Le réseau routier français compte plus d’un million de kilomètres gérés par l’Etat, les communes, les départements et les concessionnaires routiers. Il est l’un des plus denses d’Europe. Ce réseau estimé à 2000 milliards d’euros, représente le premier patrimoine de l’Etat.
Les chaussées dégradées nécessitent des travaux de rénovation et d’entretien afin de prolonger leur durée de vie et garantir la sécurité des usagers. Le rapport présenté en 2018 à la Direction des infrastructures de transport montre qu’environ 7 % du réseau national nécessite des travaux de rénovation et 17 % des routes présentent un état de dégradation plus ou moins important. L’objectif principal de l’Etat et des gestionnaires routiers est d’optimiser les ressources financières à mettre en place pour maintenir l’état de ces structures. A titre d’exemple, pendant ces dix dernières années, en moyenne 666 millions d’euros par an ont été consacrés par l’Etat aux dépenses d’entretien et de gestion du réseau routier national non concédé.
Une étude d’entretien de chaussée (au sein d’une étude plus générale à l’échelle d’un réseau routier) repose sur trois étapes qui consistent à :
● Réaliser le diagnostic de l’état actuel de la chaussée
● Estimer sa durée de vie résiduelle hors travaux d’entretien
● Proposer et comparer entre elles des solutions de maintenance, à la fois en termes de gain de durabilité et de coût financier.
Le déploiement de ce type de méthodologie passe par l’amélioration des techniques actuelles d’auscultation des chaussées mais aussi par des outils de modélisation numérique permettant de rendre compte du comportement des structures de chaussées endommagées (aide au diagnostic) et d’évolution de leur état, en fonction des différents scénarios d’entretien. Cette thèse porte sur ce second volet, mais se situe encore relativement en amont des applications envisagées dans le futur. Elle a pour principal objectif le développement d’éléments théoriques et codes de calculs permettant l’étude de l’initiation et de la propagation de fissures dans des structures composées de matériaux à rhéologie thermo-viscoélastique, caractéristique du comportement des enrobés bitumineux (EB). Son champ d’action se limite ici au cas de chargements monotones et n’aborde pas les aspects de fatigue sous sollicitations mécaniques ou climatiques répétées. Les outils développés dans cette thèse peuvent s’appliquer dans un premier temps à l’interprétation des essais de fissuration sur matériaux bitumineux pratiqués en laboratoire pour différentes conditions de géométrie, de température et de vitesse de chargement.
Il a été pris le parti pour ce faire de s’appuyer sur l’approche TLS (Thick Level Set), récemment développée à l’ECN (Möes et al., 2010). Cette approche permet d’unifier les deux grandes familles de modélisation numérique de fissuration des structures, à savoir la mécanique de l’endommagement et la mécanique de la rupture. Elle repose sur une modélisation non locale de l’endommagement et une technique de transition entre états endommagé et fissuré. Dans cette approche, l’évolution du dommage est représentée par la propagation d’un ensemble de courbes de niveau (level set) dont dépend la variable d’endommagement. L’évolution du front d’endommagement, séparant les zones saines et dégradées dans la structure, est imposée par une quantité non locale intégrant en tout point du front des informations prises sur l’épaisseur de la bande endommagée. Au-delà d’une certaine longueur critique à partir du front, le matériau est supposé complètement dégradé et une transition naturelle vers la fissuration est assurée par utilisation de l’approche XFEM.
Généralités sur les chaussées et les matériaux bitumineux
Une chaussée est une superposition des couches de différentes épaisseurs qui réagissent ensemble afin de supporter les chargements extérieurs appliqués. Parmi les sollicitations appliquées on peut distinguer celles dues au trafic (chargement vertical et horizontal) et celles dues aux conditions climatiques comme le gel, et la pluie.
Cette structure est composée de trois parties principales (Figure I-1), les couches de surface, les couches d’assise et le sol support. Chaque partie est constituée d’une ou de plusieurs couches de matériaux de différents types. Les couches de surface sont les couches responsables de la transmission des chargements extérieurs (du trafic et du climat) dans la structure de la chaussée. Les couches d’assise transfèrent ces chargements par la suite vers le sol support. Ces couches possèdent différentes fonctions, elles sont conçues de manière à résister aux chargements tout en assurant les qualités suivantes :
● Mécaniques : performance liée aux propriétés mécaniques;
● Budgétaires : durée de vie et le coût de construction et de réparation;
● Sécurité et confort des usagers.
Modèle de Poynting-Thomson endommageable et inégalité de Clausius Duhem
L’objectif visé de cette partie est de construire une loi de comportement avec endommagement du modèle viscoélastique de Poynting-Thomson (PT) en tenant compte de l’inégalité de Clausius-Duhem pour avoir des évolutions thermodynamiquement admissibles.
Modèle de Poynting-Thomson
Le modèle rhéologique de Poynting-Thomson est constitué d’un modèle de Kelvin-Voigt (un ressort et un amortisseur linéaire montés en parallèle) monté en série avec un ressort de rigidité ?0.
Etude de deux critères d’endommagement
Afin de choisir un critère d’endommagement pour le modèle PTE, on a étudié deux cas : l’un basé sur l’énergie dissipée, l’autre sur le taux de restitution d’énergie élastique. On cherche des critères conduisant à des résultats en accord avec les observations expérimentales de la section I.5.2. Pour rappel, on souhaite pour la simulation d’essais de traction directe, à température et vitesse de déformation constantes, retrouver les propriétés suivantes :
● La contrainte maximale atteinte dans le matériau – également dite contrainte critique – augmente avec l’augmentation de la vitesse de chargement.
● La déformation à la rupture diminue avec l’augmentation de la vitesse de chargement.
Ici, on va déjà voir si les deux propriétés ci-dessus sont satisfaites, d’un point de vue théorique, sur les états de contrainte et de déformation à l’initialisation de l’endommagement. On sélectionnera alors le critère pour la suite sur la base de ces considérations, tout en sachant (et comme nous le verrons plus loin) que la contrainte à l’initialisation ne correspond pas nécessairement à la valeur critique à rupture.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre I : Synthèse bibliographique
I.1 Contenu et démarche
I.2 Généralités sur les chaussées et les matériaux bitumineux
I.3 Comportement viscoélastique linéaire des enrobés bitumineux
I.4 Modèles Rhéologiques
I.5 Essais de caractérisation du comportement à la fissuration des Matériaux Bitumineux
I.6 Mécanique de l’endommagement et de la rupture
I.7 Bilan
Chapitre II : Développement d’un modèle d’endommagement local 1D basé sur le modèle de Poynting-Thomson
II.1 Contenu et démarche
II.2 Viscoélasticité, endommagement, et principes de la thermodynamique
II.3 Modèle de Poynting-Thomson endommageable et inégalité de Clausius Duhem
II.4 Etude de deux critères d’endommagement
II.5 Loi d’évolution d’endommagement associée au critère ? − ?? ≤ 0
II.6 Loi d’évolution d’endommagement avec adoucissement ? − ?(?)?? ≤ 0
II.7 Autres formes possibles de la surface seuil d’endommagement
II.8 Bilan
Chapitre III : Étude structurelle 1D de la réponse d’une barre à comportement viscoélastique chargée en traction dans le cadre de l’approche TLS
III.1 Contenu et démarche
III.2 Formulation 1D non locale du critère d’endommagement du modèle PTE suivant l’approche TLS
III.3 Problème de barre à comportement PTE en traction
III.4 Extension du comportement matériel de la barre à un modèle viscoélastique de KelvinVoigt généralisé endommageable
III.5 Application numérique : Modélisation de l’essai de traction directe
III.6 Bilan
Chapitre IV : Généralisation 3D du modèle PTE+TLS et implémentation dans le code de calcul eXlibris
IV.1 Contenu et démarche
IV.2 Généralisation de la loi de comportement endommageable PTE en 3D
IV.3 Équation d’équilibre d’un solide PTE en régime quasi-statique
IV.4 Équation d’évolution non locale de l’endommagement
IV.5 Équation d’évolution de la variable interne ?(??)
IV.6 Discrétisation spatiale
IV.7 Discrétisation temporelle
IV.8 Algorithmes de résolution du problème discrétisé
IV.9 Validation numérique des algorithmes proposés à partir de l’essai de traction directe 1D
IV.10 Bilan
Chapitre V : Application du module eXlibris TLS viscoélastique à la simulation d’essais de fissuration monotone sur matériaux bitumineux
V.1 Contenu et démarche
V.2 Essai de traction directe
V.3 Essai de flexion 3 points sur poutre rectangulaire
V.4 Bilan
Conclusion générale