Modèle de simulation de la cercosporiose noire à l’échelle d’un bananier

Modèle de simulation de la cercosporiose noire à l’échelle d’un bananier

Lemodèle SiBaToka

Nous présentons dans ce chapitre la construction et l’évaluation d’ un modèle spécifique décrivant la dynamique du pathogèneMycosphaerella fijiensis sur son hôte en croissance : le modèle SiBaToka « Simulation on Banana of SigaToka ¤ disease ». ¤ La vallée de Sigatoka est une vallée des îles Fidji où la cercosporiose noire a été décrite en 1963 pour la première fois. Dans la première partie du chapitre, nous présentons l’article que nous soumettrons dans la revue Ecological Modelling. Cet article décrit dans un premier temps les étapes de la construction du modèle : la simulation de la croissance d’un bananier sur plusieurs cycles de culture et la dynamique du pathogèneMycosphaerella fijiensis sur son hôte.

Dans un second temps, nous présentons la bibliographie et les données qui nous ont permis de renseigner les paramètres décrivant la dynamique du pathosystème. L’incertitude liée aux paramètres les plus influents du cycle infectieux nous a amenés à utiliser une méthode bayesienne de typeMCMC afin d’inférer ces paramètres. Pour ce faire, nous avons mis en place une expérimentation de suivi de la surface malade à petite échelle spatiale (plusieurs feuilles de plusieurs plantes) pendant trois mois, en République Dominicaine. L’inférence a permis d’affiner nos connaissances sur ces paramètres influents sur le pourcentage de maladie observé sur une variété sensible de plantain de type « Macho por Hembra ». La validation du modèle a été effectuée sur des données dynamiques acquises antérieurement sur une variété plantain de type « French Clair » à plus grande échelle spatiale (évaluation du pourcentage de nécroses sur une plante entière sur plusieurs cycles de culture).

Le modèle simule efficacement l’infection d’un bananier par la cercosporiose noire et peut être vu comme un outil de meilleure compréhension du pathosystème car tous les paramètres d’entrée dépendent de la variété et les simulations, peu coûteuses en temps de calcul, peuvent produire des sorties d’intérêt multiples. Le développement du modèle a été initié en utilisant le logiciel R [R Development Core Team, 2008] puis pour des raisons de temps de calcul, le modèle a entièrement été codé en C++ (langage orienté objet) et les calculs numériques ont été réalisés à l’aide du calculateur du C3I, de l’université des Antilles. Dans la seconde partie du chapitre, nous proposons d’exploiter l’outil développé pour mieux comprendre, par simulation, le fonctionnement épidémique de lamaladie à l’échelle de la plante. En particulier la dynamique de l’inoculum secondaire pour laquelle peu de connaissances précises existent dans la littérature.

Discussion

Le modèle SiBaToka développé est le premier modèle simulant la dynamique du pathogène Mycosphaerella fijiensis couplée à la croissance d’un bananier sur plusieurs cycles de culture. Lemodèle permet demieux comprendre la dynamique épidémique grâce à la flexibilité de son paramétrage et aux sorties disponibles à différentes échelles spatiales (plante, feuilles, compartiments de feuilles). En effet, tous les paramètres d’entrée dépendent de caractéristiques variétales. Il est donc possible d’explorer les sorties du modèle en faisant varier les paramètres épidémiologiques du pathogène et les paramètres phénologiques et architecturaux de la plante. Le modèle informatique a été conçu de manière à ce que les nombres de spores, toutes les surfaces et les nombres de lésions, dans les différents états épidémiologiques (lésions en incubation, lésions productrices de spores asexuées, lésions latentes, nécroses sporulantes et non sporulantes) soient accessibles dans chacun des compartiments de feuilles présents sur la plante au cours du temps.

Les méthodes de lutte peuvent être évaluées grâce au modèle. Par exemple, afin de mieux comprendre l’effet de la croissance du bananier sur les niveaux épidémiques, nous avons mis en évidence l’effet du rythme d’émission foliaire sur le pourcentage de nécrose présent sur une plante au cours du temps. Il est donc possible de proposer des pratiques culturales visant à augmenter le rythme d’émission foliaire et de fait, à réduire la quantité de maladie sur la plante. Le modèle peut permettre aussi d’aider à la conception de nouvelles méthodes de lutte. Par exemple, en évaluant la part de l’auto-infection au cours du cycle, il est possible de proposer, à des dates clés, de réduire l’auto-infection par le biais d’effeuillages.

L’inoculum primaire utilisé pour initier l’épidémie est difficile à quantifier et son évaluation au champ est compliquée [van Maanen and Xu, 2003]. Nous avons montré que cette quantité n’a pas d’influence sur le rang des PJFN et PJFM simulés, cependant il serait intéressant de pouvoir évaluer l’impact de l’inoculum primaire sur les sorties du modèle. Dans le modèle, la croissance des lésions est décrite par une fonction logistique. Dans sa définition, la taille maximale d’une lésion est le compartiment, or il est admis qu’une lésion isolée possède une surface maximale [Jones, 2000]. On pourrait alors proposer une expérimentation permettant de mesurer cette surface afin d’intégrer cette connaissance dans lemodèle. Le paramètre de cette fonction lgr (vitesse d’extension des lésions) est cependant fixe dans le temps, alors que Fouré [1982] décrit une accélération du cycle épidémique lorsque la densité de lésion est élevée.

Une amélioration du modèle pourrait être de simuler la croissance des lésions en intégrant un paramètre de densité-dépendance. Dans le modèle, les lésions émettent une quantité fixée de spores par mm2 et par jour, cependant la quantité de spores produite par une lésion nécrosée varie dans le temps [Jones, 2000]. On pourrait alors proposer de prendre cela en compte comme par exemple Eikemo et al. [2011] qui évaluent six fonctions décrivant la production d’ascospores d’un pathogène du poirier. La dispersion des spores est décrite par deux fonctions de dispersion exponentielles. Il serait intéressant de comparer plusieurs fonctions de dispersion afin de trouver pour chacun des types de spores une fonction adéquate comme le proposent Rieux et al. [2014] qui comparent plusieurs fonctions de dispersion des conidies et ascospores sur une distance d’un kilomètre. L’amélioration du choix de la fonction de dispersion peut permettre d’améliorer les prédictions du modèle.

ANALYSE DE SENSIBILITÉ DUMODÈLE SIBATOKA

Les modèles de cultures intégrant divers pathogènes permettent d’améliorer la compréhension des processus épidémiologiques et plus précisément d’évaluer le fonctionnement de l’interaction entre la dynamique de la culture et celle du pathogène (Gilligan [2008], De Wolf and Isard [2007]). Ces modèles sont des outils majeurs d’aide à la décision pour le contrôle des maladies en permettant l’amélioration de la gestion des cultures [Jeger, 2004]. Décrire les processus mis en jeu dans le développement d’un pathogène sur une culture nécessite généralement l’intégration de beaucoup de paramètres d’entrée. Par exemple Richter et al. [2010] décrivent un modèle de culture du blé par le biais de 91 paramètres ou encore Lô Pelzer et al. [2010a] analysent un modèle simulant le phoma du colza décrit avec 49 paramètres d’entrée. L’incertitude liée aux valeurs données à ces nombreux paramètres entraîne une incertitude sur les prédictions du modèle [Lamboni et al., 2009]. Afin de calibrer efficacement un modèle, il est nécessaire de connaître les paramètres les plus influents sur les sorties du modèle pour pouvoir mettre en place des expérimentations permettant d’affiner leurs valeurs [Wang et al., 2013]. L’analyse de sensibilité globale d’un modèle est une approche permettant d’évaluer l’effet de la variabilité des paramètres d’entrée sur des sorties d’intérêt. Elle permet d’identifier les paramètres clés i.e. les paramètres qui ont la plus grande influence sur les sorties du modèle, de quantifier leurs importances et par là même d’explorer la structure du modèle [Faivre et al., 2013].

L’identification de ces paramètres peut permettre alors un meilleur contrôle de la maladie : améliorer les connaissances sur ces paramètres augmente la précision du modèle et identifier ces paramètres peut permettre de proposer des mesures de contrôle efficaces (Casadebaig et al. [2012], DeJonge et al. [2012], Confalonieri et al. [2010b]). A l’échelle d’une plante, un modèle épidémiologique de simulation de la cercosporiose noire du bananier, considérée comme la maladie la foliaire la plus grave de cette culture [Jones, 2000], a été développé en temps discret et simule le cycle épidémique de la maladie et la croissance du bananier pendant plusieurs cycles [Landry et al., in prep]. Ce modèle simule, suivant une quantité donnée d’inoculum primaire (nombre de spores dans l’air se déposant par mm2 de feuille et créant des lésions), la croissance et la sporulation des lésions créées. De ce fait, ce modèle permet d’étudier l’auto-inoculum (spores provenant de la plante) permettant la réinfestation de la plante par elle-même. En effet, ce modèle considère que les deux types de spores (asexuées et sexuées) produites par le pathogène responsable de la cercosporiose noire se dispersent sur les feuilles de la même plante pour créer de nouvelles lésions.

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Table des matières

1 Introduction
1.1 Épidémies végétales et invasions biologiques
1.1.1 Définitions
1.1.2 Facteurs influant sur les dynamiques épidémiques
1.1.3 Modélisation spatio-temporelle et importance de l’échelle spatiale
1.2 Méthodes statistiques utilisées
1.2.1 Modélisation à l’échelle d’une plante
1.2.2 Modélisation à l’échelle d’un paysage
1.2.3 Méthodes d’estimation des paramètres
1.2.4 Analyse de sensibilité de modèles
1.3 Notre cas d’étude : la cercosporiose noire du bananier
1.3.1 Le bananier
1.3.2 La cercosporiose noire
1.3.3 Le pathogèneMycosphaerella fijiensis
1.3.4 Épidémiologie
1.3.5 Origine et distribution
1.3.6 Méthodes de lutte
1.3.7 Modélisation de la cercosporiose noire du bananier
1.4 Objectifs de la thèse
2 Modèle de simulation de la cercosporiose noire à l’échelle d’un bananier : le modèle Si-BaToka
2.1 Article en préparation
2.2 Simulation et évaluation du modèle
2.2.1 Description de la plante
2.2.2 Densité d’inoculum primaire
2.2.3 Dynamique des inoculums au cours des cycles de culture
2.2.4 Effet de l’inoculumprimaire sur la vitesse du cycle infectieux
2.2.5 Effet de la résistance du bananier sur la dynamique parasitaire
2.3 Discussion
3 Analyse de sensibilité du modèle SiBaToka
3.1 Introduction
3.2 Matériel et méthodes
3.2.1 Le modèle SiBaToka
3.2.2 Méthodes d’analyse de sensibilité
3.3 Résultats
3.3.1 Évaluation de l’effet des composantes de résistance de la plante et de la dispersion de l’inoculum secondaire
3.3.2 Évaluation de l’effet des caractères agronomiques et génétiques de la plante
3.3.3 Évaluation dumodèle complet
3.4 Discussion
3.4.1 Discussion des principaux résultats
3.4.2 Discussion desméthodes et dumodèle
4 Modélisation de la dynamique d’invasion de la cercosporiose noire à l’échelle d’un territoire
4.1 Contextes
4.1.1 Contexte biologique
4.1.2 Contexte méthodologique
4.1.3 Objectifs du chapitre
4.2 Données
4.2.1 Données de présence-absence à l’échelle d’un territoire
4.2.2 Données environnementales
4.2.3 Reconstitution du paysage
4.3 Modèle spatio-temporel
4.3.1 Description du modèle développé
4.3.2 Simulations du modèle
4.4 Inférence des paramètres du modèle
4.4.1 Vraisemblance, loi a priori et loi a posteriori
4.4.2 Algorithmes et validation
4.4.3 Validation
4.5 Analyse de sensibilité du modèle
4.5.1 Méthode deMorris
4.5.2 Méthode extended FAST
4.6 Inférence sur données réelles : Article en préparation
4.7 Discussion du chapitre
4.7.1 Discussion des principaux résultats
4.7.2 Discussion méthodologique
Conclusion
Bibliographie
A Analyse de sensibilité du modèle SiBaToka I

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