Modalités de traitement oncologique

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Matériel et Méthode

Structure de l’étude

Il s’agit d’une étude observationnelle, prospective, uni-centrique. Tous les patients ont reçu une information orale et écrite, et ont consenti à l’utilisation de leurs données.

Sélection des patients

Tous les patients présentant un cancer localement avancé des VADS, pour lesquels la réunion de concertation multidisciplinaire envisageait une RCT (traitement exclusif ou post-opératoire), ont été évalués en HDJS de février 2019 à mars 2020. Les patients pour lesquels l’indication de RCT ou de radiothérapie seule a été confirmée après HDJS étaient inclus.

Objectifs

L’objectif principal consistait à évaluer les modifications de protocole thérapeutique suite à l’évaluation en HDJS par rapport à la première consultation avec l’oncologue médical, ainsi qu’analyser les facteurs cliniques associés à ces changements.
Nous avons considéré la RCT à base de cisplatine comme le traitement le plus intensif, suivi par celui à base de carboplatine, puis à base de cetuximab et enfin la radiothérapie exclusive. La modification du traitement après l’HDJS a ensuite été classée comme : aucun changement, escalade ou désescalade.
L’objectif secondaire était de décrire la fragilité du patient et ses besoins en soins de support lors de l’évaluation de l’HDJS. Enfin, nous avons évalué le taux d’achèvement du protocole de RCT, le taux d’hospitalisation, la survie sans progression et la survie globale.

Critères d’évaluation

Les indicateurs de fragilité étaient : les comorbidités selon l’indice de Charlson (un score >5 définit une comorbidité avancée) [25, 26] ; l’état nutritionnel selon les critères de la Haute Autorité de Santé (dénutrition définie par la présence d’un ou plusieurs des critères suivants : >5 % de perte de poids en un mois ou 10 % en 6 mois, indice de masse corporelle <18,5 kg/m2, taux d’albumine sanguine <35 g/L [27]), l’autonomie selon les activités de la vie quotidienne (ADL) et les activités instrumentales de la vie quotidienne (IADL) (une perte d’autonomie définie par la perte d’un point sur l’ADL et /ou l’IADL[28]), la précarité sociale selon le score EPICES (avec un seuil de vulnérabilité fixé à 30,17 [29]), les troubles cognitifs selon le Montréal Cognitive Assessment (MoCA) effectué par un évaluateur qualifié (avec un seuil inférieur à 26 pour qualifier un trouble cognitif [30, 31]) ; les habitudes addictives (abus actuel d’alcool ou de tabac), la douleur (a été considérée comme significative si une modification thérapeutique était nécessaire).
La survie sans progression (SSP) a été déterminée à partir de la fin de la RCT jusqu’à la progression de la maladie, ou la dernière évaluation. La survie globale (SG) a été déterminée à partir de la fin de la RCT jusqu’au dernier suivi, ou au décès. II.5 Analyse des données Les variables quantitatives ont été décrites par la valeur médiane et son intervalle [min-max]. Les variables qualitatives ont été décrites avec des nombres et des pourcentages. Le test du Chi carré ou le test exact de Fisher ont été utilisés pour comparer les variables catégorielles. Une régression logistique pas à pas a été utilisée pour l’analyse multivariée. La SSP et la SG ont été évaluées à l’aide de l’estimateur de Kaplan-Meier et comparées à l’aide d’un test du log-rank. Une régression du modèle de Cox a été utilisée pour l’analyse multivariée. Une valeur de p bilatérale inférieure ou égale à 0,05 était considérée comme statistiquement significative. Le logiciel MEDCALC a été utilisé pour l’analyse.

Modalités de traitement oncologique

Parmi les 102 patients inclus, 62 ont eu une radiochimiothérapie exclusive et 40 une radiochimiothérapie post-opératoire (Figure 2). Soixante et onze patients (69,6%) ont reçu un traitement concomitant par cisplatine, 13 par cetuximab (12,7%) et 5 par carboplatine 5FU (4,9%). Dix patients (9,8 %) ont reçu une radiothérapie sans traitement concomitant.
Un changement de protocole thérapeutique a été décidé après évaluation HDJS pour 14 patients (14,4%), avec 2 escalades thérapeutiques et 12 désescalades.
La plupart des caractéristiques des patients : âge au moment du diagnostic, sexe, site et stade de la tumeur, état nutritionnel, douleur et dépendance ; ne différaient pas entre les deux groupes (désescalade versus les autres).
En revanche, les patients avec une désescalade de traitement ont montré un plus grand nombre de domaines altérés que les patients avec un plan de traitement inchangé ou intensifié (moyenne de 3,7 domaines contre 2,4 ; p = 0,005). La précarité sociale, les comorbidités et une perte d’autonomie étaient significativement associées à la désescalade du traitement en analyse univariée (p = 0,011, p = 0,011 et p = 0,027 respectivement) (Tableau 2). Seules les comorbidités restaient statistiquement significatives en analyse multivariée (OR 7,093, IC95% [1,107-45,451]).

Intervention des soins de support

Tous les patients ont été évalués par une diététicienne pendant leur HDJS. Ils ont reçu des conseils diététiques et ont été suivis pendant le traitement. Avant l’HDJS, 53 patients avaient déjà une prise en charge nutritionnelle : compléments nutritionnels oraux pour 48 patients et alimentation entérale pour 13 patients. Une intervention nutritionnelle a été nécessaire pour 55 patients (53,9 %) au cours de la HDJS : compléments nutritionnels oraux pour 22 patients, nutrition entérale pour 33 patients, dont une pose immédiate d’une sonde nasogastrique pour cinq patients.
Trente deux patients ont présenté des douleurs non contrôlées justifiant une modification du traitement : augmentation de la posologie ou du palier d’antalgie pour 24 patients, introduction ou majoration de posologie d’un traitement antalgique à visée neuropathique pour 14 patients.
De plus, 66 patients (64,7%) ont été suivis par des infirmières dédiées pendant la chimio-radiothérapie en raison de fragilités détectées lors de l’HDJS, à travers des évaluations régulières (téléphonique et consultation).
Suite à l’HDJS, nous avons proposé une consultation avec un algologue pour n=4 patients (3,9%), une assistante sociale pour n=52 (50,9%), un orthophoniste pour n=7 (6,8%), un tabacologue pour n=23 (22,5%), addictologue pour n=23 (22,5%), et psychologue pour n=29 (28%). Nous avons eu un fort taux de refus pour le tabacologue, l’addictologue et le psychologue avec respectivement seulement 10 (43%), 5 (21%) et 4 (13%) patients qui ont accepté de rencontrer le spécialiste proposé.

Déroulement du traitement et hospitalisation non programmée

Cinquante-cinq patients (53,9%) ont reçu le traitement programmé complet : 93/102 patients (91,2%) ont reçu la totalité de la radiothérapie programmée sans interruption, 50/92 patients (54,3%) traités en association ont reçu toutes les cures programmées (dont 63 des 69 patients sous cisplatine ont reçu ≥ 200 mg/m²). Six des neuf patients ayant eu une interruption de traitement par radiothérapie avaient une chimiothérapie concomitante par cisplatine ; les trois autres avaient du cetuximab concomitant.
Il n’y avait aucune différence concernant l’achèvement du traitement entre le groupe de désescalade et le groupe témoin (33,3 % contre 43,3 %, p = 0,554). La précarité sociale était significativement associée à l’interruption du RCT en analyse univariée (62,2 % versus 34,6 % de domaine social altéré avec et sans interruption respectivement, p = 0,010) et en analyse multivariée (OR 3,26 95 % IC [1,26264-8,427]). Aucune association significative n’a été trouvée concernant d’autres domaines de fragilité ou le nombre de domaines altérés.
Quarante-sept patients (46,1 %) ont nécessité une hospitalisation au cours du traitement. Les principaux motifs d’hospitalisation étaient : prise en charge nutritionnelle (n=26), néphrotoxicité induite par le cisplatine (n=20), infection sous-jacente (n=10), détérioration de l’état général (n=5). Aucune association significative n’a été trouvée avec les domaines de fragilité explorés ou le nombre de domaines altérés. Un décès lié à une septicémie a été rapporté pendant la période de traitement dans le groupe désescalade.

Survie sans progression et survie globale

Le suivi médian était de 20,2 mois [0,7-28,6]. Cinquante et un patients (50,5%) ont eu une progression de leur maladie et 29 (28,7%) sont décédés. La SSP médiane était de 18,8 mois et la SG médiane n’a pas été atteinte au moment de l’évaluation. La SSP médiane dans le groupe témoin et le groupe de désescalade était respectivement de 23,2 et 8,8 mois HR = 2,18 IC à 95 % [1,02-4,63] (p = 0,037) (Figure 4).

Discussion

Notre étude prospective sur l’évaluation pré-thérapeutique globale, approfondie et multidisciplinaire des patients atteints d’un cancer des VADS a impliqué un changement de traitement pour 14,4 % d’entre eux, principalement des désescalades thérapeutiques. Quatre-vingt-treize pourcent des patients inclus dans notre étude avaient au moins un domaine altéré, dont 50 % trois domaines altérés ou plus. La fonction cognitive était le domaine le plus fréquemment altéré (66,7 %). La précarité sociale, les comorbidités graves et la perte d’autonomie étaient significativement associées à la désescalade du traitement lors de l’évaluation de l’HDJS en analyse univariée. Seules les comorbidités sévères sont restées statistiquement significatives en analyse multivariée. La précarité sociale était significativement associée aux interruptions de traitement.
Après l’évaluation du clinicien et avant l’HDJS, le traitement reste encore indéfini pour un certain nombre de patients (17/102). Cela met en évidence la difficulté d’évaluer un patient complexe en une seule consultation limitée dans le temps. En effet, cette évaluation nécessite souvent des examens complémentaires variés et une discussion multidisciplinaire (avec un bilan cardiaque ou un audiogramme par exemple). Cela renforce l’idée de la nécessité d’un temps dédié de réflexion globale autour du patient comme nous le réalisons dans le cadre des HDJS.
Notre taux de changement de traitement après notre évaluation globale en HDJS est inférieur à celui des études d’oncologie gériatrique qui ont rapporté des taux de changement de 20 à 50 % [23, 24, 32]. Ceci était attendu car notre population était plus jeune et traitée avec une intention curative alors que ces études gériatriques incluaient majoritairement des patients métastatiques en situation palliative. De plus, ces études gériatriques ont rapporté un pourcentage élevé d’escalade de traitement, alors que le traitement concomitant le plus intensif était déjà envisagé pour 70 % de nos patients avant l’évaluation de l’HDJS. En revanche comme dans les études d’oncologie gériatrique, la désescalade du traitement était associée à des comorbidités sévères et à une perte d’autonomie [23, 24].
Nos patients présentaient un taux de précarité élevé, avec un taux de chômage atteignant presque le double du taux de chômage général français [33]. La précarité sociale était significativement associée à l’interruption du RCT, ce qui pourrait s’expliquer par la forte intensité de ce traitement et le recours accru aux soignants. Les troubles cognitifs peuvent entraver l’adhésion aux recommandations de traitement et entraîner des toxicités. De plus, le risque de chemobrain (altération cognitive induite par la chimiothérapie) peut aggraver des troubles cognitifs sous-jacents [34]. Notre taux élevé de score MoCA pathologique renforce la nécessité d’un suivi et d’une coordination renforcée avec les soignants de ville pour cette population.
L’une des limites de notre étude est le manque d’évaluation de la dépression/anxiété avec l’utilisation de scores standardisés, tels que l’HADS (« Hospital Anxiety and Depression Scale ») [35]. En effet, 11 à 52 % des patients atteints d’un cancer des VADS présentent des troubles de l’humeur préexistants [36]. Ceci est cohérent avec notre taux de 28% de proposition d’adressage vers un psychiatre ou un psychologue, malgré l’absence de recours à un outil d’évaluation standardisé. De plus, les troubles de l’humeur sont fréquemment associés à des stratégies d’adaptation telles que les addictions (tabac et/ou alcool) qui peuvent augmenter la toxicité des traitements et réduire leur efficacité [17]. Une autre limite est l’absence d’estimation de la taille d’échantillon préalable, mais comme il s’agissait d’une étude descriptive prospective uni-centrique, nous avons inclus les patients consécutivement pour limiter le biais de sélection.
Nous avons précédemment rapporté un taux élevé de mortalité par traitement chez les patients fragiles dans notre Centre [11]. Ce taux a considérablement diminué dans notre étude, probablement en raison d’une meilleure adaptation du traitement oncologique et d’un suivi plus étroit après l’évaluation de l’HDJS, ce qui a conduit à un taux plus élevé d’achèvement du traitement. Nos SSP et SG sont identiques aux études récentes comportant des patients traités de manière similaire ; ce qui est un bon marqueur quand on connaît les critères drastiques de sélection des patients dans les études [37, 38]. Notre groupe de désescalade a eu de moins bons résultats avec une SSP plus courte, ce qui est attendu étant donné la fragilité de cette population et un traitement moins intensif donc sous optimal.
En ce qui concerne les patients traités par cisplatine, 52,2 % ont reçu les trois cycles de chimiothérapie malgré une évaluation approfondie. Une densité de dose similaire a été rapportée dans la littérature pour les 3 doses, mais nous avons constaté une réduction du nombre de patients ne recevant qu’une seule chimiothérapie, 8,4 % seulement contre 24 % dans une autre étude prospective [31]. Ce taux est identique à ceux de certaines études cliniques, où les patients sont hautement sélectionnés [8, 32]. Soixante-deux patients (89,9%) ont reçu au moins 200mg/m² de cisplatine, même si plus la dose de cisplatine est élevée, plus le traitement est efficace, cette dose correspondante de ≥200mg/m2 peut être suffisante pour produire suffisamment d’effet antitumoral [31, 33].
La majorité de nos patients avaient une maladie de stade IV, des taux élevés de consommation d’alcool/de tabac et peu de tumeurs liées au virus HPV. Nos résultats peuvent être moins pertinents dans les zones où les carcinomes liés au HPV sont prédominants et où la consommation d’alcool / tabac est moins répandue [39, 40].
Finalement nos patients présentaient des taux élevés de fragilités cognitives ou sociales ainsi que des comorbidités importantes justifiant une adaptation thérapeutique. L’ajout d’un index ADL/IADL, d’un dépistage de la précarité et d’un dépistage cognitif à l’évaluation systématique de nos patients pourrait ainsi fournir des informations précieuses pour le déroulement du traitement mais également à visée pronostique.

Conclusion

Pour les patients atteints d’un cancer des voies aérodigestives supérieures, une évaluation multidisciplinaire pré-thérapeutique globale en soins de support avant une radiochimiothérapie concomitante met en évidence leur fragilité élevée et conduit à des adaptations thérapeutiques relativement fréquentes. Il permet en effet de modifier le traitement pour 14% des patients. Nous avons après cet hôpital de jour de soins de supports un suivi plus personnalisé, adapté et réactif de nos patients ce qui permet une bonne intensité de traitement sans surmortalité.
Ce travail de thèse encourage la création, la pérennisation et la généralisation dans d’autres centres d’un HDJS avant une RCT pour les cancers des VADS, bien que cela nécessite du personnel médical et paramédical, et du temps dédié. Cette évaluation globale en HDJS permet une adaptation thérapeutique, un suivi personnalisé et l’optimisation des soins de support.

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Table des matières

I. Introduction
II. Matériel et Méthode
II.1. Structure de l’étude
II.2 Sélection des patients
II.3 Objectifs
II.4 Critères d’évaluation
II.5 Analyse des données
III. Résultats
III.1 Description de la population
III.2 Modalités de traitement oncologique
III.3 Intervention des soins de support.
III.4 Déroulement du traitement et hospitalisation non programmée
III.5 Survie sans progression et survie globale
IV. Discussion
V. Conclusion
VI. Bibliographie
VII. Annexes

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