Modèle d’agent dialogique proactif pour la recommandation experte 

Théorie des actes de langage

De nombreux langages d’agents se fondent sur la théorie des actes de langage. Cette branche de la philosophie du langage repose sur le principe « Dire c’est faire », elle a été fondée par [Austin 1962] et notamment développée par [Searle 1969]. Cette approche propose de considérer les énoncés des agents comme des actes. Un acte de langage est composite, il est lui-même constitué:
• d’un acte locutoire ou locution, relatif à ce qui est dit par le locuteur de l’énoncé, c’est le contenu propositionnel de l’acte de langage ;
• d’un acte illocutoire ou illocution, relatif à la signification de ce qui est dit par l’émetteur de l’énoncé, c’est le sens de la proposition ;
• d’un acte perlocutoire ou perlocution, relatif aux conséquences de l’acte sur les états mentaux du récepteur de l’énoncé. En d’autres termes, il s’agit des modifications dans l’état mental du récepteur entraînées par la prise de connaissance du message.
Dans une optique analytique, Austin a proposé une classification de ces actes en fonction de leur but illocutoire. Par la suite, Searle a lui aussi proposé une classification qui fait désormais référence [Searle 1969]. Il y distingue cinq types d’actes :
• assertifs ou représentatifs, ils expriment une affirmation, un fait sur le monde ;
• directifs, ils orientent le récepteur vers l’accomplissement d’un acte ;
• commissifs ou promissifs, ils engagent l’émetteur à accomplir un acte ;
• expressifs, ils expriment une affirmation sur l’état mental de l’émetteur ;
• déclaratifs, ils accomplissent l’action contenue dans la proposition de l’acte par leur énonciation.

Typologie du dialogue

Chaque type de dialogue est défini par sa situation initiale, le but de ses participants et l’objectif du dialogue en lui-même.
Dans un dialogue de demande d’information, un participant fait l’hypothèse d’une asymétrie de l’information avec son interlocuteur. Le dialogue permet de réduire cette asymétrie par le partage de l’information.
Exemple : Alice a oublié sa montre et demande l’heure à Bob qui la lui donne. Dans un dialogue d’enquête, les participants ont pour but commun la recherche de nouvelles connaissances. Partant d’un problème ouvert, il s’agit à l’issue du dialogue de pouvoir répondre à une question en démontrant la véracité ou la fausseté de propositions.
Exemple : Alice et Bob cherchent à établir ensemble qui était le quatrième président de la cinquième république française.
Un dialogue de délibération est, comme une enquête, coopératif. Il se distingue par son objet : établir un plan d’action pour atteindre un objectif commun. L’enjeu n’est pas ici de savoir ce qui est vrai mais de décider quoi faire. Pour McBurney et al., dans un cadre délibératif, les agents sont prêts à partager leurs croyances et préférences et une proposition peut être optimale pour le groupe sans l’être pour aucun des agents qui le compose [McBurney et al. 2007].
Exemple : Alice et Bob conviennent ensemble d’un rendez-vous. Dans un dialogue de négociation, les participants ont là aussi à prendre une décision mais contrairement à une délibération, ils ne désirent pas une même situation finale. Négocier constitue alors un moyen pour les agents d’atteindre un compromis.
Exemple : Alice veut regarder un match de football tandis que Bob souhaite regarder un documentaire animalier. Après d’âpres négociations, ils regarderont finalement un épisode de Monty Python’s Flying Circus.
Un dialogue de persuasion peut être perçu comme un jeu où les participants s’affrontent : chacun a une opinion différente et souhaite la voir adopter par son interlocuteur. Pour ce faire, ils échangent des arguments sous la forme de propositions afin de défendre leur point de vue ou d’attaquer le point de vue adverse.
Exemple : Alice est pro-nucléaire et essaie de faire changer d’opinion Bob qui lui est anti-nucléaire. Le dialogue éristique correspond à une situation où chacun des participants a pour but d’attaquer l’autre verbalement, nous ne nous y intéressons pas plus en détails ici.
Tandis que les dialogues de demande d’information, d’enquête et de délibération partent d’une situation ouverte, les dialogues de persuasion, de négociation et d’éristique ont pour origine un conflit. Dans les premiers, les participants au dialogue partagent généralement un but commun et sont coopératifs, dans les seconds, ils ont des buts différents voire incompatibles et sont davantage en opposition.

Langage de communication d’agents

Dans les SMA, lorsqu’on souhaite que les agents puissent communiquer et se comprendre, on utilise généralement un langage de communication d’agents ou ACL (pour Agent Communication Language). Contrairement au langage naturel, un ACL est généralement plus explicite, et donc plus formel, afin d’éviter l’ambiguïté dans la communication entre les agents. Ainsi, il est pourvu :
• d’une syntaxe, qui définit la structure à laquelle doit se conformer tout énoncé du langage ;
• d’une sémantique, qui définit le sens à conférer à un énoncé du langage ;
• d’une pragmatique, qui définit le contexte dans lequel formuler un énoncé du langage.
Parmi les ACL les plus notoires proposés par la communauté scientifique, on peut citer chronologiquement KQML [Finin et al. 1994] et FIPA-ACL [FIPA 2002b]. Nous concentrons ici notre étude sur FIPA-ACL, largement répandu et considéré comme un standard.
Sémantique :
Plus en détails :
le champ performative est essentiel et requis pour tout message, chacun ayant sa sémantique précisée dans [FIPA 2002b].
Parmi l’ensemble des performatifs, 4 sont primitifs, les autres peuvent être obtenus par composition.
3 champs concernent la communication : sender et receiver indiquent respectivement l’émetteur et le destinataire du message ; reply-to indique à qui adresser une réponse au message.
4 champs concernent le contenu : content qui contient le contenu lui-même ; language, encoding et ontology qui permettent son interprétation.
5 champs concernent l’enchaînement des messages : protocol, définit les règles de la conversation; conversation-id, renseigne l’identifiant de la conversation ; reply-with, indique l’identifiant du message ; in-reply-to indique le message auquel on répond et reply-by fixe une date butoir pour la réponse.

Protocoles d’interaction

Un protocole de dialogue décrit les règles d’enchaînements des actes de langages. Il est partagé par les participants auxquels ils doivent conformer leurs interactions pour le bon déroulement du dialogue. Un protocole affecte des rôles aux participants et décrit les séquences de messages autorisées. Dans la littérature, on trouve différentes formes de représentations des protocoles [Huget & Koning 2001] parmi lesquelles notamment le diagramme d’interaction UML et l’automate à
états fini. Le langage UML (acronyme de Unified Modeling Language) est, comme son nom l’indique, un langage de modélisation unifié. Souvent employé pour concevoir des logiciels, il propose un ensemble de conventions graphiques pour la modélisation d’objets notamment. Afin de répondre à certaines problématiques spécifiques de l’approche agent, une extension d’UML nommée AUML, pour Agent UML a été proposée [Bauer et al. 2001], elle permet de représenter les protocoles d’interactions et leurs instances sous la forme de diagrammes. En particulier, on trouve les protocoles FIPA représentées sous ce formalisme [FIPA 2002b].
Un diagramme d’interaction est l’extension agent d’un diagramme de séquence UML. Il prend la forme d’un graphique dans lequel :
• les rôles des participants du protocole sont symbolisés par des rectangles alignés horizontalement et annotés par le nom du rôle ;
• à chaque rôle est associé une ligne de vie, symbolisée par un trait interrompu fin et décrivant un axe temporel ;
• les échanges de messages entre deux rôles sont symbolisés par des flèches allant de l’émetteur du message vers son récepteur et annotées par un acte de langage dont le contenu n’est généralement pas spécifié.

Méthodes et outils d’aide à la décision

Le champ de l’aide à la décision regroupe l’ensemble des méthodes et procédés mis en œuvre dans le but d’accompagner le décideur dans sa prise de décision. [Roy 1985] propose une définition précise de l’aide à la décision : « L’aide à la décision est l’activité de celui qui, prenant appui sur des modèles clairement explicités mais non nécessairement complètement formalisés, aide à obtenir des éléments de réponses aux questions que se pose un intervenant dans le processus de décision, éléments concourant à éclairer la décision et normalement à prescrire, ou simplement à favoriser un comportement de nature à accroître la cohérence entre l’évolution du processus d’une part, les objectifs et le système de valeurs au service desquels cet intervenant se trouve placé d’autre part. »
Dans un dialogue d’aide à la décision, on distingue ainsi au moins deux participants ayant chacun un rôle distinct :
le décideur, qui est confronté à un problème de décision qu’il tente de résoudre, c’est lui qui prend la décision ;
l’analyste, qui adopte les objectifs du décideur et cherche à l’aider en dialoguant avec lui sans toutefois pouvoir prendre la décision à sa place.
Initialement, l’aide à la décision prend typiquement la forme d’avis de tiers sur un problème de décision ayant trait à un domaine duquel ils sont experts. Par la suite, les outils mathématiques ont été introduits pour formaliser davantage la prise de décision. Tsoukiàs présente ainsi l’aide à la décision comme issue de la recherche opérationnelle et caractérisée par une approche formelle, abstraite et rationaliste [Tsoukiàs 2008]. Avec l’essor de l’Informatique, l’aide à la décision a intégré des outils logiciels permettant d’aller plus loin notamment dans la modélisation et la simulation. Enfin, dans une perspective à rapprocher de l’IA, l’aide à la décision s’automatise et prend la forme de logiciels interagissant directement avec le décideur pour l’assister [Ouerdane 2009].
[Roy 1985] catégorise 4 problématiques traitées par l’aide à la décision :
• la problématique du choix, où il s’agit de restreindre autant que possible l’ensemble des alternatives en gardant les meilleures d’entre elles ;
• la problématique du tri, où il s’agit de catégoriser les alternatives ;
• la problématique du rangement, où il s’agit de regrouper les alternatives en classe d’équivalence ;
• la problématique de la description, où il s’agit de décrire les alternatives et leurs conséquences. Ici, nous nous intéressons en particulier à la problématique du choix et, à son préalable, la problématique de la description. Pour prendre ses décisions, l’agent décideur raisonne sur sa base de croyances au sens large (que ce soit sur les alternatives, sur ses buts, sur ses préférences, etc.), autrement dit, sur sa représentation du problème de décision. Pour l’agent analyste, l’aide à la décision passe par une interaction avec l’agent décideur afin de venir modifier ou compléter les croyances du décideur.
Parmi les contributions les plus notables sur ces problématiques, les méthodes ELECTRE (pour ELimination Et Choix Traduisant la REalité) [Roy & Bouyssou 1993] constituent une panoplie d’outils méthodologiques spécifiques pour résoudre les problématiques de choix, de tri et de rangement. Ces méthodes reposent sur une approche dite de surclassement qui consiste à identifier les paramètres du problème, en particulier les critères, pour ensuite agréger les comparaisons des alternatives pour chacun de ces critères afin de rendre les alternatives comparables et enfin de procéder à une recommandation. L’incomparabilité entre deux alternatives est généralement prise en compte dans ces méthodes. Certaines de ces méthodes sont cependant complexes à l’utilisation et peuvent nécessiter de passer par une évaluation numérique du problème par le décideur.

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Table des matières

Introduction 
Notations 
I État de l’art 
1 Décision et modélisation des préférences 
1.1 Introduction
1.2 Choix
1.2.1 Fonction de choix
1.2.2 Rationalité
1.3 Modèle de préférence ordinal
1.4 Modèle de préférence cardinal
1.5 Modèles de préférence multi-critères
1.5.1 Décision multi-critères
1.5.2 Préférences ordinales
1.5.3 Préférences cardinales
1.6 Synthèse
2 Communication entre les agents 
2.1 Introduction
2.2 Langage
2.2.1 Théorie des actes de langage
2.2.2 Langage de communication d’agents
2.3 Dialogue
2.3.1 Typologie du dialogue
2.3.2 Protocoles d’interaction
2.3.3 Jeu de dialogue
2.4 Synthèse
3 Prise de décision assistée 
3.1 Introduction
3.2 Méthodes et outils d’aide à la décision
3.3 Systèmes experts
3.4 Agents conversationnels
3.4.1 Perception et analyse des entrées de l’utilisateur
3.4.2 Expression de l’agent
3.4.3 Gestion du dialogue et raisonnement
3.5 Systèmes de recommandation
3.6 Synthèse
4 Agrégation des préférences 
4.1 Introduction
4.2 Agrégation de préférences ordinales
4.2.1 Consensus
4.2.2 Préférences de Pareto
4.3 Agrégation de préférences cardinales
4.3.1 Bien-être utilitaire
4.3.2 Bien-être égalitaire
4.3.3 Bien-être de Nash
4.4 Synthèse
5 Processus de prise de décision collective 
5.1 Introduction
5.2 Systèmes de vote
5.2.1 Critère de la majorité
5.2.2 Méthode Condorcet
5.2.3 Méthode Borda
5.2.4 Caractérisation des systèmes de vote
5.3 Négociation
5.3.1 Objet de négociation
5.3.2 Protocoles
5.3.3 Modèles décisionnels d’agents
5.3.4 Propriétés des protocoles de négociation
5.4 Synthèse
6 Conclusions de l’état de l’art 
6.1 Vers un agent dialogique proactif
6.1.1 Modèle de préférence du décideur
6.1.2 Mode de dialogue homme-agent
6.1.3 Processus d’assistance à la décision
6.2 Vers un processus de décision collective équitable
6.2.1 Modèle de préférences des participants
6.2.2 Agrégation des préférences et évaluation sociale
6.2.3 Processus de décision collective
II Un agent dialogique proactif pour assister la prise de décision
7 Modèle d’agent dialogique proactif pour la recommandation experte 
7.1 Introduction
7.2 Approche
7.2.1 Problématique
7.2.2 Caractéristiques de l’agent dialogique proactif
7.3 Modèle de dialogue
7.3.1 Approche du dialogue
7.3.2 Jeu dialogique d’assistance à la décision
7.4 Architecture d’agent
7.4.1 Représentation des connaissances et raisonnement
7.4.2 Gestion des buts et du dialogue
7.5 Conclusion
7.5.1 Synthèse
7.5.2 Discussion
7.5.3 Perspectives
8 Application : Vendeur Virtuel Ubiquitaire 
8.1 Introduction
8.2 Problématique applicative
8.2.1 Contexte et objectifs
8.2.2 Analyse des mécanismes de vente
8.3 Représentation des connaissances et raisonnement
8.3.1 Produit
8.3.2 Client
8.3.3 Calcul du vecteur courant
8.4 Gestions des buts, stratégie et tactique
8.4.1 Identification du profil du client
8.4.2 Identification du produit
8.4.3 Comportement d’agent
8.5 Implémentation
8.6 Conclusion
8.6.1 Synthèse
8.6.2 Perspectives
III Négociation multi-agents équitable 
9 Système délibératif multilatéral pour un accord équitable 
9.1 Introduction
9.2 Hypothèses sur les préférences
9.3 Définition d’une alternative équitable
9.3.1 Modélisation de l’effort
9.3.2 Critère pour l’agrégation des efforts
9.4 Résolution centralisée de la recherche des alternatives équitables
9.5 Négociation multilatérale pour atteindre un accord équitable
9.5.1 Protocole
9.5.2 Stratégies
9.6 Conclusion
9.6.1 Synthèse
9.6.2 Discussion
9.6.3 Perspectives
10 Expérimentation du protocole de négociation pour un accord équitable 
10.1 Introduction
10.2 Protocole expérimental
10.2.1 Génération des préférences
10.2.2 Méthode de comparaison des ensembles d’accord
10.3 Résultats
10.3.1 Gain à temporiser
10.3.2 Équité des accords
10.3.3 Recours à l’arbitraire
10.4 Conclusion
10.4.1 Synthèse
10.4.2 Perspectives
11 Application : Coopération pour la recherche d’un point de rencontre 
11.1 Introduction
11.2 Problème
11.3 Négociation pour la recherche d’un point de rencontre
11.3.1 Modèle de préférences
11.3.2 Recherche collective du point de rencontre optimal
11.4 Démonstrateur logiciel
11.5 Évaluation expérimentale
11.5.1 Efficacité de la négociation
11.5.2 Coût communicationnel
11.5.3 Efficacité des tactiques
11.6 Conclusion
11.6.1 Synthèse
11.6.2 Perspectives
Conclusion 
A Éléments d’expertise dans le domaine de la vente 
A.1 Analyse des mécanismes de vente
A.2 Données du VVU pour le domaine des APN
Index 
Bibliographie

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