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Intérêt de la recherche
L’intérêt de la présente recherche est à la fois théorique et pratique.
L’intérêt théorique
Du côté théorique, il ressort que le domaine de la microfinance est mal connu spécialement en ce qui concerne son fonctionnement et ses performances.
Notre étude aura des contributions théoriques dans la mesure où elle fera partie des investigations qui vont consolider l’acquisition des concepts et des outils théoriques pour comprendre la microfinance, son fonctionnement, ses modes de gouvernance et ses performances.
L’intérêt pratique
En plus de l’apport théorique de notre recherche, de façon plus pratique, les résultats obtenus de notre travail vont aider les managers et les partenaires du système de la microfinance à connaitre ses modes de gouvernance et son niveau de performance; à mieux comprendre les variables clés sur lesquelles ils pourraient agir afin que leurs organisations soient plus efficaces et à f ournir un instrument précis d’élaboration et d’analyse de la politique économique, sociale et financière des SFD.
Les hypothèses de la recherche
En effet, les hypothèses étant des pistes de recherche en vue de mieux expliquer le comportement des organisations, elles expliciteront les liens qui sont mis en exergue dans le modèle de recherche.
Les hypothèses qui sont retenues à p artir des relations développées dans l’introduction générale respectent les principes retenues par Aktouf (2007), selon ces p rincipes, les hypothèses doivent être vérifiables, justifiables, spécifiques et rattachées à u ne théorie existante et reconnue.
Nous avons retenu 3 hypothèses prenant en compte nos questions spécifiques de recherche. Nous essayons de voir si les modes de gouvernance ont une influence sur la performance des systèmes financiers décentralisés.
Cette hypothèse se décompose en deux sous hypothèses :
• H1a : plus la relation entre les partenaires est perçue comme étant importante, plus elle aura une influence positive sur la performance des SFD.
• H1b : plus les partenaires perçoivent leur relation comme étant importante, plus celle- ci aura des effets significatifs à travers l’apprentissage organisationnel sur la performance des SFD.
H2 : la gouvernance actionnariale impacte sur la performance Cette hypothèse se décompose en deux sous hypothèses
• H2a : l’utilisation du pouvoir non coercitif influence positivement la performance des SFD.
• H2b : plus une relation de pouvoir est perçue comme étant asymétrique, plus elle aura un effet positif indirect à t ravers l’apprentissage organisationnel sur la performance des SFD.
H3: la gouvernance cognitive et comportementale a une influence sur la performance des SFD.
La démarche Méthodologique adoptée
Après avoir analysé les fondements conceptuels qui sous-tendent le champ de la recherche, il convient d’évoquer l’approche retenue. La nature et la finalité de la recherche engagée ne sont pas neutres vis-à-vis de la manière de conduire cette dernière. Tout d’abord, les cadres épistémologiques, mobilisation dans les activités de recherche en sciences de gestion, sont rappelés. Les différents modes de raisonnement scientifiques sont ensuite décrits de manière succincte avec une présentation des principales méthodes. Enfin à partir de ce cad re d’analyse, nos choix épistémologique et méthodologique sont proposés et justifiés
Le positionnement épistémologique
Les débats épistémologiques en sciences de gestion sont marqués par l’opposition entre le constructivisme et le positivisme. Dans le cadre du paradigme constructiviste, la réalité est socialement construite. L’interaction entre observateur et observé est la condition indispensable à la production de connaissances (Piaget, 1981 ; Lévi-Strauss, 1950 et Usinier, 1997). Pour le Moigne (1995), le chercheur, inscrit dans une posture constructiviste, est un concepteur-observateur-modélisateur. Plane (2000, 2005) rappelle que le chercheur constructiviste produit des explications qui ne sont pas la réalité, mais un construit sur une réalité susceptible de l’expliquer. Kant(1783) affirme que penser revient à unifier des représentations par la conscience. Selon Bachelard (1934), la pensée est un programme d’expériences à réaliser et la démonstration prime sur la constatation.
L’observation, la compréhension et la proposition d’explications des phénomènes étudiés constituent donc les bases du constructivisme (Foucault, 1969; Giddens, 1987 et Le Moigne 1990).
Dans le cadre du paradigme positiviste, le monde et l’objet de recherche préexistent indépendamment des chercheurs. La science doit s’appuyer sur des faits observables. Le chercheur doit être neutre vis-à-vis de son objet et terrain d’étude. Une recherche positiviste suit un processus qui débute par une modélisation théorique du phénomène étudié, obtenu à l’aide de la formulation d’hypothèses. Puis, le chercheur opte pour une méthodologie afin de tester la validité du modèle théorique élaboré. La mesure revêt une importance dans le paradigme positiviste. Le caractère scientifique de la recherche se mesure par la vérification, la confirmation ou la réfutation des hypothèses (Savall et Zardet, 2004). Le positionnement épistémologique positiviste est, le plus souvent, associé aux approches quantitatives. Le constructivisme renvoie quant à lui aux démarches qualitatives.
Selon Van Maanen (1983) et David (2000), ces relations constituent une simplification abusive. Plus que la méthode en elle-même, c’est la manière dont elle est utilisée et l’objectif poursuivi qui marque l’inscription de la recherche dans un positionnement épistémologique (Thiétart, 2003).
Les choix méthodologiques et leurs justifications
Dans cette recherche, nous choisissons le positionnement épistémologique positiviste et l’approche hypothético-déductive est adoptée pour notre recherche. Cette dernière part de propositions avancées par la théorie. Elle s’appuie sur des hypothèses indiquant le sens et les liens supposés exister entre les concepts inclus dans un modèle théorique. La formulation des hypothèses représente l’aboutissement de la réflexion conceptuelle. Les hypothèses émises sont testées lors de l’approche empirique (Igalens et Roussel, 1998).
Le projet de recherche a t enu compte de la théorie et des résultats des travaux antérieurs. Ainsi, la théorie et les résultats empiriques déjà connus forment la base à partir de laquelle se construit la réflexion. Cette étape qui fait le lien entre la problématique et le cadre théorique correspondant à l a revue de littérature, revêt une importance particulière dans l’approche hypothético-déductive. Notre question de recherche exprime une relation entre des variables mesurables, de manière à t ester empiriquement les relations exprimées (De Bruyne et alii, 1974 ; Schmidt, 1998).
L’état de l’art sur les concepts fondamentaux d’une recherche constitue une étape importante dans tout processus d’étude car il permet de faire le point des résultats auxquels ont abouti les différents travaux antérieurs sur le thème étudié. Cette étape de la recherche constitue un préalable à la mise en œuvre de la phase empirique. Dans cette logique, une revue de littérature sur les concepts de performance et de gouvernance s’avère indispensable pour prendre connaissance des différents liens qui ont été établis entre ces variables.
La compréhension du contexte dans lequel s’effectue une recherche est utile car elle permet de mieux appréhender le sujet à traiter.
Cette recherche s’articule autour de deux grandes parties : la recherche d’une explication théorique qui aboutit à la conception d’un modèle conceptuel et la démarche empirique qui tente de valider les hypothèses émises.
La population et l’échantillon d’étude
Selon Muchielli (1971 : 16) la population d’étude est « l’ensemble de groupes concernés par les objectifs d’enquête dans lequel sera tiré l’échantillon d’étude ». Notre population d’étude est composée des 120 SFD du Mali. C’est de cette population que nous avons tiré notre échantillon d’étude composé de 50 SFD.
Pour des besoins de notre enquête qui suit à la fois une démarche qualitative et quantitative, nous avons fait recours aux états financiers de ces 50 SFD en utilisant le microfact BRS et l’outil SPI (indicateur de performance sociale). Pour les études quantitatives, nous avons exploité l’outil microfact BRS qui mesure les performances financières des SFD, et pour les études qualitatives, nous avons utilisés l’outil de performance sociale (SPI) à travers les 4 dimensions de CERISE. Nous avons confectionné des questionnaires pour les variables de la gouvernance. Nous avons mesuré la relation entre les variables de la gouvernance et la performance financière et sociale, les variables dépendantes entre elles et les variables indépendantes entre elles.
Ces relations ont été établies en utilisant une régression linéaire m ultiple des variables sélectionnées à l’aide du logiciel SPSS 17.0.
Toutes ces démarches ont été faites à des cas déterminés par choix raisonné en tenant compte de la diversité des critères de choix pour chaque groupe de répondants.
Le choix de ce type d’échantillon a été guidé à la fois par les limites temporelles et matérielles de l’étude, le type de données recherchées et les caractéristiques de la population mère.
L’échantillon a a insi reproduit les caractéristiques des différentes catégories ciblées : Les dirigeants des SFD, les employés, les clients etc… Il s’agit plus précisément d’un échantillon de convenance.
La procédure de collecte des données
Pour la collecte des données de notre recherche, nous avons eu recours aux différentes méthodes suivantes.
D’abord la méthode documentaire qui consiste à consulter la documentation disponible au sein des SFD, la documentation du CCS/SFD, de la BCEAO qui est censée donner beaucoup d’informations sur la microfinance ; des bibliothèques universitaires et agences onusiennes et du ministère des finances et de la planification au Mali en vue de nous faire une idée générale du fonctionnement des SFD du Mali. Dans ce cadre, les plans d’action, les rapports d’activité, les rapports financiers, les rapports d’audit interne et externe au sein des SFD nous ont aidés à comprendre certains aspects relatifs aux objectifs, aux réalisations et aux principaux enjeux de la microfinance au Mali. Nous avons exploité les états financiers en utilisant l’outil microfact BRS qui est un outil de mesure des performances financières. Il est basé sur les données tirées des états financiers. Cet outil calcule l’évolution des principaux indicateurs de performance financière et présente les résultats sous forme de graphiques. Il peut être utilisé à des fins de reporting financier, de la recherche et développement mais aussi comme instrument de gestion.
Les indicateurs du factsheet /Microfact sont regroupé en 6 domaines : aspects relatifs à l a variation financière annuelle, à la croissance financière, à la qualité du portefeuille des prêts, à la structure financière, à l’efficacité et la productivité, à la durabilité et à la profitabilité. En plus des indicateurs, la factsheet IMF génère un ensemble de dix (10) graphiques financiers basés sur un ou plusieurs ratios combinés et également huit (8) graphiques sociaux.
Ensuite, nous avons recouru aux entretiens en profondeur auprès des répondants qui ont constitué notre principale source d’information.
La gouvernance actionnariale et l’apprentissage organisationnel
Le pouvoir peut avoir un important effet sur l’apprentissage organisationnel (Caniëls, 2009). En étudiant l’influence de l’asymétrie de pouvoir entre deux partenaires commerciaux sur le niveau de l’apprentissage interorganisationnel et en canalisant l’effet p ar la confiance interorganisationnelle, Caniëls (2009) a trouvé que les différentiels de pouvoir ont un impact négatif sur l’apprentissage organisationnel, si le niveau de confiance est faible. Par contre, si le niveau de confiance entre les partenaires est élevé, les asymétries de pourvoir ont un faible effet positif sur l’apprentissage interorganisationnel (Caniëls, 2009). Pour Ford et Thomas (1995), dans certaines occasions, où l’une des parties domine l’autre et impose ses points de vue à l’autre l’organisation, l’apprentissage organisationnel peut être négativement affecté.
Kwon et Suh (2004) trouvent que dans cette situation, le partage d’information qui est crucial pour l’apprentissage organisationnel sera difficile ou m ême impossible. De plus, Ford et Thomas (1995) ont montré que dans des relations asymétriques, la communication va principalement de la partie dominante à la partie dépendante, et en conséquence, l’absence de communication bidirectionnelle entrave les réponses de la partie dépendante aux initiatives de la partie dominante. Pour d’autres auteurs (Rota et al , 2002), l’apprentissage organisationnel peut être d ifficile sans le partage d’informations sur une base égale. En conséquence, la symétrie de pouvoir entre les partenaires commerciaux est nécessaire pour faciliter l’apprentissage mutuel (Andaleeb, 1996) et de façon équivalente, l’asymétrie de pouvoir Conduira à moins d’apprentissage organisationnel. Ainsi, nous postulons que : (H2b) : Plus une relation de pouvoir est perçue comme étant asymétrique, plus elle aura un effet positif indirect à travers l’apprentissage organisationnel sur la performance des SFD.
Lien entre l’apprentissage organisationnel et la performance
Pour Selnes et Sallis (2003), le désir de collaboration entre partenaires à l’échange, encouragé par la confiance, crée un climat pour les activités d’apprentissage de la relation, et par conséquent influence la performance de la relation. Wang et al. (2008) ont trouvé que la confiance, via les routines de partage de connaissances, l’orientation à l ’apprentissage et l’ouverture d’esprit, influence la créativité dans les relations acheteur-fournisseur, et donc la performance de la relation. En effet, pour Imai et al. (1985), les routines de partage de connaissances conduisent les partenaires en relation non s eulement à fonctionner réciproquement de manière considérable, mais aussi à partager les risques, la responsabilité, les informations, à prendre ensemble les décisions, ainsi qu’à acquérir de l’un et de l’autre d’amples connaissances et compétences. L’établissement des routines de partage d e connaissances permet donc aux partenaires de développer les ressources de leurs firmes par l’accès et l’utilisation des connaissances de l’un et de l’autre (Grant, 1996 ; Grant et Baden – Fuller, 2004). Par ailleurs, Wang et al. (2008) ont trouvé une association positive entre l’orientation à l’apprentissage, l’ouverture d’esprit et la créativité, donc la performance de la relation. Certaines études antérieures ont montré qu’il existe une relation positive directe entre l’apprentissage et la performance de l’entreprise (Hurley et Hult, 1998 ; Slater et Narver, 1990). D’autres (Dyer et Singh, 1998 ; Selnes et Sallis, 2003) ont également montré que l’apprentissage de la relation est positivement associée à la performance de marché. Li (2007) trouve que l’apprentissage de la relation à travers le partage d’informations a une influence positive sur la performance de la relation inter organisationnelle. Pour Jean et al. (2010), l’apprentissage relationnel entre des parties à l’échange peut créer des capacités concurrentielles dynamiques et apporter des avantages aux deux partenaires. Ils ont trouvé que l’apprentissage de la relation a une influence positive sur la performance. Kim et al. (2006) trouvent qu’un partage efficace d’informations peut faciliter la nature et la qualité de la relation d’échange. Pour Hsu et al. (2009), la qualité du partage inter organisationnel d’informations a une influence positive sur la performance de la chaîne. Selnes et Sallis (2003) ont trouvé que la capacité d’apprentissage d’une relation a un fort effet positif sur la performance. En effet, selon eux, à travers l’apprentissage de la relation, les deux parties en relation identifient les moyens de réduction ou d’ élimination des coûts superflus, d’amélioration de la qualité et de la fiabilité, et d’accroissement de la flexibilité.
Pour Kalwani et Narayandas (1995), lorsque deux organisations s’engagent dans un apprentissage mutuel, elles sont plus susceptibles de mieux comprendre les besoins et les désirs de l’une et de l’autre, et d’y répondre en conséquence. Nous posons donc l’hypothèse suivante : H3 : la gouvernance cognitive et comportementale a une influence positive sur la performance des SFD..
LE CADRE D’ANALYSE DE LA RECHERCHE
La théorie des coûts de transaction
Alors que les modèles économiques néoclassiques négligent les coûts induits par les transactions, Williamson (1981) soutient qu’une compréhension de l’économie des coûts de transaction est nécessaire et centrale dans l’étude des organisations. L’approche des coûts de transaction provient de l’observation de Coase (1937) que la coordination et les coûts peuvent être considérés explicitement p our comprendre les raisons pour lesquelles certaines transactions se passent à l ’intérieur d’une firme et d’autres entre des firmes. Développée principalement par Williamson (1975), la théorie des coûts de transaction combine la théorie de l’organisation et le droit pour prédire et expliquer les raisons pour lesquelles différentes structures émergent pour coordonner les échanges interfirmes. Parce qu’elle met l’accent sur la considération des caractéristiques organisationnelles et des objectifs d’efficacité (Williamson, 1994), l’analyse des coûts de transaction est particulièrement utile dans cette étude pour analyser les modes d’organisation et la performance des IMF.
Pour Heide (1994), la théorie des coûts de transaction considère la gouvernance en terme de conception de mécanismes particuliers pour supporter les transactions économiques. Le cadre original développé par Williamson (1975) considère la décision de gouvernance comme un choix entre le marché, en tant qu’institution de gouvernance basée sur le mécanisme de prix, et la hiérarchie qui implique la gouvernance à travers une structure d’autorité. Entre le marché et la hiérarchie, existent des formes hybrides de gouvernance telle que le contrat. Pour Williamson (1985), l’économie des coûts de transaction est principalement concernée par la gouvernance des relations contractuelles. Elle adopte une orientation contractuelle, et tout problème de contractualisation peut être avantageusement examiné en termes d’économie des coûts de transaction. En se basant sur la notion de rationalité limitée, et en spécifiant l’efficacité comparative des diverses formes de gouvernance sous différentes conditions (Williamson, 1975, 19 85), l’économie des coûts de transaction offre un e nsemble de déterminants de la structure de gouvernance des relations inter organisationnelles. Pour Williamson (1994), l’efficacité comparative des modes de gouvernance varie avec l’environnement institutionnel d’un côté, et les attributs des acteurs économiques, de l’autre. En effet, Williamson (1975) analyse le choix des structures institutionnelles comme l a conséquence de l’interaction entre un ensemble de facteurs humains (la rationalité limitée et l’opportunisme) et un ensemble de facteurs environnementaux (l’incertitude/la complexité et le faible nombre de participants au marché). Si la rationalité limitée est la réponse à l’incertitude et à la complexité de l’environnement, l’opportunisme est liée au faible nombre de participants au marché. Pour Williamson (1991), les entreprises doivent chercher un mécanisme efficace de gouvernance dépendant des attributs de transaction tels que la spécificité d’actif, l’incertitude environnementale, et la fréquence des transactions de telle manière que les coûts de transaction soient minimisés. Pour Williamson (1994), afin de régler un problème économique particulier, il est essentiel pour les acteurs économiques de choisir l’institution économique qui leur permet de mieux économiser sur les coûts de transaction. Zajac et Olsen (1993) considèrent à cet effet que l’économie des coûts de transaction se concentre sur une réduction des coûts de minimisation du risque d’exploitation qui est amplifiée par la structure de marché entourant la relation d’échange. Cela soulève l’importance cruciale de l’opportunisme, en tant que variable comportementale, dans l’analyse des coûts de transaction. En effet, pour Williamson (1979), l’opportunisme est une notion centrale dans l’étude des coûts de transaction. Williamson (1994, pp. 70 -71) définit l’opportunisme comme « une recherche d’intérêt personnel qui comporte la notion de tromperie, celle-ci incluant le mensonge, le vol et la tricherie (…). Plus généralement, l’opportunisme se réfère à la divulgation d’informations incomplètes ou d énaturées, spécialement aux efforts calculés pour fourvoyer, dénaturer, déguiser, déconnecter, ou semer la confusion. Il est responsable des conditions réelles ou a rtificielles d’information asymétrique, lesquelles compliquent largement les problèmes d’organisation économique ». Dans l’économie des coûts de transaction, les contrats explicites sont les dispositifs de protection les plus prononcés contre d’’éventuelle exploitation opportuniste. En fournissant des règles et des procédures pour gouverner la relation, ces contrats servent de dissuasion contre une éventuelle exploitation opportuniste puisqu’une violation des contrats peut avoir des conséquences économiques et juridiques défavorables en plus de la perte de réputation. Par ailleurs, dans certaines conditions, lorsque la probabilité de perte de valeur potentielle augmente due aux investissements dans des actifs spécifiques, les entreprises trouvent avantage à négocier des contrats plus complexes qui servent non s eulement comme une assurance contre la violation et la résiliation mais aussi comme un instrument avec lequel ces conséquences ou ces menaces seront gérées (Dyer, 1997 ; Poppo et Zenger, 2002). Même si cette complexité peut signaler la méfiance (Jap et Ganesan, 2000 ; Gulati et Nickerson, 2008), et accroître les coûts de négociation, de surveillance, et d’application de ces contrats, ceux-ci sont restés considérés comme très efficaces pour réduire les coûts et les pertes de performance causés par les risques d’échange comme les aléas moraux, et l’appropriation des ressources (Macneil, 1978 ; Heide, 1994).
Si à l’origine, l’analyse des coûts de transaction s’est focalisée sur la dichotomie entre le marché et la gouvernance hiérarchique, elle exagère, toutefois, les avantages de l’intégration et des mesures de précaution des contrats explicites pour protéger contre l’opportunisme (Poppo et Zenger, 2002). Bien que l’économie des coûts de transaction soit un cadre populaire à cause de sa délimitation claire des modes de gouvernance, elle a été largement critiquée pour sa confiance extrême dans l’hypothèse de comportement opportuniste et une concentration exclusive sur l’efficacité et/ou la minimisation des coûts de transaction comme les seuls moyens de maximisation du bien-être social (Zhang et al., 2003). Cet objectif de l’interdépendance entre les partenaires est nécessaire à l’échange dans la poursuite de valeur commune. Dans ce contexte, la gouvernance relationnelle peut être une alternative viable à la hiérarchie lorsque le marché échoue, et le mécanisme à travers lequel elle atténue les risques d’échange est à la fois économique et sociologique (Geyskens et al., 2006). En effet, les économistes aussi bien que les sociologues soutiennent que la gouvernance relationnelle fonctionne comme une mise en application automatique des mesures de précaution (Geyskens et al., 2006).
La thèse de l’encastrement
La théorie des coûts de transaction a largement omis le contexte social dans l’explication de l’organisation des transactions (Granovetter, 1985 ; Gualti, 1995). Toutefois, Williamson reconnaît la signification du contexte social des transactions. Pour Williamson (1994), le contexte social, c’est-à-dire les usages, les coutumes, les habitudes, etc. a un impact sur les transactions, car celles-ci y sont encastrées. Par conséquent, Williamson (1994) suggère de prendre en compte le contexte social lorsque l’on passe d’une culture à une autre. La dimension sociale des sciences économiques a reçu une attention croissante dans la sociologie économique par la prise en compte de l’enchevêtrement des relations économiques, sociales et culturelles.
Le contexte social de l’activité économique est particulièrement important dans le cas du Mali, où la société demeure très enchevêtrée dans le social et le culturel, à tel point que l’économie devient subordonnée au social et au culturel. Il existe un lien fort entre les activités économiques et la structure familiale, qui influence les processus de décision et de gestion des institutions de microfinance (Bélières et al, 2009).
L’émergence de la dimension sociale de l’activité économique peut être tracée des travaux de Polanyi (1957) à la notion d’encastrement des transactions économiques dans les relations sociales de Granovetter (1985). Polanyi (1957, p. 20, op. c it. Hinrichs, 2000) écrit : « L’économie humaine est encastrée et empêtrée dans les institutions économiques et non économiques. L’inclusion des institutions économiques est vitale ». Pour Granovetter (2005), une plus grande partie de la vie sociale tourne autour d’un noyau non é conomique. Par conséquent, lorsque les activités économiques et non économiques sont entremêlées, les dernières affectent les coûts et les techniques disponibles pour les premières (Granovetter, 2005). C’est ce mélange d’activités que Granovetter (1985) a appelé « l’encastrement social », c’est-à-dire la profondeur à laquelle l’activité économique est liée ou dépend des activités ou des institutions qui sont non é conomiques aussi bien dans leur contenu, que dans leurs objectifs et processus. Pour Uzzi (1997), l’encastrement est une notion qui a été utilisée pour faire référence généralement à la nature contingente de l’activité économique concernant la cognition, la structure sociale, les institutions, et la culture. Différents types d’encastrements ont ainsi été débattus par les sociologues : l’encastrement de l’activité économique dans les réseaux sociaux, dans la culture, dans la politique, et dans la religion (Granovetter, 2005).
Si Polanyi (1957) a utilisé le concept d’encastrement pour décrire la structure sociale des marchés modernes, Granovetter (1985) a révélé son effet solide sur l’activité économique, particulièrement dans le contexte des réseaux interfirmes. Granovetter (1985) souligne que les théories économiques classique et néoclassique négligent les influences sociales, et par conséquent fonctionnent avec une conception atomisée, sous-socialisée de l’action humaine. Selon lui, la version extrême de l’individualisme méthodologique rend difficile la reconnaissance de la façon dont l’activité économique est contrainte et influencée par les structures des relations sociales dans lesquelles tous les acteurs réels sont encastrés. Granovetter (1985, 1992) insiste sur les caractéristiques formelles et le fonctionnement des réseaux sociaux dans les institutions économiques. Granovetter (1985) se fonde sur trois hypothèses de la sociologie classique. D’abord, il considère que la poursuite des objectifs économiques est normalement accompagnée de celle des objectifs non économiques, tels que la sociabilité, le consentement, le statut et le pouvoir. Pour lui, l’activité économique, comme toute activité, est socialement située, et ne peut être expliquée par les seules motivations individuelles, elle est encastrée dans des réseaux de relations personnelles, plutôt qu’effectuée par des acteurs atomisés. Enfin, Granovetter (1985) soutient que les institutions économiques, comme toutes les institutions, n’émergent pas automatiquement dans quelques formes inévitables par des circonstances externes, mais sont socialement construites. En somme, pour Granovetter (1992), les institutions économiques sont socialement construites, c’est-à-dire qu’elles résultent d’actions prises par des individus dans une situation socialement encastrée dans des réseaux de relations personnelles avec des objectifs économiques aussi bien que non économiques. Il met ainsi l’accent sur la façon dont l’activité économique est coordonnée par des groupes de gens, plutôt qu’effectuée par des individus isolés. Larson (1992) a conclu que les transactions économiques ne peuvent être séparées du contexte social dans lequel elles prennent place. Dans ce co ntexte, voir les firmes comme des entités atomistiques se f aisant la concurrence les u nes contre les autres pour des profits dans un marché impersonnel devient de plus en plus inadéquat (Gulati et al., 2000). En conséquence, contrairement aux théories économiques classique et néoclassique qui négligent la structure sociale ou traitent des relations sociales comme des traînées frictionnelles aux marchés concurrentiels, dans la théorie économique moderne l’impact des structures des relations sociales sur l’activité économique a été pris en compte plus sérieusement. Plutôt donc que des mouvements d’intérêts personnels d’acteurs économiques rationnels atomisés, comme supposé par l’économie néoclassique, le comportement humain est encastré dans une toile complexe souvent étendue de relations sociales (Granovetter , 1985, 1992). Selon Granovetter (1985), il s’agit là d’une conception sur-socialisée des influences sociales parce qu’elle suppose que les gens suivent, d’une manière quasi-mécanique, des coutumes, des habitudes ou des normes, qui déterminent leurs comportements et leurs décisions d’une manière infaillible. Toute fois, Granovetter (1985) souligne que le contraste apparent entre les visions sous-socialisée et sur- socialisée dissimule le fait que les deux partagent une conception des activités et des décisions effectuées par des acteurs atomisés. Si, dans la conception sous-socialisée, l’atomisation résulte de la poursuite rigoureuse de l’intérêt personnel, dans la conception sur-socialisée, l’atomisation provient du f ait que les modèles comportementaux sont traités comme ayant été internalisés, et donc les relations sociales ont seulement des effets périphériques sur les comportements. En outre, Granovetter (1985, 1992) a noté que le niveau de l’encastrement social de l’activité économique a toujours été substantielle.
L’approche de la chaîne globale de valeur
S’inspirant de l’économie des coûts de transaction, Gereffi et Korzeniewicz (1994) ont développé un cadre d’analyse qui lie directement le concept de chaîne de valeur à l’organisation mondiale des industries. A l’origine, chaîne globale de commodité, le concept de chaîne globale de valeur est l’une des approches des relations interentreprises qui décrit l’idée que la conception, la production et la commercialisation des produits impliquent une chaîne d’activités divisées entre différentes entreprises (Dolan et Humphrey, 2000). Cette idée a été développée par plusieurs auteurs en différentes variantes, celles que la chaîne de commodité (Wallerstein, 1974 ; Hopkins et Wallerstein, 1994), la chaîne de valeur et le système de valeur (Porter, 1990), ou encore le système productif (Wilkinson, 1995), qui sont parfois utilisés de façon interchangeable (Singh, 2006). Pour Gereffi (2005), ces nombreux concepts avec des points communs sont utilisés pour décrire les réseaux complexes de relations qui composent l’’économie mondiale, et chacun de ces concepts met l’accent sur ce qui est important pour l’analyse de la chaîne de l’économie mondiale. En effet, chacun des auteurs prend l’idée d’une chaîne de relations interentreprises et l’applique à des circonstances particulières, en se focalisant sur les liens spécifiques et leurs caractéristiques, ce qui génère des concepts différents mais ayant des points communs (Dolan et Humphrey, 2000). Inspiré de l’idée de Wallerstein (1974) et de Hopkins et Wallerstein (1994) et devenu par la suite chaîne globale de valeur (CGV) ou « Global Value Chain » (Gereffi et al., 2005), le concept de chaîne globale de commodité (CGC) ou « Global Commodity Chain » (Gereffi et Korzeniewicz, 1994) est développé comme un nouve l outil méthodologique et pluridisciplinaire pour comprendre les dynamiques du c ommerce international et de la mondialisation économique (Ponte, 2007 ; 2008). Toutefois, pour Raikes et al. (2000), l’approche de la chaîne globale de valeur apporte une vision du commerce international radicalement différente de celle présentée dans les théories du commerce international, et les différences se reflètent à la fois dans l’analyse et le social de l’activité économique qui a toujours été substantielle. Camic (1979) a souligné que les institutions, les normes et les interactions sociales améliorent et modélisent les actions des individus. Par conséquent, le comportement des gens dépend donc non s eulement des incitations économiques, comme généralement supposé dans l’économie néoclassique, mais aussi des relations encastrées. En effet, la sociologie économique insiste que les marchés sont les institutions socialement encastrées, infusées de normes et de significations culturelles (Lie, 1997 ; Swedberg, 1997). Ces institutions encastrées incluent les règles informelles, les coutumes, les croyances culturelles, les normes, les traditions, et la religion (Williamson, 2000), qui influencent la manière dont les gens se comportent et la façon dont ils interagissent les uns avec les autres. Pour Greif (1994) les croyances culturelles sont les idées et les pensées communes à plusieurs individus. Elles gouvernent les interactions entre ces gens, et entre ceux-ci et d’autres groupes, et diffèrent de la connaissance par le fait qu’elles ne sont pas empiriquement découvertes ou analytiquement prouvées. Pour Lindsay (2000), les modèles mentaux sont la base de la culture parce qu’ils décrivent les croyances sous-jacentes qui influencent la manière dont les gens se comportent. Ils sont cruciaux dans la compréhension de la volonté d’une société au changement. Par conséquent, dans notre étude, ils peuvent suggérer les effets des institutions encastrées sur la performance des SFD.
LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Positionnement épistémologique
Le caractère scientifique que ce travail doit incarner nous conduit à évoquer les questions d’épistémologie de la recherche et de positionnement. Nous présentons dans cette section les différents courants épistémologiques et celui qui est adopté dans cette thèse doctorale.
Généralité sur l’épistémologie de la recherche
« La recherche en gestion suppose une double référence : référence à la science, à la vérité, au savoir d’une part, référence au monde de l’action, à l’utilité, au savoir-faire d’autre part. L’épistémologie est le domaine de la philosophie qui s’interroge à ce qui permet de garantir le caractère scientifique d’un énoncé, d’une connaissance » (Laufer, 2012). Il donne de la valeur à la connaissance scientifique qui sera élaborée. Cette notion de valeur est déterminante, en matière de recherche en sciences de gestion, est appréciée au moins sur deux points de vue : épistémique et pragmatique (Perret et al, 2008). L’épistémique s’intéresse au développement de la connaissance en sciences de gestion (enrichissement théorique) et la p ragmatique s’occupe de la pratique gestionnaire (enrichissement pratique).
Au cœur de l’analyse épistémologique, nous retrouvons un c oncept important qui est la science. Etymologiquement, le mot science dérive du mot latin « scienta » qui signifie connaissance et qui vient lui-même de « selens et scientis » qui signifient « qui connaît » et « qui sait ». La science est, en fait, un mode de compréhension et d’explication de l’univers. Elle s’intéresse à des dimensions spécifiques et particulières de l’univers et se présente sur plusieurs aspects en fonction des objets étudiés. En nous intéressant à des objets naturels, à des objets physiques, à des objets célestes et à la vie des êtres vivants, nous parlerons successivement de la science naturelle, de la science physique, de l’astrologie (sciences des objets célestes) et de la biologie. Si nous nous intéressons aux êtres humains, nous parlerons de sciences humaines qui peuvent présenter plusieurs variantes, à savoir la psychologie, la sociologie, la science politique qui signifient respectivement la connaissance des comportements humains, celle des rapports humains et celle du rapport de pouvoir entre les humains. Elle se distingue des autres modes de connaissance de l’univers tels que les mythes et la religion par les méthodes qu’elle utilise pour produire des connaissances (Depelteau, 2007).
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Table des matières
Sommaire
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE DE LA RECHERCHE
INTRODUCTION
CHAPITRE I : REVUE DE LA LITTERATURE SUR LES CONCEPTS DE GOUVERNANCE ET DE PERFORMANCE
INTRODUCTION
SECTION 1 : CONCEPT DE GOUVERNANCE ET DE PERFORMANCE
2 – CONCEPTS DE LA PERFORMANCE EN MICROFINANCE
SECTION 2 : LIEN ENTRE GOUVERNANCE ET PERFORMANCE EN MICROFINANCE
CONCLUSION
CHAPITRE II : MODELE CONCEPTUEL ET HYPOTHESES DE RECHERCHE ISSUE DE LA LITTERATURE
INTRODUCTION
SECTION 1 : EXPLICATION DU MODELE ET JUSTIFICATIONS DES HYPOTHESES
CONCLUSION
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE :
DEUXIEME PARTIE : LE CADRE EMPIRIQUE DE LA RECHERCHE
INTRODUCTION
CHAPITRE III : POSITIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE ET METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
Introduction
SECTION 1 : LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
SECTION 2 : CHOIX, METHODES ET PROCEDURES DE COLLECTE DES DONNEES
Conclusion
CHAPITRE IV : RESULTATS DE LA RECHERCHE
Introduction
SECTION 1 : APPROCHE UTILISEE POUR TESTER LES HYPOTHESES :
SECTION 2 : DISCUSSION ET CONTRIBUTIONS
Conclusion :
Conclusion de la deuxième partie
Conclusion Générale
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