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Les Observatoires Hommes-Milieux (OHM) :
Depuis 2007, l’Institut écologie et environnement (INEE) du CNRS met en place des Observatoires Hommes-Milieux (OHM), au service de la connaissance des interactions hommes-milieux et des environnements fortement anthropisés (7). Chaque observatoire s’attache à l’étude de socio-écosystèmes anthropoconstruits, systèmes complexes nécessitant une convergence multidisciplinaire pour être étudiés et interprétés par une démarche d’écologie globale. Toutes les disciplines pouvant être appliquées à l’environnement sont concernées, les disciplines de Sciences Humaines (SHS) au même titre et dans les mêmes conditions que celles qui se retrouvent traditionnellement dans ces structures. Toutes convergent vers l’étude d’un objet commun depuis leur cœur de discipline et sont soumises aux mêmes règles (normalisation, enregistrement, ouverture des données, observation sur le long terme).
Un OHM est constitué autour d’un objet central marqué par un événement modificateur majeur d’origine anthropique (événement fondateur, ici la GMV), qui vient perturber un cadre socio-écologique fortement caractérisé (fait structurant, comme la désertification) et dont les équilibres se trouvent ainsi fortement modifiés. Ces observatoires s’attachent à l’étude d’écosystèmes affectés de modifications rapides. Ils s’inscrivent dans un contexte d’adaptation ou de réaction à une rupture, un événement plus ou moins brutal, afin de permettre l’étude d’un écosystème en transformation. Ce concept original a évolué, et considère désormais comme primordial l’impact socioéconomique majeur et la haute valeur structurante du fait, que celui‐ci soit anthropique ou naturel.
Les OHM sont des outils qui répondent aux quatre fonctions d’observation, expérimentation, modélisation et stockage appliquées au contexte spécifique des écosystèmes complexes. Ils ont pour objectifs de soutenir et développer les recherches fondamentales et appliquées, de prêter une attention particulière à la demande sociétale et de transmettre des éléments aptes à éclairer la décision politique. Le labex DRIIHM est venu valider le dispositif et lui apporter soutien institutionnel et financier.
L’Observatoire Hommes-Milieux international (OHMi) Tessékéré (8) :
Concept général et objectifs :
L’OHMi Tessékéré a été créé en juin 2009 dans la région des six forages, au Nord du Sénégal, dans un territoire caractéristique du Sahel africain. La mise en place de l’OHMi Tessékéré répondait à un besoin scientifique et sociétal : observer et évaluer les impacts de la mise en place de la Grande muraille verte sur l’anthropo-écosystème.
L’Observatoire Hommes-Milieux international « Tessékéré » a pour vocation de produire une vision systémique et pluridisciplinaire de l’impact global de la Grande Muraille Verte dans la région de Widou Thiengoly et Tessékéré. L’approche d’écologie humaine, orientée sur les interactions hommes-milieux, est sensiblement différente des observatoires déjà existants dans la région du Ferlo, et de manière plus générale au Sénégal, qui sont plus axés, soit sur la surveillance des processus écologiques de désertification, soit sur l’analyse de la production agricole et le suivi démographique des populations (Cf. Figure 4).
L’objectif global de l’Observatoire Hommes‐Milieux «Grande muraille verte» est de déterminer comment une anthropisation « secondaire » (l’implantation de la GMV), peut contribuer à compenser, par une approche de développement local, une dégradation de l’environnement naturel, culturel et socio-économique des populations, consécutif à la désertification des Zones saharo‐sahéliennes.
Les chercheurs du laboratoire d’écologie végétale de la faculté des sciences de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) avaient déjà entrepris une activité de recherche autour du processus de reboisement, essentiellement dans le cadre des activités citoyennes de l’UCAD. Ces activités citoyennes s’appuyaient sur une vingtaine de camps comprenant une cinquantaine d’étudiants qui s’occupaient d’action de reboisement, de scolarisation et surtout d’assistance médicale sous forme de consultation et de dons de médicaments. Mais tous ces camps n’étaient pas dans la zone de la Grande muraille verte. Seuls cinq camps y étaient implantés (Widou Thiengoly, Tessékéré, Labgar, Lougéré Thioly et Bar Toubab). Avec l’aide du coordinateur des recherches entreprises en écologie végétale (Prof. Aliou Guissé) et le responsable des activités sanitaires (Prof. Lamine Gueye) les efforts ont été coordonnés pour intégrer une dimension recherche en se focalisant sur une seule zone (Tessékéré – Widou Thiengoly) après l’arrêt des activités citoyennes en 2011.
Ces activités citoyennes ont laissé la place à l’Université d’été de Widou (4ème année en 2015) qui voit des activités de recherche, des activités médicales et des activités de plantation avec l’ANSGMV se poursuivre en y associant des séminaires de recherche, qui sont proposés aux étudiants participants par les enseignants-chercheurs et les chercheurs présents sur place.
Après les deux premières années d’existence, l’OHMi est devenu inclus ipso facto dans le processus même du projet de la Grande muraille verte, en amont et en aval de la planification des actions, en lien direct avec l’agence chargée par le gouvernement sénégalais de mettre en œuvre l’initiative de reforestation/développement (l’OHMi est lié à cette agence par communauté d’intérêt et de manière contractuelle).
Le suivi diachronique sur la zone observatoire permettra de comprendre à la fois l’évolution des ressources environnementales mais aussi leurs impacts sur l’évolution des populations en termes de pratiques socio-économiques, de santé, d’évolutions culturelles et migratoires (Cf. Figure 5). L’observatoire permet également d’analyser et de comprendre les difficultés et conflits d’intérêts inhérents à la mise en place de projets à long terme et à fort impact sur le milieu de vie de populations locales tels que la GMV.
Thématiques de recherche :
Dans une première phase (2009 – 2011), quatre thématiques de recherche ont été ouvertes autour de la désertification : Eaux et sols, Biodiversité, Systèmes sociaux et Santé. En 2012, ces quatre thématiques sont conservées et ont été complétées par 2 axes supplémentaires : gouvernance écologique et modélisation des systèmes socio-écologiques. Par la suite, de nouvelles thématiques se sont rajoutées (sociologie de la maladie, biodiversité des insectes, géographie, hydrogéologie, usages sociaux de l’eau, ethnopharmacologie…..).
Afin d’accompagner le développement de la GMV, il est important de connaitre le statut épidémiologique actuel dans la zone du Ferlo des affections chroniques non transmissibles, mais aussi des maladies infectieuses afin d’en comprendre l’évolution liée à la reforestation. Le développement de la GMV s’accompagne de changements d’écosystèmes, avec la possibilité de modifications du profil épidémiologique de nombreuses pathologies. Ces affections peuvent être transmissibles (d’origine bactérienne, parasitaire, mycosique, virale), ou bien chroniques non transmissibles (hypertension artérielle, diabète, hypercholestérolémie, rhumatismes, goutte, accidents vasculaires cérébraux, carences nutritionnelles, maladies respiratoires, cancers ,etc.)
Le retentissement de la GMV sur l’écosystème modifie les conditions climatiques, favorise la présence d’eau et le développement de jardins potagers, accélère le développement économique, et entraîne un brassage des populations du fait des activités commerciales et de la présence des employés de la GMV, des chercheurs et étudiants chercheurs. Tous ces éléments risquent de favoriser une alimentation plus « industrielle », connue pour favoriser l’apparition de troubles métaboliques comme l’obésité, le diabète et l’hypertension artérielle.
Chaque été, dans le cadre des journées citoyennes jusqu’en 2011 puis de l’Université d’été de l’UCAD, des étudiants en médecine sénégalais viennent soigner gratuitement la population au dispensaire de Widou Thiengoly, avec distribution de médicaments d’urgence. En dix jours, sont soignés plus de 800 adultes et 300 enfants. Des questionnaires portant aussi bien sur la structure de la famille et son niveau économique, le niveau d’étude, le ressenti de la maladie, etc… et des fiches notant les constantes anthropométriques sont associées aux données médicales et permettent d’établir une base de données visant à évaluer l’état de santé de la population aussi bien de façon synchronique que diachronique (fichier déclaré aux instances officielles sénégalaises).
L’organisation des « camps citoyens » en août 2010 a notamment été l’occasion de réaliser une étude transversale bio-anthropologique et épidémiologique à partir des données recueillies auprès de la population du Ferlo (3). Des mesures biomédicales ont été relevées et associées à un questionnaire rassemblant des données sociodémographiques et sanitaires des individus adultes, de 18 ans et plus. Cet échantillon était composé de 1264 individus, population essentiellement jeune et prédominée par les femmes. Cette population, marquée par un mode de vie rural, est principalement composée d’hommes pasteurs (78,70% des hommes). La population est en grande partie analphabète (78,57% de la population totale), surtout les femmes (81,66% des femmes). Chez ces adultes, nous remarquons la coexistence de cas d’insuffisances pondérales et d’excès pondéraux, avec des prévalences inquiétantes (28,9% d’insuffisance pondérale et 13,5% d’excès de poids). Il existe un contraste entre les pathologies observées et celles déclarées par les sujets. L’exemple le plus représentatif est le cas de l’hypertension artérielle, qui concerne 38% de la population totale mais n’arrive qu’en troisième position des maladies déclarées.
Les enquêtes se poursuivent chaque année. En 2014, deux campagnes (saison sèche et saison humide) ont été réalisées afin de déterminer l’impact épidémiologique de la variation climatique saisonnière.
La région de Tessékéré et ses habitants :
Les Peuls, principaux habitants de la région :
Beaucoup de choses ont été écrites sur les Peuls, dont l’origine reste incertaine. Nous ne nous attacherons qu’à deux points principaux, encore que très brièvement : l’importance du sentiment de « pulaarité », et un rappel des règles de Bergmann et Allen.
Le sentiment de « pulaarité », ou identité « ethnique » Peul, très présent dans la population mais bien difficile à définir, promeut entre autre une pudeur marquée, ainsi qu’une certaine frugalité. Celle-ci est valorisée, considérée comme « raisonnable » et « bonne pour la santé », au contraire de celle des « Wolofs » ou des « toubabs », dont les nourritures sont considérées comme trop abondantes, trop compliquées et entraînant trop de dépenses. Les discours valorisent une alimentation ascétique « peul », bonne pour la santé. Les aliments gras et sucrés sont connus pour entraîner du diabète ou de l’hypertension (9).
Les règles de Bergmann et Allen sont des règles anthropobiologiques de relations entre proportions corporelles et environnement :
– Règle de Bergmann : la masse corporelle des individus endothermes (température intérieure indépendante du milieu) est inversement corrélée à la température de l’environnement.
– Règle de Allen : la surface corporelle des animaux homéothermes est en rapport direct avec la température ambiante. Les membres inférieurs sont très longs dans les pays chauds, courts dans les pays froids.
Ces adaptations corporelles ont permis aux hommes de s’adapter au cours du temps à leur milieu, afin d’augmenter ou limiter leur déperdition de chaleur. Les mécanismes de cette sélection assez rapide restent obscurs.
D’après ces règles, les Peuls ont une excellente adaptation à leur milieu. Grands et minces, les poids moyens retrouvés dans la base de données de l’OHMi n’excèdent pas 60 kgs pour les hommes pour des tailles supérieures à 1,80m. On peut envisager que l’adaptation au milieu ne concerne pas que les parties visibles du corps, comme les membres, mais aussi les parties non visibles, comme la régulation hydro-sodée.
Le Ferlo, Tessékéré et le village de Widou Thiengoly :
Le Ferlo, situé dans la zone sahélienne du Sénégal, s’étend sur les régions administratives de Saint-Louis, de Louga et de Matam. Il couvre une superficie de 57 269 km2 soit 29% du territoire national, représentant un peu plus du quart de la superficie totale du pays. Inscrit dans la boucle du fleuve Sénégal, limité au Sud par la ligne du chemin de fer Kaolack-Tambacounda, interrompu à l’Ouest par la zone marécageuse du lac de Guiers, le Ferlo correspond à la partie la plus aride du Sahel sénégalais. Des caractéristiques fondamentales distinguent le Ferlo des autres régions du pays : aridité du climat (150-400 mm de pluie par an), prédominance d’une savane arborée et développement de l’élevage extensif. Cet élevage est pratiqué en très grande majorité par les Peuls, nomades.
La communauté rurale de Tessékéré se situe à 350 km au Nord-Est de Dakar, dans le département de Linguère, plus précisément dans la zone dite des six forages, du fait de la présence de forages installés par une équipe technique de la coopération allemande, la GTZ, suite à la sécheresse de 1973-1974. Cette commune comprend plusieurs villages : Tessékéré, Amaly et Widou Thiengoly, chacun étant constitué d’un « bourg-centre » et de campements disséminés dans un rayon d’environ 15 km autour de ce bourg (10). Chaque village abrite une pépinière et une antenne de l’agence sénégalaise de la GMV.
Le village de Widou est constitué par Widou centre, ou « Widou forage », et ses 26 « sous-villages » (Cf. Figure 6). Le dispensaire, ainsi que l’école, les mosquées, les boutiques d’alimentation, se situent à Widou-centre. D’après le dernier recensement (11) et les propos de la chef de village de Widou-centre (octobre 2015), le village de Widou comprend dans son ensemble 5 470 personnes, adultes et enfants compris, dont plus de la moitié ont moins de 20 ans (11) et Widou-centre 196 personnes.
Evolution des principaux facteurs de risque cardiovasculaire :
L’étude INTERHEART en 2004 (16) a montré que dans le monde entier (52 pays), neuf facteurs expliquent 90% des infarctus du myocarde : consommation de fruits et légumes, exercice, alcool, obésité abdominale, profil psycho-social, tabac, diabète, hypertension artérielle (HTA) et dyslipidémie, les premiers agissant beaucoup sur l’incidence des derniers… L’obésité, première « épidémie mondiale non infectieuse de l’humanité », a presque doublé entre 1980 et 2008. Elle augmente les risque de diabète, HTA et dyslipidémie, mais aussi de désordres ostéo-articulaires et de cancers. Le mode de vie « occidental » est rendu responsable des 62% de surpoids ou obésité dans la région OMS des Amériques.
L’Afrique connait une forte croissance économique et un important développement. Du fait des transitions démographique et nutritionnelle, et de la sédentarisation, la prévalence des facteurs de risque et donc du risque CV global de la population augmente, notamment au Sénégal. Surtout que l’accumulation de risques CV modérés est beaucoup plus néfaste sur le plan du risque CV global que la présence d’un seul facteur de risque majeur (Cf. Figure 7) (17).
Les enquêtes STEP conduites dans différents pays d’Afrique Noire de 2005 à 2012 montrent des prévalences variant de (12):
– 16 à 39,6 % pour l’HTA
– 9,1 à 18,6% pour la dyslipidémie
– 3,9 à 17,8% pour le tabagisme
– 2,6 à 10,4% pour le diabète
– 3,2 à 23% pour l’obésité.
D’après les projections de l’OMS, la fréquence du diabète en Afrique va augmenter de 90% dans les quinze prochaines années. Au Sénégal, les estimations de la Fédération internationale du Diabète (FID/ IDF) font état de 4,4% de diabète parmi la population adulte âgée de 20 à 79 ans en 2014, soit 292 000 personnes, parmi lesquelles seule la moitié serait diagnostiquée (18). Cependant, la prévalence du diabète semble plus importante dans les villes à fort développement économique. Une enquête réalisée en 2010 dans la ville de Saint-Louis, au Nord du Sénégal, fait état d’une prévalence du diabète de 10,4% (19).
L’urbanisation galopante s’accompagne d’une forte augmentation de la sédentarité. On estime qu’en 2050, 60% de la population africaine résidera dans les villes (20).
Le tabac est également un problème majeur. Les industriels du tabac axent leur campagne vers les pays n’étant pas encore protégés par des lois. Non seulement les dépenses médicales liées au tabagisme pourraient être utilisées à autre chose, mais environ 45% des hommes fument dans les pays pauvres, contre 20% dans les pays riches (21).
Les valeurs tensionnelles moyennes sont maintenant plus élevées en Afrique qu’en Europe ou aux USA. Dans les pays à revenu élevé, la généralisation du diagnostic et du traitement au moyen de médicaments peu coûteux, a permis de réduire sensiblement la pression artérielle moyenne de la population, ce qui a contribué à diminuer la mortalité par accidents vasculaires cérébraux et maladie cardiaque. En Afrique, plus de 40% (et jusqu’à 50%) des adultes de nombreux pays seraient hypertendus, et la plupart ne sont pas diagnostiqués, encore moins traités (22).
L’HTA est considérée comme le facteur de morbi-mortalité globale sur lequel il est le plus important de faire porter la prévention (23), car ayant le plus d’impact sur la mortalité globale (24). L’hypertension artérielle constitue le principal facteur de risque cardiovasculaire de la population de Widou, Peuls minces et très actifs, marchant des heures dans des zones arides, sans boire plus de quelques thés par jour. Il nous a donc semblé important d’en rechercher des caractéristiques, afin d’en déterminer les étiologies possibles, voir des axes de prévention.
Mode de recueil des données et description de la population :
Mode de recueil des données :
Organisation du dispensaire :
Le dispensaire est situé au centre du village, entre la base des Eaux et Forêts, où logent les agents de la GMV ainsi que les étudiants et les chercheurs, et l’école. Le dispensaire est tenu toute l’année par un infirmier, qui gère aussi bien la prise en charge des affections chroniques que les urgences et les accouchements. Il peut adresser si besoin ses patients à l’hôpital de Dahra, situé à 85 kms, soit plus de deux heures de route en voiture, où se trouve également une consultation de cardiologie.
Tous les ans depuis plus d’une dizaine d’années, au cours des Journées citoyennes jusqu’en 2011 et dorénavant lors des Universités d’été, des étudiants en fin d’études de Médecine de l’UCAD viennent soigner gratuitement la population qui se présente au dispensaire de Widou. Durant dix jours, près de 800 adultes (850 en 2015) et 450 enfants sont vus chaque année.
Les consultations ont lieu durant dix jours consécutifs, de huit heures à 14 heures, même le dimanche. L’affluence est grande, surtout le mardi, jour de marché. Les patients commencent par être reçus par un sociologue, qui remplit une fiche, avec les coordonnées de la personne, des considérations sur sa famille, son mode de vie, sa santé, etc… Ensuite, le patient est pris dans une chaine d’examens, afin de favoriser la fluidité du parcours.
En 2014, les patients bénéficiaient, une fois les données sociologiques remplies, de divers examens :
– Mesure de la pression artérielle (trois prises)
– Mesure du poids, de la taille,
– Mesure du tour de taille (TT) et du tour de hanche (TH), dans une pièce à l’écart afin de ne pas gêner la pudeur des patients. Les femmes de la région portent souvent de nombreux colliers autour de la taille et ces mesures anthropométriques ne peuvent se faire que si elles soulèvent leurs habits.
– Interrogatoire alimentaire sous forme de rappel des 24 h, avec visualisation des principaux aliments consommés, essentiellement différentes sortes de riz et de haricots (niébé) et récipients généralement utilisés.
– Mesure de la composition corporelle
– Contrôle de la glycémie par prélèvement au doigt (dextro)
– Prélèvement au doigt par un parasitologue, pour recherche de paludisme (goutte épaisse, qui s’est révélée négative chez tous les sujets examinés sur cette période).
Les patients sont ensuite reçus en consultation, par des généralistes, des dentistes, et si besoin, en 2014, des cardiologues (en 2015, des dermatologues). D’après la base de données de l’OHMi, les patients consultent généralement pour des problèmes digestifs ou ostéo-articulaires, de l’asthénie ou de simples bilans de santé.
Matériel et méthodes :
Notre étude porte sur 559 adultes Peuls de plus de quinze ans, vus au dispensaire de Widou Thiengoly en aout 2014. Sur toutes les données à notre disposition, nous n’avons retenu que
– le sexe,
– l’âge,
– le statut ou non de nomade, reflétant une activité physique intense (marche pour les hommes, long trajets, cuisine et transport de l’eau pour les femmes),
– l’index de masse corporelle (IMC),
– les valeurs de pression artérielle, traitée ou non, avec la nature des médicaments prescrits,
– les mesures de composition corporelle par impédancemétrie bioélectrique.
Les quelques patients mauritaniens vus au dispensaire sur cette période, généralement des femmes commerçantes ayant très peu d’activité physique et un surpoids notable, n’ont pas été retenus, afin de garder une certaine homogénéité à notre échantillon.
Les valeurs de pression artérielle ont été prises en position assise, chez des patients au repos depuis 5 à 10 minutes, lors de trois prises consécutives à deux / trois minutes d’intervalle, avec un appareil OMRON° M4 avec brassard, par un opérateur entraîné. Les patients ne devaient pas parler durant la durée de l’examen. Les patients ont été considérés hypertendus si la moyenne des trois mesures successives étaient supérieures ou égales à 140/ 90 mm Hg.
Les mesures de composition corporelle par impédancemétrie bio-electrique ont été réalisées sur des patients en position allongée, au repos depuis une dizaine de minutes, avec un analyseur Bodystat°1500 (Cf. Figure 8).
La mesure de la composition corporelle par impédance bioélectrique a été initialement proposée par Thomasset en 1962 comme alternative à la mesure des secteurs liquidiens de l’organisme par méthode de dilution. Elle consiste à faire passer un courant alternatif de basse intensité d’une, deux ou plusieurs fréquences en utilisant des électrodes adhésives placées au membre supérieur et inferieur. La mesure de la résistance (impédance) à ce courant permet d’extrapoler l’eau corporelle et donc la masse maigre en admettant un facteur d’hydratation constant. La masse grasse est calculée par soustraction. Cette méthode validée (25 ), peu coûteuse, non irradiante, largement répandue, nécessite des conditions d’application standardisées (26). Elle peut-être préconisée pour une analyse de la masse grasse et de la masse maigre à l’échelon d’une population (27).
Le Bodystat 1500° compact, léger et transportable, permet de connaître en quelques secondes la composition corporelle totale, l’hydratation et l’état métabolique : masse grasse (MG), masse maigre (MM), masse hydrique totale (ME), métabolisme de base (MB) et besoins énergétiques. On doit utiliser pour la mesure des électrodes placées sur la main et le pied du même coté, mesurant la totalité du corps, ce que ne permettent pas les impédancemètres classiques.
Hypertension artérielle et composition corporelle : données de la littérature :
Prévalence de l’HTA en Afrique et au Sénégal :
De nombreuses études existent sur la prévalence de l’HTA en Afrique, mais peu sont interprétables, vu le peu de données sur l’âge des sujets ou la méthode de diagnostic.
Selon le deuxième volet de l’étude PURE (21), dans des échantillons représentatifs de sujets de 35 à 70 ans, la prévalence de l’HTA (HTA déjà connue et / ou valeurs élevées à l’examen) dans le monde est de 40,8%. Les différences entre pays à PNB plus ou moins élevés portent surtout sur la connaissance antérieure du diagnostic par les sujets (ainsi que sur l’existence ou non d’un traitement et du bon contrôle tensionnel) : de 49% (seulement !) dans les pays à hauts revenu, contre 36,9% dans les pays à revenus intermédiaires bas et 31,7% dans les pays les plus pauvres.
Dans les pays africains ayant participé à l’étude WHO-STEP, de 2003 à 2009, la prévalence de l’HTA dans une population d’adultes de plus de 18 ans varie de 20 à 40% (19,3 à 39,6) chez l’homme, un peu moins chez la femme (sauf dans quelques pays, comme l’Algérie, la Mauritanie ou le Mali) (Cf. Figure 9) (28).
Mesures de la composition corporelle :
La masse grasse augmente avec l’âge dans les deux sexes.
Mais alors que la masse maigre augmente également avec l’âge chez l’homme, la masse maigre diminue chez les femmes (en kgs et en pourcentage), ce qui explique qu’elles perdent du poids avec l’âge (Cf. Figure 16). Les femmes Peuls se plaignent d’ailleurs de maigrir à partir de 50 ans, alors qu’elles aimeraient grossir.
La masse maigre est composée de la masse hydrique et de la masse maigre sèche, et on voit que le pourcentage de masse hydrique a tendance à un peu augmenter chez les femmes avec l’âge. Cette perte de masse maigre avec l’âge est donc liée à une perte de masse maigre sèche, ou fonte musculaire. Les femmes occidentales persent aussi de la masse maigre sèche avec l’âge, mais globalement grossissent du fait d’une augmentation plus importante de la masse grasse. On pourrait étudier l’activité physique de ces femmes et leurs apports nutritionnels afin de rechercher si cette fonte musculaire est liée à un défaut d’activité physique et/ou une carence protéique.
Chez les hommes, la masse maigre augmente (en kgs et pourcentage), alors que le pourcentage de masse hydrique diminue (Cf. Figure 17). On peut donc considerer que la masse maigre sèche, soit la masse musculaire, augmente avec l’âge chez l’homme, ce qui n’est pas habituel dans les sociétés occidentales.
Les pourcentages de masse grasse augmentent avec l’âge mais restent faibles. Ils varient selon les classes d’âge de 4,8 à 14,6% chez l’ homme et de 11,5 à 24,8% chez la femme, soit beaucoup moins que dans les populations occidentales.
Corrélations de Pearson entre les différentes variables quantitatives :
L’HTA systolique et l’HTA diastolique sont corrélées entre elles et corrélées à l’âge, ce qui était tout à fait attendu.
L’HTA, qu’elle soit systolique ou diastolique, n’est pas corrélée au volume hydrique. Il n’y pas d’expansion volumique. Celle-ci ne semble pas avoir été notée dans la littérature, même si la mesure de la composition corporelle par impédancemétrie ait été utilisée dans de nombreuses situations pathologiques. Si la consommation de sel joue un rôle dans l’apparition de l’HTA, comme chez les migrants du Kenya (39), les variations hydriques sont soit inexistantes soit trop faibles pour être mesurées.
Les HTA systolique et diastolique sont fortement corrélées à l’IMC (p < 0,01) chez l’homme , mais pas chez la femme. On ne note aucune corrélation entre IMC et HTAS, et une corrélation, mais moins forte (p < 0,05) entre IMC et HTAD. De même, si les deux types d’HTA sont corrélées au poids chez l’homme, il n’y a aucune corrélation entre HTA et poids chez la femme.
La masse maigre sèche , estimée par l’impedancemètre, est inversement corrélée à l’HTA chez la femme (p< 0,01). La corrélation chez l’homme est aussi négative , mais non significative. Nous avons vu que la masse maigre sèche baisse avec l’âge chez la femme, et cette corrélation pourrait donc être liée à l’âge, mais ceci n’explique pas qu’il n’y ait aucune corrélation chez l’homme.
Par contre, on note une très forte corrélation entre HTA et masse grasse, que ce soit pour l’HTAS ou pour l’HTAD, et aussi bien chez l’homme que chez la femme.
Vu que la masse grasse est corrélée à l’âge , nous avons étudié la relation entre HTA et masse grasse en utilisant la regression logistique qui permet d’étudier la relation entre les deux indépendement des autres facteurs (Cf. Tableau 63).
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Table des matières
A – Introduction
I – La Grande muraille verte (GMV), action de l’homme sur un écosystème :
1- Le projet de GMV
2- Les Observatoires hommes-milieux
3- L’Observatoire hommes-milieux international Tessékéré
a- Concept général et objectifs
b- Thématiques de recherche
II – La région de Tessékéré et ses habitants :
1- Les Peuls, principaux habitants de la région
2- Le Ferlo, Tessékéré et le village de Widou Thiengoly
III – La pathologie cardiovasculaire en Afrique :
1- Une deuxième vague d’épidémie
2- Evolution des principaux facteurs de risque cardiovasculaire
B – Mode de recueil des données et description de la population
I – Mode de recueil des données :
1- Organisation du dispensaire
2- Matériel et méthodes
II – Répartition de la population par sexe, âge, activité physique et IMC
1- Par sexe
2- Par classes d’âge
3- Nomades ou pas
4- Répartition par valeurs d’IMC
III – Récapitulatif des données et discussion
C – HTA et données de la littérature
I – Prévalence de l’HTA en Afrique et au Sénégal
II – HTA et mesure de la composition corporelle
III – Traitement de l’HTA
D – Dans notre étude
I – Prévalence de l’HTA
II – HTA et mesure de la composition corporelle
1- Dans la population générale
2- Population générale des femmes
3- Population générale des hommes
4- Pourcentage de masse maigre et volume hydrique selon le sexe et la classe d’âge
III – Traitement de l’HTA
1- Dans la population générale
2- Chez les femmes
3- Chez les hommes
E – Schémas récapitulatifs et discussion
I – Prévalence de l’HTA
II – HTA et mesure de la composition corporelle
1- Schémas de répartition de la masse grasse et de la masse maigre en fonction de l’âge et de la classe d’âge
2- Corrélations de Pearson entre toutes les variables quantitatives
3- Discussion
III – Traitement de l’HTA
F – Conclusion
Bibliographie
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