Modalités de la prise de décisions d’initiation d’une GPE en soins palliatifs
Gastrostomie Percutanée Endoscopique (GPE) : recommandations en soins palliatifs
Le cancer est une situation à « haut risque » de dénutrition. La dénutrition est elle-même un facteur pronostique majeur de morbi-mortalité. La question de la nutrition entérale (NE) se pose donc dès l’évocation du diagnostic et doit être réévaluée régulièrement. Dans cette première partie, nous définirons les notions de dénutrition et d’espérance de vie qui nous guiderons dans la prise de décision. A la lumière de ces éléments, nous aborderons les recommandations actuelles concernant l’indication de pose d’une GPE notamment dans le cas des patients en situation palliative atteints de cancers des voies aéro-digestives supérieures (VADS).
Définitions et prérequis
La Gastrostomie Percutanée Endoscopique :
Il s’agit d’une technique endoscopique permettant la pose non chirurgicale d’un dispositif d’accès direct à la cavité gastrique, dans le but d’une nutrition entérale. La nutrition entérale, consiste à administrer passivement, dans le tube digestif (TD), des nutriments par l’intermédiaire d’une sonde. Cette technique s’est rapidement imposée comme une technique de renutrition majeure et a pris une place de plus en plus importante dans notre arsenal thérapeutique, à l’hôpital comme à domicile. Il s’agit de la méthode de référence pour la nutrition entérale prolongée de moyenne et longue durée (> 1 mois chez l’adulte).
Dénutrition :
La dénutrition protéino-énergétique résulte d’un déséquilibre entre les apports et les besoins protéino-énergétiques de l’organisme . Ce déséquilibre entraine des pertes tissulaires involontaire ayant des conséquences fonctionnelles délétères. Il en résulte une aggravation du pronostic et une augmentation du risque de décès. La dénutrition est notamment très fréquente chez les patients traités pour un cancer des voies aéro-digestives supérieures (VADS) : 30 à 50% des patients avant le début des traitements, jusqu’à 44 à 88% pendant et après la radiothérapie . Tous les patients atteints d’un cancer des VADS, qu’ils soient dénutris, en poids stable ou en surcharge pondérale, sont à risque sur le plan nutritionnel, et sont à évaluer et à surveiller dès le début de la prise en charge. La dénutrition est souvent multifactorielle (localisation de la tumeur, douleurs, hypermétabolisme, traitements, contexte psychosocial…). Dans les cancers des VADS, la dénutrition se développe très souvent en lien avec une dysphagie associant une réduction des ingestas par blocages, stases résiduelles et une perte des mécanismes d’expulsion des stases, favorisant les fausses routes avec une inhalation pulmonaire. L’altération de l’état pulmonaire contribue à l’aggravation de l’état nutritionnel, induisant un cercle vicieux par majoration des troubles de la déglutition et de leurs complications. Un arrêt de l’alimentation orale est alors parfois nécessaire pour stopper ce cercle vicieux, aggravant la dénutrition.
Les conséquences de la dénutrition, chez les patients atteints du cancer, sont multiples (diarrhée, translocation bactérienne, diminution de l’immunité et augmentation du risque d’infection, report ou arrêt de traitements, diminution de la réponse à la chimiothérapie, augmentation de sa toxicité, diminution de la masse musculaire, augmentation du risque de phlébites, d’escarres et de perte d’autonomie…) . Chez les patients atteints de cancers ORL, la dénutrition entraine également une diminution de la qualité de vie (difficulté à mastiquer, à déglutir, douleurs, fatigue), une augmentation des morbidités notamment infectieuses, et le décès du patient dans 5 à 25% des cas.
Le dépistage de la dénutrition et l’évaluation constante de l’état nutritionnel dès la première consultation et tout au long du suivi est donc indispensable pour limiter la morbi-mortalité et améliorer la qualité de vie des patients atteints de cancers, notamment des VADS. Elle est un élément primordial dans la décision et l’indication de la pose de nutrition entérale, notamment par GPE.
Plusieurs marqueurs cliniques et biologiques sont utilisés afin d’évaluer l’importance de la dénutrition et d’en suivre l’évolution :
➤ Echelle de Prise Alimentaire (EPA) : 0 « je ne mange rien du tout » → 10 « j’ai tout mangé » si EPA < 7 : risque de dénutrition
➤ Evaluation de l’état nutritionnel de l’HAS : selon 3 critères (Annexe 1)
– L’Indice de Masse Corporelle (IMC)
– La perte de poids
– L’albumine
➤ Nutritional Risk Index de Busby (NRI) < 83,5
NRI = 1,519 x (albumine en gr/l) + 0,417 x (poids actuel/poids habituel) x100
> 97,5% état nutritionnel normal
83,5 à 97,5% dénutrition modérée
< 83,5% dénutrition sévère
➤ Pronostic Inflammatory and Nutritional Index (PINI)
Index PINI= (Orosomucoïde x CRP) / (Albumine x Préalbumine)
[1-10] risque faible
[11-20] risque moyen
[21-30] risque majeur
> 30 risque vital
Espérance de vie et pronostic :
L’espérance de vie est un facteur essentiel pour poser l’indication de la pose d’une GPE. Toujours subjectif et incertain et souvent surestimé par les médecins, cet élément occupe pourtant une place importante dans la balance bénéfice/risque pour le choix des traitements (la pose de la GPE étant sous tendue à une espérance de vie « estimée » > 3 mois). Certains critères permettent de préciser l’espérance de vie théorique et le pronostic :
➤ Echelle Pronopall (Annexe 2) selon 4 critères :
– Performance statut (PS) de l’OMS et indice de Karnofsky (Annexe 3)
– Nombres de sites métastatiques
– LDH
– Albuminémie
➤ Autres critères de mauvais pronostic :
– Lymphopénie associée à une hypoalbuminémie et des métastases hépatiques
– Hypoalbuminémie sévère et CRP > 50
– Hypoalbuminémie et Karnofsky <50%
– Ne pas oublier d’y associer les éléments cliniques (cachexie, anorexie, etc …) et les comorbidités associées.
Indications, contre-indications et complications de la GPE
Indications et contre-indications
Selon les recommandations de la Société Française d’Endoscopie Digestive , la NE est indiquée pour un patient dénutri ou à risque de dénutrition ayant un TD fonctionnel, incapable de couvrir ses besoins protéino-énergétiques par voie orale (carences d’apports, malabsorption, troubles de déglutition, mal digestion, hypermétabolisme…), ayant une espérance de vie > 1 mois. Le choix de la nutrition entérale dépend ensuite de la durée prévisible de nutrition :
< 1 mois de nutrition : sonde naso-gastrique (SNG) ou naso-jéjunale
> 3 mois de nutrition : alimentation par stomie (ex : GPE).
Les indications de la GPE en cancérologie sont principalement : les tumeurs des VADS, les troubles de déglutition, les atteintes cérébrales, et les dénutritions sévères.
La prescription de la NE peut être proposée à tout moment de la prise en charge du patient atteint de cancer, en fonction d’objectifs définis . L’anticipation de cette prescription est indispensable et doit être évoquée dès les premiers risques de dénutrition :
▶ Avant le traitement : réduction du risque de complications péri opératoires du patient dénutri par exemple.
▶ Pendant le traitement : nutrition comme traitement adjuvant facilitant la réalisation du traitement.
▶ Après le traitement : avant récupération de l’alimentation orale.
▶ En phase palliative : maintien des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie.
|
Table des matières
INTRODUCTION
I) Récit de Situation Complexe Authentique :
A) Contexte
B) Récit « prends la vie côté Coca-Cola® »
C) Problématique
II) Modalité de la prise de décision d’initiation d’une GPE en soins palliatifs
A) GPE : recommandations en soins palliatifs
1) définitions et prérequis
2) Indications, contre-indications et complications
B) Une décision médicale concertée
1) Aspect juridique : une responsabilité médicale
2) Procédure collégiale et pluridisciplinarité en pratique
C) Une décision éthique centrée sur le patient
1) Une approche individualisée pour une meilleure proportionnalité des soins
a) Débat autour de la nutrition artificielle (NA) : soins de support ou traitement ?
b) Nécessité d’une approche individuelle et éthique centrée sur le patient
2) Symbolique de l’alimentation : une prise de distance nécessaire
a) Pour le patient et ses proches :
b) Soignants : nourrir pour le confort du patient ou pour apaiser sa propre conscience?
3) Le non-recours à l’AA ou l’arrêt d’une signifient pas l’arrêt des soins
III) Synthèse et conclusion
CONCLUSION
Bibliographie
Annexes
Télécharger le rapport complet