Le terroir de Tsarahonenana fait l’objet de cette étude. « Terroir » selon G. SAUTTER, (1962) est un « espace dont une communauté agricole définie par les liens de résidence tire l’essentiel de sa subsistance ». D’après P. PELISSIER, (1970) « Le terroir est une portion de territoire appropriée, aménagée et utilisée par le groupe qui y réside et en tire ses moyens d’existence ». Tsarahonenana est un village du Vakinankaratra, une région intermédiaire entre le pays merina et betsileo, qui constitue la partie centrale de la dorsale nord-sud de l’île, dont la principale ligne de crête court à plus de 2000 mètres à Tsiafajavona. Avec une superficie de 250 hectares, à 1643 mètres d’altitude, Tsarahonenana se trouve à environ 9 kilomètres au nord-ouest de la grande plaine d’Ambohibary, qui est une ancienne cuvette lacustre d’environ 3 000 hectares, située à 130 kilomètres au sud d’Antananarivo et à 1650 m d’altitude, au sud du massif de l’Ankaratra. Le terroir fait partie de la commune rurale de Mandrosohasina dans le fivondronana d’Antsirabe II, région du Vakinankaratra. Tsarahonenana se présente comme un alignement de 3 hameaux de base étroitement familiale, composés de 15 à 25 cases chacun et constitué du nord au sud par :
• Antorobe sud
•Ambony avaratra
• Ambany atsinanana
L’étude a été entreprise pour la première fois par Joël BONNEMAISON en 1965, ensuite, elle a été reprise par Chantal BLANCPAMARD et Hervé RAKOTO RAMIARANTSOA, dans le cadre d’une réactualisation en 1992.
Genèse de la mobilité à Tsarahonenana
Etapes de peuplement du Vakinanankaratra
Le Vakinankaratra est une région volcanique qui apparaît comme un « no man’s land», situé entre deux foyers de peuplement merina et betsileo jusqu’au XVIIIe siècle. Ces deux ethnies formaient les deux principaux royaumes des Hautes Terres de la Grande île. Ankaratra est resté durant de longues années, un massif pratiquement inhabité. A l’origine, la plaine d’Ambohibary n’était qu’un vaste marécage, c’était un milieu répulsif à cause de son insalubrité. Cette vaste plaine où passent des vents d’altitude, est soumise aux contraintes d’un hivernage rigoureux. L’implantation humaine y était difficile.
A la fin du XVIIIe siècle un roi, Andrianonifonimanjakatany, originaire de la région d’Alasora, chassé au cours d’une lutte pour le pouvoir, aurait décidé de migrer dans le Vakinankaratra. Il a emmené avec lui deux de ses sœurs et plusieurs andriana munis de leurs « andevo » respectifs. Ces derniers aménageaient sans difficulté les parties centrales de la plaine encore marécageuse. Certains « andriana » se sont installés respectivement dans la plaine d’AmbohibarySambaina et à Mandrosohasina. Au XIXe siècle, le roi Andrianampoinimerina conquiert le Vakinankaratra et y fonda le « 6e toko » (1787-1810) de l’Imerina. Ce nouveau «toko» ainsi que le toko Vonizongo sont situés sur les extrémités de l’Imerina en situation marginale par rapport aux 4 toko centraux : Avaradrano – Marovatana – Ambodirano –Vakinisisaony et ne participaient que symboliquement à certains aspects essentiels de la politique centrale ( impôt en argent ou en nature, prémices de récoltes, corvée, contribution en argent au moment de la fête de bain royal : le Variraiventy, 1/720e de piastre). A partir du règne de Radama Ier (1810-1828), le roi, avec l’appui des anglais aurait réalisé l’unité de la grande île. Cette conquête ne fut possible que grâce à un développement de l’appareil de l’Etat par la création d’une véritable armée. L’accession au trône de Ranavalona Ière (1828-1861) est caractérisée par le départ des missionnaires et les persécutions contre les chrétiens. La masse paysanne est de plus en plus écrasée : l’impôt foncier s’était alourdi, la corvée nuisait aux travaux des champs. Pour eux, s’éloigner du centre permettait d’éviter de subir les exigences du pouvoir.
A partir de là, commence la première migration forcée dans le Vakinankaratra, fuyant les oppressions diverses. Une des plus vastes régions ouvertes à cette colonisation massive fut le sud de l’Imerina y compris Tsarahonenana.
Occupation de Tsarahonenana
La première implantation humaine dans le village de Tsarahonenana daterait de 1860, correspondant à la fin du règne de Ranavalona Ière . Selon J. BONNEMAISON, une famine généralisée et une épidémie de typhus auraient poussé de nombreux paysans du sud de l’Imerina pour s’installer à Tsarahonenana à l’époque. Rainiketamanga, originaire de l’Est d’Arivonimamo, fut le premier de ces pionniers. Ensuite, vient Rainitsara qui s’établit un peu plus haut au sommet de l’éperon rocheux dans un lieu appelé « Vaingaindrano » qui signifie « l’eau difficile à trouver, puis quatre autres familles de la même région. Sur le conseil de l’un d’eux, les habitants choisirent un nouveau nom pour leur village, désormais appelé « Tsarahonenana » , qui veut dire «là où il fait bon à habiter ».
Ensemble, ils formaient les six ancêtres fondateurs du village, en majorité pratiquant la religion catholique. En 1992, le village est composé de trois hameaux pluri lignagers, onze lignages constituent le terroir . En 2004, il n’en reste que huit, qui sont :
– Rainiketamanga,
– Rainiketakaramiadana,
– Rainingorifotsy,
– Ramanindriarivo,
– Rainimanana,
– Rainikotokely,
– Rainiatoandro,
– Rangahamasina.
Les premiers occupants considéraient la région du Vakinankaratra comme un refuge temporaire pour fuir l’oppression du pouvoir central alors qu’ils savaient que la rigueur de la température de la saison sèche ne faciliterait pas l’implantation humaine et aurait des mauvaises répercussions sur l’agriculture . La colonisation au début timide, prit de l’ampleur au fur et à mesure que la conquête merina se raffermissait. Chaque crise qui, tout au long du XIXe siècle, agita les Hauts Plateaux merina qu’elle soit naturelle, politique ou épidémique, ne fait qu’accroître l’émigration vers les montagnes du sud, incluant Tsarahonenana.
L’arrivée des troupes françaises et l’insurrection des menalamba à la fin du XIXe siècle provoquèrent en particulier des troubles graves qui contribuèrent à peupler l’Ankaratra. Actuellement, le Vakinankaratra figure parmi la région la plus peuplée des Hautes Terres malgaches. Il comptait 1 589 810 habitants en 2004. Est-ce le cas pour Tsarahonenana ? Les éléments physiques du terroir constitueraient-ils un atout qui pourrait justifier le choix de ces pionniers ?
Cadre naturel contraignant
Le terroir qui présente une unité physique tout à fait remarquable, est délimité au nord et au sud par deux vallées latérales, à l’ouest par un éperon montagneux de direction sud ouest – nord ouest, au pied duquel s’étend une dépression marécageuse dont la limite orientale est la rivière de l’Ilempona .
Morphologie et types de sol
Le relief est composé :
– d’une planèze, constituée d’un épanchement de basalte qui forme un éperon montagneux, où était localisé l’ancien site de Tsarahonenana. Elle est découpée par 2 vallées adjacentes. Les éruptions volcaniques ont créé cette unité originale, par son altitude, qui forme la masse principale de l’Ankaratra, datant de l’ère tertiaire.
– Au pied de l’éperon s’est formée une cuvette d’inondation traversée par le cours d’eau de l’Ilempona. Lors des périodes de crue, la rivière déborde et dépose des alluvions : les éléments grossiers se déposent sur les berges, alors que les éléments fins s’accumulent dans la dépression qui forme la cuvette de décantation.
Ces deux unités associées au climat tropical donnent naissance à des sols issus du socle ancien :
• des sols ferrallitiques : le sommet de la montagne est le domaine des sols rouges, volcaniques et le versant des sols bruns ferrallitiques.
• des sols hydromorphes de bas-fonds où chaque année se déposent des matériaux fins charriés par la crue.
Les sols de Tsarahonenana sont fertiles et meubles. Ils sont sensibles à l’érosion en ravines ou pluviale que facilite la pente raide des montagnes ceinturant la plaine où s’accumulent des matériaux grossiers lors de la période de forte pluie.
Climat
Le relief très accidenté joue un rôle important sur le microclimat de Tsarahonenana. Comme pour l’ensemble des Hautes Terres malgaches. Tsarahonenana présente un climat tropical d’altitude. L’année y est caractérisée par l’alternance de deux saisons climatiques contrastées. En hiver, enregistrée au poste météorologique d’Ambohibary, la température moyenne annuelle oscille autour de 15°8, en juillet et en août. Elle est due à la situation en altitude (à plus de 1640 mètres) qui entraîne la formation de brumes et de crachins matinaux, parfois accompagnés de gel. La continentalité y est bien marquée. L’évapotranspiration potentielle de Thorntwaite accuse une moyenne annuelle de l’ordre de 750mm à Ambohibary. Durant l’été, de novembre à mars, la température moyenne du mois le plus chaud (décembre ou janvier) est de 23°C , à Ambohibary. La pluviométrie moyenne annuelle est de l’ordre de 1544 mm. Avec 169 jours de pluies annuelles, janvier est le mois le plus arrosé. Une chute de grêle accompagne parfois des averses orageuses. Quatre mois sont relativement secs de juin à septembre. Située dans la Zone de Convergence Intertropicale, la région du Vakinankaratra est soumise à la rencontre de l’alizé venu du sud-est et de la mousson, vent du nord-ouest.
Des cyclones tropicaux, phénomènes météorologiques, occasionnent parfois des dégâts continuels, à l’exemple d’Elita et Gafilo qui ont ravagé la région l’année 2002.
Hydrographie
La région est drainée par un cours d’eau : l’Ilempona, qui a un tracé rectiligne de direction nord-sud. C’est un affluent de l’Onive qui se jette dans l’Océan indien. L’Ilempona déborde chaque année et inonde de vastes surfaces dominées par le lit surélevé de la rivière. Une rectification du cours de l’Ilempona par recoupement de ses méandres a été réalisée en 1982, pour réduire l’effet de l’inondation. La canalisation a permis de drainer des parties marécageuses.
Végétation
La végétation primaire a totalement disparu. Ce sont les reboisements de pins qui dominent dans la partie ouest du terroir, avec des sous-bois de mimosas et quelques bosquets d’eucalyptus, plantés par le « fokonolona ». La présence de ces forêts artificielles atténue l’érosion causée par les eaux de ruissellement. Les formes de dégradation du maquis de mimosas se présentent par la formation de pseudo-steppes, constituées essentiellement d’Helichrysium (rambiazina) , d’Aristida (horona) et d’Hyparrhenia rufa (vero). Les types de sol offrent des perspectives agricoles prometteuses pour les paysans, mais le climat constitue une menace qui pèse sans cesse sur le terroir. Ces caractères physiques vont-ils se répercuter sur l’évolution de la population à Tsarahonenana ?1.3. Eléments caractéristiques d’une population rurale malgache
Croissance démographique
En 2004, le taux de natalité atteignant 30%0 à Tsarahonenana s’explique par :
– l’amélioration du service sanitaire
– les paysans font fi des pratiques malthusiennes
– la plupart des enfants sont nés hors du village, généralement à Mandrosohasina, à Ambohibary , parfois à Antananarivo.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIER PARTIE : LES FACTEURS DE LA MOBILITE A TSARAHONENANA
1 CHAPITRE 1 :LES ELEMENTS DETERMINANTS DE LA MOBILITE
1.1 Genèse de la mobilité à Tsarahonenana
1.1.1 Etapes de peuplement du Vakinankaratra
1.1.2 Occupation de Tsarahonenana
1.2 Cadre naturel contraignant
1.2.1 Morphologie et types de sol
1.2.2 Climat
1.2.3 Hydrographie
1.2.4 Végétation
1.3.1 Croissance démographique
1.3.2 Structure de la population
1.4 Système de production en crise
1.4.1 Utilisation des sols
1.4.1.1 Exploitation des surfaces rizicoles
1.4.1.2 Essais d’intensification
1.4.1.3 Rendements en dent de scie
1.4.1.4 Le revenu rizicole
1.4.1.5 Les cultures de contre-saison
1.4.1.6 Cultures pluviales
1.4.1.7 Surface boisée
1.4.2 Elevage
1.4.2.1 Elevage bovin
1.4.2.2 Elevage porcin
1.4.2.3 Aviculture
1.5 Budgets paysans
1.6 La vie communautaire
COCNCLUSION PARTIELLE
DEUXIEME PARTIE : MOBILITES PAYSANNES ET INNOVATIONS A TSARAHONENANA
CHAPITRE 2 : TYPES DE MOBILITE
2.1 Mobilités occasionnelle
2.1.1. Services administratifs et sociaux
2.1.2 Commercialisations des produits agricoles
2.1.3. Le gardiennage
2.1.4 La scolarisation
2.2 Mobilité saisonnière
2.2.1. Salariat agricole
2.1.1. Constructions diverses
2.1.2. Andranomangamanga : transhumance
2.1.3. Revenus tirés de la mobilité occasionnelle et/ou saisonnière dans le terroir en 2004
2.2. Mobilité de plus longue durée
2.2.1. Occupation permanente
2.2.2. Processus d’information
3. CHAPITRE 3 : INNOVATIONS
3.1. Sur le plan agricole
3.1.1. Adoption d’un nouveau système de culture pour le riz irrigué
3.1.2. Introduction du riz pluvial
3.1.3. Spécialisation dans la filière pomme de terre
3.2. En matière d’élevage
3.2.1. Spécialisation dans le filière lait
3.2.2. Embouche bovine
3.2.3. Extension des cultures fourragères
3.3. Sur la vie sociale et communautaire
3.3.1. Crédit agricole
3.3.2. Tremplin pour le développement rural
3.3.2.1.Création d’une nouvelle forme de commerce
3.3.2.2.Amélioration d’habitations
3.3.2.3. Scolarisation
3.3.3. Amélioration du système de transport
3.3.3.1.Utilisation des Moyens Intermédiaires de Transports
3.3.3.2.Réhabilitation des pistes
3.4. Bilan des innovation sen milieu rural
3.4.1. Succés et échecs
3.4.2. Inégalités d’ouvertures aux innovations
COCNCLUSION PARTIELLE
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES