 ans, mais ils sont dans tous les cas toujours inférieurs aux LMR (72). Les laiteries surveillent très régulièrement les taux de résidus présents dans les laits récoltés, à partir d’échantillons prélevés à la sortie du tank.
En cas de positivité aux antibiotiques, la citerne sera détruite, et l’éleveur percevra un malus représentant 125% du prix total de son tank (Cuminet, 2014).
La positivité aux antibiotiques d’un tank est généralement due à une erreur de traite ; celle-ci doit être rapidement retrouvée pour éviter d’être réitérée.
Elle correspond la plupart du temps à l’une des situations suivantes :
-La traite d’une vache tarie
-Un tarissement trop court (c’est à dire au non respect du délai d’attente de l’antibiothérapie préventive injectée à la fin de la lactation)
-Le non respect de la période colostrale (pas de livraison du lait les 7 jours suivants le vêlage)
-Un défaut d’identification d’une vache traitée
-Un défaut de communication entre trayeurs.
-La présence de lait résiduel contaminé par les antibiotiques dans une griffe -Des bidons de dérivation trop petits
-Une mauvaise utilisation du traitement antibiotique (Cuminet, 2014)
Afin d’éviter des pertes économiques importantes et inutiles, l’éleveur doit se soumettre à quelques règles de bonnes pratiques :
-Les vaches en cours de traitement doivent être marquées d’un signe distinctif.
-Les vaches en cours de traitement doivent être traites les dernières.
-Les bidons de dérivations doivent être nombreux et vidangés à chaque traite.
-La griffe ayant servi à traire une vache sous antibiotique doit être rincée.
-Les changements de trayeur sont à éviter.
-En cas de double antibiothérapie les délais d’attente doivent être additionnés.
-Les recommandations du RCP, notamment la posologie et le délai d’attente, doivent être respectées.
-Les vaches taries doivent être marquées et séparées du reste du troupeau laitier (Hue, 2014).
Pénalités cellules
D’après la note de service DGAL/SDSSA/2014-599 publiée par la direction générale de l’alimentation le 21/07/2014, « une situation hors norme en cellules se caractérise par un lait présentant une première moyenne géométrique trimestrielle supérieure à 400 000 cellules/mL, non suivie d’un retour en conformité dans les trois mois qui suivent l’information donnée au producteur » (72).
On entend par « hors normes en cellules », une concentration anormale de cellules somatiques dans le lait, c’est à dire une concentration trop élevée en cellules épithéliales mais surtout en leucocytes. Bien que les leucocytes soient naturellement présents dans la mamelle pour lutter contre les infections, leur forte augmentation dans le lait signe une mammite.
Le Taux Cellulaire du Tank ou TCT représente le nombre de cellules somatiques par millilitre de lait, déterminé à partir d’un échantillon prélevé dans le tank. Il correspond à la moyenne des taux cellulaires de chaque vache du troupeau laitier. Un TCT trop élevé révèle donc une mauvaise santé mammaire du troupeau.
Devant « une situation hors norme en cellules », deux possibilités s’offrent à l’éleveur :
-Il s’engage dans un « plan cellules » à ses frais, ce qui le dispense d’une suspension de collecte de son lait pendant les six prochains mois.
-Il ne s’engage pas dans un « plan cellules », et la collecte de son lait sera interrompue si la prochaine moyenne trimestrielle des TCT n’est toujours pas inférieure à 400 000 cellules/mL. Dans ce cas la collecte sera dans un premier temps suspendue pendant 6 jours, renouvelable une fois, puis interrompue pour une durée indéterminée, jusqu’à présentation par l’éleveur d’un résultat conforme (40).
Les laiteries ont cependant pris le pas sur ces seuils légaux, puisqu’elles pratiquent elles même ce que l’on appelle des « pénalités cellules ».
Ainsi, elles réalisent une moyenne mensuelle des TCT, et appliquent bonus ou malus suivant les résultats (72).
Entre 250 000 et 300 000 cellules/mL, l’éleveur se situe dans le seuil de référence et sera rémunéré pour son lait au prix normal.
En dessous de ce seuil, l’éleveur percevra un bonus c’est à dire qu’il sera mieux rémunéré.
A l’inverse, au dessus de ce seuil, l’éleveur percevra des malus, c’est à dire qu’il sera moins bien rémunéré.
Au delà d’une moyenne mensuelle de 400 000 cellules/mL, les sanctions financières sont sévères (Annexe 6).
En France, les pénalités cellules imposées par les laiteries représentent plus de 70 millions d’euros par an (29).
On comprend mieux la tentation de certains éleveurs d’utiliser des filtres à lait.
Ces systèmes, installés directement en salle de traite, microfiltrent le lait à 8μm, ce qui assure une rétention de 50 à 60% des cellules somatiques.
Ces filtres coûtent environ 3000€ et sont actuellement interdits en France pour cause de falsification de denrée alimentaire : le taux cellulaire du lait étant en effet un reflet de sa qualité (Gremy, 2015).
Présence de germes dans le lait
Quatre bactéries sont à rechercher obligatoirement par les laiteries dans le lait :
Staphylococcus aureus, Listeria monocytogenes, Escherichia coli et les salmonelles.
Par ailleurs, la quantité de germes par millilitre de lait à 30°C, ne doit pas dépasser 100 000. Ainsi, d’après la note de service DGAL/SDSSA/2014-599 publiée par la direction générale de l’alimentation le 21/07/2014, « une situation hors norme en germes se caractérise par un lait présentant une première moyenne géométrique bimestrielle supérieure à 100 000 germes par mL non suivie d’un retour en conformité dans les trois mois qui suivent l’information donnée au producteur ».
Dans ce cas, l’éleveur est frappé par une suspension de collecte de son lait pendant 12 jours. A l’issue de ces 12 jours, la laiterie reprend sa collecte et pratique un nouveau contrôle des germes dans le tank : si la situation est encore « hors norme » la collecte sera suspendue pour 30 jours minimum et cette fois-ci ce sera à l’éleveur de présenter une analyse conforme à la laiterie (72).
Comme pour les cellules, les laiteries appliquent, à partir des moyennes mensuelles de la quantité de germes/mL, des pénalités de dépassement.
Le lait n’est donc payé normalement à l’éleveur que si la quantité de germes présents est inférieure ou égale à 50 000/mL.
Entre 50 000 et 100 000 germes/mL, l’éleveur est moins bien rémunéré, et au delà de 100 000 germes/mL, les sanctions financières sont sévères (Annexe 6).
Contamination bactérienne du lait
De nombreuses bactéries sont présentes dans le lait, certaines appartiennent à sa flore commensale tandis que d’autres sont des agents contaminants.
Ces agents contaminants peuvent induire des pathologies parfois sévères chez le consommateur, en particulier chez les personnes à risques (femmes enceintes, jeunes enfants, immunodéprimés, personnes âgées … ).
Ce risque est aggravé par la consommation de lait cru (Institut de l’élevage, 2008).
• Staphylococcus aureus
S. aureus est un agent courant des mammites, qui peut donc se retrouver dans le lait des vaches atteintes. Un élément rassurant cependant, seuls 10% des staphylocoques dorés impliqués dans les infections de la mamelle sont toxiques pour l’homme.
Mais S. aureus est aussi régulièrement retrouvé sur la peau des trayons et les mains des éleveurs, pouvant ainsi entraîner une contamination du lait pendant ou juste après la traite ; c’est donc également un « pathogène du lait » (Institut de l’élevage, 2008).
Le staphylocoque doré représente la deuxième cause de TIAC (Toxi-infection Alimentaire Collective) en France, mais sa fréquence est vraisemblablement sous-estimée.
A l’origine de l’infection, l’ingestion d’un aliment contaminé par une entérotoxine sécrétée par certaines souches de S. aureus. La toxine étant déjà produite dans le lait, le délai d’incubation (c’est à dire le temps écoulé entre l’ingestion et l’apparition des premiers signes cliniques) est très court : 2 à 4h en moyenne.
L’intoxication provoque une diarrhée non fébrile, due à une sécrétion active d’eau et d’électrolytes, mais l’intensité des symptômes dépend de la quantité de toxines absorbées.
Le danger est que ces entérotoxines sont thermostables, puisqu’elles résistent 50min à 110°C, et une conservation trop longue des aliments, ainsi qu’une mauvaise réfrigération, favorisent leur multiplication.
• Listeria monocytogenes
Listeria monocytogenes contamine le tube digestif de 10 à 30% des bovins en France.
Les animaux s’infectent en ingérant de l’ensilage de mauvaise qualité ou de l’eau polluée, et deviennent ensuite, dans la plupart des cas, porteurs asymptomatiques.
Cette bactérie est un « pathogène du lait », puisqu’elle le contamine pendant ou juste après la traite via les trayons souillés par les fèces, voir les mains de l’éleveur.
Une origine intramammaire à cette bactérie est également possible mais extrêmement rare (mammite à Listeria monocytogenes) (Institut de l’élevage, 2008).
Les conséquences d’une listériose chez les personnes à risques (immunodéprimés, jeunes enfants et personnes âgées) peuvent être extrêmement graves.
La bactérie pénètre par voie digestive suite à l’ingestion de lait ou de produits laitiers non pasteurisés, puis envahit activement l’épithélium intestinal.
Les formes invasives prennent alors en quelques semaines, un aspect de bactériémie (dans les deux tiers des cas) ou de méningite, qui entraînera la mort du consommateur dans 20 à 30% des cas.
Chez la femme enceinte, l’infection à Listeria monocytogenes provoquera un avortement ou un accouchement prématuré. Dans ce dernier cas, le nouveau-né présentera une forme septique précoce ou une forme méningée retardée de la maladie.
• Salmonella sp
Les salmonelles sont des « pathogènes du lait ». Leur origine intramammaire est également possible bien que très rare.
Environ 10% des élevages français présentent des bouses positives aux salmonelles. Les bovins s’infestent en consommant de l’eau contaminée (mare, citerne, ruisseau … ) ou en pâturant dans des herbages ayant souffert d’épandages sans précautions.
Suivant la dose infestante ingérée, l’animal développera une salmonellose ou deviendra un porteur asymptomatique (Institut de l’élevage, 2008).
Les salmonelles sont la première cause de TIAC en France puisqu’elles représentent plus de 50% des intoxications alimentaires.
La bactérie est ingérée par l’intermédiaire d’un aliment contaminé, et adhère à la bordure en brosse des entérocytes, dans lesquels elle pénètre puis survit.
Après 12 à 24h, le consommateur présente des symptômes de gastro-entérite aiguë plus ou moins fébrile.
• Escherichia coli
E. coli est un « pathogène du lait », naturellement excrété dans les bouses des bovins puisqu’appartenant à la flore commensale du tube digestif.
Cette bactérie est également un agent de mammite, mais seules 3% des souches responsables de mammites sont aussi responsables d’intoxications alimentaires chez l’homme (Institut de l’élevage, 2008).
La bactérie est ingérée par le consommateur via un aliment contaminé.
Une fois dans l’intestin, elle synthétise des entérotoxines, qui, bien qu’elles n’entraînent pas de destruction des entérocytes, provoquent une diarrhée par déshydratation des tissus environnants et excès d’eau.
Contrairement aux idées reçues, les mammites ne sont que pour très peu responsables de la contamination bactérienne du lait.
Hormis Staphylococcus aureus, toutes les bactéries présentées ci-dessus contaminent le lait à partir du milieu extérieur par un défaut d’hygiène.
On comprend donc toute l’importance de la mise en place de mesures préventives (hygiène de la traite, désinfections et soins des trayons, ambiance des bâtiments, qualité de l’eau d’abreuvement et de l’alimentation) pour lutter non seulement contre les mammites, mais aussi contre les risques de contamination bactérienne du lait.
Ces mesures préventives seront abordées dans la troisième partie de cet exposé (Remy, 2010). Notons bien que le risque de contamination bactérienne de l’entourage de l’éleveur par contact direct, peut être très important si celui-ci n’observe pas une hygiène rigoureuse : ses vêtements de travail devront être nettoyés quotidiennement et séparément du reste du linge, et il devra se laver et se désinfecter les mains dans une pièce séparée de son habitation (9).
Etiopathogénie des mammites rencontrées en élevage bovin laitier
Les différentes mammites rencontrées en élevage bovin laitier
Une mammite est une inflammation de la mamelle induite généralement par la pénétration d’une bactérie dans l’un des quartiers, via le canal du trayon (Remy, 2010). Différentes évolutions sont possibles allant de la mammite latente à la mammite suraiguë.
Les mammites latentes
Lors d’une mammite latente, la vache n’exprime pas de signe clinique et son lait n’est pas modifié. En effet, malgré la présence du pathogène la mamelle ne réagit pas.
Ces mammites sont pourtant extrêmement dangereuses puisqu’elles peuvent entraîner rapidement une contamination de tout le troupeau laitier sans que l’éleveur ne s’en aperçoive (Remy, 2010).
Les mammites subcliniques
La mammite subclinique est une évolution de la mammite latente, mais elle peut aussi correspondre à une mammite clinique traitée mais dont le traitement n’a pas réussi à éliminer totalement le pathogène.
La vache n’exprime toujours pas de signe clinique mais on observe une diminution de la production laitière simultanément à une variation de la composition du lait du quartier atteint, ainsi qu’une élévation de sa numération cellulaire avec prédominance des leucocytes et principalement des polynucléaires neutrophiles.
Le comptage cellulaire dans le lait dépasse alors 300 000 cellules/mL contre moins de 150 000 cellules/mL chez une primipare saine et moins de 200 000 cellules/mL chez une multipare saine. Les variations sont uniquement microscopiques et la mammite reste asymptomatique (Institut de l’élevage, 2008 ; Remy, 2010).
Les mammites cliniques
A ce stade, les signes cliniques apparaissent : le tissu mammaire subit une atteinte inflammatoire, le quartier est congestionné, rouge, chaud et sensible.
La présence d’un grand nombre de germes et de cellules sanguines et épithéliales entraîne une dénaturation du lait ; la sécrétion lactée est alors extrêmement modifiée, pouvant prendre un aspect séro-hémorragique quand des capillaires ont été rompus, de pus en nature ou de grumeaux.
La présence de fibroblastes signe quant à elle, une fibrose comprimant les régions voisines et donc une rétention lactée : les quartiers sains ne sécrètent plus de lait tant que l’inflammation est significative.
Il existe deux types de mammites cliniques : les mammites aiguës et les mammites suraiguës (104).
• Les mammites aiguës
La douleur et la chaleur associées au quartier caractérisent les douze premières heures de l’infection.
Vingt quatre heures après l’entrée des germes, apparaît l’altération du lait et du tissu mammaire : un œdème interstitiel dû aux toxines et à la migration leucocytaire se forme.
On note par ailleurs une hyperthermie modérée autour de 39-39,5°C (Institut de l’élevage, 2008 ; Remy, 2010).
• Les mammites suraiguës
Elles sont rares mais généralement mortelles.
Elles apparaissent d’emblée presque sans prodrome, et correspondent à une intoxication extrêmement grave suivi d’une nécrose du tissu mammaire.
La mamelle est dans un premier temps très rouge, brillante et chaude pour devenir en quelques heures très sombre et froide. On observe à ce moment là, un tarissement de la sécrétion lactée qui se transforme en pus.
Le quartier touché est alors irrémédiablement perdu, les quartiers sains étant épargnés grâce au sillon disjoncteur.
On note, par ailleurs, une altération intense et rapide de l’état général avec abattement, perte d’appétit, difficultés motrices, impossibilité de se lever, hyperthermie puis très vite une hypothermie (<37,5°C) synonyme de choc.
Le pronostic devient alors très réservé, et la mort est possible en 24 à 72h (Institut de l’élevage, 2008 ; Remy, 2010 ; Watremez, 2014).
Il est important de noter qu’une mammite subclinique peut devenir clinique si l’immunité de la vache ne parvient plus à assurer une stase bactérienne.
De même une mammite clinique peut devenir subclinique si le traitement administré ne parvient pas à éliminer la totalité des pathogènes impliqués (Remy, 2010).
Dans cette étude, seules les mammites subcliniques seront abordées.
Etiologie des mammites subcliniques rencontrées en élevage bovin laitier
Les mammites sont presque exclusivement d’origine bactérienne.
Exceptionnellement, elles peuvent être causées par des champignons, des parasites, des agents chimiques, un traumatisme (comme un choc violent ou une agression de la peau du quartier ou du trayon), ou une sténose (engendrée par un dysfonctionnement de la machine à traire ou un papillome) (Remy, 2010).
Pathogènes majeurs des mammites subcliniques
Cinq espèces bactériennes sont responsables à elles seules de 90% des infections mammaires.
Les mammites subcliniques sont principalement causées par des staphylocoques et des streptocoques donc par des bactéries à Gram-positif (Institut de l’élevage, 2008).
Staphylococcus aureus ou Staphylocoque doré
C’est un cocci Gram-positif.
Cette espèce bactérienne prend l’aspect de coques d’environ 1μm de diamètre souvent regroupées en amas irréguliers et non mobiles, comme le montre la photo de la Figure 1.
Elle possède une coagulase, c’est à dire une enzyme provoquant une coagulation du plasma, ce qui la distingue de la plupart des autres espèces de staphylocoques.
La paroi de S. aureus présente une protéine A ayant la capacité de fixer les immunoglobulines G, ce qui interfère avec leur action opsonisante.
De plus, cette bactérie contient un récepteur à la fibronectine et des adhésines, qui favorisent son adhésion aux tissus.
Enfin, cette souche est capable de produire de nombreuses toxines.
Son équipement enzymatique performant assure sa pénétration profonde et son internalisation dans le tissu mammaire. Ainsi, à l’abri dans les micro-abcès et les cellules, S. aureus n’est plus excrété dans le lait et entraîne donc des bactériologies faussement négatives.
Le Staphylocoque doré a un caractère monoclonal (une seule souche de S. aureus est retrouvée dans le troupeau) ou oligoclonal (un petit nombre de souches de S. aureus est retrouvé dans le troupeau); ainsi une à deux souches de S. aureus peuvent représenter 80% des infections à staphylocoque doré du cheptel (Remy, 2010) .
Streptococcus agalactiae
C’est un cocci Gram-positif.
Cette espèce bactérienne prend l’aspect de coques d’environ 1μm de diamètre qui forment de longues chaînes, comme sur la photo de la Figure 2.
C’est un Streptocoque β – hémolytique (ou pyogène) appartenant au groupe B de la classification de Lancefield.
La bactérie possède une capsule polysaccharidique ayant un effet anti-phagocytaire, bien que cet effet puisse être inhibé par des anticorps spécifiques. Elle se fixe directement à l’épithélium des canaux lactifères.
S. aureus et S. agalactiae constituent les deux germes les plus souvent rencontrés dans les mammites subcliniques (Remy, 2010).
Streptococcus dysgalactiae
C’est un cocci Gram-positif.
Cette espèce bactérienne prend l’aspect de coques d’environ 1μm de diamètre qui forment des chaînettes.
C’est un Streptocoque α- ou β-hémolytique, appartenant au groupe C ou G de la classification de Lancefield, suivant les sous-espèces bactériennes.
Il se fixe directement à l’épithélium des canaux lactifères.
Notons que cette espèce bactérienne a pratiquement disparu en France depuis l’apparition des traitements antibiotiques systématiques au tarissement (Remy, 2010).
Streptococcus uberis
C’est un cocci Gram-positif.
Cette espèce bactérienne prend l’aspect de coques d’environ 1μm de diamètre qui forment des chaînettes.
C’est un Streptocoque non groupable qui se fixe à l’épithélium des canaux lactifères.
Cette bactérie peut présenter un caractère oligoclonal (un petit nombre de souches de S. uberis est retrouvé dans le troupeau) ou au contraire polyclonal (un grand nombre de souches de S. uberis est retrouvé dans le troupeau), ce qui fait de cette bactérie le pathogène majeur rencontré dans les pays où l’élevage extensif domine (Remy, 2010).
Escherichia coli
E. coli, également appelé colibacille appartient à la famille des Entérobactéries.
C’est un bacille Gram-négatif mobile grâce à une ciliature péritriche, vivant isolé ou groupé par paire comme sur la Figure 3.
Sa capsule polysaccharidique rend la phagocytose plus difficile et inhibe l’action du complément. Certaines souches sont par ailleurs sécrétrices de toxines, renforçant ainsi le pouvoir pathogène du colibacille.
La présence d’adhésines, nommées fimbriae, permet à E. coli d’adhérer aux cellules épithéliales et de résider ainsi dans la lumière des canaux lactifères.
La multiplication de cette bactérie est extrêmement rapide bien qu’elle soit en partie éliminée pendant la traite ; ainsi en 8h une bactérie en produit 16 millions.
E. coli présente un caractère polyclonal net (un grand nombre de souches d’E. coli est retrouvé dans le troupeau).
C’est une bactérie peu contagieuse, parfois non retrouvée sur les analyses bactériologiques car elle est excrétée en petite quantité et par intermittence (Remy, 2010).
E. coli occasionne des mammites cliniques ; si le traitement antibiotique réalisé pour traiter ces dernières ne permet pas d’éliminer totalement le pathogène, la mammite deviendra subclinique, comme nous l’étudions ici.
Modèle épidémiologique des principaux pathogènes impliqués dans les mammites subcliniques
Modèle mammaire ou modèle contagieux
Dans le modèle mammaire, les trayons des vaches infectées constituent le réservoir primaire des germes.
Pendant la traite, les pathogènes passent de quartiers à quartiers ou de mamelles à mamelles via l’intermédiaire des réservoirs secondaires (lavettes, manchons trayeurs, mains de l’éleveur) de plaies ou à cause du mauvais fonctionnement de la machine à traire, comme sur la Figure 4 (Institut de l’élevage, 2008).
Les bactéries concernées par ce modèle contagieux présentent un caractère oligoclonal c’est à dire qu’une à deux souches seulement sont retrouvées dans le troupeau, d’où une très grande contagiosité.
La prévalence, soit le nombre de vaches atteintes, est élevée ; et l’incidence, soit le nombre de nouveaux cas, est stable tout au long de la lactation.
Les germes concernés induisent des mammites subcliniques ou des mammites chroniques, avec de temps en temps (mais non systématiquement) l’émergence de signes cliniques (Remy, 2010).
Les principales bactéries impliquées dans le modèle mammaire sont Staphylococcus aureus, Streptococcus agalactiae et Streptococcus dysgalactiae.
• Staphylococcus aureus
S. aureus présente un caractère oligoclonal d’où sa très grande contagiosité.
Cette bactérie se localise en de nombreux endroits : le lait, les micro-abcès, les cellules phagocytaires, les cellules épithéliales mammaires et la surface du tissu épithélial mammaire.
• Streptococcus agalactiae
S. agalactiae appartient à la flore commensale de la mamelle et survit peu dans le milieu extérieur.
Il se développe principalement dans le lait des quartiers contaminés, mais peut également être retrouvé sur les crevasses des trayons et les mamelles des génisses.
Si une génisse est contaminée par S. agalactiae, elle conservera la bactérie jusqu’à son vêlage.
• Streptococcus dysgalactiae
S. dysgalactiae se développe principalement sur les lésions des trayons, mais peut aussi être retrouvé sur les pis et les poils mammaires.
Même si la principale source de contamination reste la traite, ce germe a aussi la particularité d’être transmissible par certains insectes lors d’une piqûre sur la mamelle.
On retrouve souvent une co-infection S. dysgalactiae – S. aureus (Institut de l’élevage, 2008).
Modèle environnemental
Dans ce mode de contamination, les bâtiments d’élevage, et très principalement la litière, fournissent le réservoir primaire aux bactéries.
La transmission se fait alors par contact direct entre les mamelles et cette litière lors des périodes de couchage de la vache, comme le montre la Figure 4.
Les bactéries concernées par ce modèle environnemental présentent un caractère multiclonal, c’est à dire qu’un grand nombre de souches sont retrouvées dans l’élevage, et sont donc peu contagieuses.
La prévalence est généralement faible, mais peut varier au cours de l’année suivant l’évolution des conditions de logement.
Les germes impliqués induisent des mammites cliniques, majoritairement au moment du vêlage, même si certaines espèces peuvent subsister au traitement et conduire à des mammites subcliniques (Institut de l’élevage, 2008).
La principale bactérie retrouvée dans le modèle environnemental est Escherichia coli. Il s’agit d’une bactérie commensale du tube digestif, peu contagieuse de par son caractère multiclonal. Elle est excrétée quotidiennement dans les bouses, et se retrouve donc systématiquement dans la litière.
Les signes cliniques induits par E. coli varient en fonction de la souche.
Ainsi la contamination pendant la lactation provoque des mammites cliniques pouvant être très sévères voire à des bactériémies, tandis que la contamination pendant la période sèche conduit généralement à des mammites latentes (Remy, 2010).
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Table des matières
Glossaire
Abréviations
Introduction
Chapitre I- La mamelle : un organe à haute production sensible aux mammites
1- Lait de vache et santé humaine
1-1- La composition du lait de vache
1-2- Le contrôle laitier
1-2-1- Limites Maximales de Résidus (LMR) – Temps d’attente
1-2-2- Pénalités cellules
1-2-3- Présence de germes dans le lait
1-3- Contamination bactérienne du lait
2- Etiopathogénie des mammites rencontrées en élevage bovin laitier
2-1- Les différentes mammites rencontrées en élevage bovin laitier
2-1-1- Les mammites latentes
2-1-2- Les mammites subcliniques
2-1-3- Les mammites cliniques
2-2- Etiologie des mammites subcliniques rencontrées en élevage bovin laitier
2-2-1- Pathogènes majeurs des mammites subcliniques
2-2-1-1- Staphylococcus aureus ou Staphylocoque doré
2-2-1-2- Streptococcus agalactiae
2-2-1-3- Streptococcus dysgalactiae
2-2-1-4- Streptococcus uberis
2-2-1-5- Escherichia coli
2-2-2- Modèle épidémiologique des principaux pathogènes impliqués dans les mammites subcliniques
2-2-2-1- Modèle mammaire ou modèle contagieux
2-2-2-2- Modèle environnemental
2-2-2-3-Modèle mixte
2-2-3- Détermination du modèle épidémiologique et de la bactérie dominante dans un élevage
2-2-3-1- Détermination du modèle épidémiologique de l’élevage
2-2-3-2- Détermination de la bactérie dominante
3-Physiologie de la mamelle
3-1- Anatomie de la mamelle
3-2- Physiologie de la lactation
3-3- Mécanismes de défense de la mamelle
3-3-1- Mécanisme de défense bas ou immunité de barrière
3-3-2- Mécanismes de défense hauts
3-3-2-1- Immunité naturelle ou innée
3-3-2-2-Immunité acquise ou mémoire
3-4- Colonisation de la mamelle
3-4-1- Pénétration des bactéries
3-4-1-1- La traite
3-4-1-2- La période post-traite
3-4-1-3- Les traitements intramammaires
3-4-2- Contamination du quartier
3-4-2-1- La multiplication active
3-4-2-2- Le transport passif
3-5- Guérison ou persistance de l’infection
3-5-1- Guérison spontanée
3-5-2- Equilibre entre bactéries et polynucléaires neutrophiles
3-5-3- Internalisation profonde
3-5-4- Victoire des bactéries sur les polynucléaires neutrophiles
4- Diagnostic des mammites subcliniques en élevage bovin laitier
4-1- Le TCT ou Taux Cellulaire du Tank
4-2- Le CCSI ou Comptage Cellulaire Somatique Individuelle
4-3- Le test CMT ou Test de Mammite de Californie
4-3-1- Matériel
4-3-2- Méthode
4-3-3- Résultats
4-3-4- Objectifs
4-4- Mesure de la conductivité électrique du lait
4-5- Diagnostic bactériologique
Chapitre II- Traitements des mammites subcliniques
1- Obligations réglementaires en élevage bovin laitier
1-1- Le registre d’élevage
1-2- La Visite Sanitaire Obligatoire (VSO)
1-3- Prescription en l’absence d’examen clinique
2- Antibiothérapie des mammites subcliniques
2-1- Antibiothérapie des mammites subcliniques en lactation
2-1-1- Objectif d’une antibiothérapie en lactation
2-1-2- Sélection des vaches à traiter
2-1-3- Antibiotiques utilisables en lactation
2-1-4- Contrôle de l’efficacité du traitement
2-2- Antibiothérapie au tarissement
2-2-1- Définition du tarissement
2-2-2- Objectif d’une antibiothérapie au tarissement
2-2-3- Sélection des vaches à traiter
2-2-4- Antibiotiques utilisables au tarissement
2-3- Choix de la voie d’administration
2-3-1- La voie injectable
2-3-2- La voie intramammaire
2-3-3- Utilisation simultanée de la voie intramammaire et de la voie injectable
2-4- Antibiorésistance
2-5- Coût des mammites subcliniques pour l’éleveur
3-Alternatives aux antibiotiques dans les mammites subcliniques
3-1- Cahier des charges de l’agriculture biologique en élevage bovin laitier
3-1-1-Conversion à l’agriculture biologique
3-1-2-Habitat des vaches laitières
3-1-3-Alimentation des vaches laitières
3-1-4-Traitements
3-2- L’homéopathie
3-2-1- Principes de l’homéopathie
3-2-2- Choix du remède
3-2-3- Hauteur de dilution
3-2-4- Rythme des prises
3-2-5- Formes et voies d’administration
3-2-6- Principaux remèdes utilisés dans le traitement des mammites subcliniques
3-2-7- Principaux remèdes utilisés au tarissement
3-2-8- Isothérapie
3-2-8-1-Principe
3-2-8-2-Souches utilisables
3-2-8-3-Préparation
3-2-8-4-Prescription
3-2-9- Drainage
3-2-9-1- Souches utilisables
3-2-9-2- Prescription
3-3- Phytothérapie
3-3-1- Principe
3-3-2- Formes d’utilisation et voies d’administration des plantes médicinales
3-3-2-1- Les formes totales
3-3-2-2- Les formes extractives
3-3-3- Principales plantes médicinales utilisées pour traiter les mammites subcliniques en lactation
3-3-4- Principales plantes médicinales utilisées au tarissement
3-4- Aromathérapie
3-4-1- Principe
3-4-2- Toxicité des huiles essentielles
3-4-3- Mécanisme d’action antibactérienne des huiles essentielles …….
3-4-4- L’aromatogramme
3-4-5- Les voies d’administration des huiles essentielles
3-4-6- Principales huiles essentielles utilisées pour traiter les mammites subcliniques en lactation
3-4-7-Principales huiles essentielles utilisées au tarissement
3-5-Autres thérapeutiques alternatives aux antibiotiques
3-5-1-Les obturateurs au sous-nitrate de bismuth
3-5-2-Les apports en oligoéléments, minéraux et vitamines
3-5-2-1-Les apports en oligoéléments
3-5-2-2-Les apports en minéraux
3-5-2-3-Les apports en vitamines
Chapitre III – Prévention des mammites subcliniques
1- Biosécurité
2- Pratique de la traite
2-1- La préparation de la salle de traite
2-2- L’hygiène du trayeur
2-3- La préparation de la mamelle
2-3-1- Les lavettes individuelles
2-3-2- La douchette
2-3-3- Le pré-trempage ou pré-moussage
2-3-4- La serviette désinfectante
2-4-Techniques de traite
2-4-1-Les différentes salles de traite
2-4-1-1- La salle de traite en épi
2-4-1-2- La salle de traite TPA
2-4-1-3- Le roto-tandem
2-4-2- Le robot de traite
2-4-3- Réalisation de la traite en modèle salle de traite
2-4-4- Rôle de la machine à traire dans la contamination des trayons
2-4-4-1- Transmission des germes de vaches à vaches
2-4-4-2- Transmission des germes de trayon à trayon sur une même vache
2-5- Contrôle des installations de traite
2-5-1- Respect de la durée de vie des manchons trayeurs
2-5-2- Bonne position de la griffe sous la mamelle
2-5-3- Lutte contre le phénomène de « reverse-flow »
2-5-4- Nombre de glissements ou de chutes du faisceau trayeur
2-5-5- Temps de traite
2-5-6- Dépose du faisceau trayeur en fin de traite
2-5-7- Soustraite et surtraite
2-5-8- Retrait des bouses pendant la traite
2-6- Soins post-traite
2-6-1- Examen des trayons
2-6-1-1- Présence de troubles circulatoires
2-6-1-2- Présence d’anneaux de compression
2-6-1-3- Présence d’hyperkératose
2-6-1-4- Présence de crevasses
2-6-2- Désinfection et soin des trayons
2-7- Nettoyage de la machine à traire et du tank à lait
2-8- Nettoyage des locaux de traite
3- Hygiène et ambiance dans les bâtiments
3-1- Hygiène des animaux
3-2- Hygiène des locaux
3-2-1- Différents types de stabulations
3-2-1-1- La stabulation libre
3-2-1-2- La stabulation à logettes
3-2-2- Différents types de sols et de litières
3-2-3- Entretien des stabulations
3-2-4-Entretien et emplacement des abreuvoirs et mangeoires
3-2-5- Accès à la salle de traite et maintien debout à la sortie
3-2-6- Désinfection des locaux d’élevage
3-3- Gestion des effluents et pâturage
3-4- Conditions d’ambiance
3-4-1- Respect de la densité animale
3-4-2- Ventilation et hygrométrie du bâtiment
3-4-3- Zone de confort thermique
3-4-4- Luminosité du bâtiment
3-4-5- Diagnostic d’ambiance du bâtiment
4- Prévention concertée avec le vétérinaire
4-1- Réforme des vaches incurables
4-2- Prévention des mammites par les traitements alternatifs
4-3- Prévention des mammites par sélection génétique
4-4- La vaccination « anti-mammite »
Conclusion
Table des annexes
Bibliographie
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