Modèle aéroélastique de l’aile en flottement

Après une de ses premières observations il y a plus d’un siècle lors d’un vol du bombardier Handley Page 0/400 durant la guerre 14-18, et de son étude par F. Lanchester [51] et L. Bairstow et A. Fage [3], l’instabilité de flottement reste encore aujourd’hui sous le feu des projecteurs dans le monde de l’aéroélasticité.

Comme son nom l’indique, l’aéroélasticité est l’étude de l’interaction entre une structure élastique et des forces aérodynamiques. La structure choisie dans ce manuscrit est l’aile d’avion. Néanmoins, les phénomènes physiques présentés dans ce manuscrit s’observent sur d’autres structures, comme les tabliers de pont ou le vol des insectes, le travail présenté reste alors encore pertinent. Dans le cadre de l’étude du flottement d’aile d’avion, le mouvement de l’aile est le plus souvent décomposé suivant son premier mode de flexion, correspondant à un mouvement de translation verticale aussi appelé pompage, et son premier mode de torsion, correspondant à un mouvement de rotation aussi appelé tangage, voir par exemple [8, 20, 28].

En utilisant ce formalisme, le flottement apparaît alors à une vitesse d’écoulement critique, appelée ici vitesse de flottement. Lorsque la vitesse de l’écoulement est inférieure à la vitesse de flottement, le travail des efforts aérodynamiques au cours d’un cycle d’oscillation est négatif et les forces structurelles et aérodynamiques se compensent, ainsi le mouvement de l’aile est amorti. Au contraire, si la vitesse de l’écoulement est supérieure à la vitesse de flottement, le travail des efforts aérodynamiques au cours d’un cycle d’oscillation est positif et les forces structurelles et aérodynamiques se cumulent, ainsi le mouvement de l’aile croît exponentiellement. C’est ce mécanisme qui est à l’origine de l’instabilité de flottement.

L’apparition de ce phénomène est largement étudiée dans la littérature ; ce qui l’est moins, c’est l’étude du régime post-flottement. En effet, une fois le seuil de l’instabilité passé, le mouvement de la structure croît exponentiellement jusqu’à se stabiliser sur un cycle limite. L’apparition de ce cycle limite est possible uniquement à cause de phénomènes non linéaires, provenant soit de la structure, soit des forces aérodynamiques, soit des deux. Les sources de non linéarités structurelles sont multiples [87]. Elles peuvent être d’origine géométrique, à cause d’une déformation importante de l’aile, mais aussi provenir d’une distribution massique irrégulière (par exemple la présence de missiles en bout d’aile pour les chasseurs) ou de la présence de jeu dans des parties mobiles de l’aile [14] (par exemple les gouvernes). Concernant les forces aérodynamiques, la non linéarité provient du décollement complet de la couche limite de l’aile lorsqu’elle atteint des angles d’attaques trop importants. Cela provoque une brusque chute des efforts aérodynamiques ainsi qu’un comportement hystérétique ; ce phénomène est appelé décrochage dynamique. On se propose dans ce manuscrit de modéliser le décrochage dynamique apparaissant dans le régime post-flottement. Ce choix est encore relativement peu fait dans la littérature, les efforts aérodynamiques étant le plus souvent estimés à l’aide de modèles linéaires. On peut néanmoins citer quelques publications [10, 89] allant dans cette direction.

Dans de nombreux contextes industriels, le contrôle des vibrations est un enjeu majeur. Dans le cadre de l’instabilité de flottement, la stratégie la plus étudiée dans la littérature est le contrôle actif d’une partie mobile de l’aile, voir par exemple [20, 42, 43, 96]. Néanmoins, les stratégies de contrôle passif ont connu récemment un regain d’intérêt. Par exemple, les travaux de Lee et al. [54, 55] explorent l’influence d’un oscillateur annexe possédant une raideur purement cubique, c’est-àdire sans raideur linéaire. On peut aussi citer les travaux de W. Lacarbonara et M. Cetraro [46], qui étudient l’influence d’un oscillateur visco-hystérétique sur l’instabilité de flottement. Il est à noter que l’étude de l’influence d’amortisseurs passifs sur le flottement est plus active dans le domaine des structures de génie civil, et particulièrement des tabliers de pont [44, 75, 94].

Concernant l’usage de matériaux dissipatifs, l’objectif est de trouver un matériau capable de dissiper le plus d’énergie possible en affectant le moins possible le comportement global de la structure, par exemple en ne l’alourdissant pas trop. Dans le contexte du flottement, nous nous sommes intéressés à l’usage de dispositifs hystérétiques. L’étude d’amortisseurs hystérétiques connaît un intérêt croissant dans la littérature [12, 63, 64, 79, 83], notamment à travers l’usage d’alliages à mémoire de forme (AMF) [11, 100] qui présentent, en régime pseudo-élastique, un comportement hystérétique capable de dissiper une quantité importante d’énergie [19, 68]. Une étude théorique de l’influence d’un dissipateur hystérétique, réalisé à l’aide d’AMF, sur l’instabilité de flottement a été réalisée récemment par De Sousa et De Marqui Junior [86]. Dans cette étude, les efforts aérodynamiques sont calculés à l’aide d’un modèle instationnaire linéaire basé sur la fonction de Theodorsen [24] et la force de rappel des AMF est estimée en calculant la phase dans laquelle se trouve le matériau en fonction de son élongation. Cette étude permet de montrer que l’amortisseur hystérétique est à même de réduire significativement l’amplitude des cycles limites apparaissant pendant l’instabilité de flottement. L’apport de notre travail par rapport à cette contribution est la validation expérimentale de l’influence d’un amortisseur hystérétique sur l’instabilité de flottement, ainsi que la prise en compte des effets non linéaires des efforts aérodynamiques.

Description du mouvement de l’aile

Dans cette section, nous présentons la modélisation de l’aile retenue pour l’étude du flottement, ainsi que les équations qui en découlent.

Section typique

Dès les premiers travaux sur l’aéroélasticité, les chercheurs ont remarqué que le comportement global de l’aile d’avion pouvait se ramener à celui d’une section typique prise au 3/4 de l’aile à partir de son emplanture. En effet si on suppose que la forme de la section de l’aile est la même tout le long de son envergure et que les efforts aérodynamiques sont bi-dimensionnels, ce qui est le cas si l’effet de la recirculation en bout d’aile est négligé, alors cette approximation est justifiée.

Quand l’instabilité de flottement survient, on observe que le mouvement de l’aile est principalement dominé par son premier mode de flexion et son premier mode de torsion. Il est alors légitime de réduire le mouvement de l’aile à ces deux modes pour étudier l’instabilité de flottement.

La corde, qui relie le bord d’attaque au bord de fuite, est de longueur c et la demi-corde de longueur b. Le premier mode de flexion de l’aile, aussi appelé pompage, se résume au niveau du profil par une translation dont le déplacement est noté h, compté positif vers le bas. Ce mode de pompage est caractérisé par un ressort de raideur kh et un dissipateur visqueux d’amortissement ch. Le premier mode de torsion de l’aile, aussi appelé tangage, se résume à un mouvement de rotation au niveau du profil dont l’angle formé avec l’horizontal est noté α et appelé angle d’attaque, il est compté positivement dans le sens anti-trigonométrique. Ce mode de tangage est caractérisé par un ressort de torsion de raideur kα et un dissipateur visqueux d’amortissement cα.

Expérience de flottement et mesures de décrochage dynamique

Expérience de flottement

Afin de caractériser le flottement, des mesures ont été conduites sur un montage expérimental composé d’un profil possédant deux degrés de liberté. Le profil choisi est une plaque plane. Ce choix est motivé par sa relative facilité d’utilisation, et le fait que le comportement aérodynamique de la plaque plane et des profils minces sont similaires [88], ce qui ne nuit ainsi pas à la généralité de l’étude. Ce montage est l’élément clé du travail présenté ici. En effet, c’est grâce à ce dispositif que l’on peut  valider notre modèle aéroélastique. En outre, il permet de déterminer la capacité de l’amortisseur hystérétique, consistant en des ressorts en AMF, à contrôler l’instabilité de flottement.

Mesures d’efforts aérodynamiques en grand déplacement

Les mode de pompage et de tangage possédant des forces de rappel linéaires [2], la non linéarité responsable de l’établissement des cycles limites engendrés par l’instabilité de flottement provient donc des efforts aérodynamiques. Le comportement non linéaire des efforts aérodynamiques apparaît lorsque l’angle d’attaque du profil dépasse son angle de décrochage, ce qui est le cas dans notre expérience de flottement. Ce phénomène non linéaire est appelé décrochage dynamique. Il a été étudié pour la première fois sur des pâles d’hélicoptère par Harris et Pruyn [36] car ces profils sont sujets à des angles d’attaque importants. Le rôle du décrochage dynamique dans l’établissement des cycles limites a été étudié dans la littérature [18, 23, 76].

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Table des matières

Introduction
I Modèle aéroélastique de l’aile en flottement
1 Modèle à deux degrés de liberté et analyse de stabilité linéaire
1.1 Description du mouvement de l’aile
1.1.1 Section typique
1.1.2 Équations du mouvement
1.2 Forces aérodynamiques
1.2.1 Approche quasi-stationnaire
1.2.2 Modèle de Theodorsen
1.2.3 Modèle de Wagner
1.3 Analyse de stabilité
2 Expérience de flottement et mesures de décrochage dynamique
2.1 Expérience de flottement
2.1.1 Montage expérimental
2.1.2 Réponse temporelle et diagramme de bifurcation
2.2 Mesures d’efforts aérodynamiques en grand déplacement
2.2.1 Dispositif expérimental et méthodologie
2.2.2 Résultats
3 Modélisation du système aéroélastique en grande amplitude
3.1 Modélisation du décrochage dynamique
3.1.1 Explication du phénomène
3.1.2 Description du modèle de Petot
3.1.3 Ajustement des coefficients du modèle de Petot et comparaison avec l’expérience
3.2 Modélisation du régime post-flottement
3.2.1 Description du modèle
3.2.2 Influence des efforts aérodynamiques
3.2.3 Modèle ajusté à l’expérience de flottement
II Influence d’un amortisseur hystérétique sur l’instabilité de flottement
4 Comportement pseudo-élastique des AMF et modélisation phénoménologique
4.1 Comportement des alliages à mémoire de forme
4.1.1 Une histoire de changement de phase
4.1.2 Comportement pseudo-élastique des AMF
4.1.3 Présentation des ressorts en AMF
4.2 Mesures de la force de rappel des ressorts en AMF
4.2.1 Comportement quasi-statique
4.2.2 Comportement dynamique
4.3 Modèle de Bouc-Wen
4.3.1 Description du modèle
4.3.2 Comparaison avec les mesures
5 Influence d’un amortisseur hystérétique sur l’instabilité de flottement
5.1 Mesures
5.1.1 Établissement des cycles limites
5.1.2 Diagramme de bifurcation
5.2 Modèle linéaire par morceaux
5.3 Modèle complet
5.3.1 Présentation du modèle complet
5.3.2 Résultats et discussions
III Développement et analyse d’amortisseurs à raideur non linéaire
6 Influence d’un NLTVA sur l’instabilité de flottement
7 Réalisation pratique d’un amortisseur à raideurs ajustables
Conclusion

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